Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 28 juin 2016 à 15h00
Égalité et citoyenneté

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, le choc est considérable et, chacun le comprend bien, historique : pour la première fois depuis le début de la construction européenne, un peuple, le peuple britannique, a décidé de quitter l’Union. On croit toujours les choses acquises et que ce qui a été fait ne peut être défait. Combien de fois avons-nous entendu parler de l’irréversibilité de la construction européenne !

C’était sans compter sur l’histoire. Elle s’invite quand elle veut, et surtout quand les peuples le décident ; quand les peuples rappellent à tous ceux qui leur disent : « Vous n’avez pas le choix », « Il n’y a pas de plan B », qu’eux seuls sont souverains. Les Britanniques se sont exprimés. Il faut respecter ce choix démocratique. Il s’impose à nous tous.

Dès lors, l’alternative est simple : soit on fait comme toujours, en évitant l’évidence, en essayant simplement de colmater les brèches, avec des petits arrangements ; soit nous prenons enfin notre courage à deux mains, nous allons au fond des choses, nous faisons de ce choc un électrochoc et une opportunité. Car l’erreur historique serait de croire que ce référendum ne regarde que les Britanniques. Non ! C’est de l’avenir de chacun des peuples de l’Union qu’il s’agit, donc aussi, et avant tout, de celui du peuple français. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité venir s’exprimer devant vous, en plein accord avec vous, monsieur le président de l’Assemblée nationale, et à votre demande.

Parce que je crois profondément à l’Europe, par mes racines, mes origines et mes convictions, je refuse que ce grand dessein dérive. Je refuse qu’il chavire et sombre, entraîné par le poids grandissant des populismes. Je refuse que nous cédions au fatalisme, au pessimisme. Je refuse que nous subissions. Pour cela, chacun – et j’y prends ma part – doit réinterroger ses certitudes et se remettre en question.

Je sais bien que certains diront que le résultat de ce référendum n’est pas surprenant. Après tout, le Royaume-Uni a toujours eu une relation « particulière » à l’Europe : un pied dedans, un pied dehors, comme on a coutume de dire. Cette analyse serait fatale. Le vote de jeudi dernier révèle quelque chose de beaucoup plus profond. L’heure n’est plus à la prudence diplomatique. Il faut – permettez-moi l’expression – crever l’abcès.

Ce vote montre, d’une certaine manière, le malaise des peuples. Ils doutent depuis longtemps de l’Europe. Ils ne comprennent pas ce qu’elle fait, ne voient pas ce qu’elle leur apporte. Pour eux, l’Europe est envahissante sur l’accessoire et absente sur l’essentiel. Pis, ils ont le sentiment qu’elle impose ses choix et joue systématiquement contre leurs intérêts. Le slogan des pro-brexit – « reprendre le pouvoir » – dit très clairement les choses. On ne peut pas l’ignorer. L’Europe se fera avec les peuples. Sinon, elle se disloquera.

Une fois ce constat posé, que faut-il faire ? Ma conviction, c’est que cette crise, comme toutes les crises, est l’occasion d’une grande transformation. Comme au cours de ces dernières années, chaque fois que l’essentiel est en jeu sur l’Europe, la France se doit de répondre présente. C’était vrai, il y a un an, lorsqu’il a fallu sauver la Grèce et convaincre nos partenaires qu’elle devait rester dans la zone euro.

Je n’oublie pas que certains voulaient sceller le destin de ce grand pays d’un revers de main. Certains voulaient faire sortir un pays membre de la zone euro, oubliant le principe même de solidarité. La suite des événements leur a donné tort. Même si tout n’est pas réglé, ce pays, aujourd’hui, se porte mieux et en est reconnaissant à la France. Sauver la Grèce, c’était déjà sauver l’Europe !

Il y a un an, la France, par la voix du chef de l’État, était dans son rôle. Elle le sera, une nouvelle fois, aujourd’hui. Parce que nous sommes la France, un pays respecté, écouté et entendu ! Parce que nous sommes un pays fondateur ! Parce qu’avec l’Allemagne, conscients de nos responsabilités, nous voulons défendre et réinventer l’Europe, notre horizon commun – le Président de la République l’a rappelé hier soir avec la Chancelière allemande et le président du Conseil italien. Parce que nous savons que c’est l’Union qui nous renforce et la désunion qui nous affaiblit.

Je mets d’ailleurs en garde ceux qui croient qu’on renforcera notre souveraineté nationale en tirant un trait sur l’Europe ; ceux qui pensent qu’on s’en sortira mieux dans la mondialisation, qu’on traitera mieux la crise migratoire, qu’on combattra mieux le terrorisme en agissant seuls, en se privant d’appuis, dans le seul cadre de nos frontières nationales. Rien n’est plus faux !

Mais, être européen, aujourd’hui et demain, c’est respecter le choix des peuples. C’est vouloir peser sur le cours des choses. Chacun se rappelle ces mots de François Mitterrand : « La France est notre patrie, l’Europe notre avenir. » Être européen, ce n’est pas trahir la France. C’est, au contraire, l’aimer et la protéger.

Depuis plusieurs jours, le Président François Hollande est à l’initiative.

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