Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 28 juin 2016 à 15h00
Égalité et citoyenneté

Manuel Valls, Premier ministre :

Je dirai quelques mots sur le couple franco-allemand, qui est solide même si je n’ignore rien de ses difficultés. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas de la seule responsabilité de l’Allemagne. Elles sont notamment liées au fait que l’écart de compétitivité entre nos deux pays qui s’est creusé au cours des années 2000 a créé un déséquilibre, pour toute une série de raisons, et les gouvernements n’en sont pas les seuls responsables. Cet écart pose problème tant aux Français qu’aux Allemands au demeurant. Je vous renvoie à ce sujet aux réflexions très lucides d’Helmut Schmidt, qui s’en était inquiétait déjà.

Pour fonctionner, l’Europe doit pouvoir s’appuyer sur l’équilibre entre l’Allemagne et la France et le Président de la République s’en soucie constamment. On pourrait en effet faire le choix de la confrontation avec l’Allemagne, et certains l’ont cherchée ; ce n’est pas le Président de la République François Hollande qui est allé devant le Conseil ECOFIN pour lui expliquer ce qu’il fallait faire. Le Président de la République François Hollande a toujours le souci de trouver un équilibre. On ne peut pas à la fois nous exhorter de nous affranchir de l’Allemagne de Mme Merkel et nous reprocher de n’être pas capable de bâtir avec elle un partenariat susceptible de tirer l’Europe vers le haut.

Une déclaration conjointe a été faite hier soir, un Conseil européen a lieu aujourd’hui. Nous partageons la volonté de contribuer ensemble à la refondation du projet européen, notamment en formulant des propositions dans le domaine de la défense et de la sécurité et de la protection des frontières. L’Allemagne évolue sur ce point car elle est évidemment confrontée au défi de l’accueil des réfugiés mais il faudra la convaincre. Les propositions portent également sur l’investissement et la croissance, et il appartient également à l’Allemagne de faire ce choix de l’investissement et de la croissance, fondamental pour elle comme pour l’Europe.

La France comme l’Allemagne, le Président de la République comme la chancelière souhaitent que la sortie du Royaume-Uni se fasse de manière ordonnée et rapide, que l’Union européenne établisse avec cet ex-État membre une nouvelle relation favorable aux intérêts de la France, de l’Allemagne et de l’Union.

C’est vrai, il faut également mettre sur la table le sujet de la nécessité de réinventer le projet européen. J’ai bien écouté les interventions de François Fillon ou de Bruno Le Maire, celles des présidents de groupe Bruno Le Roux ou Roger-Gérard Schwartzenberg, celles de François de Rugy, Philip Cordery ou Élisabeth Guigou, bien sûr, et je peux même être en résonance avec les propos d’André Chassaigne. Il y a des différences entre nous et elles sont légitimes. Elles sont le fruit de l’histoire et je n’oublie pas que l’Europe s’est construite en grande partie par un accord entre la démocratie chrétienne et la social-démocratie, la droite et la gauche. Chacun toutefois partage le projet européen. Les approches sont différentes, personne ne le niera, mais je reste convaincu que si la France veut peser à l’avenir l’unité est nécessaire et ne doit pas être factice pour autant.

À cet égard, monsieur le président, la mission d’information que vous présidez a un rôle important à jouer dans le suivi de ce qui va se passer ces prochaines semaines, ces prochains mois, voire ces prochaines années s’agissant de la refondation du projet européen. Ce doit être un facteur d’unité et non pas de division. Les positions des uns et des autres doivent évoluer s’agissant de la nation, son rôle, les frontières, de la distinction entre ce qui relève de l’Europe et ce qui relève des États-nations. Même si j’ai beaucoup de respect pour le fédéralisme, monsieur Vigier, ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Ce qu’il faut aujourd’hui c’est conforter la puissance des États-nations afin qu’elle soit utile à la construction européenne.

J’en viens à ma conclusion car je ne voudrais pas m’exprimer trop longuement. S’il est normal que nos positions divergent, certaines suscitent mon inquiétude. Chacun est responsable de ses propos. Nos familles politiques ont d’ailleurs été divisées sur la question européenne, nous le savons. La question de l’opportunité pour la France de sortir ou non de l’Union européenne fera toujours débat, avec plus ou moins de nuances – cela est consubstantiel à la démocratie. Mais ce débat fondamental constituera une ligne de fracture essentielle dans les prochains mois, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle.

Le Front national a dit clairement souhaiter que la France sorte de l’Union européenne. C’est son droit. Je suis pour ma part convaincu qu’une grande partie des électeurs du Front national ne le souhaite pas.

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