Séance en hémicycle du 28 juin 2016 à 15h00

Résumé de la séance

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  • frontière
  • peuple
  • service civique
  • volontaire

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les suites du référendum britannique et la préparation du Conseil européen, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, le choc est considérable et, chacun le comprend bien, historique : pour la première fois depuis le début de la construction européenne, un peuple, le peuple britannique, a décidé de quitter l’Union. On croit toujours les choses acquises et que ce qui a été fait ne peut être défait. Combien de fois avons-nous entendu parler de l’irréversibilité de la construction européenne !

C’était sans compter sur l’histoire. Elle s’invite quand elle veut, et surtout quand les peuples le décident ; quand les peuples rappellent à tous ceux qui leur disent : « Vous n’avez pas le choix », « Il n’y a pas de plan B », qu’eux seuls sont souverains. Les Britanniques se sont exprimés. Il faut respecter ce choix démocratique. Il s’impose à nous tous.

Dès lors, l’alternative est simple : soit on fait comme toujours, en évitant l’évidence, en essayant simplement de colmater les brèches, avec des petits arrangements ; soit nous prenons enfin notre courage à deux mains, nous allons au fond des choses, nous faisons de ce choc un électrochoc et une opportunité. Car l’erreur historique serait de croire que ce référendum ne regarde que les Britanniques. Non ! C’est de l’avenir de chacun des peuples de l’Union qu’il s’agit, donc aussi, et avant tout, de celui du peuple français. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité venir s’exprimer devant vous, en plein accord avec vous, monsieur le président de l’Assemblée nationale, et à votre demande.

Parce que je crois profondément à l’Europe, par mes racines, mes origines et mes convictions, je refuse que ce grand dessein dérive. Je refuse qu’il chavire et sombre, entraîné par le poids grandissant des populismes. Je refuse que nous cédions au fatalisme, au pessimisme. Je refuse que nous subissions. Pour cela, chacun – et j’y prends ma part – doit réinterroger ses certitudes et se remettre en question.

Je sais bien que certains diront que le résultat de ce référendum n’est pas surprenant. Après tout, le Royaume-Uni a toujours eu une relation « particulière » à l’Europe : un pied dedans, un pied dehors, comme on a coutume de dire. Cette analyse serait fatale. Le vote de jeudi dernier révèle quelque chose de beaucoup plus profond. L’heure n’est plus à la prudence diplomatique. Il faut – permettez-moi l’expression – crever l’abcès.

Ce vote montre, d’une certaine manière, le malaise des peuples. Ils doutent depuis longtemps de l’Europe. Ils ne comprennent pas ce qu’elle fait, ne voient pas ce qu’elle leur apporte. Pour eux, l’Europe est envahissante sur l’accessoire et absente sur l’essentiel. Pis, ils ont le sentiment qu’elle impose ses choix et joue systématiquement contre leurs intérêts. Le slogan des pro-brexit – « reprendre le pouvoir » – dit très clairement les choses. On ne peut pas l’ignorer. L’Europe se fera avec les peuples. Sinon, elle se disloquera.

Une fois ce constat posé, que faut-il faire ? Ma conviction, c’est que cette crise, comme toutes les crises, est l’occasion d’une grande transformation. Comme au cours de ces dernières années, chaque fois que l’essentiel est en jeu sur l’Europe, la France se doit de répondre présente. C’était vrai, il y a un an, lorsqu’il a fallu sauver la Grèce et convaincre nos partenaires qu’elle devait rester dans la zone euro.

Je n’oublie pas que certains voulaient sceller le destin de ce grand pays d’un revers de main. Certains voulaient faire sortir un pays membre de la zone euro, oubliant le principe même de solidarité. La suite des événements leur a donné tort. Même si tout n’est pas réglé, ce pays, aujourd’hui, se porte mieux et en est reconnaissant à la France. Sauver la Grèce, c’était déjà sauver l’Europe !

Il y a un an, la France, par la voix du chef de l’État, était dans son rôle. Elle le sera, une nouvelle fois, aujourd’hui. Parce que nous sommes la France, un pays respecté, écouté et entendu ! Parce que nous sommes un pays fondateur ! Parce qu’avec l’Allemagne, conscients de nos responsabilités, nous voulons défendre et réinventer l’Europe, notre horizon commun – le Président de la République l’a rappelé hier soir avec la Chancelière allemande et le président du Conseil italien. Parce que nous savons que c’est l’Union qui nous renforce et la désunion qui nous affaiblit.

Je mets d’ailleurs en garde ceux qui croient qu’on renforcera notre souveraineté nationale en tirant un trait sur l’Europe ; ceux qui pensent qu’on s’en sortira mieux dans la mondialisation, qu’on traitera mieux la crise migratoire, qu’on combattra mieux le terrorisme en agissant seuls, en se privant d’appuis, dans le seul cadre de nos frontières nationales. Rien n’est plus faux !

Mais, être européen, aujourd’hui et demain, c’est respecter le choix des peuples. C’est vouloir peser sur le cours des choses. Chacun se rappelle ces mots de François Mitterrand : « La France est notre patrie, l’Europe notre avenir. » Être européen, ce n’est pas trahir la France. C’est, au contraire, l’aimer et la protéger.

Depuis plusieurs jours, le Président François Hollande est à l’initiative.

Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Il a d’abord souhaité rencontrer les présidents des deux assemblées, puis les chefs de partis. Il s’est ensuite entretenu avec les présidents du Conseil européen et du Parlement européen. Il s’est entretenu avec la Chancelière allemande, le président du Conseil italien et nombre de ses homologues. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, le secrétaire d’État aux affaires européennes, Harlem Désir, et le ministre des finances, Michel Sapin, multiplient les contacts.

« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le chef de l’État sera, aujourd’hui et demain, au Conseil européen. Il y tiendra un discours de fermeté vis-à-vis des Britanniques. Non pas que nous voudrions les punir ! Ce serait absurde, car le Royaume-Uni est et restera un grand pays ami à qui nous devons tant. Dans trois jours, nous célébrerons ensemble le centenaire de la Bataille de la Somme. Et, bien sûr, nous continuerons de coopérer, en particulier en matière de défense, de gestion migratoire ou sur le plan économique.

Mais l’Europe a besoin de clarté. Soit on sort, soit on reste dans l’Union ! Je comprends que le Royaume-Uni veuille défendre ses intérêts, mais l’Europe doit aussi se battre pour les siens. Depuis janvier 2013, elle est suspendue à la décision britannique. Nous avons fait preuve de patience et de compréhension. Dorénavant, l’entre-deux, l’ambiguïté ne sont plus possibles, parce que nous avons besoin de stabilité, et pas seulement pour les marchés financiers. Ce n’est pas le parti conservateur britannique qui doit imposer son agenda.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Soyons clairs ! Comme le Parlement européen l’a demandé ce matin, le Royaume-Uni doit activer le plus tôt possible la clause de retrait de l’Union européenne, prévue dans le traité de Lisbonne, pour éviter à chacun une incertitude qui serait préjudiciable et protéger l’intégrité de l’Union. Il n’y a pas de temps à perdre. Il n’y aura pas de négociations tant que l’article 50 ne sera pas déclenché. Si les Britanniques veulent garder un accès au marché unique, il leur faudra alors respecter l’intégralité des règles. La France tiendra un langage de fermeté, mais elle doit aussi tenir un langage de vérité.

Il faut inventer une nouvelle Europe. Inventer, c’est-à-dire passer à une nouvelle grande étape. Il y a eu la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, puis, pendant la guerre froide, la consolidation et l’élargissement. Nous avons accueilli de jeunes démocraties : la Grèce, l’Espagne et le Portugal. Après la chute du Mur de Berlin, nous avons oeuvré à la réunification du continent.

Les acquis historiques de la construction européenne, à laquelle la France a toujours pris une part essentielle, sont irremplaçables. Et la France est garante du maintien de ces acquis. Malgré la paix, malgré les formidables échanges économiques et culturels, malgré la création d’une monnaie unique à laquelle les Français sont attachés, malgré Airbus, Ariane ou Erasmus, malgré tout cela, une fracture s’est ouverte, qui n’a cessé de grandir.

Cette fracture a des causes profondes. Ce n’est pas uniquement une question de normes tatillonnes. C’est aussi une question de souveraineté démocratique et d’identité. D’identité, car les peuples ont l’impression que l’Europe veut diluer ce qu’ils sont et ce que des siècles d’histoire ont façonné. Or, une Europe qui nierait les nations – Philippe Séguin l’avait prédit avec une grande lucidité (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains) – ferait simplement le lit des nationalismes. Ce modèle au-dessus des nations, niant les particularités de chacun, serait un échec, et certains ont laissé croire qu’il était le seul possible.

C’est une question d’identité, mais une question aussi de souveraineté et de démocratie. Nous avons cru pouvoir agrandir, élargir, à marche forcée ; que les « non » seraient oubliés grâce à « plus d’Europe » ; que les référendums pouvaient être contournés ; que le rejet croissant de l’Europe se soignait uniquement par de la pédagogie.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Avouons-le : depuis 2005, nous avons évité les vrais débats. Et nous avons laissé les populismes proférer leurs mensonges et installer l’idée que « construction européenne » et « souveraineté nationale » étaient incompatibles. Nous devons donc reprendre la main, retrouver les sources de l’adhésion au projet européen, et surtout réinventer les causes de l’adhésion, en répondant à ces questions : Pourquoi sommes-nous européens ? Quel est notre projet collectif ? Quel intérêt avons-nous à être ensemble ? Pour défendre quelles valeurs ?

L’Europe – je crois, mesdames, messieurs les députés, que nous partageons cette conviction –, c’est une culture, c’est une histoire commune, c’est la démocratie, c’est le continent de la conquête des libertés. Ce sont des valeurs partagées : l’égalité entre les femmes et les hommes, une exigence quant à la dignité de la personne. C’est l’aspiration à l’universalité, à la défense de la nature et de la planète. En un mot, l’Europe, c’est une civilisation, une identité multiséculaire, qui a des racines profondes – philosophiques, spirituelles, religieuses. Cette identité n’est pas monolithique ; elle est diverse. Chacun de nos pays a ses propres caractéristiques.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Seule une Union peut les protéger face à la concurrence de pays continents. L’Europe, c’est notre interface avec le monde. Elle doit être une protection quand nous en avons besoin. Elle doit aussi démultiplier nos forces, nous permettre de peser plus que si nous étions seuls. Tout cela, c’est le sens des initiatives que la France entend porter.

D’abord, il s’agit de mettre les enjeux de sécurité au coeur de l’Union. La menace terroriste et la crise migratoire mettent l’espace Schengen à l’épreuve, et nous devons en reprendre le contrôle. Dans un monde dangereux, instable, parfois chaotique, si l’Europe ne protège pas, elle n’est rien. Grâce à la France, beaucoup a déjà été fait : fichier Passenger Name Record – PNR – européen, encadrement de la circulation des armes.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Il faut aller plus loin et vraiment maîtriser nos frontières extérieures, pas en sortant de Schengen, mais en le réformant profondément, en agissant pour que les règles régissant cet espace soient appliquées fermement. Oui, l’Europe a des frontières. Une frontière, ce n’est pas seulement une réalité matérielle, géographique ou historique ; c’est aussi une réalité symbolique, qui nous définit, qui dit ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas, qui dit où l’Europe commence et où elle s’arrête. L’Europe, ce n’est pas un ensemble indéfini, ouvert aux quatre vents.

L’Europe doit également assumer un effort de défense digne de ce nom et être capable d’intervenir à l’extérieur, comme le fait la France, parfois seule, d’autant que les États-Unis se désengagent de plus en plus. Il ne faut plus hésiter. C’est d’abord cela que la France entend porter auprès de ses partenaires : l’Europe de demain doit être protectrice.

Et puis l’Europe doit mieux s’imposer – et sans doute le mot est-il faible – en protégeant l’intérêt des Européens. Cessons là aussi la naïveté !

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Les États tiers comme la Chine, l’Inde ou les États-Unis défendent, bec et ongles, leurs intérêts partout dans le monde ; et nous, nous ne le ferions pas ? Changeons d’état d’esprit, dans tous les domaines : économique, industriel, financier, commercial, agricole avec notamment la filière laitière, mais aussi culturel, environnemental et social ! L’Europe ne doit plus être perçue comme le cheval de Troie – pour ne pas dire le dindon de la farce – de la mondialisation. Elle doit protéger ses intérêts, ses travailleurs, ses entreprises. Je pense notamment – c’est d’actualité – au secteur de l’acier qui représente des milliers d’emplois en France.

Nous devons faire preuve de la même fermeté par la négociation du traité transatlantique, le Tafta. Il faut dire les choses : ce texte, qui ne fait droit à aucune de nos demandes, que ce soit sur l’accès aux marchés publics ou sur les indications géographiques, n’est pas acceptable.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous ne pouvons pas ouvrir plus grand les portes de notre marché aux entreprises américaines, alors qu’elles continuent à barrer l’accès aux nôtres. L’Europe, c’est 8 % seulement de la population mondiale, mais c’est une force économique et commerciale.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Pour conserver son rang, faire entendre sa voix, peser face aux grands ensembles, bâtir une relation forte et stratégique avec l’Afrique, ce continent d’avenir, défendre son exception culturelle, elle doit s’affirmer comme la puissance qu’elle est, en s’en donnant tous les moyens. L’Europe, le Président de la République l’a dit en des termes très forts dès vendredi, doit être une puissance qui décide souverainement de son destin. Pour cela, elle doit investir massivement pour la croissance et pour l’emploi, bâtir une stratégie industrielle dans les nouvelles technologies, la révolution numérique et la transition énergétique. Le plan Juncker est d’ores et déjà un succès. Rien qu’en France, il a permis de financer des projets à hauteur de 14,5 milliards d’euros. Il faut aller plus loin et plus vite, doubler ce plan, démultiplier les investissements pour soutenir la croissance, car il y a urgence. Il faut encore poursuivre l’harmonisation fiscale et sociale – et par le haut ! – pour donner à nos économies des règles et à nos concitoyens des garanties.

Certains disent que c’est impossible, mais enfin ce que nous avons réussi pour le secret bancaire, pour un socle commun de droits sociaux, nous pouvons aussi le faire contre toutes les formes de dumping qui rongent le projet européen de l’intérieur. Avec la mise en place d’un salaire minimum, avec la lutte contre la fraude au détachement des travailleurs ! Cette fraude, pour ne prendre que cet exemple, c’est s’asseoir sur les règles les plus fondamentales des droits des salariés : rémunération, temps de travail, hébergement. Et l’Europe resterait impuissante ? Non ! Si on ne le fait pas, c’est un des piliers du traité de Rome – la libre circulation des travailleurs – qui sera balayé. C’est pourquoi il faut modifier en profondeur la directive de 1996. La Commission l’a proposé ; à nous de l’adopter sans négliger les obstacles. Sinon, nous devons prendre nos responsabilités.

Enfin, nous devrons renforcer la zone euro et sa gouvernance démocratique. Dès mon discours de politique générale, en avril 2014, j’avais demandé une Banque centrale européenne plus active. Beaucoup a été fait, le plus souvent à notre initiative : la zone euro est plus puissante et résistante qu’en 2008. Mais il doit y avoir plus de convergence entre les États membres et plus de légitimité dans les décisions prises. C’est pourquoi il faut à la fois un budget et un Parlement de la zone euro.

Il faut donc réinventer l’Europe, mais il faut aussi une nouvelle manière de faire l’Europe. En donnant le sentiment d’intervenir partout, tout le temps, l’Europe s’est affaiblie. L’Europe doit être offensive là où son efficacité est utile, mais elle doit savoir s’effacer quand les compétences doivent rester au niveau national, voire régional. Le Président Juncker en est convaincu, mais cette nouvelle philosophie est loin d’avoir pénétré tous les esprits à Bruxelles ou ailleurs. Il est grand temps de dépasser les oppositions stériles. L’Europe, ce n’est pas la fin des États ; c’est l’exercice en commun des souverainetés nationales lorsque c’est plus efficace, lorsque les peuples le choisissent. Comme l’avait déjà dit Jacques Delors, c’est une fédération d’États-nations. Et le rôle de la France est d’entraîner les nations. Un exemple : si la France s’est battue pour une mise en oeuvre rapide des gardes-frontières, c’est parce que nous savons que la souveraineté de notre pays, que la maîtrise opérationnelle de nos frontières doit commencer à Lesbos ou à Lampedusa.

Il faut aussi une Europe qui décide vite. Elle sait le faire, comme l’ont montré les négociations en un temps record du plan Juncker. Et s’il faut mener à quelques-uns ce que les vingt-sept ne sont pas prêts à faire, eh bien faisons-le ! Sortons des dogmes. L’Europe, ce n’est pas l’uniformité ; il y a des différences.

Enfin, le débat démocratique européen doit impérativement gagner en qualité, en profondeur. C’est aussi une leçon du scrutin britannique : à force de ne pas parler d’Europe, les populistes n’ont aucune difficulté à raconter n’importe quoi, à se tromper, et je crois que les Britanniques s’en rendent compte aujourd’hui.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est grave pour l’Europe et c’est fatal pour la démocratie. L’Europe ne peut pas se résumer aux États qui rendent des comptes sur la gestion de leurs budgets. Il faut bien sûr des règles, et la France les respecte ; mais attention à cette image d’une Europe punitive, acquise aux thèses ultralibérales et à l’austérité budgétaire. C’est cela aussi que nos concitoyens rejettent et ils ne comprendraient pas si le seul message de la Commission européenne dans les prochains jours était de sanctionner l’Espagne et le Portugal. C’est de cela que nous ne voulons plus.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La Nation, c’est aussi sa représentation nationale.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Celle-ci doit avoir son mot à dire. Je souhaite donc que les instances européennes puissent rendre beaucoup plus compte de leur action devant les parlementaires nationaux. Et vous devez aussi vous saisir pleinement des instruments de contrôle que l’Europe met à votre disposition. Je salue la constitution, à l’initiative du président Claude Bartolone, qui la présidera, d’une mission d’information sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le Gouvernement souhaite bien évidemment associer au maximum le Parlement à ces questions et se tient à disposition de l’Assemblée nationale comme du Sénat. Il faut un changement de culture : les affaires européennes sont des affaires intérieures ! Beaucoup de propositions sont aujourd’hui sur la table. Certains suggèrent une nouvelle convention, une commission ou un travail avec des sages. Il faudra sans doute choisir une de ces voies.

D’autres n’ont que le mot de référendum à la bouche. Bien sûr qu’il faut donner la parole au peuple ! Mais soyons clairs, ne trompons pas les Français : un référendum ne peut pas être le moyen de se débarrasser d’un problème. Encore moins un moyen détourné de régler des problèmes de politique interne

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

on a vu ce que cela donne de jouer aux apprentis sorciers.

« Notre-Dame-des-Landes !» sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je veux être encore plus clair. Par le référendum, le Front national ne poursuit au fond qu’un seul objectif, désormais dévoilé : faire sortir la France de l’Union européenne et donc de l’histoire. Quelle étrange ambition pour notre pays et quelle vision dévoyée du patriotisme ! Notre rôle de responsables politiques n’est pas de suivre, mais d’éclairer, de montrer le chemin, d’être à la hauteur.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Oui, d’être à la hauteur. La question qui se pose à la France n’est pas de sortir de l’Europe, n’est pas de sortir de l’Union européenne,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…mais de refonder le projet européen. L’élection présidentielle sera aussi l’occasion de trancher ces débats. Moi, je crois que dans ce moment, il faut inventer également des solutions nouvelles pour une co-construction avec les peuples autour de projets et de propositions. Je pense à l’exemple de la COP21, qui a été intéressant. Il faut savoir associer les citoyens de manière régulière. Les parlements européens et nationaux ont bien sûr pleinement leur rôle à jouer.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Prenons un exemple concret : les parlements nationaux – et donc vous-mêmes – devront se prononcer sur le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. La Commission européenne doit l’entendre. Sur ces sujets, la décision de la Nation que vous représentez est incontournable.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Renforcer la Nation, c’est être plus forts pour promouvoir et réinventer le projet européen.

Mesdames, messieurs les députés, il y a l’urgence, à laquelle l’Europe doit faire face dès aujourd’hui : c’est la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ; c’est la sécurité, avec la protection de nos frontières ; c’est bien sûr la croissance et le soutien à l’investissement. Il y a aussi le temps long. Il faut le dire : le processus de refondation de l’Europe prendra du temps. La suite de l’histoire n’est pas écrite. L’Europe a le choix. Soit elle refuse de changer profondément, et les peuples continueront de la fuir ; l’Europe alors sortira de l’histoire. Soit elle est prête à se réformer, à agir pour les peuples, dans le respect de chacun et l’intérêt de tous ; alors elle saura regagner le coeur des Européens.

Changer pour refonder, pour ouvrir à nos enfants un nouvel horizon : c’est la tâche qui nous incombe, qui doit incomber au Parlement et aux forces politiques de ce pays, dans l’unité et en prenant de la hauteur pour affronter les vrais défis qui sont devant nous. Nous le devons à la France, à son peuple profondément européen et aux nouvelles générations. Tel est le choix qui se présente à nous. C’est notre responsabilité de savoir nous en saisir.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, comme beaucoup d’entre nous dans cet hémicycle, je suis un Européen convaincu. Ma génération vit avec l’Europe depuis toujours et, sans même y penser, j’ai fait mienne cette phrase de François Mitterrand : « La France est ma patrie, l’Europe est mon avenir. »

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au début de cette intervention, je tiens à vous dire que j’aurai à coeur, compte tenu de la gravité de la situation de l’Europe, d’écouter avec attention les propos de M. le Premier ministre François Fillon ainsi que de tous les candidats à l’élection présidentielle qui figurent dans vos rangs.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamation sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S’il vous plaît, chers collègues ! Écoutons-nous les uns les autres !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La situation exige que nous fassions preuve d’un minimum de tenue dans nos débats.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais évoquer rapidement trois points. Premier élément, l’idéal européen, le projet européen se sont abîmés au cours de ces dernières décennies. Nous le savions mais l’onde de choc du brexit le souligne davantage encore. Deuxième élément sur lequel j’insisterai, c’est qu’il ne faut pas jouer avec l’Europe à des fins de politique intérieure ; il ne faut pas lancer de bombes à fragmentation dont personne ne peut prévoir les effets. Le troisième enseignement constitue à mes yeux une feuille de route : il faut que l’Union européenne se fasse aimer, qu’elle démontre sa valeur ajoutée, qu’elle se fasse entendre et respecter.

Nous devons faire l’Europe par la preuve : c’est, vous le savez, la position du Président de la République depuis le début de son quinquennat.

Que l’Union européenne s’engage pour la croissance, qu’elle s’engage pour la jeunesse, l’emploi et l’investissement ; qu’elle fasse converger la fiscalité des États membres. Sur tous ces sujets, pas à pas, sommet après sommet, François Hollande a plaidé pour une réorientation de l’Europe.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Eh bien c’est raté !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aujourd’hui, le brexit bouscule les équilibres et la gestion du temps : il faut aller plus loin et plus vite.

J’en viens à mon premier point : le projet et l’idéal européens se sont abîmés au cours des deux dernières décennies. Ce constat, nous le partageons largement et c’est aussi ce qu’a signifié une grande partie du peuple britannique jeudi dernier. Ils ne s’y retrouvent plus, notamment les plus âgés, celles et ceux qui se sentent délaissés et qui ne vivent pas dans les grands centres urbains dynamiques. Nous savons que cette sociologie de la défiance envers l’Europe n’est pas propre à l’Angleterre.

Dans ce contexte, l’invocation de la paix, des valeurs communes, du cadre démocratique, que nous égrenons machinalement les uns et les autres quand nous parlons de l’Union européenne, ne suffit plus. Pour beaucoup, l’Europe est avant tout tatillonne et suspicieuse, intrusive et peu respectueuse des identités et des spécificités, s’occupant de ce qui ne devrait pas la regarder et délaissant ce qui devrait la concerner au premier chef.

Trop de normes, trop de règles, trop de procédures, trop de détails et pas assez de vision : cette « boulimie réglementaire » – expression que j’emprunte à Hubert Védrine – enserre les citoyens et les acteurs économiques dans une toile technocratique sous laquelle s’érode le sentiment d’appartenance à l’Europe et qui éloigne nos concitoyens. Les peuples attendent de l’Union européenne qu’elle se concentre sur l’essentiel et que le principe de subsidiarité, si souvent évoqué, soit pleinement appliqué.

Le principe de solidarité semble lui-même s’être érodé au fil du temps. La concurrence libre et non faussée, qui s’est imposée comme l’épine dorsale de l’Union européenne, oppose les travailleurs les uns aux autres dans une compétition que nous devons désormais moraliser et freiner. Cela aggrave incontestablement la défiance jusqu’à provoquer parfois de la rancoeur.

C’est un fait, mes chers collègues : le tournant libéral qu’a pris l’Union européenne ces deux dernières décennies en a éloigné les peuples.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Faux !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous devons assumer ce constat et en tirer les conséquences pour mener la nécessaire réorientation de l’Europe.

« Moscovici ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour le reste, l’Europe donne souvent l’impression de peiner à agir. La crise de l’euro, la crise des dettes souveraines, la crise grecque, la crise des réfugiés enfin, qui hante l’Europe et nous laisse à tous un sentiment d’amertume et d’impuissance : sur toutes ces questions, l’Europe apparaît bien trop souvent hésitante, incertaine, timorée. Cette impression est souvent injuste, mais c’est elle qui domine et qui s’installe dans l’inconscient collectif européen, pour autant qu’il existe.

Dans la gestion de toutes ces crises, la France a toujours affirmé, par la voix du Président de la République, ce qui était souhaitable et possible. Le résultat, c’est que l’euro n’est plus en danger, les dettes ne sont plus attaquées, la Grèce n’a pas été lâchée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Est-ce vraiment à François Hollande que nous devons tout cela ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question des frontières de l’Union européenne, celle des réfugiés, est celle de l’Europe de tout entière et non pas seulement de quelques pays limitrophes. Pas à pas, nous sortons des ornières que la marche du monde laisse sur notre chemin. Ce n’est pas toujours suffisant mais c’est déjà ça. Les esprits progressent au point que nous devons aujourd’hui aller plus loin.

J’en viens à mon deuxième point : évitons de jouer avec le feu et d’instrumentaliser l’Europe à des fins de politique intérieure. L’exemple anglais est éloquent : le pays semble profondément divisé et l’effet de souffle du brexit atteint jusqu’à l’unité même du royaume. La victoire des partisans du brexit n’entraîne aucune euphorie, au contraire : on perçoit un certain embarras. Le camp du « out » est sonné par ses mensonges et ne manifeste plus qu’un manque d’assurance devant l’immensité de la tâche qu’il lui faut accomplir et les effets potentiellement catastrophiques de la décision qu’il a fait prendre.

J’ose le dire ici : nous avons trop tendance à désigner Bruxelles comme responsable de nos propres errements. Cela ne date pas d’hier mais il est vrai que les compromis européens manquent souvent de souffle, d’audace et d’ambition. Mais c’est le fait des gouvernements ou des chefs des vingt-huit États membres, pas de l’Union européenne en tant que telle ! L’Europe fonctionne ainsi, oscillant depuis quinze ans entre la volonté de s’affirmer comme une puissance mondiale et celle de n’être qu’une simple zone de libre-échange.

