J'ai été enseignant il y a vingt-cinq ans dans un collège public à Roubaix, et la situation était déjà telle qu'aujourd'hui : tous les ingrédients de la poudrière étaient présents. J'ai encore en mémoire les billets médisants traînant sur le sol de la classe ainsi que la réponse des garçons sollicités pour les ramasser : « Les femmes sont là pour ça », ce à quoi je répondais que les femmes, ce pouvait être leur mère ou leur soeur et qu'ils étaient eux-mêmes de jeunes pères potentiels.
Tous les plans que nous pourrons échafauder de façon intellectuelle et très combative ne remplaceront jamais le dialogue que chacun peut avoir avec les élèves en tant qu'enseignant, principal de collège, etc. Le problème est encore celui de l'absence de réponse de la part des enseignants, singulièrement les jeunes, confrontés à des situations les dépassant totalement.
Notre collègue Annie Genevard a évoqué l'amour, et je lis dans votre rapport : « On s'aime à deux, on se protège à deux ». En effet, le plaisir n'est ni égoïste ni individuel, bien que notre société s'individualise à outrance, et il convient de rappeler que toute sexualité constitue un projet à deux. Ce doit toujours être un projet d'amour – je fais volontiers référence au très bel ouvrage de Luc Ferry La Révolution de l'amour – et, chaque fois que je marie quelqu'un – car c'est aussi le rôle de l'officier d'état civil que de remémorer ce qu'est le projet du mariage –, je rappelle que, dans ce monde, la situation n'est pas la même pour tous, qu'il existe des pays dans lesquels la révolution de l'amour n'a pas encore eu lieu, et que les filles y sont mariées de façon autoritaire. Nous devons mesurer la chance qui est la nôtre de vivre dans un pays où l'on choisit l'autre, dont le sexe importe peu par ailleurs.
Nous vivons dans un schéma culturel séculaire de domination au sein duquel chacun doit jouer un rôle, car, s'il en sort, il se fait « flinguer » par l'autre ; pour autant – que l'on me pardonne si je parais quelque peu « fleur bleue » –, la révolution de l'amour a encore beaucoup de progrès à réaliser.