Monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, je vous remercie de vos propos. Je regrette néanmoins de n’avoir pu m’exprimer avant que vous n’engagiez votre réflexion, car cela m’aurait permis de vous apporter des éléments de réflexion précis, qui vous auraient montré que la discussion entre nous n’est pas là où on le croit.
Je voudrais insister sur le fait que ce qui préoccupe le Gouvernement, et ce qui me préoccupe personnellement, dans la proposition qui est faite, c’est la question de l’adéquation entre l’objectif qu’elle poursuit et le résultat qu’elle pourrait atteindre. Pour ma part, je suis évidemment très désireux d’apaiser les choses, et très désireux que le respect des principes de droit et les conditions d’exercice des contrôles d’identité favorisent cet apaisement. Mais je ne crois pas, et je voudrais expliquer pourquoi, que le récépissé soit, d’un point de vue technique, la bonne solution.
Cet amendement, qui avait la sagesse de proposer une expérimentation, visait deux objectifs : éviter les contrôles au faciès, d’une part, et les contrôles répétitifs, d’autre part. Je voudrais prendre un exemple concret pour voir si le dispositif que vous proposez permettrait d’atteindre cet objectif – car telle est ma préoccupation. Vous le voyez, je n’ai pas une position dogmatique, mais une approche concrète.
Prenons le cas d’une personne qui ferait l’objet d’un contrôle d’identité et qui opposerait à l’agent des forces de l’ordre un récépissé qu’il aurait reçu auparavant.
L’agent des forces de l’ordre aurait bien l’obligation de vérifier la concordance entre l’identité du bénéficiaire du récépissé et la personne contrôlée. Dans un contexte de menaces comme celui auquel nous sommes confrontés, il serait problématique que cette vérification ne soit pas opérée. Elle doit donc avoir lieu. C’est pour cette raison très concrète que l’amendement n’atteint pas son objectif.
Ensuite, si l’on veut démontrer le caractère abusif du contrôle, il faut que chaque policier ou gendarme puisse signaler la délivrance d’un récépissé, sans quoi celui-ci peut donner lieu, surtout dans le contexte particulier de menaces auquel nous sommes confrontés, à toutes les falsifications possibles. Nous sommes confrontés à des individus qui utilisent tous les faux documents pour échapper aux contrôles. Dans ce contexte de menaces très élevées, la seule solution possible serait de créer un fichier des personnes contrôlées. Or un très grand nombre de ceux qui sont favorables à votre proposition s’opposerait à un tel fichier pour des raisons très compréhensibles de préservation des libertés publiques.
Enfin, et c’est un point tout aussi important, certains des amendements présentés prévoient que ce récépissé mentionne le numéro de matricule de l’agent qui a procédé au contrôle ou à la fouille. Je partage l’objectif de protection de l’anonymat des agents et une expertise est en cours au sein de mon ministère pour examiner les conditions d’un élargissement du recours au matricule. Mais au-delà de ces enjeux, qui ont été soulignés par le Président de la République après l’attentat de Magnanville, l’utilisation du matricule dans un acte relevant de la procédure pénale, aujourd’hui limitée, n’est pas un geste neutre. Pour toutes ces raisons, votre proposition me semble de nature à n’atteindre aucun de vos objectifs. Mais je comprends votre préoccupation.
Je vous propose donc de nous voir vite pour réfléchir de façon approfondie à une solution plus efficace et permettant de donner toutes les garanties souhaitées. Je suis tout à fait disposé à y travailler dans les semaines qui viennent.