Quoi qu’il en soit, elle est aujourd’hui trop vaste pour permettre à tous les États membres d’avancer d’un même pas. C’est pourquoi nous pensons, monsieur le Premier ministre, que la zone euro constitue le niveau le plus pertinent pour agir et que la France doit prendre très vite des initiatives en son sein.

J’en viens à mon troisième point, qui fera office de conclusion : nous devons bâtir l’Europe par la preuve. La semaine dernière, avant même que les Britanniques ne votent, avec mon collègue Thomas Oppermann, président du groupe SPD du Bundestag, nous écrivions qu’il fallait donner du sens à notre projet européen, montrer qu’il est politiquement piloté et mettre en valeur ses réalisations.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Y’en a pas !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’Europe doit montrer ce qu’elle fait ; l’Europe doit montrer ce qu’elle apporte et pour cela elle doit être l’Europe des projets. Aujourd’hui l’Union doit faire face à la question de sa sécurité, notamment celle de ses frontières, qu’elle doit impérativement garantir.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Elle doit lutter contre le réchauffement climatique ; à ce titre, parce qu’elle est constituée des plus anciennes sociétés industrielles du monde, elle a un devoir d’exemplarité et d’excellence. Elle doit miser sur l’investissement, l’innovation, les technologies de demain et ne pas se contenter d’être un cadre de convergence budgétaire et financier. Elle doit favoriser la croissance. Elle doit offrir une perspective exaltante à la jeunesse, à toute la jeunesse d’Europe. Le programme Erasmus, qui existe depuis des décennies, est aujourd’hui bien connu de nos concitoyens. Nous devons à présent créer un Erasmus de l’apprentissage, un Erasmus pour les jeunes en situation d’insertion et de qualification.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

C’est nul ! C’est vraiment pas bon !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous devons assurer leur mobilisation, partout sur le continent européen. Voilà un projet concret, susceptible de permettre aux peuples de s’approprier à nouveau l’idée européenne.

Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En d’autres termes, l’Europe doit y aller, elle doit s’engager, elle doit jouer sa partie. On voit bien qu’il ne s’agit plus de négocier je ne sais quel traité. À quoi bon se réfugier dans une démarche technocratique longue, fastidieuse et incertaine ? Il s’agit de savoir comment l’Union européenne peut répondre aux attentes des peuples et par là même éviter de se disloquer et de s’effacer.

« Blabla » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est essentiel que l’Union européenne retrouve un nouveau souffle. Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le Premier ministre, lorsque vous dites que l’Europe trouvera ce second souffle dans la force des nations qui la composent, dans leur affirmation et dans le respect de chacune d’entre elles. L’Europe n’enlève rien à notre pays ; au contraire, elle lui permet d’affirmer ce qu’il est.

Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’Europe va prendre un nouveau départ, l’histoire va s’écrire à nouveau mais j’ai l’impression que l’histoire européenne se fera une nouvelle fois contre un certain nombre d’entre vous et grâce à la mobilisation du camp des progressistes !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chers collègues, après la crise financière, après la crise des réfugiés, après le terrorisme, voici le choc du brexit, qui peut s’avérer fatal si nous n’agissons pas avec un sens aigu de l’intérêt général européen.

Il serait dangereux, et médiocre, de voir dans le vote britannique la simple rançon d’un populisme insulaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En 2005, le peuple français lui-même n’avait pas hésité à dire non au traité établissant une constitution pour l’Europe. Le mal est profond : on ne le guérira pas à coups d’incantations ni à coups d’intimidations. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

À l’occasion de la ratification du traité de Maastricht, plusieurs d’entre nous – dont je fus – pressentaient les failles d’une construction européenne plus mécanique que politique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet avertissement ne fut pas entendu et progressivement les peuples se sont détachés d’un projet européen qui, à leurs yeux, ne leur garantissait ni la prospérité ni la sécurité des frontières. À tort ou à raison, un sentiment de déracinement est venu étreindre nos sociétés et le réflexe du repli vient maintenant percuter nos démocraties.

De tout cela, on peut accuser les institutions communautaires et leur caractère technocratique. Je ne crains pas de le faire mais il serait juste d’en accuser aussi tous ceux, Gouvernement compris, qui, de façon cynique, n’eurent de cesse d’accuser Bruxelles de tous les maux pour ne pas avoir à les régler eux-mêmes.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – « C’est de Sarkozy que vous parlez ? » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Voilà une attaque inadmissible contre le Président précédent !

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S’il vous plaît, mes chers collègues ! Seul M. Fillon a la parole.

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C’est sur fond de scepticisme et de démagogie électorale que s’est déroulé le référendum britannique. Je regrette ce vote mais nous devons le méditer parce que ce qui s’est passé au Royaume-Uni aurait pu se passer ailleurs.

L’urgence est à présent de régler le cas britannique : le divorce doit être serein mais il doit être rapide. Les Vingt-Sept doivent faire pression sur les Anglais et se mettre d’accord sur un délai qui ne doit pas aller au-delà de la fin du mois de septembre. En attendant, les membres britanniques du Parlement de Strasbourg ne devraient plus participer aux votes et leurs fonctionnaires à Bruxelles à la prise de décision.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je veux à ce propos rendre hommage au commissaire britannique, qui a, en toute cohérence, tiré les conséquences de ce vote en démissionnant de ses fonctions.

Les objectifs à atteindre sont clairs : les Anglais sortent mais ils ne deviennent pas pour autant des adversaires.

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Ni hostilité, ni complaisance ! On ne peut pas avoir quitté la maison commune, n’en plus payer les charges et continuer à bénéficier du toit, des chambres et du couvert. En revanche, on peut négocier un bon accord de voisinage.

Si les Britanniques sont demandeurs – ce que je souhaite –, il faudra, monsieur le Premier ministre, maintenir et approfondir les accords de défense avec la Grande-Bretagne. Mais il n’y a aucune raison de leur laisser le passeport financier européen et la zone euro doit récupérer le clearing de sa monnaie. Dans la foulée, nous devrons tendre la main aux Français installés au Royaume-Uni et à ceux qui pensent devoir être localisés au sein de l’Union européenne.

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En cela, monsieur le Premier ministre, la réforme de notre fiscalité et le renforcement de notre compétitivité deviennent une nécessité vitale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

La seconde étape devra être de recentrer l’Europe sur des priorités stratégiques. À force de vouloir s’occuper de tout, l’Union européenne passe à côté de l’essentiel.

Nous ne serons jamais un État fédéral.

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Nous sommes trop différents pour y parvenir. Ce serait, au demeurant, un contresens historique car plus les nations sont bridées, plus les nationalismes sont agressifs.

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Arrêtons donc de vouloir passer tout le monde sous la toise et recentrons l’Union européenne.

La première des priorités, c’est l’indépendance économique de l’Europe dans la mondialisation. Assez d’angélisme ! Nous n’avons l’obligation ni de signer un traité transatlantique déséquilibré ni de subir la domination économique de l’Asie.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

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Mais pour protéger nos économies du dumping chinois, nous avons besoin d’une Europe forte et lucide. Or notre indépendance est mise à mal aussi par la tutelle qu’imposent les États-Unis aux entreprises européennes soumises à la législation intérieure américaine, soit au prétexte qu’elles utilisent le dollar, soit au motif de la lutte contre la corruption.

Mêmes mouvements.

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La seule façon de résister à cette emprise, c’est d’avoir une monnaie qui assure notre indépendance. L’euro doit donc devenir une monnaie de réserve et de règlement.

Mêmes mouvements.

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À cette fin, la zone euro doit se doter d’un gouvernement économique piloté par les chefs d’État et de gouvernement, contrôlé par les parlements nationaux, ainsi que d’un calendrier d’harmonisation de la fiscalité des entreprises.

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Deuxième priorité, la sécurité européenne. L’Europe des marchands, des touristes et de la monnaie unique ne suffit pas : elle est menacée de disparaître si elle n’est pas en même temps l’Europe de la sécurité, si elle n’est pas l’Europe qui maîtrise l’immigration, si, dans ce domaine comme dans le domaine économique, elle n’est pas l’Europe qui protège. Nous avons besoin d’un nouveau Schengen, avec un vrai corps de garde-frontières et de garde-côtes pour venir en aide aux pays dont les frontières maritimes sont prises d’assaut mais nous avons besoin aussi d’un recours systématique aux moyens modernes de contrôle, informatiques et biométriques et d’une coopération sans faille entre les services de sécurité.

Notre sécurité passe aussi par une défense militaire. Depuis la fin de la guerre froide, l’Europe n’a rien fait pour prendre son destin en main.

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Elle continue de s’en remettre aux États-Unis pour la protéger. Or cette protection est devenue aléatoire, notamment face à la menace durable que fait peser sur notre continent le totalitarisme pseudo-islamique qui déstabilise une grande partie du monde, du Pakistan jusqu’au Nigeria.

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Dans le respect de la souveraineté des nations, nous devons constituer une alliance de défense européenne qui permette un juste partage des charges.

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Troisième priorité : l’éducation, la culture, la recherche et l’innovation. On a bien sûr mis en place Erasmus, harmonisé les diplômes, relié les laboratoires mais a-t-on assez fait pour développer notre conscience d’appartenir à une civilisation singulière et brillante ? À force d’être mondialistes, certains ont non seulement contesté les nations mais aussi enterré la civilisation européenne. À force de ne plus voir l’Europe que comme un marché, on continue de négocier l’adhésion de la Turquie. Non ! Il y a des frontières et il y a un patrimoine qui est le nôtre.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La philosophie antique, les valeurs chrétiennes

« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain

Debut de section - Permalien
Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain

Sarkozyste !

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… l’État de droit, la solidarité, le goût des arts et des sciences, la liberté de parler, de penser et de voter : c’est tout cela qui forge l’âme européenne. Si ce patrimoine ne vibre pas en nous, si notre jeunesse ne se sent pas chez elle à Rome, à Berlin, à Athènes ou à Prague, si nous ne sommes pas capables de conjuguer nos identités, pourquoi donc sommes-nous ensemble ? L’âme de l’Europe au XXIe siècle : voilà le défi de notre époque pour notre jeunesse !

Enfin, nous devons engager une refonte des institutions européennes. Ma conviction, c’est que l’Europe à Vingt-huit a rendu caduc l’objectif d’une Europe fédérale – à laquelle je n’ai d’ailleurs jamais cru – et déréglé le fonctionnement de l’Europe communautaire des années quatre-vingt. La nouvelle Europe, recentrée sur les coopérations essentielles, doit rendre à la compétence des États membres tout ce qui ne s’y rapporte pas.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La Commission et le Parlement européens n’ont jamais réussi à acquérir une véritable légitimité démocratique.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

C’est vrai !

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Il faut donc redonner au Conseil européen et au contrôle des parlements nationaux leur prééminence.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

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La subsidiarité et la géométrie variable doivent s’imposer en lieu et place de l’uniformité actuelle. La zone euro doit être plus efficace et le reste de l’Europe moins normé.

Mes chers collègues, l’Union européenne existera-t-elle encore dans dix ans ? L’Asie devient l’épicentre économique du monde et l’ancienne domination occidentale est chaque jour contestée par des milliards d’habitants, qui se lèvent chaque matin en se disant que le progrès est à portée de leur main. Nous, nous ne savons même plus ce que le mot « progrès » signifie ; pire, il nous angoisse quand, de l’autre côté de la Méditerranée, des millions de déshérités sont prêts à tout tenter pour rejoindre nos côtes. Et voilà que nous sommes menacés sur notre propre sol par le fanatisme islamique : il ne pose pas seulement des bombes, ne mitraille pas seulement des innocents ; il rêve aussi de ronger l’esprit humaniste de l’Europe.

Face à tous ces défis, nous devons être sûrs de ce que nous sommes. Je suis fier d’être Français et je me sens européen. Pour moi, la nation française a été et restera d’actualité mais soyons clairs : on ne fera pas l’histoire en défaisant l’Europe. Dans un monde de sept milliards d’habitants, les Européens ont un choix à faire : ou bien ils se battent chacun dans son coin, ou bien ils se battent ensemble ! Sauf à vouloir saborder l’intérêt national, nous avons le devoir d’être européens, mais pas à n’importe quelle condition, pas par défaut, pas par résignation. Ce que nous devons défendre, c’est la civilisation européenne et la place que doit y tenir la France, mais il ne suffit pas de dire « vive l’Europe ! » pour que celle-ci vive réellement.

Monsieur le Premier ministre, l’Europe, vous le savez, est un lieu de pouvoir où les nations fortes imposent leur rythme aux autres. Lorsque la France est faible, elle subit l’Europe ; lorsqu’elle est puissante, elle la conduit. Le Général de Gaulle disait que l’essentiel, pour jouer un rôle au-delà de ses frontières, « […] c’est d’exister par soi-même, en soi-même, chez soi. » Eh bien, pour le groupe Les Républicains, il est temps de redonner à la France le pouvoir d’être forte chez elle afin qu’elle soit grande en Europe.

Les députés du groupe Les républicains se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, vendredi dernier, le vieux rêve de Victor Hugo, qui écrivait le 21 août 1849 : « Un jour viendra où vous France, […] vous Angleterre, vous Allemagne […] sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne », s’est fracassé sur le choix du Royaume-Uni.

Vendredi dernier, l’Europe a été tirée violemment de la torpeur dans laquelle elle se trouvait depuis trop longtemps. Vendredi dernier, la certitude de la construction d’une Union européenne irréversible, avec laquelle des générations entières d’Européennes et d’Européens ont grandi, a volé en éclats.

Ne nous y trompons pas : ce choix ne s’explique pas uniquement par des considérations internes au Royaume-Uni et par le coup de poker perdu de David Cameron, même s’ils ont lourdement pesé sur l’issue de ce référendum. Ce choix témoigne d’un rejet qu’il faut regarder avec lucidité : les peuples européens rejettent cette Europe sans âme, cette Europe technocratique, cette Europe élitiste dont le fonctionnement manque cruellement de transparence et de démocratie ; ils rejettent cette Europe qui ne se construit plus que sur des mauvais compromis, sur des divergences ou sur des ressentiments ; ils ne veulent pas de cette Europe qui nie son identité, abandonne ses racines et ses valeurs en accueillant la Turquie à bras ouverts. Non, ils ne veulent pas de cette trahison !

Les peuples ne croient plus en cette Europe, paralysée face à des familles de réfugiés charriées par milliers sur ses rivages – 4 000 encore vendredi dernier –, jetées sur les routes, faisant voler Schengen en éclats. Ils se désespèrent de voir cette Europe impuissante à apporter une réponse au chômage de masse et aux crises à répétition.

Disons-le sans détours : de renoncements en renoncements, le projet européen a été trahi, trahi et abandonné par les femmes et les hommes politiques qui, depuis trop longtemps, ont renoncé à porter un discours européen courageux et ont fait de l’Europe le bouc émissaire idéal de leurs échecs,

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants

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l’abandonnant à des cohortes de technocrates coupés des réalités.

L’Europe, c’est avant tout le visage du couple franco-allemand : De Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, Sarkozy-Merkel. Depuis quatre ans, elle n’a plus de visage, sinon celui de l’immobilisme car la France est inexistante, sans leadership, incapable de proposer un chemin pour l’Europe. François Hollande en est en partie responsable en ayant fait croire qu’il pouvait décider de tout et tout seul s’agissant de la renégociation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, avant d’en renvoyer l’échec sur l’Union européenne.

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Il a fragilisé le couple franco-allemand en jouant une partition de soliste qui a isolé la France. Il a mis à mal notre crédibilité en se montrant incapable de respecter les engagements budgétaires que nous avions pris auprès de nos partenaires européens. De surcroît, il a décidé que l’Union européenne ne méritait pas mieux qu’un secrétariat d’État alors même qu’il faudrait un ministre de plein exercice, à la mesure du rôle qu’elle joue dans le quotidien des Français.

Mes chers collègues, le départ du Royaume-Uni risque d’avoir des conséquences terribles que nous ne pouvons pas encore mesurer. Ce choix ouvre en effet une période d’instabilité pour l’Europe alors même que nous devons faire face à une menace terroriste et à une crise migratoire d’une ampleur inédite, alors même que nous sommes confrontés à une crise économique et sociale que le choix du Royaume-Uni pourrait aggraver puisque le cours de la livre sterling s’est déjà effondré et que la confiance des marchés va se fragiliser comme en témoigne la perte, hier soir, de son triple A.

Ce référendum a également ravivé les divisions en Angleterre, isolé l’Écosse et l’Irlande du Nord qui, par leur vote, ont montré leur attachement à l’Europe. Nous devons les entendre. Il s’agit même d’une obligation à laquelle l’Europe n’a pas le droit de manquer. L’Irlande sait ce qu’elle doit à l’Europe, qui l’a soutenue alors qu’elle était frappée de plein fouet par la crise financière.

Enfin, le choix du Royaume-Uni va entraîner une remise en cause sans précédent du projet européen en France, comme partout sur le vieux continent.

Pour éviter un incendie qui pourrait se propager aux Pays-Bas, en Suède, au Danemark, en Tchéquie, en Finlande, en Hongrie, en Pologne ou même en France, le divorce entre l’Europe et le Royaume-Uni doit être prononcé rapidement, sans marchandages interminables qui donneraient l’impression que le choix souverain du peuple britannique n’est pas respecté. On ne peut être in et out simultanément.

Pour autant, il n’y a aucune place, vraiment aucune, pour la panique ou pour la démagogie, eu égard à l’importance vitale des enjeux. Je tiens à dire à celles et ceux qui demandent un référendum en France sans proposer de nouveau projet européen qu’ils commettent une erreur, voire une faute car ce serait enterrer ce qui reste de l’Union européenne.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Nous savons tous que l’union libre qui liait le Royaume-Uni à l’Europe n’était en rien comparable avec le lien charnel qui unit celle-ci à la France et qu’une sortie de l’euro serait catastrophique pour les Françaises et les Français, en particulier les plus modestes.

N’oublions pas que le Royaume-Uni n’a jamais voulu de l’euro.

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N’oublions pas les âpres négociations avec Margaret Thatcher ou les concessions toujours plus grandes accordées par François Hollande le 19 février.

Enfin, je le dis clairement, organiser aujourd’hui, en France, un référendum sur l’Union européenne permettrait aux extrêmes d’alimenter une confusion pernicieuse entre les carences actuelles, et réelles, de l’Europe et la construction européenne, dont les objectifs doivent être protégés.

La décision du Royaume-Uni a au moins eu le mérite de clarifier ce débat et de dessiner clairement les contours de trois camps : le camp de la nostalgie et du repli, défendu par les extrêmes de tous bords, qui proposent à la France un scénario dont même l’extrême gauche grecque n’a pas voulu ; le camp de ceux qui croient en une Europe qui ne serait qu’un vaste marché déréglementé, dont nous connaissons les limites et les effets pervers ; enfin, le camp, auquel notre groupe appartient et qui rassemble ceux qui sont viscéralement attachés à l’Europe, pour qui le fédéralisme n’est pas un gros mot, pour qui l’Europe n’est pas un renoncement à la souveraineté mais, au contraire, une souveraineté renforcée et une affirmation plus forte de la place de la France dans le monde.

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Oui, en dépit de ses carences, l’Europe reste pour nous la seule voie pour la France. Seule, comment cette dernière pourrait-elle assurer la sécurité des Françaises et des Français face au terrorisme ? Seule, comment pourrait-elle peser sur des décisions qui engagent l’avenir des peuples de tous les continents et où s’entremêlent des enjeux démographiques, sécuritaires, économiques, sociaux, culturels et écologiques ? Seule, comment pourrait-elle tirer son épingle du jeu de la mondialisation ? Elle ne le pourrait pas, contrairement à ce qu’affirment les populistes de tous bords ! C’est pourquoi il faut avoir le courage de dire haut et fort que les véritables patriotes sont européens !

Oui, il faut avoir le courage de dire haut et fort que notre faiblesse n’est pas l’Europe, mais l’absence d’Europe, progressivement devenue le jouet des égoïsmes nationaux. Nous ne voulons plus d’une Europe technocratique et tatillonne mais d’une Europe recentrée sur des enjeux majeurs, qui affirme son identité et défende ses valeurs, bref une Europe politique.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Pour en finir avec la dilution de l’identité européenne, disons clairement que la Turquie ne devra jamais entrer dans l’Union européenne.

Mêmes mouvements.

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Nous voulons une Europe qui protège ses citoyens contre les dérives de la mondialisation, et non pas une Europe qui les expose toujours plus à la précarité et au chômage. Nous voulons une Europe qui protège ses entreprises, comme le fait la Chine, comme le font les États-Unis, et non pas une Europe de la concurrence déloyale. Nous voulons une Europe qui préserve nos modèles sociaux de l’implosion parce qu’elle fait respecter ses frontières, et non pas une Europe passoire qui confie la gestion de ses frontières à la Turquie.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous voulons une Europe démocratique, transparente, une Europe qui rende des comptes.

Nous ne voulons pas d’une Europe qui, dans le secret des conclaves et des négociations, impose à ses peuples une course effrénée à la mondialisation, comme cela se profile avec le TAFTA – Transatlantic free trade area – ou le CETA – Comprehensive economic and trade agreement –, sans même consulter les parlements nationaux, ce qui est un déni de démocratie !

Nous voulons une Europe conquérante, une Europe efficace, pas une Europe des déclarations d’intention, qui se mêle de tout sauf de ce qu’elle devrait décider, intervenant sur le calibre des pommes ou la taille des filets de pêche. C’est pourquoi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants veut écrire une nouvelle page de l’Europe, celle de l’Europe des résultats, celle de l’Europe de la confiance, avec un nouveau projet politique.

Mes chers collègues, il y a urgence si on veut éviter un délitement de l’Europe. Il est totalement irréaliste de prétendre qu’un nouveau traité pourrait être rapidement conclu. François Hollande doit donc se lancer dans un tour d’Europe pour obtenir la signature d’un accord intergouvernemental, qui permettra d’avancer, avec un noyau dur d’États membres, sur quatre priorités : une politique étrangère et de défense commune s’appuyant sur une force d’intervention européenne – jusqu’à présent, nous avons toujours échoué dans ce domaine – ; une politique commune de sécurité intérieure, avec la création d’une police européenne et un échange automatisé d’informations entre les services de renseignements européens.

« Non, sûrement pas ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Les attentats qui ont frappé la France et la Belgique en ont démontré la pertinence. L’adoption d’un recueil de données des dossiers passagers, ou PNR, même partiel, à l’initiative de la France, n’est qu’un premier pas dans ce sens. Il faut également une politique migratoire et d’asile commune, passant par le recensement de nos besoins démographiques et économiques, par une convergence entre les systèmes de traitement des demandes d’asile et par la lutte contre l’immigration illégale.

Il faut enfin un gouvernement économique, animé par les chefs de gouvernement, sous le contrôle des parlements nationaux, pour faire de l’Europe un levier de croissance, un gisement d’emplois, via une nouvelle politique agricole commune à même de valoriser une agriculture exceptionnelle et une nouvelle politique industrielle, de recherche et d’innovation pour créer de nouveaux emplois dans les domaines de la transition écologique, du numérique, des transports, de la santé et des biotechnologies.

En parallèle, nous devons associer les peuples d’Europe à cette refonte du projet européen. Depuis trop longtemps, l’Europe s’est construite en ignorant les peuples. Disons-le sans détour : plus rien ne se fera tant qu’on n’aura pas regagné leur confiance. C’est pourquoi nous voulons une Europe pour eux et avec eux !

Je propose par conséquent qu’une consultation citoyenne soit lancée dans toute l’Europe, que chacun des parlements nationaux apporte une contribution à ce débat européen et qu’il soit associé aux négociations relatives au départ des Britanniques. Ces contributions, qui viendraient enrichir l’accord de coopération fédérale, constitueraient la base des négociations entre les États membres dans la perspective d’une nouvelle Constitution européenne. Notre groupe souhaite que cette Constitution permette enfin à l’Union européenne de se choisir un président de manière démocratique. Je souhaite qu’un référendum soit ensuite organisé pour consulter les peuples européens simultanément dans tous les États membres.

« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. « Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Enfin, pour que le projet européen trouve un second souffle, il devra s’adresser en priorité à la jeunesse, qui croit encore en l’Europe, comme les résultats du référendum au Royaume-Uni l’ont démontré, et sans laquelle l’Europe ne pourra pas se relever.

L’Europe doit par conséquent prendre des initiatives d’une ampleur inédite pour favoriser la mobilité des jeunes en Europe, à l’image de ce qu’Erasmus a formidablement réussi, mais aussi faciliter la création de nouvelles filières créatrices d’emplois et poser les jalons d’une politique de citoyenneté et d’une culture européennes à part entière.

Oui, nous devons adresser un message d’espoir à notre jeunesse, qui est désormais dépositaire de 1’héritage de Robert Schuman et de Jean Monnet, la gardienne de nos valeurs et de notre identité, et qui, comme l’Europe, a l’âge de tous les possibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, au fil des décennies, l’Angleterre dans Europe a d’abord été une espérance puis une réalité. Désormais ce sera une nostalgie. Personne ne peut oublier le courage extrême dont la Grande-Bretagne a fait preuve en 1940, lorsque Churchill oeuvrait en liaison avec la France libre. Même si ce grand peuple quitte aujourd’hui l’Union européenne, il mérite d’être salué.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Les radicaux ont toujours été profondément attachés à l’Europe, cet espace de paix, de fraternité. C’est d’ailleurs un radical, Maurice Faure, qui eut l’honneur de signer le traité de Rome au nom de la France.

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Pendant longtemps, l’Europe a apporté des progrès très réels aux pays qui la composent, et ce dans plusieurs domaines – croissance économique, marché unique, politique régionale avec les fonds structurels, politique de recherche et développement, en matière de culture, d’éducation, notamment au travers d’Erasmus, ou de protection de l’environnement, et dans bien d’autres domaines.

Mais la crise a provoqué un changement de perspective et de perception. Désormais l’Europe présente souvent une autre image. Aujourd’hui, d’un bout à l’autre du continent, le nationalisme et le populisme progressent, pas seulement dans certains pays d’Europe de l’Est comme la Hongrie, mais aussi dans de grandes et belles démocraties, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. Ses porte-parole s’appellent Viktor Orban, Boris Johnson ou Geert Wilders.

Partout, le même discours ; partout, les mêmes arguments simplistes, voire fallacieux ; partout le même nihilisme, qui veut détruire plutôt que construire. L’europhobie est devenue la forme nouvelle de la xénophobie, telle qu’elle s’exprime au travers de campagnes fondées sur le refus d’autrui, sur le rejet de l’étranger, stigmatisé, rendu responsable de tous les maux, de toutes les difficultés.

La roue de l’histoire va-t-elle tourner à l’envers ? Va-t-elle nous ramener vers l’Europe d’autrefois, désunie, divisée, dissociée ? Y aura-t-il de proche en proche, par un effet de dominos, contagion des nationalismes en Europe ? Le risque est grand. Pour l’éviter, il faut que l’Europe redevienne vraiment elle-même si elle veut retrouver la faveur qu’elle a perdue ces dernières années, par son action parfois peu efficace, parfois aussi peu équitable. La crise actuelle, évidemment très préoccupante, peut être aussi l’occasion d’une refondation, d’un retour aux principes essentiels.

