Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 28 juin 2016 à 15h00
Égalité et citoyenneté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Pendant longtemps, l’Europe a apporté des progrès très réels aux pays qui la composent, et ce dans plusieurs domaines – croissance économique, marché unique, politique régionale avec les fonds structurels, politique de recherche et développement, en matière de culture, d’éducation, notamment au travers d’Erasmus, ou de protection de l’environnement, et dans bien d’autres domaines.

Mais la crise a provoqué un changement de perspective et de perception. Désormais l’Europe présente souvent une autre image. Aujourd’hui, d’un bout à l’autre du continent, le nationalisme et le populisme progressent, pas seulement dans certains pays d’Europe de l’Est comme la Hongrie, mais aussi dans de grandes et belles démocraties, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. Ses porte-parole s’appellent Viktor Orban, Boris Johnson ou Geert Wilders.

Partout, le même discours ; partout, les mêmes arguments simplistes, voire fallacieux ; partout le même nihilisme, qui veut détruire plutôt que construire. L’europhobie est devenue la forme nouvelle de la xénophobie, telle qu’elle s’exprime au travers de campagnes fondées sur le refus d’autrui, sur le rejet de l’étranger, stigmatisé, rendu responsable de tous les maux, de toutes les difficultés.

La roue de l’histoire va-t-elle tourner à l’envers ? Va-t-elle nous ramener vers l’Europe d’autrefois, désunie, divisée, dissociée ? Y aura-t-il de proche en proche, par un effet de dominos, contagion des nationalismes en Europe ? Le risque est grand. Pour l’éviter, il faut que l’Europe redevienne vraiment elle-même si elle veut retrouver la faveur qu’elle a perdue ces dernières années, par son action parfois peu efficace, parfois aussi peu équitable. La crise actuelle, évidemment très préoccupante, peut être aussi l’occasion d’une refondation, d’un retour aux principes essentiels.

Pour retrouver la confiance des peuples, l’Europe doit incarner, ou réincarner, un modèle de démocratie. Pour ses fondateurs en effet, l’Europe, ce n’était pas seulement un marché commun ; c’était aussi, c’était surtout une communauté de valeurs, des idéaux partagés, une culture commune.

Aujourd’hui, dans cette décennie si troublée, l’Europe doit réaffirmer plus que jamais ses valeurs de liberté, de tolérance et de solidarité. Car on le sait bien, il n’y a pas de politique durable sans éthique.

Chacun le sait, il y a une alliance naturelle entre l’Europe et les droits de l’homme. Cette alliance s’est d’ailleurs inscrite dans les traités fondamentaux. En 1997, le traité d’Amsterdam prévoit déjà la suspension du droit de voter au sein du Conseil d’un État membre qui se serait rendu coupable d’une violation grave et persistante des droits fondamentaux.

Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée au sommet de Nice en 2000, a été annexée au traité de Lisbonne. Ayant désormais la même force juridique que les traités, elle oblige les États de la même manière. Les six chapitres de cette charte s’intitulent respectivement dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, justice : de grands principes pour une vraie démocratie.

Chaque État de l’Union européenne doit appliquer effectivement ces principes et respecter réellement ces droits essentiels. Mais l’Union européenne est-elle toujours assez vigilante cet égard ? On peut en douter quand on voit, par exemple, la manière dont en Hongrie Viktor Orban traite les migrants ou s’attache à placer le pouvoir judiciaire et la cour constitutionnelle sous son contrôle.

A fortiori, les États candidats à l’adhésion doivent respecter les droits fondamentaux s’ils veulent pouvoir accéder à l’Union européenne. Pourtant, à l’évidence, ce n’est pas le cas de la Turquie de M. Erdogan, comme le montrent les nombreuses atteintes à la liberté d’information et à la liberté de la presse, les procès systématiques intentés aux journaux d’opposition ou l’interdiction d’émettre infligée à certaines chaînes de télévision. De plus certains propos de M. Erdogan semblent remettre en cause le principe essentiel, fondamental, de l’égalité des hommes et des femmes.

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