Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, les deux textes qui arrivent en séance ce matin font l’objet d’une attention toute particulière de la part des Guyanais que je représente sur ces bancs, du fait de leur importance dans les relations entre la Guyane et son voisin, l’État d’Amapa, et plus généralement entre la France et le géant brésilien.
En effet, ils préfigurent l’ouverture du pont sur l’Oyapock, fleuve frontière entre les deux pays et qui est, peu de personnes le savent, la plus grande frontière terrestre française avec un pays étranger. Leur importance est d’ailleurs inversement proportionnelle à l’intérêt que semblent leur porter mes collègues parlementaires. (Sourires.) C’est pourquoi je tiens à remercier chaleureusement ceux d’entre eux qui ont fait le choix de nous accompagner ce matin…
Ces textes vont nous permettre d’enclencher le processus d’intégration de la Guyane dans son écosystème régional direct. Par ailleurs, le symbole est très fort : c’est la première fois que l’Europe sera reliée au continent américain par la route ! L’idée ne date pas d’hier, puisque l’ouverture de ce pont est la résultante directe d’un engagement pris par les présidents Jacques Chirac et Fernando Henrique Cardoso, venus célébrer l’amitié franco-brésilienne sur les berges de ce fameux fleuve Oyapock en 1997, il y a donc près de vingt ans.
Mais entrons dans le vif du sujet. Le premier projet de loi autorise l’approbation de l’accord entre la France et le Brésil concernant les transports routiers internationaux de voyageurs et de marchandises. Le second autorise, quant à lui, l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil en vue de l’établissement d’un régime spécial transfrontalier concernant des produits de subsistance entre les localités de Saint-Georges de l’Oyapock, en France, et Oiapoque, au Brésil.
La ratification de ces deux textes par la France devrait permettre d’ouvrir le pont sur l’Oyapock, achevé en 2011 mais pas encore ouvert à la circulation. L’accord portant sur les biens de subsistance vient parachever le dispositif du régime spécial de circulation transfrontalière mis en place en 2014, en exonérant les bénéficiaires de ce régime de certains droits et taxes applicables aux produits acquis sur le territoire de l’État voisin.
En ciblant spécifiquement les produits de consommation courante que les frontaliers sont le plus susceptibles d’acquérir lorsqu’ils se rendent sur l’autre rive du fleuve, l’accord vise à accroître l’attrait du régime spécial et son impact réel dans le quotidien des populations frontalières. L’exonération de droits et taxes sur les biens de consommation courante devrait conduire à une intensification des flux de personnes effectuant des achats de part et d’autre de la frontière.
Cet accord vient légaliser une situation de fait, qui a existé de tout temps, puisque le concept même de frontière est quelque chose de très abstrait pour des populations partageant le même espace de vie depuis des décennies, voire des millénaires pour les populations autochtones.
Il est toutefois attendu de cet accord qu’il permette une augmentation des échanges entre les deux villes frontalières de Saint Georges et d’Oiapoque, de laquelle devrait résulter un surplus d’activité pour leurs commerces, y compris en termes de consommation de services.
L’autre accord vise plus directement à accompagner l’ouverture du pont lui-même, puisqu’il fixe les conditions d’entrée et de circulation des professionnels du transport sur le territoire des deux États parties, entre les deux communes frontalières, et au-delà à relier Cayenne aux grandes villes du Nordeste brésilien, en particulier aux capitales régionales que sont Macapá et Belém.
Les négociations ont longtemps achoppé sur la question des assurances exigibles pour franchir le pont sur l’Oyapock, avant qu’il ne soit finalement décidé de renvoyer cette épineuse question à un groupe de travail ad hoc, prévu par l’accord. Les collectivités territoriales et les socio-professionnels seront associés aux réunions de la commission de suivi de l’accord, avec le statut de membres invités. L’objectif est de répondre aux interrogations et aux inquiétudes exprimées par ces acteurs.
Outre l’ambassadeur du Brésil et les services de l’État qui ont oeuvré à sa signature, j’ai tenu à échanger sur le contenu de ces accords avec les parties prenantes en Guyane. Il ressort de ces rencontres que les pouvoirs publics ne doivent pas ménager leurs efforts de communication et de pédagogie vis-à-vis des citoyens guyanais, pour répondre aux interrogations légitimes de la population quant aux conséquences de l’ouverture du pont sur l’Oyapock.
Il a souvent été reproché à l’État français d’avoir construit ce pont sans y associer réellement les Guyanais. Il nous revient donc aujourd’hui de remédier à cette situation, en faisant de cet ouvrage un véritable outil au service du développement de la région – et j’englobe ici la région de l’Amapa.
Il ressort également des différentes auditions que j’ai menées, tant à Paris qu’en Guyane, que l’ouverture du pont ne résoudra pas toutes les questions transfrontalières qui doivent être traitées en collaboration avec les Brésiliens, que ce soit les questions migratoires, la question épineuse du régime des visas ou encore les sujets plus graves que sont la lutte contre l’orpaillage illégal et le pillage systématique de nos ressources minérales et halieutiques.
De manière générale, l’ouverture du pont devra s’accompagner d’un renforcement de la coopération régionale sur tous les plans : économique, culturel, éducatif et universitaire. Cela ne pourra se faire qu’au prix d’une réelle volonté publique des deux côtés, tant au niveau local qu’à celui de l’administration centrale.
Approuvés par la partie brésilienne, ces deux accords attendent désormais leur ratification par la France pour entrer en vigueur. Je vous propose donc d’adopter ces deux projets de loi. Permettez également que j’adresse un vibrant appel au Gouvernement afin qu’il fasse le nécessaire pour que ce pont soit inauguré avant la fin de l’année 2016, conformément à l’attente de la grande majorité des Guyanais et des Brésiliens. Je vous remercie.