Pour retrouver la confiance des peuples, l’Europe doit incarner, ou réincarner, un modèle de démocratie. Pour ses fondateurs en effet, l’Europe, ce n’était pas seulement un marché commun ; c’était aussi, c’était surtout une communauté de valeurs, des idéaux partagés, une culture commune.

Aujourd’hui, dans cette décennie si troublée, l’Europe doit réaffirmer plus que jamais ses valeurs de liberté, de tolérance et de solidarité. Car on le sait bien, il n’y a pas de politique durable sans éthique.

Chacun le sait, il y a une alliance naturelle entre l’Europe et les droits de l’homme. Cette alliance s’est d’ailleurs inscrite dans les traités fondamentaux. En 1997, le traité d’Amsterdam prévoit déjà la suspension du droit de voter au sein du Conseil d’un État membre qui se serait rendu coupable d’une violation grave et persistante des droits fondamentaux.

Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée au sommet de Nice en 2000, a été annexée au traité de Lisbonne. Ayant désormais la même force juridique que les traités, elle oblige les États de la même manière. Les six chapitres de cette charte s’intitulent respectivement dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, justice : de grands principes pour une vraie démocratie.

Chaque État de l’Union européenne doit appliquer effectivement ces principes et respecter réellement ces droits essentiels. Mais l’Union européenne est-elle toujours assez vigilante cet égard ? On peut en douter quand on voit, par exemple, la manière dont en Hongrie Viktor Orban traite les migrants ou s’attache à placer le pouvoir judiciaire et la cour constitutionnelle sous son contrôle.

A fortiori, les États candidats à l’adhésion doivent respecter les droits fondamentaux s’ils veulent pouvoir accéder à l’Union européenne. Pourtant, à l’évidence, ce n’est pas le cas de la Turquie de M. Erdogan, comme le montrent les nombreuses atteintes à la liberté d’information et à la liberté de la presse, les procès systématiques intentés aux journaux d’opposition ou l’interdiction d’émettre infligée à certaines chaînes de télévision. De plus certains propos de M. Erdogan semblent remettre en cause le principe essentiel, fondamental, de l’égalité des hommes et des femmes.

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Face aux dérives de certains États membres ou candidats à l’adhésion, l’Union européenne ne doit plus rester silencieuse ou inerte car c’est la démocratie qui est en cause et sans la démocratie, l’Europe ne serait plus vraiment elle-même.

La démocratie doit aussi progresser au sein même des institutions européennes. Le Parlement européen, seule institution de l’Union à être élue au suffrage universel direct, a certes vu ses pouvoirs et son influence s’accroître depuis l’adoption du traité de Lisbonne. En matière budgétaire, il s’est vu reconnaître un droit de décision égal à celui du Conseil, notamment pour l’adoption de l’ensemble du budget annuel. Cependant, en matière législative, s’il bénéficie d’une extension à de nouveaux domaines de la procédure de codécision législative qui l’associe au Conseil, il ne jouit toujours pas d’un droit d’initiative. En matière de contrôle politique, si le Parlement élit désormais le président de la Commission, dans les faits rien n’a réellement changé puisque c’est toujours le Conseil qui propose un candidat unique – en tenant compte, fort heureusement, des résultats des élections européennes – et que le Parlement ne peut que valider la nomination des commissaires.

Il est indispensable, mes chers collègues, de rapprocher les peuples des institutions européennes, qui leur apparaissent comme une sorte de machinerie administrative lointaine. L’Union n’obéit pas encore assez aux règles de la démocratie, aux termes desquelles les citoyens doivent pouvoir peser sur les décisions, ni au niveau du Conseil européen, dont le fonctionnement ressemble au jeu diplomatique, ni à celui de la Commission, perçue comme une « hyper-technocratie » pesante et envahissante.

De plus, quand on consulte par référendum les Français sur un projet de traité constitutionnel européen qui a la particularité de sanctuariser le libéralisme économique…

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…et que 55 % des votants le rejettent le 29 mai 2005, cette décision du suffrage universel n’est pas réellement prise en compte.

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Ce déni du suffrage universel, cette désinvolture envers l’électorat populaire ont évidemment de quoi surprendre dans une démocratie comme la nôtre.

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La France, pays fondateur de la Communauté européenne, a un rôle important à jouer pour donner à l’Europe un nouvel élan.

Parmi les vingt-sept États membres que compte désormais l’Union européenne, tous n’ont pas la même volonté, ou la même possibilité, d’agir, de bâtir et de progresser au même rythme. Au sein de ce vaste ensemble, un groupe plus restreint de pays pourrait jouer le rôle de force motrice, de force d’entraînement. Ce groupe comprendrait notamment les pays fondateurs – dont le couple franco-allemand –, qui agiraient un peu comme des locomotives dans certains secteurs. Pour cela, pour que ceux qui veulent avancer avancent, utilisons davantage le mécanisme de la coopération renforcée dans tel ou tel domaine d’action : cela permettrait de nouvelles initiatives, de nouvelles impulsions.

L’article 20 du traité de l’Union européenne prévoit en effet le cas des États membres qui souhaiteraient instaurer entre eux une coopération renforcée visant à renforcer le processus d’intégration. Une coopération renforcée nécessite la participation d’au moins neuf États mais elle reste ouverte à tout moment à tous les États membres. Plutôt qu’une Europe uniforme, il vaudrait peut-être mieux une Europe différenciée, dans laquelle certains membres, plus dynamiques, ouvriraient la voie en allant plus loin et plus vite.

La Commission Barroso a donné l’image d’une Europe très contraignante en restant arc-boutée sur l’objectif d’une application quasi mécanique des critères de Maastricht et d’une réduction très rapide des déficits publics, quitte à freiner l’activité et l’emploi. Ce dogmatisme a donné l’impression d’une « Europe carcan » qui imposerait avec autorité de fortes entraves et une politique de rigueur excessive.

La Commission a changé mais l’image est restée, même si son nouveau président, M. Jean-Claude Juncker, a déclaré qu’il fallait en finir avec un traitement de la crise exclusivement « austéritaire », pour reprendre son mot. Il est nécessaire de réorienter l’Europe vers la croissance et l’emploi, qui sont les préoccupations principales des citoyens européens, notamment par un grand programme d’investissements dans des projets d’avenir.

Par ailleurs, si l’Europe se préoccupe de la convergence budgétaire et de la convergence économique, elle semble moins se préoccuper de la convergence sociale. Certes, elle intervient en matière sociale mais ce que l’on attend surtout d’elle, c’est une harmonisation par le haut, au moins progressive, des normes sociales des États membres ; sinon le dumping social continuera, ainsi que la prime, injuste, inéquitable, aux pays qui ont le plus faible niveau de protection sociale. Après tout, puisqu’il y a un traité budgétaire européen, pourquoi n’y aurait-il pas un jour un traité social européen ? Si les choses restaient en l’état, alors il faudrait dire, en forçant le trait, que le social est une idée neuve en Europe.

Enfin, dans la période troublée que nous traversons, marquée par une montée des conflits et des terrorismes, l’Europe doit aussi agir pour préserver sa sécurité face aux menaces nombreuses et diverses dans un environnement stratégique devenu très difficile et très dangereux. Au fond, à côté des objectifs économiques et sociaux, l’Europe doit aussi faire face à des impératifs de type régalien : la défense, la sécurité, le contrôle des frontières extérieures de l’Union, une coordination accrue en matière de lutte contre le terrorisme. Désormais l’Europe doit aussi apparaître comme l’Europe qui protège dans un monde de plus en plus incertain.

Mes chers collègues, l’Europe peut retrouver confiance en elle-même si elle améliore certaines de ses politiques qui ont pu décevoir : si elle invente, si elle innove, elle pourra connaître un autre destin. Elle pourra redevenir une zone de progrès économique et social, mais aussi un espace de solidarité et de fraternité, à l’écoute et au service des peuples qu’elle rassemble.

Chacun souhaite une Europe plus forte et plus humaine. À ceux qui jugeront que c’est une utopie, il faudra répondre avec Victor Hugo : « L’utopie est la vérité de demain ».

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, le peuple britannique a tranché : une majorité s’est exprimée en faveur de la sortie de l’Union européenne.

Il faut respecter ce choix libre et souverain. C’est le sens du principe démocratique auquel nous sommes attachés, un principe trop souvent ignoré par les dirigeants européens de Bruxelles et par ceux des États membres. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler le déni de démocratie qui est à l’origine du traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009 et qui régit aujourd’hui l’organisation et le fonctionnement de l’Union européenne.

Ce traité n’est en effet qu’une simple copie du projet de constitution européenne qui avait été largement rejeté par les peuples français et néerlandais lors des référendums de 2005. Les dirigeants ont préféré ignorer la volonté du peuple et imposer les dogmes de l’Union européenne – ou plutôt ceux de l’ Union des marchés européens –, tout comme ils ont préféré faire revoter les Irlandais, coupables d’avoir d’abord rejeté ce fameux traité.

Plus près de nous, c’est le peuple grec qui a payé le prix fort pour avoir été consulté sur les mesures drastiques qui lui étaient imposées par Bruxelles en échange d’un plan de sauvetage.

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Plan qui a coûté 62 milliards d’euros à la France !

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Ces trahisons se payent aujourd’hui encore. La confiance est désormais rompue entre les peuples européens et l’Union censée parler et agir en leur nom. C’est aussi cette rupture qui s’est manifestée lors du référendum britannique.

Le sens de ce vote mérite une réflexion approfondie car il en dit long sur l’état d’anxiété des sociétés européennes et sur l’incapacité de leurs dirigeants à montrer un cap et à offrir un projet digne de l’idée européenne.

Nous n’ignorons pas le poids du discours nationaliste et xénophobe sur le résultat du référendum. La décision de sortie du Royaume-Uni est aussi le produit des surenchères populistes et nationalistes de la droite britannique mais en réalité ce discours, qui flatte la part la plus vile de l’être humain, traverse le continent européen tout entier. Aussi il nous faut mettre en garde contre la stigmatisation des immigrés, qui ne fait pas partie des valeurs de l’Europe mais qui a déjà entaché son histoire de sang.

Si l’heure est à la reconstruction européenne, celle-ci devra se faire sur des bases saines, celle de l’humanisme et de la solidarité, et non pas sur le nationalisme et la peur de l’autre, qui sont autant d’impasses mortifères pour les peuples européens. L’état de paix relative que connaît le continent depuis soixante-dix ans doit être préservé à tout prix. C’est pourquoi il faut refuser sa mise en danger par des politiques européennes qui ignorent les besoins des peuples, perdant ainsi toute légitimité.

Les réactions suscitées par la globalisation et l’intégration européenne trahissent un profond désenchantement. Ce sentiment n’est pas nouveau. L’intégration naturellement heureuse s’avère une illusion. La vague néolibérale a écrasé le projet européen et, partant, l’ambition de réactiver un idéal. Un sentiment de vide s’est emparé de nos concitoyens, sentiment qui s’explique par l’absence de perspective politique alternative à l’Europe qu’on nous propose, ou plutôt qu’on nous impose.

C’est pourquoi le brexit offre une occasion historique de donner un nouveau sens à l’Europe. Il s’agit en effet de construire avec et pour les citoyens une Europe sur des bases plus saines, c’est-à-dire plus démocratiques et plus sociales.

Le Front de gauche, avec de nombreux autres progressistes, notamment au sein de cette assemblée, combat l’Europe des marchés financiers, du libre-échange et de la libre concurrence, l’Europe de l’austérité budgétaire et du dumping social. Ce dernier point illustre combien le projet européen, qui devait réunir les peuples, aboutit finalement à les mettre en concurrence dans une compétition synonyme de régression sociale.

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L’inefficacité du dispositif européen censé éviter le dumping social a ouvert la voie à l’exploitation de travailleurs low cost. En l’absence de toute harmonisation sociale, le statut de travailleur détaché est devenu un instrument de la compétition économique et de la concurrence sociale en Europe, notamment dans les secteurs de la construction, du BTP et de l’agroalimentaire.

Ces logiques ont aussi des conséquences désastreuses en matière agricole. L’Europe et la France viennent de perdre 25 % de leurs exploitations agricoles et de leurs actifs agricoles en seulement dix ans. Les prix d’achat de presque toutes les productions sont en chute libre. Privés de revenus, les paysans n’ont d’autre choix que de cesser leur activité.

Dans le même temps, pour les 500 millions d’Européens, la question alimentaire redevient une préoccupation centrale, en lien direct avec les conséquences de la crise financière, de la perte d’emplois et de revenus et de l’explosion de la précarité.

Quand aurons-nous le courage de reconnaître que l’échec actuel est celui du néolibéralisme promu par l’Union européenne ?

L’Union européenne n’offre ni emplois ni croissance, malgré les gesticulations oratoires des libéraux et leurs pâles copies sociales-libérales. Jean Jaurès proclamait, en ces murs même : « Il serait temps que votre régime, dont la maxime fondamentale est "chacun pour soi, tout pour l’argent !" mesure enfin les conséquences de ses actes. » Combien ces mots sont d’actualité !

Il est donc urgent d’agir, mais dans un sens et selon une logique rénovés. Si nous voulons sauver la construction européenne, lui redonner un sens pour les peuples, il est impératif de définir un projet européen digne de ce nom, un projet qui ne se résume pas à de simples effets de tribune et à du cabotage à vue.

Formulons des propositions concrètes, comme devrait le faire la France au sein du Conseil européen. Pour ce qui nous concerne, nous en avons présenté au Président de la République ce week-end. Tout d’abord, il convient de prendre des mesures contre le dumping social et fiscal. Cela passe par la suspension des négociations sur les traités de libre-échange, TAFTA – Transatlantic free trade area –, CETA – Comprehensive economic and trade agreement – et TISA – Trade in services agreement –, autant d’acronymes derrière lesquels se cachent les pires régressions sociales, mais aussi économiques et écologiques. Ces traités sont négociés en notre nom par des technocrates bruxellois, dans l’opacité la plus complète, au mépris de l’initiative citoyenne qui vise à sortir l’Europe de ces négociations commerciales et qui a réuni plus de 3 millions d’Européens.

Cela suppose aussi de renégocier immédiatement la directive relative aux travailleurs détachés et de stopper la mise en oeuvre des réformes structurelles de déréglementation sociale exigées par Bruxelles, à commencer, ici même, par le projet de loi « Travail », expression d’une injonction bruxelloise. Ces mesures doivent être complétées par la remise en cause fondamentale des règles de l’austérité budgétaire. Pour cela, il faut renégocier le fameux traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, signé en 2012, conformément à la promesse faite en son temps par le candidat François Hollande et reniée dès son arrivée au pouvoir : c’est là le péché originel de cette majorité.

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Cette obsession de la discipline budgétaire n’est rien d’autre qu’une liquidation en bonne et due forme de tout ce qui fait notre richesse. Ainsi, paradoxalement, l’Europe, cette collectivité censée réunir les peuples, pulvérise peu à peu, pour se conformer au diktat des marchés, toutes les formes de vie collective, les services publics, la protection sociale et le droit social, mais aussi la vie dans nos campagnes et nos territoires.

La réalité, c’est que les peuples sont sous l’emprise de la sacro-sainte dette publique. C’est pourquoi nous proposons la tenue en urgence d’une conférence européenne sur la dette, afin d’en alléger le fardeau et de permettre la réappropriation collective de cet enjeu essentiel.

L’action de la BCE, qui a à peine calmé pour un temps les ardeurs des marchés, n’a quasiment pas d’effet sur l’économie réelle et l’argent créé vient alimenter une bulle qui nous menace. Plus que jamais, il faut orienter l’action de la BCE vers la transition énergétique, l’investissement et les emplois durables.

Enfin la lutte contre l’évasion et la concurrence fiscales, les fléaux, fléaux qui sont les cancers de l’Europe, doit dépasser la simple déclaration d’intention pour devenir effective.

La question budgétaire ne concerne pas que les États : l’Union européenne elle-même doit se défaire de son corset. On ne le répétera jamais assez, un budget étriqué, qui représente près de 1 % de la richesse créée dans l’Union européenne, est une absurdité économique. Dans une zone économique intégrée, se doter d’un tel budget revient à se priver d’une arme ciblée pour dynamiser l’activité.

Si l’Europe veut réellement sortir de la crise dans laquelle elle est engluée, elle ne peut se contenter d’un budget a minima. Elle doit être ambitieuse pour son avenir et se donner les moyens d’agir ; elle doit accorder la priorité au développement social, à la solidarité, et avoir une véritable politique de développement industriel, de recherche et d’innovation. Ce travail doit déboucher sur un nouveau traité – oui, un nouveau traité – dont la France doit prendre l’initiative.

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Nous croyons dans une autre Europe, une Europe sociale consacrée par un véritable traité social et écologique européen, porteur de valeurs et de normes protectrices des peuples comme de l’environnement, socle d’une Europe solidaire libérée de la tutelle des marchés financiers, des dogmes du libéralisme et de l’austérité budgétaire. Pour paraphraser Einstein, monsieur le Premier ministre, on ne peut résoudre les problèmes avec les modèles de pensée qu’ils ont engendrés.

Oui, la France doit être à l’initiative : elle ne peut plus être à la remorque de l’Allemagne. Notre pays ne joue pas le rôle qui devrait être le sien dans la construction de cette Europe aujourd’hui profondément déséquilibrée, tant politiquement qu’économiquement. Arrêtons les faux-fuyants : avec une monnaie unique taillée sur mesure pour son modèle économique, l’Allemagne réalise des excédents commerciaux indécents, au détriment de ses soi-disant « partenaires ». Cela se traduit par un exode massif de la jeunesse des pays du Sud de l’Europe, précarisée, paupérisée par cette Europe de l’austérité.

Face à ce déséquilibre, la France doit mettre sur la table des propositions fortes pour s’opposer à la doctrine Merkel-Schäuble et s’atteler à construire des alliances solides avec d’autres États européens : elle en a les moyens, elle en a la capacité, elle en a l’obligation ! Notre pays ne doit plus se cacher : il doit enfin jouer franc-jeu. Il y va de l’avenir du projet européen et de sa participation au projet commun.

La refondation de l’Europe exige surtout que l’on écoute et que l’on respecte les peuples. Le mandat de la France et l’avenir de l’Europe ne doivent plus se décider dans leur dos. Renouer la confiance entre les citoyens et l’Europe suppose de poser l’indispensable question de son fonctionnement institutionnel et démocratique.

La Commission européenne, dirigée par le grand timonier de l’évasion fiscale, qui n’a certes rien d’un petit-père des peuples…

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…, peut-elle rester cette technostructure incapable d’entendre les peuples, qui garde le monopole de l’initiative législative ? Le Conseil, véritable trou noir de la démocratie, peut-il continuer à prendre des décisions dans l’opacité la plus complète ? Le Parlement européen et les parlements nationaux peuvent-ils décemment continuer à jouer les faire-valoir des décisions politiques ? Enfin, la BCE peut-elle demeurer indépendante du pouvoir politique et au service des seuls marchés financiers ?

La fracture avec les peuples est le sens profond de la crise existentielle que traverse la construction européenne. Il est décisif et urgent de donner la parole aux peuples européens, aux peuples souverains, pour qu’ils décident eux-mêmes, directement, des orientations du projet européen. Il ne s’agit nullement de déresponsabiliser les politiques ; au contraire, il leur revient d’offrir une vision alternative à la construction européenne.

Le Front de gauche, comme d’autres progressistes dont certains sont présents dans cet hémicycle, fait cette offre volontariste et porteuse d’espoir à l’heure où l’immobilisme semble l’emporter, immobilisme inéluctable tant que les dirigeants européens garderont pour seul objectif l’union des marchés européens. « Le moulin n’y est plus, mais le vent souffle encore », dit un vieux révolutionnaire dans Quatre-vingt-treize, le roman de Victor Hugo. « "Osez !" Ce mot renferme toute la politique de notre révolution », disait quant à lui Saint-Just.

Cependant je crains, monsieur le Premier ministre, que vous ne soyez par trop éloigné de quelque révolution que ce soit, trop éloigné même des valeurs qui vous conduiraient à mettre enfin en oeuvre une politique de progrès : une politique de gauche, tout simplement.

L’empereur romain Héliogabale aimait à faire servir à certains de ses convives, en guise de plats, les dessins des mets qui composaient le menu et ceux-ci devaient s’en contenter. Ce n’est pas ce genre de festin qu’attendent les peuples européens.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne. Si nous devons respecter le choix de la majorité des électeurs britanniques, nous pouvons toutefois le regretter, tant l’Europe a plus besoin d’unité que de dilution face aux menaces qui pèsent sur le monde.

Quoi qu’il en soit, ce choix devra être respecté et les négociations de sortie menées rapidement afin de permettre à l’Union d’avancer à vingt-sept. Le Président de la République, la chancelière allemande et le premier ministre italien se sont clairement exprimés en ce sens hier, tout comme le Parlement européen. Nous n’avons pas de temps à perdre : nous avons des défis auxquels nous devons répondre. II faut maintenant avancer vite.

La question qui se pose désormais à nous, avec encore plus d’acuité qu’auparavant, est celle de l’avenir de l’Union européenne et particulièrement de la zone euro. Le choix des Britanniques, de même que la montée des forces réactionnaires, populistes et eurosceptiques à travers toute l’Europe, sont révélateurs d’un malaise par rapport à l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui vécue et perçue par ses citoyens.

Mais ne créons pas de faux débats. Il faut arrêter d’opposer les citoyens à l’Union européenne. Il n’y a pas de contradiction entre la volonté des peuples et la poursuite du projet européen. S’il existe aujourd’hui un rejet de l’Europe, ce n’est pas le principe de l’intégration qui est en cause mais la manière dont elle s’est faite ; c’est l’incapacité de l’Europe à répondre aux crises – de la zone euro, du terrorisme ou des flux migratoires – qui est pointée du doigt.

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Je suis convaincu que si l’Europe va mal aujourd’hui, c’est justement parce qu’elle est inachevée, bloquée et mal assumée. C’est ce triple défi qu’il nous faut relever dans l’intérêt des Européennes et des Européens et dans celui des Françaises et des Français.

C’est pourquoi il nous faut d’abord achever l’intégration. La politique des petits pas a laissé l’Union européenne au milieu du gué, créant ainsi de nombreux déséquilibres que les grandes crises récentes ont mis en lumière. L’espace Schengen de libre circulation n’est pas viable sans une politique efficace de contrôle des frontières extérieures et sans une politique commune d’asile et d’immigration.

De la même manière, une monnaie commune ne peut être stable sans une coordination réelle des politiques économiques, une harmonisation des politiques fiscales et une convergence des politiques sociales et salariales. Nous devrons aussi préférer davantage la coopération à la concurrence.

C’est donc autour d’un certain nombre de propositions claires que la France et ses principaux partenaires, l’Allemagne et l’Italie en particulier, doivent prendre leurs responsabilités pour relancer l’Europe : un pacte de sécurité intérieure et extérieure afin de lutter efficacement contre le terrorisme, avec notamment un renforcement de la coopération policière et judiciaire et une union en matière de défense ; une révision des accords de Schengen et de Dublin afin de renforcer la sécurité aux frontières extérieures et de mettre en place une politique commune de l’asile, notamment avec la création d’un office européen des réfugiés ; une priorité renouvelée à l’investissement au travers de la consolidation du plan Juncker pour permettre le financement de la transition écologique et numérique et une détermination à investir massivement pour la jeunesse ; le renforcement de la zone euro par une véritable coordination des politiques économiques ; une convergence des politiques fiscales, salariales et sociales ; un budget propre qui permette d’assurer la solidarité et de faire face aux chocs macroéconomiques, avec un ministre des finances pour en assurer la direction et un Parlement pour en assurer le contrôle démocratique.

Il nous faut ensuite avancer avec ceux qui le veulent. Depuis quelques années, la recherche permanente du consensus et la volonté manifeste de certains États de ne plus aller de l’avant bloque toute initiative d’envergure. Certes, le plan Juncker, la garantie jeunesse et l’Union bancaire ont été mis en oeuvre grâce à l’insistance de la France mais c’est d’une ambition supérieure que nous avons besoin aujourd’hui. Si les Vingt-Sept ne veulent pas avancer ensemble, il faudra en prendre acte et avancer avec ceux qui partagent cette ambition. La zone euro est déjà un espace de coopération renforcée ; elle est une construction politique, qui doit devenir un espace d’intégration économique, fiscale et sociale, doté d’institutions fortes et démocratiques.

Il nous faut enfin assumer nos choix. Nous avons fait le choix de la construction européenne : c’était le bon choix. Il n’y a pas d’alternative crédible. Le repli sur soi, sur nos frontières nationales, n’est pas une option. Alors, arrêtons l’Europe honteuse ; arrêtons de blâmer Bruxelles pour nos propres choix ; arrêtons la fuite en avant : soyons fiers de porter un projet commun. Agissons et assumons nos choix.

Pour que la crise qui s’ouvre devienne le début de la reconquête de notre destin européen, nous avons besoin d’un « triple A » pour l’Union européenne : achever son intégration, avancer avec ceux qui veulent et assumer nos choix.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, voilà presque vingt-cinq ans, Philippe Séguin nous avertissait, ici même, dans un discours historique, de l’engrenage infernal dans lequel s’engageait l’Union européenne. Ses prévisions se sont réalisées une à une.

La construction européenne s’est lancée dans une tragique fuite en avant. Lors des dernières élections européennes, de nombreuses voix se sont élevées, notamment dans notre groupe et malgré les procès en sorcellerie, pour dire que l’Europe s’enfermait dans une impasse. Rien n’y a fait – rien jusqu’à ce vote du brexit. Soyons lucides : ce n’est pas le Royaume-Uni qui est en cause, mais le rejet de cette Europe. Ce vote n’est pas une affaire exclusivement britannique et rares sont les peuples européens qui, aujourd’hui, répondraient positivement à un référendum sur l’Europe.

Certains nous disent qu’il suffit de ne pas leur demander leur avis. Mais ce n’est pas le peuple qui est aveugle : ce sont les élites européennes qui sont restées sourdes ! Nous sommes dans le déni de la réalité depuis bien trop longtemps.

On ne peut que relever, monsieur le Premier ministre, l’état d’impréparation insensé dans lequel vous nous avez enfermés. Vous étiez, avec les autres dirigeants européens, à ce point dans l’aveuglement que vous n’avez pas préparé le moindre scénario pour faire face à une sortie du Royaume-Uni.

Pire, depuis quatre ans vous n’avez lancé, avec le Président de la République, aucune initiative,,

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain

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vous n’avez fait preuve d’aucune volonté politique forte pour faire bouger l’Europe et éviter cette catastrophe annoncée.

Mêmes mouvements.

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Même sur vos bancs, ils ne sont pas d’accord !

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Aujourd’hui vous feignez devant nous de découvrir un désastre dans lequel vous portez une lourde responsabilité car vous n’avez rien fait, notamment pour résoudre la crise migratoire.

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Alors oui, ce brexit est une opportunité car dorénavant on ne peut plus faire semblant : l’Europe ne marche plus et il faut aujourd’hui tout changer.

Des propositions telles que celle de punir le Royaume-Uni ou encore, venant de vos rangs, d’aller vers plus de fédéralisme européen sont l’exact inverse de ce qu’attendent les pays d’Europe et ne sont qu’une nouvelle manière d’esquiver le débat.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Nous voulons l’Europe mais nous ne voulons plus de ce que l’Europe est devenue. Tout d’abord, l’Europe à vingt-sept, ça ne marche pas : trop de pays qui ont trop peu d’intérêts communs.

