Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 28 juin 2016 à 15h00
Égalité et citoyenneté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

La France, pays fondateur de la Communauté européenne, a un rôle important à jouer pour donner à l’Europe un nouvel élan.

Parmi les vingt-sept États membres que compte désormais l’Union européenne, tous n’ont pas la même volonté, ou la même possibilité, d’agir, de bâtir et de progresser au même rythme. Au sein de ce vaste ensemble, un groupe plus restreint de pays pourrait jouer le rôle de force motrice, de force d’entraînement. Ce groupe comprendrait notamment les pays fondateurs – dont le couple franco-allemand –, qui agiraient un peu comme des locomotives dans certains secteurs. Pour cela, pour que ceux qui veulent avancer avancent, utilisons davantage le mécanisme de la coopération renforcée dans tel ou tel domaine d’action : cela permettrait de nouvelles initiatives, de nouvelles impulsions.

L’article 20 du traité de l’Union européenne prévoit en effet le cas des États membres qui souhaiteraient instaurer entre eux une coopération renforcée visant à renforcer le processus d’intégration. Une coopération renforcée nécessite la participation d’au moins neuf États mais elle reste ouverte à tout moment à tous les États membres. Plutôt qu’une Europe uniforme, il vaudrait peut-être mieux une Europe différenciée, dans laquelle certains membres, plus dynamiques, ouvriraient la voie en allant plus loin et plus vite.

La Commission Barroso a donné l’image d’une Europe très contraignante en restant arc-boutée sur l’objectif d’une application quasi mécanique des critères de Maastricht et d’une réduction très rapide des déficits publics, quitte à freiner l’activité et l’emploi. Ce dogmatisme a donné l’impression d’une « Europe carcan » qui imposerait avec autorité de fortes entraves et une politique de rigueur excessive.

La Commission a changé mais l’image est restée, même si son nouveau président, M. Jean-Claude Juncker, a déclaré qu’il fallait en finir avec un traitement de la crise exclusivement « austéritaire », pour reprendre son mot. Il est nécessaire de réorienter l’Europe vers la croissance et l’emploi, qui sont les préoccupations principales des citoyens européens, notamment par un grand programme d’investissements dans des projets d’avenir.

Par ailleurs, si l’Europe se préoccupe de la convergence budgétaire et de la convergence économique, elle semble moins se préoccuper de la convergence sociale. Certes, elle intervient en matière sociale mais ce que l’on attend surtout d’elle, c’est une harmonisation par le haut, au moins progressive, des normes sociales des États membres ; sinon le dumping social continuera, ainsi que la prime, injuste, inéquitable, aux pays qui ont le plus faible niveau de protection sociale. Après tout, puisqu’il y a un traité budgétaire européen, pourquoi n’y aurait-il pas un jour un traité social européen ? Si les choses restaient en l’état, alors il faudrait dire, en forçant le trait, que le social est une idée neuve en Europe.

Enfin, dans la période troublée que nous traversons, marquée par une montée des conflits et des terrorismes, l’Europe doit aussi agir pour préserver sa sécurité face aux menaces nombreuses et diverses dans un environnement stratégique devenu très difficile et très dangereux. Au fond, à côté des objectifs économiques et sociaux, l’Europe doit aussi faire face à des impératifs de type régalien : la défense, la sécurité, le contrôle des frontières extérieures de l’Union, une coordination accrue en matière de lutte contre le terrorisme. Désormais l’Europe doit aussi apparaître comme l’Europe qui protège dans un monde de plus en plus incertain.

Mes chers collègues, l’Europe peut retrouver confiance en elle-même si elle améliore certaines de ses politiques qui ont pu décevoir : si elle invente, si elle innove, elle pourra connaître un autre destin. Elle pourra redevenir une zone de progrès économique et social, mais aussi un espace de solidarité et de fraternité, à l’écoute et au service des peuples qu’elle rassemble.

Chacun souhaite une Europe plus forte et plus humaine. À ceux qui jugeront que c’est une utopie, il faudra répondre avec Victor Hugo : « L’utopie est la vérité de demain ».

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