Intervention de Philippe Dumas

Réunion du 23 juin 2016 à 11h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Philippe Dumas, président de Sicarev-Aveyron :

Nous n'avons évidemment pas apprécié les images auxquelles vous faites allusion, nous les condamnons. Nous ne souhaitons pas voir de telles pratiques au sein de nos outils – ce qui m'amènera dans un moment à vous parler de la vidéosurveillance. Quand on porte, comme moi, la double casquette d'éleveur et de responsable d'outil d'abattage, on souhaite que les animaux soient bien traités.

Nous travaillons à la prise en compte du bien-être animal depuis un certain nombre d'années à l'aide des référents pour la protection animale (RPA) et en demandant à nos personnels, à nos chauffeurs de suivre une formation. Quand on a annoncé à des chauffeurs qui exerçaient ce métier depuis dix ans qu'on allait les former à la manipulation des animaux, ils ont souvent réagi en disant : « On ne va tout de même pas m'apprendre mon métier ! » Moi-même j'ai suivi, en tant qu'éleveur, des formations sur le comportement animal : on découvre ainsi, par exemple, que le champ de vision d'un bovin n'est pas le même que le nôtre, et c'est ce qui explique leur manière particulière de réagir. Ces formations nous permettent d'appréhender d'une manière différente les animaux, de mieux les approcher, de mieux comprendre et de mieux anticiper leurs réactions. Or ces chauffeurs, dont je viens de parler, mais aussi des opérateurs d'abattoir, ont admis qu'au lieu de perdre une journée, comme ils le craignaient, ils avaient appris des choses. Car il faut éviter de transposer au comportement de l'animal notre ressenti personnel : il ressent les choses différemment, sa vision, son odorat n'est pas le même que nous. Finalement, ces formations sont entrées dans leurs moeurs et ont permis de faire avancer les choses dans l'ensemble de la filière, éleveurs compris : car le bien-être animal, c'est tout au long de la vie de l'animal, jusqu'à sa mort, autrement dit jusqu'à l'abattage.

Si l'on peut mesurer, pour répondre à l'une de vos questions, le coût de mesures favorables au bien-être animal, comme une journée de formation ou la création d'un poste supplémentaire, il faut également être capable d'apprécier le plus qu'elles apportent pour rassurer le consommateur. J'en profite pour dire, quitte à m'écarter un peu de notre sujet, qu'il faut bien avoir conscience de tout notre travail d'étiquetage des produits de la filière française, et ne pas fermer les yeux sur les produits que nous importons : si l'on s'impose des exigences pour un produit né, élevé et abattu en France, on ne peut en dispenser les produits qui viennent d'ailleurs. Bref, si l'on sait mesurer des surcoûts, il est plus difficile d'en mesurer le retour ; reste que si, demain, nous n'avons plus de consommateurs de viande parce qu'ils ne sont plus rassurés par les pratiques de la filière, nous en mesurerons directement les conséquences… Il faut donc voir le côté positif des choses.

J'en viens à la vidéosurveillance. Il y a plusieurs façons de l'appréhender. Je pense qu'il faudra réfléchir à son utilisation. Si l'on doit mettre en place une vidéosurveillance, nous proposons que ce soit d'une vidéosurveillance en direct, avec un écran visible par un vétérinaire, à défaut de pouvoir mettre un vétérinaire à tous les postes ni aux côtés de chaque opérateur. Ainsi, dès que l'on constate une dérive dans la gestuelle, dans la façon de traiter les bêtes, quelqu'un est à même d'intervenir immédiatement pour corriger le geste inapproprié : c'est tout l'intérêt de la vidéosurveillance en direct. Il ne sert à rien d'enregistrer des heures d'images si c'est pour constater que le salarié a passé toute une journée à ne pas travailler comme il faudrait, faute d'avoir été bien formé, d'avoir bien compris sa tâche, etc., et qu'on n'a pas su le corriger rapidement. Avec la vidéo en direct, le vétérinaire peut réagir immédiatement, quitte à faire arrêter la chaîne : le bien-être animal ne peut admettre qu'une mauvaise gestuelle se prolonge pendant une heure, voire une journée. Peut-être faudra-t-il tenir un registre, au besoin former l'opérateur ; ce n'est pas la sanction qui m'intéresse, mais les marges de progrès, tout ce qui permettra de tirer par le haut toute une approche centrée autour du bien-être animal.

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