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Il faut recréer un noyau dur efficace rassemblant un plus petit nombre d’États membres car on ne fait pas la même chose avec l’Allemagne et l’Italie qu’avec la Roumanie et la Bulgarie.

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Nous exigeons de ce point de vue que le Président de la République sorte de l’ambiguïté : nous vous demandons d’arrêter le processus d’élargissement. Toutes les négociations doivent immédiatement cesser et il faut dire clairement que la Turquie n’entrera jamais dans l’Union européenne.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Ensuite, les institutions doivent être totalement réformées, à commencer par la Commission, qui est le symbole des dérives technocratiques : tirons-en les conséquences et arrêtons de nous payer de mots sur le retour de l’Europe politique.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faut supprimer la Commission en tant qu’institution dotée d’un pouvoir d’initiative législative. Le politique doit reprendre une parole qu’il a désertée depuis trop longtemps. Dans quelle constitution politique digne de ce nom a-t-on déjà vu une structure administrative non élue avoir un pouvoir d’initiative et dicter une législation à l’ensemble de ses membres, y compris aux parlements nationaux ?

Mêmes mouvements.

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Enfin, il faut revoir le pacte fondateur. Ils avaient cru que l’Europe pouvait se passer de frontières mais défendre ses frontières n’est pas un gros mot ! Nous ne voulons plus d’une Europe qui assiste passivement à l’entrée irrégulière de 1,5 million d’étrangers, comme nous l’avons vu au cours des derniers mois.

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Or vous avez laissé faire cela par vos discours lénifiants, alors que les opinions publiques étaient révoltées par cette passivité.

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Vous avez agité les bras en évoquant une réforme de Schengen mais rien n’a bougé. Il faut sortir de Schengen, retrouver la maîtrise de notre politique migratoire et laisser les gouvernements et les parlements nationaux libres d’agir dans les domaines régaliens.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Ils avaient cru que la politique de la concurrence pouvait servir d’unique idéologie. Le résultat, c’est qu’on ne fait même plus la différence entre nos entreprises et nos concurrents. Nous avons le droit de défendre nos entreprises, surtout quand des pays comme la Chine sont les premiers à bafouer les règles de la libre concurrence. Nous voulons assumer une vraie stratégie industrielle européenne.

Ils avaient cru enfin que l’Europe pouvait exister sans se référer à son histoire et à sa culture. Mais l’Europe, c’est la tradition gréco-latine, ce sont les racines chrétiennes…

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… c’est l’Europe des Lumières, et on ne construira plus l’Europe sur la négation des identités nationales.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Une fois arrêtée cette refondation complète, il faudra consulter les Français par référendum parce qu’en démocratie on ne bannit pas le peuple.

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Vous êtes face à l’Histoire. François Hollande, tout au long de son mandat, n’a procédé que par compromis, par petits ajustements, par demi-mesures. Le résultat, c’est que la France s’est déclassée en Europe et que l’Europe s’est déclassée dans le monde.

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Ne cédez pas à Mme Merkel. Ne laissez pas l’inertie gagner.

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Vous pouvez déposer votre candidature à la primaire !

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Il faut bouger et il faut bouger vite, il faut tout réinventer. Ce défi est celui d’un continent qui ne veut pas mourir. Assumez enfin d’être à la hauteur de ce rendez-vous : si vous voulez l’Europe, alors l’Europe doit changer. Sortez enfin de ces demi-mesures !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, le 23 juin dernier, une majorité de Britanniques s’est prononcée par référendum en faveur de la sortie de l’Union européenne.

Ce vote, qui est une première, est un choc. Pour rebondir après ce choc, il faut prendre ce vote pour ce qu’il est et en tirer les conséquences.

Tout d’abord, ne nous leurrons pas : la majorité des Britanniques ayant voté ce brexit ne souhaitait pas une construction européenne plus forte, plus politique et plus solidaire, bien au contraire.

Ensuite, ce vote ne doit pas être contourné. Il doit être respecté et suivi de sa conséquence logique : la sortie effective de la Grande-Bretagne de l’Union européenne dans les deux ans, comme le prévoient les traités.

Il y aura des négociations – c’est dans l’intérêt de tous – pour savoir quel sera le statut futur de la Grande-Bretagne vis-à-vis de l’Union européenne. Mais, comme le Président de la République l’a dit au nom de la France, les négociations doivent être enclenchées dès maintenant.

Il nous faut travailler avec nos partenaires européens pour que ce choc se transforme en chance de sortir de l’impuissance européenne. Soyons lucides : partout en Europe, y compris en France, monte un authentique scepticisme quant à l’utilité même de la construction européenne. Le temps n’est donc pas venu d’un grand soir européen qui verrait se construire en quelques mois l’Europe politique dont nous pouvons rêver, y compris nous, les écologistes, qui avons toujours été et demeurons fédéralistes.

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C’est la preuve que vous, les écologistes, vous avez toujours tort !

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Si le choc produit par le résultat du référendum britannique peut faire bouger le conservatisme actuel, il ne lèvera pas tous les blocages comme par miracle.

Les écologistes font partie de celles et de ceux qui font le choix de la poursuite de la construction européenne. Il faut être clair en la matière : les propos de celui qui s’est exprimé avant moi montrent que d’autres font un autre choix et qu’ils doivent l’assumer devant les Français.

Lorsque l’on fait le choix d’un avenir européen pour la France, la première résolution à prendre est sans aucun doute d’en finir avec les promesses non tenues. La promesse d’une Union qui nous protégerait des effets néfastes d’une mondialisation non maîtrisée, cette promesse, qui justifie l’existence même d’une Union européenne, n’a pas été tenue. La demande des citoyens européens et des Français en particulier est de voir les institutions européennes contribuer à régler concrètement des problèmes pour lesquels l’échelle européenne est pertinente.

Il y a bien sûr la nécessaire consolidation de l’union économique et de l’euro par le soutien à la reprise économique. N’oublions pas qu’il y a un an, ce n’est pas du brexit dont nous parlions mais du grexit. À l’époque, la question était la sortie de la Grèce de l’euro, posée, non pas par les Grecs eux-mêmes mais par d’autres États européens. Au prix d’un compromis très difficile et d’efforts très importants consentis par les Grecs, la Grèce est restée dans l’euro, ce qui est une bonne chose.

Nous proposons quatre autres chantiers pour redonner de la crédibilité à une Europe qui protège. Le premier doit être celui de la coopération dans la lutte contre le terrorisme. L’un des objectifs de la construction européenne est la paix. Aujourd’hui, la principale menace dont il faut se protéger, c’est le terrorisme.

Le deuxième chantier est celui de la gestion de la crise des migrants. On ne pourra pas continuer dans la voie de la libre circulation des personnes au sein de l’Union – progrès auquel les citoyens européens sont attachés – sans une gestion stricte des frontières extérieures de l’Europe. L’Union européenne doit en parallèle avoir une gestion commune de cette crise humanitaire pour ne pas laisser quelques pays faire face seuls à cet effort d’accueil et de solidarité.

Le troisième chantier devrait être celui de la convergence fiscale et sociale, avec deux objectifs concrets. Concentrons nos efforts en matière fiscale sur la convergence progressive des taux d’impôt sur les sociétés au sein de la zone euro : c’est possible et souhaitable pour éviter le dumping fiscal. En matière sociale, réformons rapidement le système des travailleurs détachés.

Quatrième chantier enfin, nous plaidons pour une union européenne de l’énergie et du climat. S’il y a bien un sujet pour lequel le niveau européen se justifie, c’est bien celui de la lutte contre le dérèglement climatique. Or, dans ce domaine, l’Europe a reculé ces dernières années. Dans la mesure où l’objectif de développement des énergies renouvelables est partagé, il est possible de prendre des engagements communs. Il faut s’engager maintenant, ensemble, à fermer les vieilles centrales, qu’elles soient nucléaires ou à charbon.

Si nous ne voulons pas alimenter la régression nationaliste, il faut reconstruire une crédibilité européenne fondée sur le progrès, sur le plan à la fois économique, écologique et social.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain

Les primaires de la droite continuent !

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chers collègues, la vieille Europe est morte jeudi dernier à Londres. Une nouvelle Europe peut naître : cela ne dépend que de nous, de nous tous ici et de la France.

Nous sommes, nous Français, face à une responsabilité historique. Nous avons d’abord à régler rapidement les problèmes qui se posent avec la Grande-Bretagne, ainsi que François Fillon l’a très bien dit tout à l’heure. Il faut régler les problèmes financiers : il n’est pas question que Londres dispose demain d’un passeport financier pour implanter ses institutions financières en Europe.

Il faut régler les problèmes économiques pour que nos exportations puissent se poursuivre vers la Grande-Bretagne.

Il faut régler le problème des migrants : cela suppose, comme l’a très bien dit Xavier Bertrand, de revoir les accords du Touquet et de déplacer la frontière de Calais à Douvres.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Il faut ensuite ouvrir rapidement une négociation pour signer un nouveau traité qui permette de réinventer le projet européen conformément à nos intérêts à nous, Français, et conformément à l’idée que nous nous sommes toujours faite de la construction européenne.

Cette négociation doit évidemment commencer avec Berlin car rien de grand ne se fait en Europe sans un accord entre la France et l’Allemagne. C’est parce que nos deux pays sont si différents qu’un accord entre eux permet de trouver un compromis entre les vingt-huit États membres de l’Union européenne.

Cette négociation doit également être ouverte aux six États fondateurs de l’Union européenne, parce que c’est leur responsabilité : on ne peut pas avoir construit l’Europe en 1957 et se détourner devant le risque de la voir disparaître en 2016.

Bien entendu, tous les États membres qui souhaiteraient s’associer à cette négociation, autour de l’Allemagne, autour des six États fondateurs, sont les bienvenus.

Quels sujets devrions-nous traiter dans le cadre de cette négociation ? D’abord la question des institutions européennes, devenues illisibles à force de bureaucratie. Nous ne pouvons pas demander des efforts ici et réduire les effectifs dans la fonction publique française tout en laissant Bruxelles recruter toujours plus de fonctionnaires européens.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Il faudra ensuite s’attaquer à la question des frontières : il est temps de clarifier notre projet européen et de dire une bonne fois pour toutes qu’il n’y a pas de grand projet politique sans frontières. Mieux vaut dire immédiatement à ce grand État, cette grande nation qu’est la Turquie que sa place n’est pas dans l’Union européenne. Nous devons dès maintenant conclure un accord de coopération avec la Turquie plutôt que de lui faire miroiter une adhésion qui n’aura jamais lieu !

Mêmes mouvements.

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Le troisième sujet devra être l’économie : il faut en finir avec le dogme de la concurrence libre et absolue comme seule boussole de la construction économique européenne ! Apprenons à défendre nos intérêts industriels, nos intérêts agricoles face à la Chine et face aux États-Unis ! Nous ne devons pas être dépourvus de moyens de réaction, de puissance, d’organisation économique dans la mondialisation telle qu’elle se construit.

Le dernier sujet c’est la sécurité. Face aux menaces, face à la déstabilisation du Moyen-Orient, face aux risques de terrorisme, face à l’afflux de réfugiés, il est temps que l’Europe prenne conscience de la nécessité d’avoir les moyens de protection nécessaires. La France seule ne peut pas assumer le fardeau : tous les États européens doivent augmenter leur budget de défense pour participer à la sécurité du continent européen.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Une fois que ce traité aura été négocié – soyons clairs, ce ne sera pas une affaire de mois mais d’années si nous voulons reconstruire sur des bases solides –, il faudra le soumettre au vote des Français par la voie du référendum.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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L’Europe de 1957 s’est faite sans les peuples. C’était la méthode de Monnet et de Schuman : on négocie dans les couloirs et on ne consulte pas les peuples. Puis l’Europe s’est faite contre les peuples : en 2005, lorsque le peuple français a voté non, au lieu d’écouter ses inquiétudes, on l’a méprisé et on a continué d’avancer dans la construction européenne.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain

Qui a fait cela ? Des noms !

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L’Europe de demain devra se faire avec l’assentiment des peuples. N’ayons pas peur des peuples pour construire l’Europe ou les peuples se vengeront de la construction européenne.

À ceux de mes amis gaullistes qui douteraient de l’intérêt du référendum, je veux dire que c’est le général de Gaulle qui a inscrit cette possibilité dans la Constitution ; à tous mes amis socialistes qui seraient dans le même cas, je rappelle la phrase prononcée par Mitterrand à l’occasion du référendum de 1992 : l’Europe n’est pas ma propriété, elle est celle des Français.

C’est bien parce que l’Europe n’est pas notre propriété mais celle du peuple français que, le moment venu, quand un traité permettant d’impulser une nouvelle orientation à l’Europe aura été négocié, il faudra donner la parole aux Françaises et aux Français.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs, combien de référendums faudra-t-il pour faire comprendre aux dirigeants européens l’échec total de l’Union européenne ? Quand cessera-t-on de confondre l’Europe, sa géographie, son histoire, sa culture, ses projets communs, avec l’Union européenne, construction artificielle et autoritaire qui a défiguré l’idéal de paix et de prospérité imaginé au lendemain de la deuxième guerre mondiale ?

Pourquoi avoir attendu onze ans avant de se décider soudain à tirer les leçons de la faillite de l’Union européenne ? Après avoir écouté avec beaucoup d’attention les orateurs qui m’ont précédé, j’ai envie de remercier le peuple britannique de vous avoir fait découvrir la réalité de cette Union européenne. Dois-je vous rappeler, monsieur le Premier ministre – messieurs les Premiers ministres – qu’en 2005, les Français avaient voté non ? Qu’avez-vous fait de ce beau et grand « non » populaire ?

La plupart de ceux qui viennent de s’exprimer dans cette enceinte l’ont ouvertement bafoué en approuvant ici même le traité de Lisbonne, soit exactement ce que les Français avaient rejeté par la voix populaire du référendum. N’allez donc pas chercher plus loin la crise de défiance populaire qui mine notre vie démocratique. N’allez pas chercher plus loin le discrédit qui mine les partis traditionnels dans notre pays. Depuis près de dix ans, les Français, comme les autres peuples d’Europe, paient très cher la démission de leurs gouvernements successifs.

Prenons des exemples concrets, que vous découvrez aujourd’hui alors qu’ils existent depuis des années. Pourquoi, par exemple, avez-vous toléré l’application de la directive sur les travailleurs détachés, qui a permis de créer 400 000 ou 500 000 emplois low cost, volés aux Français ? Pourquoi avez-vous signé la fin des quotas laitiers, qui ruine nos éleveurs

Murmures

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Pourquoi avez-vous consenti à un libre-échange naïf qui explique l’ampleur des délocalisations, ce que vous découvrez tous aujourd’hui ? Pourquoi avez-vous obéi à la demande allemande d’imposer à la Grèce, à l’Espagne et au Portugal des cures d’austérité inutiles et inefficaces ? Pourquoi, monsieur le Premier ministre, M. le Président de la République a-t-il toléré que Mme Merkel négocie seule avec M. Erdogan la libéralisation des visas à partir du 1er octobre ? Pourquoi n’avez-vous pas rétabli les frontières quand l’Allemagne a accepté sur son sol plus d’un million de migrants, mettant en danger l’équilibre du continent ?

Pourquoi, si le traité transatlantique est aussi dangereux que vous le découvrez aujourd’hui, n’avez-vous pas déjà rompu les négociations et montré la capacité de la France à dire non ?

Pourquoi, en période de disette budgétaire, tolérez-vous que, chaque année, notre pays verse huit milliards d’euros de contribution nette pour nourrir ce monstre bureaucratique ?

Assez d’hypocrisie, mes chers collègues ! Les Français n’attendent plus des discours mais des actes.

Comment croire que vous pourrez réformer un système que vous avez vous-même créé et dont vous êtes prisonniers ?

Pour le réformer, en effet, ou du moins le restructurer en profondeur et retrouver un peu de crédibilité aux yeux du peuple français, il faut tout simplement, comme les Britanniques, oser en sortir, non pas pour s’isoler et transformer la France en une île au milieu de l’Atlantique mais pour remplacer cette très mauvaise Union européenne, qui nous asphyxie, nous assassine, par la seule Europe qui peut marcher et qui a déjà fonctionné : l’Europe des nations libres et des projets concrets.

L’Europe des États libres, cela signifie que chaque pays récupère son droit de veto, le fameux compromis de Luxembourg, la maîtrise de ses frontières, de ses lois, de son budget et de sa monnaie. Une Europe européenne, c’est une Europe qui rompt avec le traité transatlantique et la soumission aux États-Unis et qui affirme clairement qu’elle ne s’étendra pas à la Turquie. C’est aussi une Europe des projets concrets, à l’image d’Airbus et d’Ariane, les deux seules réalisations européennes qui ont fonctionné parce qu’elles n’ont pas été mises en place par la Commission de Bruxelles.

Aujourd’hui, le choix est très simple : foncer dans le mur ou remplacer l’Union européenne, mais pour y réussir encore faudrait-il savoir quel projet nous voulons pour la France. Or je n’ai pas entendu un mot sur la France dans ce débat. Seule une France forte, juste, libre, capable de s’adresser au monde et qui ne soit pas soumise à l’un de ses partenaires, peut retrouver la force de changer l’Europe en profondeur, parce que, d’abord, elle aura pu reconquérir sa liberté.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, face au choc du brexit, je veux insister sur deux priorités.

La première est qu’il faut s’adresser au Royaume-Uni avec clarté et fermeté.

Le vote du peuple britannique n’est pas surprenant car le Royaume-Uni n’a jamais partagé la vision européenne des pays fondateurs. Churchill lui-même préconisait la construction d’une Union européenne autour de la France et de l’Allemagne, mais, précisait-il, sans l’Angleterre. Il reste que ce vote est un tremblement de terre dont on n’a pas fini de sentir les répliques.

D’abord, dans ce grand pays, à la si riche histoire, qui a tant apporté à la paix, à la prospérité et aux valeurs de l’Europe, ce vote révèle des fractures profondes, économiques et sociales, mais aussi générationnelles et politiques. C’est triste, mais c’est aussi dangereux car les outrances et la violence de la campagne électorale – j’ai une pensée comme vous tous et toutes pour Jo Cox – peuvent perdurer, voire s’aggraver.

N’oublions pas aussi que l’agitation des marchés financiers peut s’amplifier jusqu’à devenir incontrôlable si l’on ne met pas fin à l’incertitude et à la confusion.

Il faut donc, sans perdre de temps, tirer toutes les conséquences du vote d’un peuple ami, qui a fait un choix que nous respectons mais qui, de son côté, doit respecter notre exigence de clarification. Il serait absurde et désastreux que les dirigeants du Royaume-Uni jouent la montre.

Il est urgent et indispensable qu’un accord sur les modalités de la séparation entre le Royaume-Uni et l’Union soit conclu dans un délai très inférieur à celui de deux ans prévu par l’article 50. Il faudra aussi absolument éviter que cette discussion n’encombre l’agenda politique de l’Union européenne alors qu’elle peut être menée rapidement à bien par une équipe technique puis validée par le Conseil d’ici à quelques mois.

C’est dans une seconde phase, une fois la séparation faite et non pas auparavant ni pendant, que la négociation, plus complexe et plus longue, sur le statut futur des relations entre l’Union et le Royaume-Uni pourra s’engager. Ces deux phases de négociation doivent être bien distinctes.

Seconde priorité, l’Union européenne doit changer, nous l’avons tous dit, car elle aussi est menacée par la multiplicité des crises qu’elle peine à surmonter, et surtout par la crise démocratique, qui favorise l’éloignement de peuples qui ne savent plus pourquoi on fait l’Europe.

Certains veulent faire table rase et élaborer un nouveau traité « fondateur ». Ce type de propositions vient de ceux qui ont toujours combattu les avancées de l’Union européenne.

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Comment peut-on croire que la confiance de nos concitoyens serait rétablie par une réforme institutionnelle ? Nos peuples attendent d’abord qu’on leur propose rapidement des réponses concrètes et des politiques efficaces.

Concentrons l’action de l’Union sur quelques priorités politiques. Elles ont été heureusement évoquées par le Président de la République dès le lendemain du vote britannique et confirmées hier à Berlin avec Mme Merkel et M. Renzi. Elles visent à répondre aux deux principales attentes des peuples européens : l’emploi et la sécurité.

Pour l’emploi, la relance de la croissance par des investissements d’avenir – dans des domaines tels que le numérique ou la transition énergétique –, mais aussi une meilleure harmonisation fiscale et sociale sont indispensables. Cela nous impose d’achever l’Union monétaire et de la compléter par une union économique fondée sur la responsabilité – retrouver la compétitivité – et sur la solidarité, pour organiser une convergence vers le haut.

Étendons le programme Erasmus non seulement à tous les étudiants mais aussi à ceux qui ne le sont pas, en créant un Erasmus des apprentis et un Erasmus des associations, qui récompenserait l’engagement citoyen de nos jeunes dans des projets identifiés.

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S’agissant de la sécurité, parachevons Schengen en établissant de vrais contrôles aux frontières extérieures et par une harmonisation des politiques d’asile.

Parce que sécurité intérieure et extérieure sont aujourd’hui indissociables, il est urgent de mettre en oeuvre une politique étrangère et une politique de sécurité et de défense. De ce point de vue, le départ du Royaume-Uni offre de nouvelles opportunités. La coopération militaire bilatérale, d’ailleurs excellente entre la France et le Royaume-Uni, ne sera évidemment pas interrompue par le brexit mais ce dernier lève l’un des obstacles à la création d’une chaîne de commandement civile et militaire permanente. Ne laissons pas passer cette chance !

Mes chers collègues, comme le disait Stefan Zweig, l’idée européenne n’est pas un sentiment premier comme le sentiment patriotique mais c’est une grande idée qu’il revient à chaque génération de faire vivre. Dans le monde incertain qui est le nôtre, les anciens doivent aider les plus jeunes à réinventer le projet européen, en gardant à l’esprit qu’il reste à imaginer une fédération d’États nations ambitieuse, à la légitimité démocratique forte, construite autour des valeurs qui font de l’Union européenne la civilisation la plus désirable du monde.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

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Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les résultats du référendum britannique constituent un tournant dans l’histoire de la construction européenne, d’autres l’ont dit. Nous devons respecter ce choix souverain des électeurs, marqué par un taux de participation de plus de 71 %.

Les modalités de sortie du Royaume-Uni comptent, bien sûr, et nous devons éviter un effet domino mais l’urgence est ailleurs. L’urgence, c’est la refondation du projet européen, la remise à plat des traités, la réappropriation démocratique du projet. Il faut recentrer ce projet sur son objectif initial, reconstruire avec les États membres volontaires une Europe de la solidarité, des libertés, de la paix et du partage de la prospérité, capable de porter nos valeurs dans le monde.

Nous devons réaffirmer notre attachement à la liberté de circulation, qui est une conquête extraordinaire. La jeunesse britannique, comme les générations Erasmus, a montré son attachement à cette liberté de circulation.

Cependant, le vote britannique n’est pas seulement un vote générationnel.

Pour moi, ce vote est avant tout un cri de colère des plus précaires, des plus démunis, des laissés-pour-compte de la mondialisation auquel nous devons répondre. Les gouvernements européens, et le moteur franco-allemand en premier lieu, doivent impérativement s’engager sur la voie d’une Union européenne sociale et plus démocratique s’ils veulent retrouver la confiance des peuples européens. Le pouvoir d’initiative du Parlement européen doit impérativement être renforcé pour doter les citoyens européens d’une représentation démocratique à la hauteur de leurs attentes. Nous pourrons alors réfléchir, avec nos partenaires, à la mise en place d’un salaire minimum européen et d’une assurance chômage européenne dans chaque État. Sans ce volet social, l’idéal européen disparaît dans ce qui n’est qu’un grand marché intérieur.

Si nous abandonnons l’ambition de construire une Europe politique et sociale pour faire face aux défis d’un monde globalisé, aux premiers rangs desquels les migrations et le changement climatique, le projet européen est voué à l’échec. Notre seule chance de sauver l’Europe, c’est de la mettre au service d’un projet politique conçu avec et pour les citoyens. Ce projet politique, la France a le devoir de le promouvoir.

La création d’une telle Europe est-elle réalisable ? Comme le sous-entend la déclaration des ministres des affaires étrangères des six États fondateurs de l’Union européenne, il est peut-être nécessaire d’accepter dorénavant une Europe différenciée organisée autour d’un noyau dur porteur d’une intégration renforcée.

Nous devons agir ensemble pour soutenir les industries européennes, construire l’Union européenne de l’énergie et du climat, lutter contre le dumping social et mener une véritable convergence fiscale et sortir du dogme de la concurrence libre et non faussée. Sur la plupart de ces sujets, la voix du Royaume-Uni a longtemps été un frein. Il faut saisir cette opportunité malheureuse pour enfin avancer.

Si nous voulons que l’Union européenne soit ambitieuse, il faut lui redonner les moyens de cette ambition. Relançons l’idée de l’établissement d’une taxe carbone aux frontières et d’une taxe sur les transactions financières ! Mettons en place une véritable capacité budgétaire européenne afin que les richesses soient réellement partagées ! Donnons à l’Union européenne les compétences nécessaires en matière d’immigration, en matière sociale et en matière fiscale !

Il nous faut également repenser l’Europe de la défense puisque la deuxième armée européenne s’apprête à quitter l’Union européenne.

Le référendum britannique doit surtout servir de leçon à toute la classe politique européenne. Voilà ce qui arrive lorsqu’on fait de l’Union européenne un bouc émissaire et qu’on veut unifier son parti sur le dos de Bruxelles ! David Cameron nous a tous pris en otage pour apaiser quelques dizaines de conservateurs de Westminster. Malheureusement, ce sont toujours les peuples qui paient pour les manipulations politiciennes ! Espérons que la Commission européenne aura compris le message et ne sanctionnera pas une Espagne et un Portugal exténués en leur imposant une amende ou une suspension temporaire des fonds structurels.

Le référendum britannique, ce n’est pas la défaite de l’Union européenne, c’est peut-être encore plus grave que cela : c’est surtout la victoire du nationalisme mortifère, de la peur de l’autre et du repli sur soi. Ce nationalisme gangrène petit à petit toute l’Europe et nous devons tous le combattre tous les jours par nos paroles et nos actes.

Je condamne ainsi fermement les attaques racistes qui se sont multipliées ces derniers jours au Royaume-Uni et visent particulièrement la communauté polonaise comme je condamne toute manifestation d’intolérance.

Une volonté politique partagée est nécessaire pour refonder l’Europe qui protège, celle qui combattra enfin l’augmentation des inégalités et prendra enfin la mesure de la crise écologique et de ses dangers ! J’achèverai mon propos par les mots prononcés par Jo Cox lors de son discours d’investiture, lui rendant ainsi un dernier hommage : « Nous sommes bien plus unis et avons bien plus en commun les uns avec les autres que de choses qui nous divisent ». C’est aussi en rappelant cet état de fait que nous devons refonder le projet européen !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ce débat montre combien chacun a pris la mesure de ce qui constitue un électrochoc historique. Nous avons d’ailleurs été nombreux, depuis plusieurs mois, à dire que la décision souveraine de la Grande-Bretagne de quitter l’Union européenne mettrait celle-ci en danger et pourrait même la disloquer tant nous en mesurions les conséquences.

Il est d’ailleurs assez étonnant – disant cela je ne m’adresse évidemment pas à ceux qui sont ici – d’affirmer avec autant de force la place du peuple et de ceux qui le représentent et de quitter l’hémicycle sans écouter l’ensemble des intervenants dans ce débat !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous ne pouvons pas donner des leçons de démocratie sans nous demander quelle image nous donnons de nous-mêmes, Gouvernement et Parlement, au peuple français – et je ne m’excepte pas de ce devoir. Si nous voulons que l’Assemblée nationale soit pleinement et entièrement responsable de la politique européenne, elle doit donner l’exemple en la matière ! Se contenter de venir faire sa déclaration et son chahut avant de repartir n’est pas un comportement digne de l’enjeu démocratique que nous avons tous en tête aujourd’hui !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Plus sérieusement, il existe un accord…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

J’ai bien dit que je ne m’adressais pas à ceux qui sont dans l’hémicycle, ce qui serait évidemment un peu contradictoire !

Il faut, je crois, cultiver le souci de la clarté, de la vérité et d’une unité qui ne soit pas factice. Sur le sujet fondamental de l’Europe et de l’avenir de la France dans l’Europe, il faut agir avec un souci d’unité. Il existe un accord sur le fait que le brexit n’est pas uniquement un problème britannique, même s’il y a des spécificités britanniques. L’onde de choc traverse toute l’Union européenne, et d’abord bien sûr la Grande-Bretagne, comme si au fond ce qui s’est passé était inimaginable, mais aussi notre propre pays. Beaucoup de nos compatriotes se demandent comment les choses vont se passer.

Nous portons toujours un regard particulier sur la Grande-Bretagne. Aucun de nos compatriotes n’ignore son rôle ni les liens que nous avons avec elle et le rôle et la place qui ont été les siens tout au long du XXe siècle. Le courage de Churchill et des Britanniques ont été essentiels pour sauver la France et l’âme européenne face au nazisme. Nous connaissons le particularisme des Britanniques au sein de la réalité européenne mais ils demeurent nos partenaires sur bien des sujets. François Fillon a eu raison de rappeler qu’en matière de défense il faut renforcer ces liens. Même si nous allons devenir le seul État membre de l’Union européenne à être aussi membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la Grande-Bretagne restera un membre permanent de ce conseil. Nous sommes donc là face à des enjeux tout à fait essentiels pour toute l’Union européenne et il faut en prendre la mesure.

Il me semble qu’il existe aussi un accord sur les domaines dans lesquels les politiques doivent être renforcées et crédibilisées. En matière de sécurité et de croissance, chacun l’a dit à sa manière, il y a urgence. Nous en sommes d’accord et nous agissons, en dépit de toutes les critiques dont le Gouvernement fait l’objet. En matière de sécurité et de renforcement des frontières extérieures, il a fallu que la France agisse et c’est elle qui a pris toutes les initiatives pour que chacun en Europe prenne la mesure du choc migratoire.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Si nous voulions sauver Schengen, il fallait faire en sorte que les frontières soient pleinement respectées. Des décisions ont été prises dans ce sens. L’essentiel désormais est de faire en sorte qu’elles soient appliquées. Il ne s’agit pas de supprimer l’espace Schengen mais de faire en sorte que les frontières extérieures soient respectées. J’étais en Grèce il y a encore trois semaines : cette frontière est la nôtre et c’est donc à l’Union européenne d’assumer ses responsabilités face aux flux des réfugiés du Proche et du Moyen-Orient déchirés par la guerre qui se présentent aux frontières de la Turquie et de la Grèce, faute de quoi nous reviendrons aux frontières nationales et c’en sera fini d’une grande part du projet européen !

On peut parfaitement défendre une telle position. Nous-mêmes d’ailleurs, face à des événements tels que les flux migratoires et la menace terroriste, nous avons rétabli des contrôles aux frontières. Les États peuvent donc assumer en partie ces responsabilités mais si on croit en l’Europe, si on croit dans les frontières européennes et en cet espace culturel de civilisation que beaucoup d’entre nous ont évoqué aujourd’hui, il faut qu’il ait des frontières ! Les frontières nationales comme les frontières européennes veulent bien dire quelque chose ! Je crois pour ma part aux Etats-nations comme à l’espace européen et c’est pourquoi je crois que les frontières, qui sont pour nous une protection, sont nécessaires.

C’est pourquoi la sécurité, la lutte contre le terrorisme, les défis posés par les flux migratoires tout comme le renforcement de notre capacité d’accueil au nom de nos valeurs, qui soulève la question du droit d’asile, ainsi que la défense, constituent les grandes priorités au sujet desquelles chacun doit évoluer. Remarquons d’ailleurs que l’Allemagne a été peu présente dans nos discussions mais qu’elle évolue en matière de défense. Dans le cadre de notre intervention au Mali, décidée par le Président de la République, de notre participation aux coalitions au Levant et de notre présence au Liban, nous Français assumons une grande part de la responsabilité de l’Europe tout entière. Peu de pays peuvent le faire, peu de pays ont une telle capacité de projection.

En la matière, il faut que l’Europe avance sans rien ignorer des difficultés et des contradictions opposant une Europe, la nôtre, tournée vers les grands conflits du Proche-Orient et du Moyen Orient, vers ce qui se passe en Méditerranée et vers les défis du développement en Afrique, et d’autres pays d’Europe qui, en raison de leur géographie ou de leur histoire, se trouvent face à la Russie et ont leurs propres priorités, ce qui crée forcément des tensions. Nous pouvons néanmoins nous retrouver, même si chacun défend ses positions, et bâtir sur la base de ces frontières des coopérations puissantes, en Méditerranée mais aussi avec la Russie qui fait partie de cet ensemble, même si elle n’est pas membre de l’Union européenne, et demain avec la Turquie. Sur ces sujets, il ne servirait à rien d’accentuer les différences, sinon à des fins politiciennes.

Quant à l’économie et la croissance, je prends avec intérêt connaissance de vos propositions, qui ne sont pas forcément très différentes les unes des autres, sur la zone euro, le contrôle démocratique, le rôle qui pourrait être celui d’un Parlement de la zone euro constitué de parlementaires européens et nationaux en matière de coordination des politiques. D’ailleurs, personne ou presque ne propose de revenir sur le rôle de la zone euro et sur la monnaie commune. Ce qui s’est passé il y a un an en Grèce montre bien tout ce que cela peut représenter comme difficulté et comme risque de délitement pour la zone euro.

Dans cette perspective la question de l’investissement est tout à fait essentielle. Il faut aller encore plus loin. On pourrait par exemple doubler le plan Juncker d’investissement afin d’améliorer la vision que les Européens ont des politiques économiques telles qu’elles ont été menées et dont j’entends ici ou là rappeler les responsabilités. Je m’adresse ici à André Chassaigne, dont j’ai apprécié les très belles citations mais aussi les accents européens. Vous êtes un Européen, président Chassaigne, un Européen critique, comme beaucoup d’entre nous, et qui pose un regard lucide sur l’Europe. Je persiste néanmoins à dire que les choix réalisés par nos gouvernements depuis 2012 ne s’apparentent en rien à une politique d’austérité voulue par la Commission européenne.

Si les premières réponses de la Commission européenne à la crise que nous vivons consistaient à punir l’Espagne ou le Portugal, sans tenir compte des problèmes auxquels sont confrontés ces pays, cela serait un signe terrible et catastrophique adressé à ces deux peuples qui restent profondément européens car ils savent ce que l’Europe a apporté à leur pays respectif, notamment à la sortie des dictatures.

Il existe une interrogation cruciale et partagée sur la façon dont l’Europe se construit. On ne peut pas dire, comme l’a fait Bruno Le Maire – j’ignore s’il m’écoute hors de cet hémicycle – que l’Europe s’est construite contre les peuples : il me semble que c’est un raccourci, voire une contrevérité quant aux origines de la construction européenne, qui sont beaucoup plus complexes que cela. On ne saurait la réduire à l’action de Schuman et Monnet et un tel raccourci est étonnant de sa part ! Le choix principal, qui renforce profondément la construction européenne, a été le fait de de Gaulle et d’Adenauer sur la base de ce qui avait été entrepris sous la Quatrième République.

Ce choix fondamental fait alors par la France et l’Allemagne l’a été, me semble-t-il, en résonance complète avec les peuples, et même d’ailleurs s’il l’avait été contre leur avis, ils auraient eu raison de dépasser ainsi l’antagonisme qui opposait ces deux pays car si nous sommes un espace de civilisation et si l’Europe a une âme, nous ne devons pas oublier que cette civilisation a été, au XXe siècle, capable du pire, jusqu’à l’horreur.

Après-guerre des hommes, des femmes qui voulaient reconstruire l’Europe ont porté un projet qu’Adenauer et de Gaulle ont élaboré, que Giscard d’Estaing et Schmidt ont poursuivi, que Mitterrand et Kohl ont porté après la chute du mur de Berlin, au travers notamment de la création de l’euro. C’est tout cela qui a construit l’Europe avec, je le pense, l’assentiment des peuples.

A contrario, il est vrai que depuis sans doute le début des années 2000, après l’introduction de la monnaie unique et la réunification de l’Europe, le projet lui-même a manqué de sens. Un espace économique, une monnaie unique, l’élargissement à l’Est après l’élargissement au Sud : la finalité du projet européen s’est perdue. C’est la raison pour laquelle les citoyens demandent à être associés à la gestion quotidienne de l’Europe et à ses projets, ce qui relève à la fois de la responsabilité de l’Union européenne elle-même et de ses États membres. C’est sur ce point qu’il faut travailler très sérieusement et de façon crédible, c’est la question qu’il faut traiter en même temps que nous gérons les conséquences du brexit. Reconnaissons que ce n’est pas facile, car nous sommes une fédération d’États-nations et non une nation unique, avec un seul Parlement et une population qui vote pour un gouvernement ou pour un Parlement au niveau des vingt-huit hier et, demain, des vingt-sept. C’est toute la complexité de l’Union que d’être à la fois intergouvernementale et intégrée. Il y a le Parlement européen, les parlements nationaux, la Commission.

À cet égard, il y en a assez de la démagogie qui consiste, quand on a été ministre des affaires européennes et qu’on aspire à revenir au gouvernement, à venir proposer ici de supprimer la Commission européenne !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le débat peut être de bonne tenue. Nous sommes des gens responsables. Vous n’êtes pas les parlementaires d’un petit pays, vous êtes les parlementaires et je suis le chef du gouvernement d’un pays qui s’appelle la France,

Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

qui a contribué à la fondation de l’Europe. Cela impose un peu de sérieux, et la plupart des orateurs en ont fait preuve. Bon sang ! la quête de quelques points de popularité supplémentaires ou des voix du Front national ne justifient tout de même pas porter ce type de comportement et de propositions.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je dirai quelques mots sur le couple franco-allemand, qui est solide même si je n’ignore rien de ses difficultés. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas de la seule responsabilité de l’Allemagne. Elles sont notamment liées au fait que l’écart de compétitivité entre nos deux pays qui s’est creusé au cours des années 2000 a créé un déséquilibre, pour toute une série de raisons, et les gouvernements n’en sont pas les seuls responsables. Cet écart pose problème tant aux Français qu’aux Allemands au demeurant. Je vous renvoie à ce sujet aux réflexions très lucides d’Helmut Schmidt, qui s’en était inquiétait déjà.

Pour fonctionner, l’Europe doit pouvoir s’appuyer sur l’équilibre entre l’Allemagne et la France et le Président de la République s’en soucie constamment. On pourrait en effet faire le choix de la confrontation avec l’Allemagne, et certains l’ont cherchée ; ce n’est pas le Président de la République François Hollande qui est allé devant le Conseil ECOFIN pour lui expliquer ce qu’il fallait faire. Le Président de la République François Hollande a toujours le souci de trouver un équilibre. On ne peut pas à la fois nous exhorter de nous affranchir de l’Allemagne de Mme Merkel et nous reprocher de n’être pas capable de bâtir avec elle un partenariat susceptible de tirer l’Europe vers le haut.

Une déclaration conjointe a été faite hier soir, un Conseil européen a lieu aujourd’hui. Nous partageons la volonté de contribuer ensemble à la refondation du projet européen, notamment en formulant des propositions dans le domaine de la défense et de la sécurité et de la protection des frontières. L’Allemagne évolue sur ce point car elle est évidemment confrontée au défi de l’accueil des réfugiés mais il faudra la convaincre. Les propositions portent également sur l’investissement et la croissance, et il appartient également à l’Allemagne de faire ce choix de l’investissement et de la croissance, fondamental pour elle comme pour l’Europe.

La France comme l’Allemagne, le Président de la République comme la chancelière souhaitent que la sortie du Royaume-Uni se fasse de manière ordonnée et rapide, que l’Union européenne établisse avec cet ex-État membre une nouvelle relation favorable aux intérêts de la France, de l’Allemagne et de l’Union.

C’est vrai, il faut également mettre sur la table le sujet de la nécessité de réinventer le projet européen. J’ai bien écouté les interventions de François Fillon ou de Bruno Le Maire, celles des présidents de groupe Bruno Le Roux ou Roger-Gérard Schwartzenberg, celles de François de Rugy, Philip Cordery ou Élisabeth Guigou, bien sûr, et je peux même être en résonance avec les propos d’André Chassaigne. Il y a des différences entre nous et elles sont légitimes. Elles sont le fruit de l’histoire et je n’oublie pas que l’Europe s’est construite en grande partie par un accord entre la démocratie chrétienne et la social-démocratie, la droite et la gauche. Chacun toutefois partage le projet européen. Les approches sont différentes, personne ne le niera, mais je reste convaincu que si la France veut peser à l’avenir l’unité est nécessaire et ne doit pas être factice pour autant.

À cet égard, monsieur le président, la mission d’information que vous présidez a un rôle important à jouer dans le suivi de ce qui va se passer ces prochaines semaines, ces prochains mois, voire ces prochaines années s’agissant de la refondation du projet européen. Ce doit être un facteur d’unité et non pas de division. Les positions des uns et des autres doivent évoluer s’agissant de la nation, son rôle, les frontières, de la distinction entre ce qui relève de l’Europe et ce qui relève des États-nations. Même si j’ai beaucoup de respect pour le fédéralisme, monsieur Vigier, ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Ce qu’il faut aujourd’hui c’est conforter la puissance des États-nations afin qu’elle soit utile à la construction européenne.

J’en viens à ma conclusion car je ne voudrais pas m’exprimer trop longuement. S’il est normal que nos positions divergent, certaines suscitent mon inquiétude. Chacun est responsable de ses propos. Nos familles politiques ont d’ailleurs été divisées sur la question européenne, nous le savons. La question de l’opportunité pour la France de sortir ou non de l’Union européenne fera toujours débat, avec plus ou moins de nuances – cela est consubstantiel à la démocratie. Mais ce débat fondamental constituera une ligne de fracture essentielle dans les prochains mois, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle.

Le Front national a dit clairement souhaiter que la France sorte de l’Union européenne. C’est son droit. Je suis pour ma part convaincu qu’une grande partie des électeurs du Front national ne le souhaite pas.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Or la leçon du brexit est que certains ne s’y attendaient pas et se sont retrouvés le lendemain du vote comme groggy, y compris parmi ceux qui avaient voté en faveur de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. La conséquence d’une victoire de l’extrême droite serait précisément cela : non seulement la perte de nos valeurs et l’affaissement de la France, mais la sortie de l’Union européenne et notre sortie de l’histoire.

Je le dis aussi bien à Nicolas Dupont-Aignan qu’à Laurent Wauquiez : leurs propos, leurs propositions, la musique qu’ils font entendre, notamment Laurent Wauquiez, vont accompagner ce mouvement. Et ils n’auront pas d’autre choix, à un moment donné, que de s’engager à sortir de l’Union, car c’est ce à quoi la démagogie et le cynisme conduisent : à une sortie de l’Union européenne.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Cette question donnera lieu à un beau débat à l’occasion de l’élection présidentielle, entre d’un côté ceux qui jouent cyniquement aux apprentis sorciers et veulent nous conduire à la déroute nationale, dont la vision n’est pas celle d’une France forte en Europe et dans le monde…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

… mais qui improvisent en fonction d’échéances internes, et de l’autre, ceux qui malgré leurs différences – et les propos de François Fillon allaient dans ce sens – sauront assumer ce qui est quand même une sacrée responsabilité : celle de résister à la démagogie, au populisme, à ceux qui veulent détruire.

Il faut répondre au populisme, et pas seulement en rappelant les principes. Il faut d’abord faire le constat lucide de ce qui s’est passé en Grande-Bretagne ou de ce que notre pays a vécu au cours des dernières années. Il faut essayer de réorienter l’Europe, de la construire autrement, en gardant à l’esprit ce que doit être la place de la France dans l’Europe et l’avenir que représente l’Europe dans le monde d’aujourd’hui, car il faut tout de même avoir une vision des évolutions du monde actuel. Si nous voulons être capables de nous confronter à ces grands ensembles, à ces États-nations puissants, nous devons traiter avec beaucoup de conviction tous les problèmes de concurrence qui ont été évoqués parce que nous ne pouvons plus accepter de nous faire piétiner par certains États et de laisser la bergerie ouverte à ces prédateurs qui nous coûtent cher en termes d’emploi et de croissance.

Il n’en demeure pas moins que la ligne de force pour notre pays aujourd’hui est de savoir si oui ou non nous voulons que la France reste forte et puissante en Europe et dans le monde. Ce débat, de ce point de vue, aura été particulièrement éclairant.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. David Habib.

Égalité et citoyenneté

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (nos 3679, 3851).

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Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 213 portant article additionnel après l’article 9.

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Je suis saisi de trois amendements, nos 213 , 211 et 212 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour les soutenir.

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La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements.

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La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, pour donner l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Avis également défavorable.

Les amendements nos 213 , 211 et 212 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 100 .

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Étant l’auteur de la proposition de loi qui est devenue la loi de 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, je souhaiterais insister sur la situation de ces personnes car, malgré tout ce qui a été fait, beaucoup de difficultés demeurent.

Pour y remédier, le présent amendement vise à mettre en place une journée nationale de sensibilisation à la sécurité civile au sein des collèges. La baisse globale du nombre de sapeurs-pompiers volontaires constatée depuis plusieurs années est due, pour partie, au non-renouvellement des effectifs, du fait du déficit d’engagement des jeunes. Cela peut s’expliquer, d’une part, par la montée de l’individualisme et le recul des valeurs d’altruisme et d’entraide – lesquelles ouvrent naturellement les portes du volontariat –, mais aussi, d’autre part, par le manque d’information des jeunes sur les possibilités d’engagement en matière de sécurité.

Il existe en effet des dispositifs visant à promouvoir l’engagement des jeunes auprès des sapeurs-pompiers volontaires, notamment les « jeunes sapeurs-pompiers », qui proposent une formation tout au long de l’année scolaire, sur quatre ans, aux jeunes âgés de 11 à 18 ans, généralement le mercredi ou le samedi – parfois l’un et l’autre jour – afin de s’adapter au mieux au rythme scolaire. Le dispositif des « cadets », quant à lui, est destiné aux enfants âgés d’au moins 10 ans. Les jeunes sapeurs-pompiers volontaires sont un vivier de recrutement : plus de 15 % des sapeurs-pompiers volontaires recrutés en sont issus. Pourtant, la part de jeunes sapeurs-pompiers dans la population globale âgée de 10 à 18 ans est extrêmement faible.

La formation de jeune sapeur-pompier est en elle-même très bénéfique aux jeunes : loin de les éloigner des études, il a été constaté qu’elle permet une augmentation moyenne de deux points de leur moyenne générale. Toutefois, ce dispositif restant assez méconnu des jeunes collégiens et lycéens, il est nécessaire de le leur faire connaître le plus tôt possible dans leur scolarité. À cet effet, nous proposons de mettre en place une « journée de sensibilisation à la sécurité civile » obligatoire pour tous les collégiens, qui sera l’occasion de leur parler des missions accomplies par les sapeurs-pompiers, par ailleurs souvent mal connues, de leur présenter le modèle de sécurité civile français basé sur l’engagement volontaire et la solidarité des citoyens, ainsi que la formation des jeunes sapeurs-pompiers, laquelle, s’ils souhaitent y prendre part, leur permettra d’apprendre les techniques de lutte contre l’incendie.

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Monsieur le député, j’entends bien votre volonté de sensibiliser particulièrement les plus jeunes aux premiers secours et au volontariat. D’ores et déjà, vous le savez, chaque élève doit recevoir, au cours de sa scolarité, une formation aux premiers secours. Il me semble que c’est plutôt à ces moments-là que la sensibilisation que vous proposez doit avoir lieu. L’approfondissement de ce qui existe déjà relevant plutôt du domaine réglementaire, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Monsieur le député, le Gouvernement est naturellement favorable à la sensibilisation des collégiens à la sécurité civile mais, comme vient de vous le dire Mme la rapporteure, le dispositif proposé ne relève pas du domaine de la loi, et il existe déjà, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, un dispositif de sensibilisation. En vertu d’une convention conclue entre le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’intérieur, depuis 2015, des échanges permettent notamment l’inscription de jeunes comme volontaires dans les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et en particulier dans les centres de secours. Les classes de cadets de la sécurité civile ont fait l’objet d’une expérimentation en 2015 et en 2016. Une circulaire prévoit la mise en place d’une expérimentation par département dès la rentrée 2016. Je crois que nous répondons ainsi à votre préoccupation sans passer par la voie législative. L’avis du Gouvernement sera donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, c’est dommageable car, malgré la loi de 2011, la trentaine de décrets d’application qui ont été adoptés et le plan national dont j’ai été cosignataire avec Manuel Valls en 2013, nous constatons que le nombre de pompiers volontaires en France est passé de 205 000 à 195 000. On fait face aujourd’hui à une hémorragie, sur laquelle je reviendrai lors de l’examen de l’article 10. Par ailleurs, tout ce qui a été fait, il y a trois ans, est passé par la loi. Je me permets d’insister, car il me semble que l’institution de cette journée nationale, à laquelle la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France est très favorable, serait un signe adressé à la jeunesse.

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Je souhaiterais intervenir sur cet amendement à titre strictement personnel. Je suis en effet particulièrement impliqué sur la question de la formation de nos jeunes au volontariat de sapeurs-pompiers. Comme je l’ai dit hier soir à M. le ministre, nous nous félicitons de l’initiative consistant, grâce à l’article 9, à faire de l’engagement des jeunes, tant au sein des SDIS que de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, une réalité opérationnelle. De fait, il ne faut pas se moquer des jeunes : quand ils s’engagent dans ce type d’actions, il faut leur permettre d’aller jusqu’au bout. C’est donc, je le répète, une excellente initiative.

J’ai beaucoup travaillé avec notre collègue Morel-A-L’Huissier sur le service civique, il y a six ans, puis dans le cadre de la préparation de la proposition de loi dont il était le rapporteur l’année suivante. Par ce texte, nous avons harmonisé les statuts du volontariat : les personnes concernées ne sont ni bénévoles, ni salariés. Aussi, à titre personnel, je trouve que l’initiative consistant à sensibiliser les adolescents est une excellente chose. Je voterai donc cet amendement – à titre personnel, je le répète.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Monsieur Morel-A-L’Huissier, hier soir, nous avons eu, comme M. Lesterlin vient de le rappeler, un bon et grand débat sur le développement du service civique au sein des centres de secours par la création d’un service civique sapeurs-pompiers. Les vocations qui seront sûrement confirmées à partir de ce service civique devraient répondre à votre préoccupation. Je maintiens donc l’avis défavorable du Gouvernement, tout en étant comme vous, en ma qualité d’ancien président de SDIS, conscient que nous avons des besoins en la matière. Je pense que nous y répondons d’une manière différente de ce que vous proposez.

L’amendement no 100 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Hervé Féron, pour soutenir l’amendement no 785 .

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Cet amendement, que je porte avec notre collègue Michel Ménard et les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, a pour objet de mettre en place un statut de volontariat de l’animation dans les accueils collectifs de mineurs, autrement dit les colonies de vacances. Cet amendement avait été déclaré irrecevable et n’avait donc pas pu être examiné en commission spéciale. Il a été révisé pour échapper à la censure de l’article 40 de la Constitution. Il constitue une demande de longue date des fédérations d’éducation populaire, très nombreuses, alors que les colonies de vacances souffrent depuis plusieurs années d’une baisse de leur fréquentation. Les « colos » pâtissent en effet des normes trop complexes qui entraînent un surenchérissement des coûts de séjour au détriment de la mixité sociale, notamment depuis la mise en place du contrat d’engagement éducatif. Celui-ci complique en effet énormément l’embauche d’animateurs, du fait, en particulier, de la nécessité imposée par la jurisprudence européenne de respecter onze heures de repos quotidien. Cette nécessité est totalement inconciliable avec la réalité de ces colonies.

Ce volontariat de l’animation serait, à la différence du contrat d’engagement éducatif, dérogatoire au droit du travail, à l’instar du volontariat des sapeurs-pompiers. Si notre Président a été capable de défendre avec force les spécificités du volontariat des sapeurs-pompiers français au niveau européen, je pense qu’il pourra faire de même avec le volontariat des jeunes dans les colonies de vacances, afin de soutenir un secteur qui emploie actuellement 200 000 jeunes animateurs chaque année. J’insiste : 200 000 jeunes sont actuellement concernés par cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La commission a émis un avis favorable à cet amendement. J’ai d’ailleurs moi-même signé la proposition de loi dont il est issu. Je me dois toutefois de vous faire part de certaines interrogations. Vous avez parlé du débat existant en Europe entre salariat et bénévolat : l’Europe a requalifié les fonctions exercées dans le domaine de l’animation, en les rangeant dans la catégorie du salariat.

Je me pose une autre question, peut-être plus fondamentale. Dans votre amendement, monsieur Féron, vous mettez le jeune en dehors de tout rapport hiérarchique, vous ne le placez sous la responsabilité hiérarchique de personne. Cela me pose un vrai souci. En effet, dans le domaine de l’animation, on agit au sein d’une équipe et on dépend, de fait, du responsable de la colonie ou du centre de loisirs. On a la charge de jeunes, d’enfants, avec un certain nombre de responsabilités. Or, dans votre amendement, le jeune volontaire ne dépendrait d’aucune hiérarchie alors même qu’il devrait assurer, comme les autres animateurs, la sécurité des jeunes accueillis. C’est une situation assez compliquée !

La commission a donné à cet amendement un avis favorable, mais je tiens à faire part de mes réserves sur cette question.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Mme la rapporteure thématique a évoqué les réserves que lui inspirait cet amendement. Permettez-moi de les conforter en rappelant que plusieurs décisions de la Cour de justice de l’Union européenne confirment qu’un tel volontariat, même encadré par le droit national, serait requalifié en contrat de travail, en raison notamment du lien de subordination qui doit exister entre l’animateur et le directeur de l’accueil – il ne peut en être autrement, car la sécurité des enfants est en jeu ! Je ne peux imaginer que notre majorité permette que des activités d’encadrement d’enfants et d’adolescents ne soient pas soumises à un régime de responsabilité hiérarchique.

Par ailleurs, le volontariat évoqué dans cet amendement correspond aujourd’hui à un emploi et s’inscrit dans le droit du travail. Pourtant, comme vous le savez, le volontariat a pour caractéristique d’être différent de l’emploi – nos débats soulignent d’ailleurs explicitement notre choix commun de distinguer strictement le volontariat, notamment le service civique, et l’emploi. Le statut envisagé dans cet amendement ne nous apparaît donc pas opportun : il constituerait une brèche impossible à refermer, qui déstabiliserait les différentes formes de volontariat que nous connaissons aujourd’hui, qu’il s’agisse du service civique, des différentes formes de volontariat international ou du service volontaire européen. Le Gouvernement ne souhaite pas créer de la confusion entre le volontariat et le salariat, afin de ne fragiliser ni l’un, ni l’autre, ni l’ensemble de l’édifice que nous avons construit.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous propose de retirer votre amendement. À défaut, il y serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme cela a déjà été dit, cet amendement pose deux types de problèmes.

Le premier problème est d’ordre budgétaire. Je m’interroge sur le cheminement de cet amendement, car le même avait déjà été déposé et déclaré irrecevable par le président de la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution. Il réapparaît maintenant, exactement dans les mêmes termes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En matière juridique, deux points méritent d’être soulignés.

Tout d’abord, le statut de volontaire de l’animation qu’il est proposé de créer présente une faiblesse majeure au regard du régime actuel d’accueil collectif des mineurs, à savoir l’absence de lien hiérarchique et de subordination entre l’animateur occasionnel et le directeur de centre. Cette situation n’est pas compatible avec les impératifs d’organisation et de sécurité qui s’imposent aujourd’hui dans le cadre de l’accueil collectif des mineurs.

Quant à la deuxième limite juridique, vous venez d’y faire référence, monsieur le ministre : il s’agit d’un problème d’eurocompatibilité. Aujourd’hui, la législation européenne ne reconnaît que deux types d’activités : le bénévolat et le salariat. Selon la jurisprudence européenne, l’animation, même occasionnelle, relève du champ du salariat. On ne voit pas comment cet amendement, tel qu’il est rédigé, permettrait de résoudre cette difficulté.

Cet amendement pose donc des difficultés majeures, tant par son cheminement, puisqu’il est passé à travers les mailles de l’article 40, que par les deux importants problèmes juridiques qu’il soulève.

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S’agissant du lien hiérarchique, monsieur le ministre, madame la rapporteure thématique, vous faites référence à la phrase suivante : « Le volontaire est accompagné par un référent auquel il n’est pas subordonné. » Il est question d’un référent, et non du directeur. Cependant, si cette phrase pose problème, nous pouvons déposer un sous-amendement pour la supprimer.

Dans un centre de vacances, il existe forcément un lien hiérarchique entre les animateurs et le directeur. Il en est de même pour les sapeurs-pompiers volontaires, placés sous l’autorité hiérarchique de leur responsable au sein de leur corps.

Dans sa décision du 27 novembre 2009 relative à l’année européenne du volontariat, le Conseil européen déclarait : « Les activités de volontariat constituent une riche expérience d’apprentissage, permettent l’acquisition d’aptitudes et de compétences sociales et contribuent à la solidarité. Les actions réalisées par des volontaires sont essentielles au développement de la démocratie, l’un des principes fondateurs de l’Union européenne. Les activités de volontariat peuvent contribuer au bien-être des personnes et au développement harmonieux des sociétés européennes. »

Ne faisons pas preuve d’immobilisme ! Une proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale il y a plus d’un an, mais elle n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour. L’attente est énorme, puisque 200 000 animateurs et des centaines de milliers de gamins sont concernés. Aujourd’hui, tous les médias rapportent que les parents n’ont plus les moyens de mettre leurs enfants en centres de loisirs, à cause de difficultés administratives. Si nous continuons à faire preuve d’immobilisme, nous allons tuer les centres de vacances et de loisirs et remettre en cause toutes les actions courageuses des grands acteurs de l’éducation populaire.

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Tout d’abord, j’aimerais savoir si cette question a été évoquée avec tous les organismes qui se mobilisent, depuis plusieurs années, pour essayer de développer – pour ne pas dire « sauver » – les centres de vacances et de loisirs. Je pense à la Jeunesse au plein air – JPA –, à l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air – UNAT –, et aux grands comités d’entreprises comme la Caisse centrale d’activités sociales du personnel des industries électriques et gazières et bien d’autres… Cet amendement est-il véritablement le fruit d’une réflexion commune avec ces organismes qui travaillent ensemble et font des propositions partagées ?

Par ailleurs, je souhaite aller dans le sens de Mme la rapporteure thématique et de M. le ministre. Pendant très longtemps, j’ai été animateur et directeur de centres de vacances. Ce qui est essentiel, c’est le projet pédagogique, le projet éducatif, qui est négocié, discuté, préparé par une équipe. Or je ne suis pas sûr que la présence de volontaires « détachés », en quelque sorte, de l’organisme qui organise le centre de vacances et des équipes éducatives qui se mettent de place permette d’aller dans la bonne direction.

Tel est mon sentiment sur cet amendement. Encore une fois, j’aimerais savoir s’il est le fruit d’une réflexion partagée.

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Merci, monsieur le ministre… Pardon, monsieur le président !

Rires.

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Monsieur le ministre, nous entendons bien votre objection s’agissant du droit du travail et du cadre juridique du volontariat. Au demeurant, si le statut de volontaire de l’animation a été remis en cause, c’est à l’initiative d’une organisation syndicale qui avait obtenu, devant un juge des prud’hommes, la requalification de contrats de volontaires de l’animation en contrats de travail. Notre collègue Hervé Féron a eu raison de souligner les conséquences très lourdes de cette décision pour les organisateurs de centres de vacances, en particulier pour les associations d’éducation populaire : malgré l’adoption d’autres dispositions comme le contrat d’engagement éducatif, les centres de vacances subissent toujours des coûts importants, ce qui a pour effet de diminuer leur fréquentation puisque le niveau des prix empêche de nombreuses familles d’y inscrire leurs enfants. Nous sommes donc confrontés à un vrai problème.

Monsieur le ministre, si vous pensez que cet amendement ne permet pas de résoudre le problème mais que vous êtes néanmoins convaincu de la nécessité de trouver une solution, alors proposez-nous une méthode qui nous permette de trouver, au cours de la navette, des solutions afin de remédier à cette difficulté réelle que rencontrent non seulement les organisateurs de centres de vacances, mais aussi et surtout les familles et les enfants qui se trouvent privés, pour des raisons financières, d’un complément éducatif dont chacun sait ici à quel point il est indispensable.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Monsieur le président, vous n’êtes pas encore ministre, mais sachez qu’on est plus longtemps ancien ministre que ministre.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Naturellement, monsieur Féron, votre diagnostic est juste. J’ai été moi aussi animateur de centres de vacances, mais je n’ai pas été directeur, monsieur Chassaigne. Je sais donc que beaucoup d’enfants sont privés de cette opportunité formidable que sont les colonies de vacances et les centres de loisirs. Cependant, ce n’est pas en fragilisant la structure d’encadrement des enfants que nous trouverons la bonne solution. Je maintiens donc l’avis défavorable du Gouvernement.

J’ai bien entendu vos motivations, monsieur Féron. Après avoir entendu tant M. Chassaigne que M. Blein, je propose que nous nous réunissions, d’ici la prochaine lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, pour trouver avec les organisations représentatives de ce milieu les voies et moyens de neutraliser les risques juridiques que j’ai évoqués. Je vous propose donc à nouveau de retirer votre amendement, avec l’engagement de ma part de travailler sur le fond de ce dossier.

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Après cette proposition de M. le ministre, je donnerai la parole à M. Hetzel, à M. Bloche et à M. Féron. Je demande à ces trois orateurs de s’exprimer brièvement, car il me semble que M. Féron a été convaincu !

La parole est à M. Patrick Hetzel.

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Tout à l’heure, nous étions quelques-uns, de part et d’autre de cet hémicycle, à souligner les limites juridiques de cet amendement. En effet, s’il y a bien une chose avec laquelle on ne peut pas transiger, c’est la sécurité et la protection des mineurs. Nous devons être extrêmement attentifs au respect de cet impératif, que le dispositif proposé ne permet pas d’assurer.

Une deuxième chose m’étonne. Vous avez raison, monsieur Féron : aujourd’hui, le statut de salarié dans le secteur de l’animation est extrêmement rigide. Vous proposez donc de mettre en place un volontariat. Assouplissez plutôt le statut de salarié – vous verrez, cela fonctionnera bien mieux ! Mais c’est sans doute, cette fois-ci, un point de divergence entre les deux côtés de cet hémicycle.

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Je me réjouis de ce débat utile. Nous avons souvent évoqué ce sujet dans le cadre des travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Hervé Féron, Michel Ménard et Yves Blein se sont beaucoup investis sur ce sujet.

Nous abordons cette question avec l’idée de ne pas transiger avec la sécurité des enfants, ni avec le code du travail. Il est nécessaire de dépasser ces contradictions et de trouver une solution juridiquement solide. Nous sommes également conscients du diagnostic dressé par Hervé Féron, surtout en cette année du quatre-vingtième anniversaire du Front populaire : nous observons une baisse incontestable de la fréquentation des « colos », et nous connaissons les conséquences de cette situation en termes de mixité sociale.

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre ouverture, qui permettra sans doute à Hervé Féron de retirer cet amendement, dont je suis cosignataire, comme tous les députés du groupe socialiste, puisqu’il reprend une proposition de loi que nous avions déjà déposée. Nous pourrons donc travailler sur cette question, peut-être avant la prochaine lecture de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, et peut-être même avant la première lecture au Sénat. Si nous réussissons à trouver une solution, tout le monde y gagnera.

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J’associerai à mes propos Régis Juanico, qui a beaucoup travaillé sur ce dossier. Je suis heureux que nous nous accordions tous sur le constat, qui est bien réel. Nous avons aujourd’hui deux types de centres de vacances : ceux qui accueillent des enfants en toute illégalité, qui trichent, parce qu’ils n’ont pas reçu l’agrément et les autres, inaccessibles aux plus pauvres en raison de leurs tarifs exorbitants.

Bien évidemment, je n’ai aucune envie de détourner le droit du travail et encore moins de remettre en cause la sécurité dans les centres de vacances. Pour avoir fait tous les métiers dans les centres de vacances, homme d’entretien, éducateur spécialisé ou encore directeur, je connais bien ce sujet.

En tout cas, la proposition de M. le ministre me satisfait pleinement. Nous sommes d’accord sur le diagnostic et nous avons la volonté de travailler ensemble pour trouver une solution efficace d’ici le retour de ce texte à l’Assemblée. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

L’amendement no 785 est retiré.

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Plusieurs orateurs sont inscrits à cet article. Je leur demanderai de respecter la règle des deux minutes et je vous préviens d’ores et déjà que le règlement s’appliquera lors de l’examen des amendements : deux intervenants au maximum sur chaque.

La parole est à M. Jacques Bompard.

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Voilà encore un bon exemple d’un article aussi technocratique qu’hermétique. Décidément, ce texte ne rapprochera qu’avec modération la nation de ses institutions. On retrouve d’ailleurs dans cet article une vieille recette idéologique de la gauche, la lutte des classes. Pourquoi acter dans la loi que le volontariat ne sera pas substituable à l’emploi ? Craignez-vous déjà l’exploitation des bénévoles ? Imaginez-vous un rejet des services civiques par ceux qui sont déjà en place ?

Au moins cet article révèle-t-il la priorité d’un combat, celui de l’emploi. Sans travail, la société française est malade, la notion d’effort et d’intégration dans et par le travail disparaît.

Le rétablissement du droit au travail dans notre Constitution serait la seule médecine utile pour les nouvelles générations, au lieu de vouloir ressusciter les emplois jeunes, dont on sait qu’ils n’ont pas brillé par leur efficacité.

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Je voudrais tout d’abord remercier le ministre qui a fait preuve d’ouverture lors de l’examen de l’amendement précédent. Cette question nous préoccupe depuis 2011. Dès cette époque, le groupe socialiste avait déposé une première proposition de loi relative au statut du volontariat de l’animation. Les articles que nous examinons aujourd’hui et qui visent à consolider le service civique nous donnent l’occasion de mesurer le chemin parcouru depuis l’adoption de la fameuse loi du 10 mars 2010, portée par Martin Hirsch, ici-même, à l’Assemblée nationale. Ayons aussi une pensée pour François Chérèque, qui a dû quitter très récemment ses fonctions de Haut-commissaire à l’engagement civique et de président de l’Agence du service civique. Il fut un président remarquable.

En tant que rapporteur des crédits de la jeunesse, je peux témoigner des progrès réalisés : alors qu’en 2010, des crédits à hauteur de 40 millions d’euros étaient alloués à l’Agence du service civique, pour environ 6 000 missions, ils s’élevaient à 100 millions d’euros en 2012 pour atteindre les 300 millions aujourd’hui, avec la perspective de dépasser les 100 000 volontaires en 2016 et de relever le défi colossal des 350 000 jeunes en 2018, soit 50 % d’une classe d’âge ! L’objectif est ambitieux mais en six ans, le budget en faveur du service civique aura été multiplié par dix. Très peu de budgets à la nation auront connu une telle évolution.

Ce dispositif a fait ses preuves et il ne faut pas modifier ce qui fonctionne, ce qui n’empêche pas d’améliorer ce qui peut encore l’être. Un certain nombre d’amendements ont été déposés, en particulier pour relever le défi principal de la montée en charge du dispositif, de son changement d’échelle, tout en préservant la qualité des missions et la spécificité du service civique, qui n’est ni un bénévolat, ni un salariat. Je pense ainsi à la durée des missions, à la durée hebdomadaire que nous avons fixée à vingt-quatre heures en 2010. L’autre défi est d’élargir le champ des organismes d’accueil, pour qu’ils ne soient pas seulement les associations – 70 % –, les services de l’État – 12,5 % –, les établissements publics – 10 % –, mais aussi les collectivités locales –, seulement 6 % actuellement. À ce sujet, la commission spéciale a fait des propositions intéressantes, dont nous reparlerons.

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Je m’associe bien évidemment à l’hommage rendu à l’instant par Régis Juanico à François Chérèque, qui a réalisé ces dernières années un travail fantastique à la tête de l’Agence du service civique.

Cet article 10 est capital pour préserver et préciser les principes du service civique adoptés à l’unanimité il y a six ans. Il aborde en premier lieu le périmètre des organismes pouvant accueillir des jeunes engagés dans une mission de service civique, en l’élargissant aux secteurs du logement social, de l’économie sociale et solidaire, jusqu’aux organisations internationales – j’ai pris connaissance de l’amendement du Gouvernement à cet égard, auquel je suis favorable.

Il traite par ailleurs des critères de sélection des jeunes pour remplir ces missions. Nous devons très clairement affirmer que c’est la motivation du jeune qui compte et non sa compétence initiale pour remplir une tâche.

Quant à l’agrément, dernier point visé, il doit être l’occasion de distinguer précisément ce qui relève de la procédure d’agrément des organismes et ce qui relève de la procédure de validation des missions.

Les organismes, pour l’essentiel, sont déjà agréés, mais chaque mission doit veiller à respecter les principes adoptés par le service civique dans la loi fondatrice. Pour cela, il faut absolument prendre garde aux risques de substitution à l’emploi ou de substitution à des stages.

Le service civique prend de l’ampleur mais il doit conserver son identité forte malgré le pouvoir d’attraction qu’il exerce sur d’autres secteurs de l’activité sociale. C’est pourquoi il vaut mieux prendre des décisions unanimes.

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Puisque nous parlons de citoyenneté, je souhaiterais aborder à nouveau la question des sapeurs-pompiers volontaires et reprendre la discussion lancée par M. Féron. Nous avons eu un grand débat en 2011 et je salue le travail réalisé par MM. Lesterlin et Chassaigne car il fut alors très compliqué de définir un sapeur-pompier volontaire. Nous sommes tout de même parvenus à un accord, après avis du Conseil d’État, au bout de neuf heures de discussion, et nous avons sorti les sapeurs-pompiers volontaires de la définition du salariat, ce que ne fut pas évident.

Nous sommes aujourd’hui face à de nouvelles difficultés. Si nous devions réformer le système français, et ne recruter que des professionnels, nous en aurions pour 2,5 milliards d’euros alors que les services départementaux d’incendie et de secours ne coûtent que quatre-vingts euros par habitant.

Je voudrais compléter le dispositif en intégrant les sapeurs-pompiers dans le service civique, et redire à M. le ministre, également ancien président du SDIS, tout l’intérêt de développer le volontariat chez les pompiers.

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L’article 10 concerne le dispositif du service civique, créé en 2010 par Martin Hirsch, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Nous l’avons immédiatement adopté sur mon territoire, et nous continuons à le promouvoir.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à la difficulté du nombre de candidats, bien supérieur aux capacités d’accueil des structures. L’article 10, en ce qu’il élargit le champ des établissements susceptibles d’accueillir des jeunes, va dans le bon sens. Ces jeunes devront être motivés. Cela va de soi mais cela va mieux en le disant et en l’écrivant.

Désormais, les bailleurs sociaux, comme les entreprises de l’économie sociale et solidaire, pourront offrir aux jeunes volontaires l’opportunité d’exercer leur citoyenneté concrètement et de vivre une expérience propice à leur insertion sociale et professionnelle. Il faudra cependant veiller à éviter deux écueils. Tout d’abord, un service civique n’est ni un stage ni un emploi. C’est pourquoi j’ai été sensible aux amendements de nos collègues qui proposent de tendre le plus possible vers une durée de vingt-quatre heures hebdomadaires et non de trente-cinq heures, afin de permettre aux jeunes de poursuivre leurs études ou d’exercer un emploi, et ne pas confondre, ainsi, la mission avec un emploi.

Nous risquons par ailleurs de manquer de missions. L’élargissement du nombre de structures pouvant accueillir les jeunes suffira-t-il à satisfaire l’objectif louable mais ambitieux, annoncé par le Président de la République, de 350 000 jeunes engagés, soit 50 % d’une classe d’âge ?

Pour qu’un maximum de jeunes de 16 à 25 ans profitent de cette étape d’un parcours citoyen, nous devrons sans doute nous rapprocher de la durée minimum de six mois, préférable à celle d’un an. Nous y reviendrons à l’occasion des amendements.

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Je vous invite à lire une tribune parue dans le quotidien Libération du 14 juin 2016, signée par le Collectif génération précaire et la voix des volontaires, intitulée « Le service civique, statut précaire de demain ? ». Elle commence par ces mots : « Vous avez moins de 25 ans, vous voulez travailler dans la communication pour une association ayant vingt ans d’expérience dans la lutte contre les discriminations ? Vous avez au moins deux ans d’expérience et vous avez un master 2 ? ». À lire ce type d’annonce, on penserait tout de suite à un emploi salarié. En fait, non, c’est un service civique. »

Il est impératif d’encadrer le dispositif du service civique, surtout dans le contexte de difficultés budgétaires que connaissent les collectivités locales et les associations, fragilisées par la baisse des dotations de l’État. Ajoutez à cela le taux de chômage très élevé des jeunes et vous comprendrez que le risque d’ouvrir une trappe à précarité est bien réel. Nous devons nous montrer extrêmement attentifs.

D’ailleurs, la Cour des comptes ne relevait-elle pas, dans son rapport de 2014, que « le service civique remplit difficilement son objectif de mixité sociale puisqu’au moins 25 % des engagés ont un niveau inférieur au baccalauréat ». Elle pointait également les faiblesses du tutorat et les dangers associés à la montée en charge rapide du dispositif.

L’agence du service civique n’a réalisé que neuf contrôles d’organismes bénéficiant des agréments nationaux. C’est pourquoi la Cour des comptes recommande de mettre en oeuvre une véritable stratégie de contrôle. Je voulais insister sur ce point pour prévenir toute dérive.

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Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 579 et 1202.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 579 .

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Cet amendement tend à supprimer l’article 10 qui vise à étendre la possibilité d’accueillir des volontaires du service civique, notamment aux entreprises du secteur public, constituées sous forme de personnes morales de droit privé.

Cette extension doit permettre d’atteindre l’objectif de 350 000 jeunes en service civique par an. Or, cet objectif n’est pas réaliste. Pour y parvenir, il faudrait remettre en question la notion même de service civique et les missions réalisées par ces jeunes. Cette volonté de service civique généralisé dénature la vocation initiale du dispositif et porte un risque de confusion avec les situations d’emploi.

Les jeunes en service civique ne doivent pas constituer une main-d’oeuvre presque gratuite pour les organismes d’accueil. Or, vous exposez les jeunes à ce risque en élargissant la nature des structures d’accueil.

Par ailleurs, alors que le service civique n’offre pas de protection sociale satisfaisante et fait l’objet d’une indemnité très faible, il faut absolument veiller à ce qu’il ne devienne pas une trappe à précarité pour les jeunes n’ayant pas d’autre choix. Le service civique doit s’accomplir sur la base du volontariat et non de la contrainte sociale ou économique. Il doit rester un outil ouvrant les portes de l’engagement citoyen. Il faut l’encadre le mieux possible pour prévenir toute dérive.

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La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement no 1202 .

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Chacun le sait, le service civique est une idée généreuse mais qui peut s’avérer contre-productive, notamment pour les jeunes de la génération précaire. L’élargissement du périmètre des services civiques pourrait nous replonger dans des situations déjà signalées par les institutions, où les services civiques se substituent à des stages ou des emplois.

Dans un pays où le chômage est si important et où la précarité touche une si grande partie de la jeunesse, le législateur doit prendre soin de ne pas ouvrir la porte à des excès. Je me garderai bien d’accuser de malhonnêteté ceux qui pourraient en profiter mais, connaissant l’état d’esprit qui règne dans certains secteurs économiques, on voit bien qu’il serait très facile d’employer des volontaires du service civique à la place de stagiaires, même si ces derniers sont déjà très mal rétribués. « Génération stagiaire, génération précaire » : on sait ce qu’il en est…

Nombreux sont ceux dans cet hémicycle qui ont critiqué des mouvements qui se poursuivent aujourd’hui malgré un certain essoufflement, je pense en particulier à Nuit debout. Or ces mouvements réunissaient principalement ce que l’on appelle des « intellectuels précaires », c’est-à-dire cette génération de jeunes gens entre vingt et trente ans, souvent diplômés, mais qui n’arrivent pas à trouver de travail à la hauteur de leur formation et se retrouvent ainsi dans des situations insupportables. Nous devons donc être vigilants quant à l’utilisation qui peut être faite du service civique.

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Nous entamons l’examen d’une série d’amendements qui nous permettront d’aller au bout de ce débat.

Notre objectif, nous l’avons dit, est d’assurer une montée en charge du service civique pour arriver à 350 000 jeunes volontaires dans trois ans. Il n’y a cependant aucune ambiguïté pour nous : cette montée en charge ne doit en aucun cas s’opérer au détriment de l’intérêt de la mission. Ce sont bien des missions d’intérêt général qui continueront d’être proposées aux jeunes.

Nous avons déjà adopté différentes dispositions en commission pour protéger cette spécificité. Nous avons notamment précisé que les missions ne devaient pas être substituables à l’emploi. Nous y reviendrons pour indiquer qu’il ne s’agit pas non plus de stages, tout comme nous reviendrons sur la question de la quotité horaire. Nous avons également apporté des précisions sur les conditions d’agrément et sur le recrutement, qui doit se faire en fonction de la motivation et non du curriculum vitae, etc.

Bref, nous avons tous le même objectif et l’examen des amendements va nous donner l’occasion d’approfondir encore le sujet. Cela étant, dès lors que nous voulons offrir à un plus grand nombre de jeunes la possibilité d’accomplir un service civique, il faut aussi ouvrir les structures susceptibles de les accueillir. Or, moyennant peut-être l’amendement relatif aux ESUS – entreprises solidaires d’utilité sociale –, adopté en commission, sur lequel nous reviendrons, je pense que nous avons trouvé dans ce texte un équilibre que nous devons préserver entre la nature d’intérêt général des missions et la nécessité d’ouvrir le service civique à d’autres structures d’accueil. Les conditions de délivrance de l’agrément sont le garde-fou nécessaire empêchant que la mission de volontariat ne se substitue à une mission qui pourrait être assurée par une personne en situation d’emploi. Il faut distinguer ce qui permet à une structure d’accueillir des volontaires et ce qui permet l’agrément de la mission du jeune volontaire du service civique. C’est un équilibre à maintenir, et l’Agence du service civique doit en effet faire preuve de beaucoup sérieux dans la délivrance des agréments.

Avis défavorable, donc, à ces amendements de suppression.

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La parole est à M. le rapporteur général de la commission spéciale.

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Je n’interviendrai qu’une fois sur les amendements à l’article, monsieur le président, pour insister sur l’équilibre évoqué par Valérie Corre.

Lorsque le Président de la République a annoncé la montée en charge extraordinaire du service civique, tout le monde ici, quelle que soit sa sensibilité, s’en est félicité. Néanmoins, il y avait plusieurs manières d’organiser cette montée en charge. Des parlementaires de divers groupes, par exemple, ont déposé en commission des amendements qui auraient permis d’obliger les collectivités locales à accueillir des volontaires du service civique. Cette option n’ayant pas été retenue au départ, l’objectif était donc d’élargir les structures d’accueil. Les entreprises concernées sont très clairement encadrées, puisque la condition fixée par le projet de loi est que leur capital soit public à 100 %.

Permettez-moi de rappeler le contexte : aujourd’hui, pour quatre jeunes souhaitant accomplir un service civique, il n’y a qu’une seule place. Mais on ne pouvait pas non plus élargir les possibilités d’accueil sans répondre à une préoccupation majeure en faisant en sorte qu’il n’y ait pas de substitution.

Car vous avez raison, monsieur Chassaigne. Oui, il y a eu des dérives. Oui, l’association Génération précaire, que nous avons auditionnée, a mis sous nos yeux des cas inacceptables d’emplois et d’offre d’emploi déguisés en service civique. C’est vrai, et il faut le dire !

Pour autant, le dispositif d’agrément permet de répondre au problème. L’identité des structures d’accueil est transmise à l’Agence du service civique et au ministère et il est possible de remettre l’agrément en cause.

Dans le texte adopté en commission – et c’est notre intention, tout comme celle, je le crois, du Gouvernement, qui a donné un avis favorable –, l’agrément est délivré sur la base du caractère non substituable à l’emploi. On peut objecter que c’est une simple déclaration et se demander si l’on affectera plus de moyens au contrôle des agréments. Mais cela n’est pas du ressort de la loi. En revanche, nous donnons aux représentants des salariés l’accès à une information qu’ils n’avaient pas jusqu’à présent – nous allons d’ailleurs en débattre – concernant le nombre de volontaires du service civique et des postes occupés à ce titre. Ils disposeront donc d’un droit d’alerte permettant la remise en cause des agréments en cas d’abus.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Tout d’abord, je me félicite d’un débat qui, s’il peut paraître un peu long, concerne potentiellement des centaines de milliers de jeunes dans notre pays. C’est la première fois depuis 2010 que l’organisation du service civique donne lieu à une discussion d’une telle ampleur, et c’est une bonne chose car nous donnons ainsi un signe à notre jeunesse et nous favorisons ce que j’appelle souvent la culture de l’engagement.

La loi de 2010 fut votée non seulement par la droite, majoritaire à l’époque, mais aussi par le groupe socialiste. Sauf erreur de ma part, le groupe communiste s’était abstenu. Le projet faisait donc l’objet d’une forme de consensus. Entre-temps, nous sommes passés d’un stade quasi artisanal à un stade industriel. Encore faut-il que ce passage ne remette pas en cause les principes mêmes du service civique.

Je suis persuadé que ce n’est pas le cas de l’extension du champ des organismes d’accueil telle que nous l’avons prévue. Permettre à des offices de l’habitat, quel que soit leur statut, ou à des entreprises détenues à 100 % par l’État de proposer des missions, c’est répondre à la situation évoquée par M. le rapporteur général – sur quatre demandes, une seule reçoit en effet une réponse positive – et offrir aux jeunes la possibilité de s’engager au service de la nation.

Nous serons extrêmement vigilants sur tout risque de substitution à l’emploi. C’est une préoccupation permanente pour le ministre que je suis, en lien avec l’Agence du service civique et avec le nouveau haut commissaire à l’engagement civique Yannick Blanc – et je m’associe à l’hommage rendu à François Chérèque, qui a été un formidable animateur de ce dispositif pendant trois ans.

J’émets donc un avis défavorable à l’amendement porté par le groupe GDR. Je pense en effet que nous respectons la philosophie que vous invoquez vous-même, monsieur Chassaigne, en maintenant le texte résultant de nos travaux sur l’extension du service civique dans des conditions contrôlées.

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Je partage vos constats, monsieur le président Chassaigne, mais pas votre conclusion qui consiste à supprimer l’article 10. Pour ma part, je voterai cet article.

Vous avez raison : les collectivités locales se trouvent aujourd’hui en difficulté financière et offrent de moins en moins de missions de service civique. D’où la nécessité d’élargir le cercle à d’autres structures, en particulier à l’habitat social.

Vous avez aussi raison : il faut continuer à contrôler les missions et à veiller, en donnant l’agrément, qu’elles sont bien de service civique. Il y a en effet quatre fois plus de demandes que d’offres aujourd’hui. On ne peut en rester là. Quand on rencontre des jeunes qui ont bénéficié de ce dispositif, on voit que cela les a totalement transformés. C’est vraiment une expérience que je souhaite à tous les jeunes de notre pays.

Fallait-il que fonder ce service le volontariat ? Nous en avons discuté avec eux et ils ont dit préférer ce système car il s’agit bien d’un engagement. Nous avons évoqué la question pas plus tard qu’hier à propos de la réserve citoyenne. Rappelons à cet égard les neuf domaines d’intervention : la culture, les loisirs, le développement international, l’action humanitaire, l’éducation, l’environnement, la santé, le sport, la solidarité. Quant à l’indemnité mensuelle de 572 euros, ce n’est pas le Pérou, loin de là !

Bref, je rejoins votre souci : il doit s’agir de missions de service civique et non d’emplois ou de stages. Il nous appartient d’y veiller concrètement sur le terrain dans les expériences menées et dans nos discussions avec les structures qui, je l’espère, seront au rendez-vous pour accueillir notre jeunesse.

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Je ne remets pas en cause la volonté du ministre et du rapporteur général s’agissant de la nécessité de bien encadrer et de bien contrôler le dispositif. Le problème, pour moi, ce sont les moyens de l’Agence du service civique. Comment les contrôles se feront-ils ? Je ne veux ni paraître tatillon ni développer la bureaucratie, mais il faut quand même un contrôle.

Dans un domaine tout différent de celui du service civique, je voudrais évoquer le métier d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles, dit ATSEM. Aujourd’hui, de nombreux jeunes ayant obtenu le diplôme d’ATSEM ne trouvent pas de poste parce que les difficultés financières des communes et des autres collectivités territoriales sont telles qu’au lieu de créer un poste de fonctionnaire territorial, voire seulement de remplacer un départ à la retraite, ont fait appel à des contrats aidés. C’est malheureusement la réalité !

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Je me suis livré à un pointage dans des communes que je connais bien : on n’embauche pratiquement plus d’ATSEM, ce sont des contrats aidés qui les remplacent.

Il faut donc être extrêmement attentif car la dérive sera difficile à maîtriser.

Les amendements identiques nos 579 et 1202 ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 101 .

L’amendement no 101 est retiré.

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La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 1395 .

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Il vise à permettre aux organisations internationales dont le siège est implanté en France – en France, j’y insiste – d’accueillir des volontaires du service civique, de manière à élargir les structures d’accueil dans les conditions de contrôle qui ont été évoquées. Par parenthèse, je précise à l’intention de M. Chassaigne que ce sont les directions départementales de la cohésion sociale qui assurent le contrôle effectif sur place. L’Agence du service civique n’a pas cette vocation. On lui fait remonter, le cas échéant, des dysfonctionnements importants, mais le contrôle est réalisé au niveau local.

L’engagement de service civique permet aux volontaires de réaliser des missions d’intérêt général qui revêtent un caractère philanthropique, éducatif, environnemental, etc., ou concourent à des missions de défense et de sécurité civile ou de prévention, de promotion de la francophonie et de la langue française ou à la prise de conscience de la citoyenneté française et européenne. Ces thématiques s’inscrivent largement dans le champ des activités menées par des organisations ayant leur siège sur le territoire national. Je pense notamment à l’UNESCO, à l’Organisation internationale de la francophonie et au Conseil de l’Europe, trois organismes qui pourraient être agréés pour accueillir des volontaires du service civique dans le cadre des missions que j’ai citées.

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En cohérence avec le débat précédent, elle a émis un avis favorable à cette proposition, qui permettra d’offrir à des jeunes en service civique des missions sans nul doute passionnantes pour eux.

L’amendement no 1395 est adopté.

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La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 1394 .

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Il s’agit par cet amendement d’ouvrir l’agrément de service civique aux entreprises de l’économie sociale et solidaire afin d’élargir le vivier des missions à forte utilité sociale qui peuvent être offertes aux volontaires du service civique.

On estime que sont d’ores et déjà éligibles, dans notre pays, 6 300 organismes agréés de droit ESUS sous statut associatif et 1 400 autres sous d’autres statuts traditionnels de l’économie sociale. L’agrément doit permettre d’identifier, parmi les entreprises de l’économie sociale et solidaire, celles ayant une forte utilité sociale et répondant à des besoins sociaux spécifiques.

Il est cependant trop tôt pour dresser un panorama des structures qui en bénéficieront, les textes réglementaires relatifs à l’application de l’agrément étant très récents et la circulaire qui en définit les modalités n’ayant toujours pas été prise.

Le présent amendement, très pragmatique, prévoit donc de limiter le champ des structures de l’économie sociale et solidaire pouvant faire l’objet d’un agrément aux seuls organismes agréés de droit, acteurs traditionnels de l’économie sociale – associations, coopératives, mutuelles, fondations reconnues d’utilité publique, entreprises d’insertion, entreprises adaptées notamment.

Cet élargissement de l’assiette des organismes permettant l’accueil de jeunes en service civique assorti d’un contrôle devrait répondre à l’ensemble des préoccupations des parlementaires ici présents.

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La commission a émis un avis favorable à l’amendement du Gouvernement qui se situe dans le prolongement du débat que nous avons eu en commission et répond aux interrogations de certains.

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Cet amendement restreint la disposition adoptée par la commission selon laquelle l’ensemble des structures bénéficiant de l’agrément ESUS peuvent accueillir des jeunes en service civique.

Je considère que cette précaution est justifiée car réduire aux entreprises d’utilité sociale dont la liste est établie de droit au sein de la loi Économie sociale et solidaire permet d’ouvrir à l’accueil des jeunes en service civique les secteurs du handicap, de l’aide par le travail, de l’insertion sociale, secteurs dans lesquels les structures juridiques ne sont pas toujours des associations, que ce soit par choix ou pour des raisons juridiques. Je suis donc, à titre personnel, favorable à cet amendement.

L’amendement no 1394 est adopté.

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La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement no 591 .

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L’alinéa 6 marque le retour de l’idéologie. Hier, nous avons assisté à une importante levée de boucliers de la part de ceux qui entendent défendre le totem de la mixité sociale – mixité qui existe de moins en moins dans notre société, comme le rappellent tous les sociologues, et ceci, après plusieurs dizaines d’années de bataille au nom de cette idéologie.

La mixité sociale imposée par le haut est un objectif délirant qui s’apparente à l’intrusion terrible d’un Léviathan étatique dans la répartition humaine, géographique et culturelle de notre pays.

Par ailleurs, elle n’est jamais mise en place prioritairement sur des critères économiques. Ainsi le géographe Christophe Guilluy montrait l’année dernière que la France périphérique est la plus discriminée. Or c’est justement celle qui exprime des votes populistes qui ne vous conviennent guère.

En un mot, vous avez vendu au peuple la mixité sociale et vous lui avez imposé un apartheid de fait. Je suppose que vous ne traiterez pas le mal en reprenant les mêmes recettes et c’est pourquoi j’ai déposé cet amendement.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Avis défavorable.

L’amendement no 591 n’est pas adopté.

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Je suis saisi de quatre amendements, nos 837 , 882 , 707 et 835 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 837 et 882 sont identiques.

La parole est à M. Guy Delcourt, pour soutenir l’amendement no 837 .

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Cet amendement de précision reprend les objectifs de la modification apportée par la commission spéciale qui tend à ce que les jeunes en service civique soient recrutés sur la base de leur motivation et non de leurs qualifications ou de leurs diplômes, ceci afin d’exclure les missions relevant du stage ou de l’emploi déguisé. Certes, cette précision est sous-entendue dans le texte, mais je considère pour ma part que cela va mieux en le disant…

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La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour soutenir l’amendement no 882 .

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La parole est de nouveau à M. Bernard Lesterlin, pour soutenir l’amendement no 707 .

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La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 835 .

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Cet amendement vise à ce que seule la motivation des candidats à un service civique soit prise en compte, à l’exclusion de leurs qualifications ou de leurs diplômes. Il s’inscrit dans le prolongement du débat que nous avons eu en commission. Je vous propose, messieurs, de retirer vos amendements au profit de celui que je vous présente, dont la rédaction est plus précise.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Ces trois amendements vont dans le bon sens, mais la rédaction de celui que nous propose Mme la rapporteure thématique nous semble plus adaptée. C’est pourquoi le Gouvernement vous invite à les retirer au profit de celui présenté par Mme Valérie Corre.

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Monsieur Delcourt, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

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Et à M. le ministre… Monsieur Lesterlin, retirez-vous les amendements nos 882 et 707  ?

Les amendements nos 837 , 882 et 707 sont retirés.

L’amendement no 835 est adopté.

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La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour soutenir l’amendement no 886 .

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Cet amendement vise à exclure les personnes morales de droit public de l’obligation de se voir délivrer un agrément. On voit mal comment une personne morale de droit public pourrait ne pas incarner l’intérêt général.

Il convient en revanche de se doter de tous les moyens nécessaires pour vérifier la validation des missions proposées par ces différents organismes, fussent-ils des personnes morales de droit public, pour que le service civique reste un service civique et qu’il n’y ait pas de dérives – je pense notamment aux antennes délocalisées des administrations ou des personnes morales centrales qui, bien évidemment, conservent leur réflexe centralisateur.

Il est important que les jeunes qui travaillent, par exemple, pour une antenne de l’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – dans telle ou telle région bénéficient de la même vigilance quant à la nature de la mission exercée et de la même procédure d’acceptation et de validation de cette mission. Ce point est absolument essentiel pour éviter les dérives et faire en sorte que les missions ne se substituent pas à l’emploi.

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Considérer a priori que la personne morale de droit public n’a pas besoin d’agrément est un postulat de départ. Mais, depuis hier soir, nous entendons M. Bompard qui ne cesse de citer l’exemple de sa ville – comme le fait chaque élu local – mais qui, sur un certain nombre de principes fondamentaux et républicains, a démontré à quel point nous étions en désaccord sur des notions pourtant d’intérêt général. L’agrément, il est important de le rappeler, est utile et nécessaire. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Nous avons débattu de cet amendement en commission avec M. Lesterlin. Il s’agit de donner aux personnes de droit public une présomption d’agrément. Or l’agrément, tel qu’il existe dans la loi, ne porte pas sur un organisme mais sur des missions…

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

L’Agence du service civique, ou les services déconcentrés, selon le cas, n’agréent pas Pôle emploi ou le Musée national de l’histoire de l’immigration, ils agréent des missions spécifiques au sein de ces structures. Il n’y a donc pas de présomption d’innocence… pardon, de présomption d’agrément – le service civique, par définition, est toujours innocent.

S’agissant de la deuxième partie de votre amendement, monsieur Lesterlin, vous qui siégez au comité stratégique de l’Agence et dont je connais l’implication au sein de ce comité, vous savez bien qu’il n’a pas vocation – il n’en a pas non plus le temps – à donner un avis sur chaque mission de service civique. Je propose donc de ne pas retenir votre amendement.

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C’est pourquoi il faut une gouvernance de proximité !

L’amendement no 886 n’est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 838 et 881 .

La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 838 .

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La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour soutenir l’amendement no 881 .

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J’adhère à la précision de Mme la rapporteure !

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Avis favorable.

Les amendements identiques nos 838 et 881 sont adoptés.

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La parole est à Mme Julie Sommaruga, pour soutenir l’amendement no 804 .

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Nous proposons par cet amendement que l’Agence du service civique signe une convention avec l’organisme sans but lucratif ou la personne morale de droit public agréée. Cette convention formaliserait le rôle et les engagements pris par ces derniers en matière d’accompagnement des jeunes concernant la durée de leur engagement de formation civique et citoyenne, leur réflexion sur leurs projets d’avenir, mais aussi en matière de recrutement car il importe de garantir l’accessibilité du service civique à tous les jeunes, quel que soit leur niveau de formation initiale.

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S’agissant de la mixité sociale, votre amendement me paraît satisfait par le texte adopté en commission. Pour le reste, il me semble que c’est l’agrément qui doit préciser… Je reprends car il est important de parler français dans l’hémicycle : l’agrément doit répondre aux enjeux que vous évoquez, et si des précisions doivent être apportées elles ne me semblent pas relever de la loi. C’est lors de l’agrément que les engagements doivent être pris, en tenant compte de la réglementation encadrant le service civique.

La commission a émis un avis défavorable. Et je vous prie de m’excuser, mes chers collègues, pour le caractère laborieux de mon explication.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Nous estimons que la signature complémentaire d’une convention d’engagement entre la structure d’accueil du volontaire et l’Agence du service civique pour acter des modalités d’accompagnement des jeunes vient alourdir un dispositif que nous voulons efficace et rapide. Nous estimons que la décision d’agrément prise par l’Agence répond sur le fond à vos préoccupations. Avis défavorable.

L’amendement no 804 est retiré.

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La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 1410 .

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Toujours dans l’objectif partagé de faire pleinement vivre le projet originel du service civique en prévenant les risques de dévoiement et d’emploi déguisé, cet amendement propose un meilleur encadrement du service civique inspiré de ce qui a été mis en place pour les stages et que nous avons voté dans la loi sur l’encadrement des stages. Il s’agit d’inscrire dans la loi que le nombre de volontaires en service civique dont l’agrément est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. L’idée, vous l’avez compris, est de garantir aux volontaires un encadrement de qualité et une limitation des abus.

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La commission a émis un avis défavorable à votre amendement. Nous partageons vos préoccupations.

C’est pourquoi je vous proposerai d’inclure les partenaires sociaux dans la gouvernance territoriale du service civique. Ce sera précisément le rôle des services de l’État et de l’Agence du service civique de vérifier que les structures d’accueil n’abusent pas du dispositif.

Encore une fois, nous avons eu ce débat. Le texte issu de la commission, que nous venons d’amender, contient des garde-fous réels pour éviter la substitution du service civique à l’emploi.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Même avis.

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La rapporteure thématique peut-elle répéter ce qu’elle vient de dire au sujet de l’implication des partenaires sociaux sur le terrain ? Cette implication concerne-t-elle l’agrément du service civique ?

La commission a adopté un amendement proposant que le préfet coordonne les différents éléments du dispositif, mais – à moins que je ne me sois assoupie –, c’est la première fois que j’entends parler des partenaires sociaux.

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Je réagis également aux propos de la rapporteure thématique. Nous venons d’adopter plusieurs amendements concernant la nécessaire distinction entre emploi et service civique. À mon sens, les partenaires sociaux n’ont rien à faire dans le service civique. Dans le cas inverse, il s’agirait d’emploi non plus déguisé mais manifeste.

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Un mot, pour qu’il n’y ait pas de malentendu. Mme Le Callennec n’était pas assoupie : nous n’avons pas encore parlé des partenaires sociaux. Je présenterai à ce sujet un amendement à l’article 12 ter, quand nous examinerons la gouvernance territoriale.

Plusieurs d’entre nous se sont interrogés sur l’opportunité d’inscrire dans le registre du personnel les volontaires qui effectuent leur service civique. Il me semble plus raisonnable d’associer les partenaires sociaux aux réunions de gouvernance territoriale. Je le répète : nous aurons ce débat quand nous examinerons l’article 12 ter.

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C’est donc vous qui introduisez les partenaires sociaux !

L’amendement no 1410 n’est pas adopté.

L’article 10, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 176 .

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Avec l’aide de l’Agence du service civique, j’ai mis en place une expérimentation, en Amérique du nord. Nous avons signé un protocole et reçu déjà 2 800 curriculum vitae.

Le dispositif s’adresse à des jeunes que je suis allé rencontrer à la Goutte-d’or, à La Paillade, à Roubaix, lesquels, contrairement à ceux qui entrent dans les grandes écoles ou s’inscrivent en université, n’ont pas la chance de bénéficier d’un parcours à l’étranger.

Avec la coopération du Moovjee, – le mouvement pour les jeunes et les étudiants entrepreneurs – je veux leur offrir cette possibilité, qui fait de leur part l’objet d’une demande très forte, en leur faisant bénéficier, par le biais du mentorat, d’une coopération intergénérationnelle.

Ce dispositif cohérent avec la logique du service civique peut permettre à de jeunes entrepreneurs de créer beaucoup d’emplois. C’est pourquoi je vous propose de compléter l’article L.120-3 du code du service national par l’alinéa suivant : « Les jeunes entrepreneurs qui sont accompagnés par une association agréée, suivant des modalités définies par décret, sont éligibles au service civique. »

Le mentorat procède d’une logique très proche de l’associatif : des mentors pourront épauler des jeunes en difficulté, qui, n’ayant pas accès à la réussite, n’ont pas d’autre horizon que leur quartier, leur village ou, dans les outre-mer, où je me suis rendu récemment, leur île.

Grâce à ce dispositif, qui, je le rappelle, est attendu dans beaucoup de banlieues, ils se verront offrir un autre horizon, avec la réussite à la clé.

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Celle-ci a émis un avis défavorable, mais, je l’avoue, l’explication que vous venez de donner oralement ne correspond pas à ce que j’avais compris à la lecture de l’amendement.

Les jeunes en situation d’entreprenariat sont éligibles au service civique, puisque celui-ci est ouvert à tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans. Par ailleurs, si vous souhaitez étendre ce dispositif aux entreprises,…

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…on retombe dans le débat que nous avons déjà eu sur la nécessité d’éviter la confusion entre l’emploi et le service civique.

Voilà qui conforte l’avis défavorable émis par la commission.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Si je lis bien l’amendement – « Les jeunes entrepreneurs qui sont accompagnés par une association agréée, suivant des modalités définies par décret, sont éligibles au service civique » –, j’y vois le risque d’une confusion, que vous ne souhaitez pas, monsieur Lefebvre, et qui serait dommageable, compte tenu de la définition même du service civique, entre volontariat et activité économique, qui relèvent de logiques et d’objectif différents.

Le service civique a pour objet de renforcer la cohésion nationale et – n’en déplaise à M. Bompard – la mixité sociale, en offrant à toute personne qui le souhaite l’opportunité de servir les valeurs de la République et de s’engager dans une mission d’intérêt général. Les missions à but non lucratif sont indépendantes d’un projet d’entreprise.

Ouvrir le service civique à des jeunes même indirectement en création d’entreprise reviendrait à dévoyer, selon nous, ce statut au profit de projets individuels sans lien avec la notion d’intérêt général, qui sous-tend, dans la loi de 2010, la création du service civique.

Par ailleurs, il existe de nombreux dispositifs permettant aux jeunes de créer leur entreprise. Je ne rappellerai que les plus récents, qui ont été introduits par les derniers gouvernements : le statut de la jeune entreprise universitaire ou de l’étudiant entrepreneur, la Grande École du numérique, qui permet à des jeunes de bâtir un projet d’entreprise lié au numérique, la création de l’Agence France Entrepreneur, notamment pour les quartiers en difficulté, ainsi que le fléchage d’aides de la Bpifrance vers la création d’entreprises innovantes.

Les jeunes de notre pays qui veulent entreprendre ont des outils à leur disposition, mais le service civique n’est pas adapté à votre préoccupation, que je partage, à avoir le développement de l’entreprise.

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Au fil de nos débats, nous perdons de vue un point essentiel. Une des dimensions du service civique, qui a pour fondement et pour but de permettre à des jeunes de s’impliquer dans des missions d’intérêt général, est de favoriser l’accomplissement personnel du jeune. Il ne faut pas gommer cet aspect.

Pour ma part, j’aurais voté l’amendement no 804 , que Mme Sommaruga a retiré, et qui proposait la signature d’une convention. C’était une manière de valoriser l’accomplissement individuel du jeune qui s’engage dans le service civique.

L’amendement de M. Lefebvre propose une autre forme d’engagement, qui permettra au jeune de poursuivre sa trajectoire personnelle tout en se mettant au service d’une cause qu’on ne peut pas soupçonner d’être étrangère à l’intérêt général.

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Monsieur Lefebvre, je considère que votre idée est excellente pour la simple raison que Martin Hirsch l’avait déjà eue, comme nous tous, d’ailleurs. Il n’est pas le seul à avoir contribué à créer le service civique.

Au sein du comité stratégique de l’Agence du service civique, nous nous sommes demandé pendant des années s’il fallait intégrer dans le service civique ce qui viendrait après ce service.

Le service civique ne se confond pas avec l’insertion professionnelle, mais il contribue à la favoriser, dans une démarche que l’on peut qu’encourager. Cependant, il ne faut pas opérer une confusion entre le service civique lui-même, forme non militaire du service national, et les effets positifs qu’il peut avoir pour le jeune qui l’entreprend et qui doit être accompagné.

Même si nous sommes tous d’accord pour trouver des formules d’accompagnement, ce serait galvauder le service civique que de procéder à cette confusion –– même pour d’excellentes raisons, comme celle invoquée par Martin Hirsch ou par vous-même, cher collègue.

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Je vois bien que nous ne réussirons pas à nous mettre d’accord sur cet amendement. Mais, à mon sens, c’est une erreur que de ne pas regarder les mutations de la société d’aujourd’hui. À l’heure où se développe, sous différentes formes, l’économie du partage, il est extrêmement difficile de distinguer le rôle associatif et social d’une activité économique et ce que le ministre nomme son aspect lucratif.

De quoi parlons-nous aujourd’hui ? Pourquoi, à l’origine, avons-nous décidé de mettre en place le service civique ? Parce que nous voulons que, dans le prolongement de ce qu’était le service national, la société offre à des jeunes qui n’ont pas la possibilité de s’intégrer, l’opportunité de le faire à travers une action bénéfique pour le pays.

Or qu’y a-t-il de meilleur pour le pays que de développer un dispositif intergénérationnel qui donnera une chance à des jeunes sans horizon ?

Je vais à leur rencontre et j’évoque avec eux ce dispositif ou l’expérimentation que j’ai lancée en Amérique du nord. Au début, on m’a répondu que le service civique ne pouvait pas s’effectuer à l’étranger.

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C’est possible sous certaines formes spécifiques, mais il ne peut pas être généralisé dans tout le système associatif d’un pays. Nous allons mener cette expérimentation.

Sur cette question, je le dis avec beaucoup de force : je pense qu’on passe à côté d’une mesure qui permettrait d’offrir la réussite à des jeunes. Si cela ne relève pas de l’intérêt général, on se demande ce qui en relève.

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Nous sommes d’accord sur le diagnostic, monsieur Lefebvre, mais pas sur les outils aptes à le mettre en oeuvre. Il faut conserver sa vocation originelle au service civique, si l’on veut éviter des débordements ou des dévoiements.

En revanche, nous encourageons des projets individuels. M. Hirsch a créé l’Institut du service civique, qui est labellisé. La France s’engage et prévoit des moyens financiers très importants pour permettre à des jeunes qui ont effectué leur service civique de prolonger leur projet personnel, et pour les accompagner.

Au-delà d’un service civique qui peut durer six, sept ou huit mois, les plus motivés, qui souhaiteraient créer leur entreprise, pourront s’adresser à l’Institut qui valorisera leur savoir-faire et les aidera à accomplir leur projet.

Les deux systèmes ne sont pas antinomiques, mais, dans l’état actuel de notre droit, ils s’appuient sur des supports juridiques différents.

L’amendement no 176 n’est pas adopté.

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Je suis saisi de neuf amendements, nos 891 , 344 , 580 , 277 , 824 , 292 , 1539 , 291 et 1208 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 277 et 824 , ainsi que les amendements nos 292 et 1539 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement no 891 .

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Nous avons eu un long échange sur le service civique, lorsque nous avons examiné l’article 10, que j’ai voté avec plaisir. Je considère en effet qu’il s’agit d’une avancée et que nous prenons une bonne orientation.

Cependant, comme l’ont souligné plusieurs collègues, ainsi que la rapporteure et le ministre, le service civique risque d’être dévoyé, non dans une intention malhonnête, mais en raison de l’évolution du système. S’il permet in fine aux entreprise de trouver de la main d’oeuvre pas chère et des emplois subventionnés, il contribuera à augmenter la précarité des jeunes. C’est l’inverse que nous recherchons.

C’est pourquoi le groupe RRDP a souhaité – à l’unanimité de ses membres – borner la durée des contrats de service civique à vingt-quatre heures hebdomadaires en moyenne sur l’ensemble du contrat de mission, afin d’éviter toute confusion entre le service civique et les emplois ou stages.

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La parole est à M. Alexis Bachelay, pour soutenir l’amendement no 344 .

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Avec mon collègue Mathieu Hanotin et beaucoup d’autres, nous avons soulevé la question de la compatibilité du service public avec d’autres activités, qu’il s’agisse de la poursuite d’études, d’une formation professionnelle, ou même de l’exercice d’une activité professionnelle. Aussi nous semble-t-il important d’avoir aujourd’hui ce débat sur l’encadrement de la durée du service civique. Nous avons proposé une limitation à vingt-quatre heures hebdomadaires maximum ; certains collègues ont suggéré d’autres solutions. Il nous paraît intéressant de réfléchir à cette question. L’objectif du service civique n’est pas nécessairement d’occuper les jeunes à temps plein : il faut leur laisser la possibilité d’exercer d’autres activités à côté. C’est pourquoi il est nécessaire d’encadrer plus précisément sa durée hebdomadaire dans la loi.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 580 .

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Permettez-moi d’ajouter quelques arguments à ceux que nous venons d’entendre. Il s’agit pour nous d’uniformiser les missions de service civique, et donc d’assurer davantage de cohérence. Limiter le temps de mission des volontaires à vingt-quatre heures par semaine, soit onze heures de moins que la durée légale du travail, me semble constituer la première des mesures à prendre pour atteindre cet objectif. Il faut encadrer le service civique en trouvant les moyens de le dissocier du contrat de travail. J’ajoute que la loi se borne aujourd’hui à renvoyer la durée maximale hebdomadaire de la mission de service civique à quarante-huit heures, soit la durée maximale fixée par le droit européen pour les contrats de travail. Nous pensons que ce n’est pas raisonnable pour des missions de volontariat.

Limiter le temps de mission des volontaires à vingt-quatre heures par semaine permettrait de dissocier les deux types de contrats, qui doivent être différents. Cette mesure serait un garde-fou contre une forme – je dis bien une forme – de travail déguisé. Elle aurait également l’avantage de laisser du temps libre aux jeunes en service civique, ce qui leur permettrait, conformément à l’objectif du dispositif, de mieux vivre ce service civique et « de prendre le temps de réfléchir à leur propre avenir, tant citoyen que professionnel ».

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Je vous indique dès maintenant que sur l’amendement no 580 , qui vient d’être présenté, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Toujours dans la discussion commune, nous en venons à deux amendements identiques, nos 277 et 824 .

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 277 .

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J’ai été très attentive à notre débat et aux explications avancées tout à l’heure par Mme la rapporteure thématique et M. le ministre. Je rejoins un peu ce qui a été dit. On nous dit que le service civique n’est ni un contrat de travail, ni un stage. C’est donc une nouvelle formule. Néanmoins, nous savons tous que la tentation peut être forte d’y recourir pour pourvoir un emploi à moindre coût. Je propose une limitation plus raisonnable de la durée hebdomadaire du contrat, à savoir trente heures. Cette durée permet d’entamer ou de poursuivre en parallèle une formation professionnelle ou des études, donc de donner au service civique le rôle de tremplin qu’il doit avoir. Elle devrait permettre, tout en allant au-delà des vingt-quatre heures, de contenir le risque d’abus, qui est loin d’être anodin.

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La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement identique no 824 .

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Il vient d’être parfaitement défendu par Mme Capdevielle. Il s’agit de mieux encadrer le dispositif pour éviter toute forme de dérive.

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Nous en venons à deux autres amendements identiques, nos 292 et 1539 .

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 292 .

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Dans le même esprit, cet amendement vise à limiter la durée hebdomadaire du contrat à vingt-quatre heures pour tous les jeunes ayant entamé une formation professionnelle ou académique.

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La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement identique no 1539 .

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 291 .

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La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement no 1208 .

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Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

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La durée minimale du contrat s’établit aujourd’hui à vingt-quatre heures hebdomadaires sur six à douze mois. À mon sens, y substituer une durée maximale, moyenne ou que sais-je encore serait mettre à mal le principe même du service civique. Le service civique est un engagement, un moment de sa vie consacré par un jeune à l’intérêt général. Modifier sa durée hebdomadaire risque – à l’inverse de ce que vous recherchez – de le faire entrer dans la catégorie « petit boulot » ou « complément de revenu assorti d’un engagement ». En faisant ces propositions, vous l’assimilez dans votre raisonnement à un emploi dont il faudrait encadrer les horaires pour qu’ils soient les plus raisonnables possible. Or c’est précisément ce qu’il faut éviter. Le principe de l’engagement et du service civique, c’est vraiment l’idée d’une durée minimale de vingt-quatre heures sur six à douze mois. Il importe de conserver cette souplesse. En figeant les horaires, nous risquerions d’ailleurs de réduire le nombre des contrats de service civique proposés. Je le répète, nous arriverions à l’inverse de ce que vous recherchez. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

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La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur général.

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Si je puis vous rejoindre en ce qui concerne la substitution d’un service civique à un emploi, sur laquelle nous disposons de témoignages qui nous ont été rapportés par M. Chassaigne et par bien d’autres de nos collègues, je dois dire qu’à ce jour, nous n’avons eu aucun témoignage – je dis bien aucun – d’une quelconque dérive du service civique concernant la durée hebdomadaire.

Dans la réalité, on peut du reste très largement dépasser les vingt-quatre heures. Prenons le cas d’une participation à un événement culturel : vous allez avoir des mois de préparation, de contacts avec le public, de mobilisation de la population, durant lesquels le volontaire sera occupé quelques heures par jour ; mais au moment de l’événement, il sera présent matin, midi et soir. Il ne va pas s’arrêter en disant « désolé, je ne fais pas plus de vingt-quatre heures ! » Ce n’est pas l’esprit du service civique aujourd’hui. Suivre votre raisonnement, c’est glisser vers une logique qui n’est plus celle de l’engagement mais celle de l’emploi. Or comme l’a très bien dit Valérie Corre, on ne peut pas en même temps prétendre dissocier le service civique et l’emploi et utiliser pour protéger le service civique des arguments qui s’appliquent à l’emploi.

Sourires

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

De la souplesse, mesdames et messieurs les députés, c’est le principe même du service civique. Nous avions débattu en commission de la durée hebdomadaire du service civique, et nous constatons qu’il existe des propositions extrêmement contradictoires. Je les rappelle : vingt-quatre heures maximum par semaine, vingt-quatre heures en moyenne par semaine, trente-cinq heures maximum, trente heures maximum… Bref, il n’y a pas de consensus sur le sujet.

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Il a donc été décidé de ne pas modifier la loi actuelle, qui fixe cette durée à vingt-quatre heures par semaine minimum – c’est le seul critère horaire qui est retenu. Il est vrai que les missions de service civique peuvent être très variables d’une association à une autre, d’une collectivité à une autre. L’exemple cité par M. le rapporteur général montre que l’engagement exige parfois une disponibilité plus importante en fonction des besoins.

Je tiens à rappeler que les associations partenaires du service civique, que nous avons consultées et qui représentent aujourd’hui plus de 70 % de l’offre de missions, sont opposées à la modification de ces paramètres – elles recherchent toujours de la souplesse. Enfin, les propositions qui sont faites impliquent qu’il faudrait pointer les heures du service civique, comme on le fait pour un emploi, alors que nous cherchons précisément, depuis le début de nos travaux, à dissocier les deux. Nous avons de meilleures propositions à faire. Avis défavorable.

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J’ai bien entendu la réponse et les réflexions de M. le rapporteur général. Un seul argument pourrait à la rigueur me faire réfléchir : celui qui a trait à la « montée en charge » que suppose l’organisation de tel ou tel événement. Néanmoins, il me semble que l’on peut trouver des procédures administratives permettant de l’admettre pour quelques initiatives et quelques types d’associations – bien sériées, car la pente est glissante…

C’est pourquoi notre amendement prévoit que la durée du contrat de service civique ne peut dépasser en moyenne vingt-quatre heures hebdomadaires sur l’ensemble du contrat de mission « sauf dérogation accordée par l’État… » Nous entendons ici par « État » les organismes d’État présents localement, par exemple les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui connaissent très bien la réalité associative. J’aimerais avoir votre opinion sur cette proposition précise.

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Le groupe Les Républicains votera contre ces amendements. Nous sommes bien sûr très sensibles aux arguments qui visent à garantir qu’un service civique n’est ni un stage, ni un emploi, ou à permettre de concilier des études ou un travail à temps partiel avec un service civique – ce qui explique que dans certains cas, la durée des missions puisse être de vingt-quatre heures. Mais compte tenu de la diversité des missions proposées, il importe de conserver cette souplesse, et par conséquent le cadre actuel. Cela permet de la liberté, cette liberté dont on manque parfois singulièrement dans notre pays.

Un dernier argument – que vous avez soulevé, monsieur le ministre – mérite d’être entendu. Un certain nombre d’associations signataires qui sont des pourvoyeurs de missions de service civique demandent cette souplesse. Je les cite : l’association nationale Études et chantiers, ATD Quart Monde, Concordia, CCSC-Volontariats, Cotravaux, France Volontaires, La Guilde, Secours catholique, Solidarités Jeunesses, UFCV et Unis-Cité. Nous devons les entendre : elles ont besoin de souplesse, et le cadre actuel le permet. Mais rien n’empêche bien sûr d’avoir des missions de vingt-quatre heures.

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Je vais essayer de faire oeuvre utile pour nous tous. Ce débat, nous l’avons eu il y a un peu plus de six ans, lorsque nous avons adopté à la quasi-unanimité le service civique. Je rectifie d’ailleurs les propos de M. le ministre, sous réserve d’une vérification dans le compte rendu. Le groupe communiste ne s’était pas abstenu ; il était représenté par Mme Jacqueline Fraysse, qui avait fait part de sa volonté de ne pas participer au vote justement sur ce point-là. Pourquoi ? Parce que nos collègues du groupe communiste souhaitaient, et je respecte tout à fait ce point de vue, que les jeunes en service civique puissent être assimilés à des emplois jeunes, donc être salariés. Se seraient ainsi appliquées à eux toutes les règles que dicte le code du travail.

Or, le service civique, c’est autre chose. Mme Le Callennec l’a d’ailleurs rappelé, elle qui faisait partie du groupe majoritaire à l’origine de la loi. Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy l’avaient proposé tous les deux, mais c’est la majorité de l’époque qui s’est trouvée à porter le texte, avec Martin Hirsch.

Nous avions eu le débat et nous l’avions tranché, en disant qu’il fallait un minimum de vingt-quatre heures, sans quoi cela n’était pas sérieux, et, par anticipation sur ce que nous venons de voter dans l’article 9, aller peut-être jusqu’à quarante-huit heures. Un jeune qui accomplit son service chez les pompiers ne va pas dire, au milieu d’un incendie, que c’est l’heure et qu’il lui faut un véhicule pour rentrer à la caserne.

C’est cela qui nous a amenés à dire que la loi doit être souple pour s’adapter à la multiplicité des missions de service civique. C’est la raison pour laquelle nous avons laissé cette fourchette de vingt-quatre à quarante-huit heures. Si l’on institue les vingt-quatre heures comme une moyenne ou un minimum, comme l’a dit M. le ministre, nous tuons le service civique. Je veux vous mettre en garde contre ce risque, car ce débat, la représentation nationale l’a eu et l’a tranché avec sagesse.

Les amendements nos 891 et 344 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 46 Nombre de suffrages exprimés: 40 Majorité absolue: 21 Pour l’adoption: 6 contre: 34 (L’amendement no 580 n’est pas adopté.)

Les amendements identiques nos 277 et 824 ne sont pas adoptés.

Les amendements identiques nos 292 et 1539 ne sont pas adoptés.

Les amendements nos 291 et 1208 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Jacques Bompard, premier inscrit sur l’article.

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Nous arrivons petit à petit à l’article sur l’école libre où, en légiférant par ordonnance, le Gouvernement montre qu’il est bien l’ennemi des libertés élémentaires qui furent toujours respectées par les Français, et même par le grand maître en politique, le président Mitterrand. Décidément, le prochain qui s’engage concrètement n’est pas l’ami de ce texte. Par contre, le Gouvernement a toutes les délicatesses pour le lointain… La défense prioritaire des citoyens français est encore une fois immolée sur l’autel des bons sentiments.

Je ne vous étonnerai pas, en vous disant à nouveau que ni l’argument de l’appartenance à une Union européenne dont les craquèlements ne cessent d’apparaître, ni celui de la présence en France depuis un an ne me convainquent. Ce qui me paraît ahurissant, c’est que ce mépris du plus pur bon sens ne vous apparaisse pas, à moins qu’il ne s’agisse là, encore une fois, que d’une stratégie politique afin de réunir les troupes de gauche – ce dont le texte donne la plus vive impression.

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L’article 11 porte sur les conditions à remplir pour permettre à un étranger résidant en France de s’engager dans la citoyenneté. On ne peut pas s’arrêter là. Il faut aller beaucoup plus loin sur cette question qui se pose très nettement à nous. Six ans après la création du service civique, le temps me paraît venu de fixer les règles qui permettent aux étrangers d’exécuter leur mission d’intérêt général chez nous, alors que nous envoyons régulièrement de jeunes Français exécuter leur mission chez eux, notamment par le biais de la coopération décentralisée, dont tous, sur ces bancs, se félicitent. Or, cela n’est pas dans la loi.

M. le secrétaire d’État a parlé d’un ratio de quatre demandes pour une mission de service civique. En ce qui concerne les missions à l’étranger – tout le monde convient que l’interculturalité représente un bénéfice supplémentaire –, il est de cent pour une. Le Premier ministre a demandé à Laurent Fabius, lorsqu’il était ministre des affaires étrangères, de lui rendre compte de l’état des lieux de la question. Votre inspection générale, celle de la jeunesse, et l’inspection générale du ministère des affaires étrangères ont rendu, en novembre dernier, un excellent rapport sur l’engagement citoyen international.

Monsieur le ministre, les véhicules législatifs ne passent pas tous les matins : pourquoi cette loi n’est-elle pas l’occasion d’en parler ? Pouvez-vous vous engager, comme tout à l’heure, devant nous, à faire en sorte qu’avec l’agence du service civique, France Volontaires, le ministère de l’intérieur et celui des affaires étrangères, nous réglions enfin ce sujet, qui n’est pas si compliqué, d’ici à la deuxième lecture ?

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Depuis sa création, le service civique a fait ses preuves, permettant à toute une partie de nos jeunes d’entrer dans la vie active, tout en participant à une mission d’intérêt général. Il leur a donné ou redonné le goût de l’engagement et a permis de renforcer le lien qui les unit à leur pays et à ses valeurs. Si cette volonté d’engagement au service d’un projet collectif est largement partagée, le service civique n’était jusque-là pas assez accessible. L’objectif de l’article 11 est de préciser et d’élargir les conditions d’accès du service civique aux ressortissants étrangers, notamment aux étudiants et aux réfugiés.

Alors que nous nous apprêtons à accueillir de nouveaux demandeurs d’asile et que les populismes prennent racine partout en Europe, nous devons plus que jamais proposer un nouveau modèle d’intégration. Appréhender une nouvelle culture, prendre ses repères dans un pays étranger, trouver un juste équilibre entre adaptation à un environnement différent et conservation de son identité d’origine et réussir son intégration dans un nouveau pays constituent parfois une réelle difficulté.

Par l’ouverture du service civique aux nouveaux arrivants, nous souhaitons encourager leur intégration sociale. Nous pourrions en somme résumer cette idée par une formule simple : plus impliquer pour mieux intégrer. L’objectif de ce volet est clair et sans ambiguïté : encourager l’engagement républicain de tous les citoyens, pour faire vivre la fraternité. Dans le contexte actuel d’une Europe bousculée par la crainte et le repli sur soi, l’élargissement du service civique, levier essentiel de citoyenneté, aux ressortissants étrangers constitue une belle avancée et envoie un beau signal.

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La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement no 95 , qui vise à la suppression de l’article.

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C’est le même débat. Vous pouvez continuer à refuser les contradictions, mais l’évidence est que la majorité du pays réel est de mon côté, pour ne pas comprendre que vous mainteniez la condition de nationalité. Les Français subissent une discrimination sans comparaison historique contre les périphéries qui ne comprennent pas les obsessions électoralistes de la gauche unie. Tous les récents scrutins européens montrent d’ailleurs que vos idées sont en recul.

Qu’il s’agisse de l’Italie de Renzi, des débris du Royaume-Uni de Tony Blair ou de l’émergence des démocraties non libérales, toutes ces nouvelles évolutions de notre civilisation européenne sont là pour prouver que vos étranges considérations sur la nationalité ne reçoivent plus aucun assentiment. Vous pourrez hurler ou reconsidérer ma nationalité personnelle, mais la question reste entière : agissez-vous par bravade contre les Européens et les Français ou obéissez-vous à d’autres raisons ? Si oui, lesquelles ?

L’amendement no 95 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 863 .

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Il s’agit de rétablir le titre de séjour pluriannuel parmi les titres de séjour autorisant l’accès au service civique dès leur délivrance. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

L’amendement no 863 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1423 rectifié , 1416 , 884 et 1548 , pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements, nos 1423 rectifié et 1416 , peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour les soutenir.

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Je vais retirer l’amendement no 1416 , car il a été placé là par la séance, contrairement à mon intention initiale, puisqu’il concerne la réserve et non le service civique.

L’amendement no 1423 rectifié repose sur l’idée qu’un jeune étranger qui fait ou qui a fait un service civique dans le cadre de son premier séjour en France a manifesté une forte volonté d’intégration et d’engagement au service des valeurs de la République et de la communauté nationale. Cet engagement ne saurait s’arrêter du fait de l’expiration du titre de séjour. C’est pourquoi mon amendement vise à rendre automatique le renouvellement du titre de séjour, au moins une fois, pendant la durée du contrat de service civique et après la fin de celui-ci.

L’amendement no 1416 est retiré.

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La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour soutenir l’amendement no 884 .

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Comme vous l’aurez compris, après les explications que j’ai données lors de mon intervention sur l’article, je souhaite proposer ces amendements pour permettre à M. le ministre de prendre devant nous des engagements sur cette omission dans le projet de loi, qui me semble tout à fait à notre portée. France Volontaires, qui a d’ailleurs été désignée par l’exécutif comme l’instance de coordination de l’engagement citoyen international, demande que cette clarification juridique soit faite. Elle n’est pas si compliquée que cela.

Les ministères de la jeunesse, des affaires étrangères et de l’intérieur doivent se mettre autour de la table afin d’apporter une solution simple au statut juridique des jeunes étrangers venant exécuter leur service civique en France. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez nous rassurer à cet égard. Dans cette hypothèse, je retirerai mes amendements.

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La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 1548 .

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Il s’agit de garantir que le volontaire étudiant sera en situation de séjour régulier tout au long de l’accomplissement de sa mission.

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Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 1423 rectifié et 884  ?

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Avis défavorable à l’amendement no 1423 rectifié . En effet, si la participation au service civique peut être prise en compte lors de l’examen des demandes de titres de séjour, le caractère automatique de la disposition pose problème.

Avis également défavorable à l’amendement no 884 . N’inversons pas la logique : il est normal qu’un jeune étranger puisse faire un service civique s’il dispose d’une résidence stable en France ou s’il y est étudiant. Mais rien ne justifie qu’on octroie automatiquement un titre de séjour aux personnes étrangères qui veulent s’engager en France car on fausserait, par essence, la valeur même de leur engagement. C’est ainsi que la commission a vu les choses.

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l’amendement no 1423 rectifié ne peut pas prospérer car il ne correspond pas aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, régissant le renouvellement des titres de séjour. Celui-ci est subordonné au respect des conditions de délivrance de la carte de séjour que l’étranger sollicite, et ne pourrait en aucun cas être automatique, comme l’a rappelé Mme la rapporteure. Pour tenir compte des différences de situation des étrangers demandeurs d’une carte de séjour, ce code prévoit plusieurs motifs de séjour, notamment familiaux et professionnels. À chacun de ces motifs correspondent des conditions de délivrance, que l’étranger doit respecter pour prolonger son droit de séjour. Il doit également ne pas constituer une menace pour l’ordre public. Même si l’engagement de service civique représente un formidable moyen d’intégration, le renouvellement de plein droit du titre de séjour ne permettrait plus d’appliquer les conditions prévues par le code. Il y a là une incompatibilité ; je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, mon avis sera défavorable.

Quant à l’amendement no 884 , l’avis du Gouvernement est également défavorable, mais j’en souhaiterais le retrait car je suis naturellement d’accord pour que nous engagions une réflexion commune permettant d’intégrer vos préoccupations dans les futurs textes qui pourront être adoptés par cette assemblée.

Avis favorable à l’amendement no 1548 .

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Martin Hirsch souhaitait absolument – et il avait raison – étendre l’idée aux autres pays d’Europe en créant un service civique européen. Je voudrais savoir si un tel dispositif existe dans les autres pays, et le cas échéant, si l’on ne pourrait pas discuter avec eux de la mise en place d’une réciprocité.

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Je trouve pertinents et intéressants ces deux amendements qui proposent le renouvellement du titre de séjour pendant ou à la suite d’un de ces contrats. Monsieur le ministre, il y a une chose que je n’ai pas comprise dans votre justification : si les députés ne peuvent pas voter une modification du code, pourquoi est-on ici ? Vous justifiez votre rejet en disant que le code ne rend pas la disposition possible ; mais combien de fois dans notre travail parlementaire vote-t-on des amendements précisément pour modifier le code ? Sinon, on fait nos valises et, pour ceux qui sont Auvergnats, comme M. Lesterlin et moi-même, on rentre en Auvergne…

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Monsieur Chassaigne, les députés sont naturellement souverains ; mais cela n’empêche pas le Gouvernement de donner un avis défavorable à leurs propositions. C’est le droit de l’exécutif en la matière.

Madame Le Callennec, le service civique européen existe depuis vingt ans, et certains pays sont aujourd’hui engagés dans des échanges avec la France. Nous essayons notamment de monter des jumelages entre la France et l’Italie, depuis la réunion des chefs d’État à Venise. Il n’y a donc pas que la France qui propose ce type de solutions pour les jeunes.

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Je maintiens mon amendement car je maintiens mon objectif de renouvellement automatique des titres de séjour dans le cas que j’ai cité. Par ailleurs, j’ai une question sur l’amendement no 1548 des rapporteurs : j’ai cru comprendre que votre objectif était de garantir que le volontaire étudiant soit en situation de séjour régulier tout au long de l’accomplissement de sa mission ; pour cela, vous proposez de faire en sorte que la durée de la mission s’adapte à celle du titre de séjour. Pourquoi ne proposez-vous pas l’inverse : prolonger le titre de séjour jusqu’à la fin de la mission ?

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Monsieur Lesterlin, retirez-vous votre amendement ?

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Vu l’engagement de M. le ministre, je me tiens à sa disposition, avec Yannick Blanc, haut-commissaire à l’engagement civique et président de l’Agence du service civique – qui succède dans ces fonctions à François Chérèque –, pour trouver rapidement une solution qui convienne au Gouvernement et au ministre de l’intérieur, susceptible de permettre aux jeunes de venir exécuter leur service civique en France. Je retire donc mon amendement.

L’amendement no 1423 rectifié n’est pas adopté.

L’amendement no 884 est retiré.

L’amendement no 1548 est adopté.

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La parole est à M. Kader Arif, pour soutenir l’amendement no 1301 .

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Il s’agit d’un amendement d’appel. Je ne veux pas faire obstacle au principe d’égalité, mais comme beaucoup d’entre vous, je sais que les idées les plus généreuses, les plus justes et les plus égalitaires, comme le service civique ou le volontariat, ne profitent malheureusement qu’à ceux – en l’occurrence à ceux des jeunes – qui disposent à la fois de l’information et des réseaux leur permettant d’en bénéficier. Comme sans doute beaucoup d’entre vous, je trouve cette situation inégalitaire. Mon amendement vise à lutter contre cette inégalité en accordant la priorité aux jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville, QPV, en particulier lorsqu’il s’agit de volontariats internationaux qui profitent rarement aux jeunes des milieux défavorisés.

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Bien qu’il s’agisse d’un amendement d’appel, vous souhaitez sans doute le mettre aux voix. Je viens moi aussi du Sud-Ouest ; je sais donc comment on y appelle les choses… Quel est l’avis de la commission ?

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Monsieur le député, vous soulevez une vraie question : comment faire bénéficier tous les jeunes du service civique ? Nous avons essayé d’y répondre en travaillant sur les critères de recrutement, la mixité et les modalités d’offre des services civiques. Vous proposez de donner la priorité aux jeunes des quartiers prioritaires ; l’amendement qui suit avance la même idée pour les zones de revitalisation rurale. On voit bien l’acuité de la question : comment donner accès au service civique aux publics les plus en difficulté ? Mais flécher les uns ou les autres, voire les deux, au détriment du reste de la population nous ferait manquer l’un des objectifs du dispositif : la mixité. Il faut continuer à travailler sur la diversité de l’offre et les modalités de la mixité dans le recrutement en restant vigilants sur les critères que nous avons fixés, tant en commission que dans l’hémicycle. Mais pour ce qui est de votre proposition, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Je comprends le sens de cet amendement d’appel porté par M. le ministre Kader Arif, et je voudrais le rassurer en lui donnant quelques chiffres précis – et encourageants – sur les résultats du service civique dans les quartiers prioritaires de la ville. Avec l’ancienne géographie des quartiers prioritaires de la ville, 18,6 % des jeunes engagés dans le service civique en étaient originaires ; ils sont 12,1 % avec la nouvelle géographie, alors que seuls 10 % des jeunes résident en QPV. Cela veut dire que la proportion des jeunes qui s’engagent dans le service civique est plus importante dans les QPV, ce qui montre que ce dispositif est plus mobilisé dans ces quartiers qu’ailleurs ; la mixité sociale est donc assurée. Rendre prioritaires les jeunes issus des QPV ne serait pas conforme à l’objectif d’universalité sous-entendu par le service civique. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je serai amené à formuler un avis défavorable, bien que le Gouvernement partage l’objectif que vous poursuivez.

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Pour être honnête, je reste inquiet, mais j’ai confiance dans les propos de Mme la rapporteure et de M. le ministre, et je compte sur leur volonté. Il faut continuer à veiller à l’égalité dans ce domaine ; ce débat est devant nous, en particulier en matière de volontariat international. Je retire mon amendement.

L’amendement no 1301 est retiré.

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La parole est à Mme Colette Langlade, pour soutenir l’amendement no 1372 rectifié .

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Cet amendement ne vise pas à remettre en cause l’universalité de l’accès au service civique. En revanche, comme l’amendement de mon collègue Kader Arif relatif aux QPV, il vise à accorder une attention particulière à l’accès au service civique et au volontariat associatif des jeunes issus des zones de revitalisation rurale, ZRR. Ces territoires, où l’on constate une diminution et un vieillissement de la population, doivent impérativement bénéficier de ces dispositifs d’engagement citoyen. Développer le service civique en zones rurales carencées permettrait d’offrir aux jeunes des moyens de faire de nouvelles expériences et de découvrir de nouveaux horizons avec le volontariat international. C’est aussi un moyen de renforcer les actions des collectivités, des associations ou désormais des entreprises solidaires à utilité sociale dans ces territoires. Le sens de cet amendement est de n’exclure aucun territoire de ces mesures républicaines.

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Même avis que pour l’amendement précédent, pour les mêmes raisons. J’entends votre interpellation, madame la députée, et la question des zones de revitalisation rurale est tout aussi importante à mes yeux que celle des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Mais on ne peut pas se permettre de flécher les jeunes de l’un ou l’autre de ces territoires, au risque d’abîmer la recherche de mixité. Avis défavorable.

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Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Permettre aux jeunes en secteur rural d’accéder aux missions de service civique est naturellement une priorité et nous y sommes très attachés. Sans remettre en cause le principe de l’universalité, nous devons trouver des partenaires qui mettent en place ces missions dans ces zones.

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La parole est à Mme Colette Langlade. Vous êtes vous aussi du Sud-Ouest, madame la députée, même si c’est du nord…

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En effet, je suis élue de la Nouvelle-Aquitaine… Je fais également confiance à M. le ministre et à Mme la rapporteure. Je retire donc mon amendement.

L’amendement no 1372 rectifié est retiré.

L’article 11, amendé, est adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly