À l’époque, j’étais membre du comité des sages – bien que je ne sache pas si j’avais cette qualité –, au sein duquel nous avons longuement discuté des moyens d’aider les territoires à mettre en oeuvre la cotation ainsi que l’anonymisation.
Au vu des expériences menées à Rennes, à Paris et ailleurs, elles peuvent s’avérer intéressantes – quand elles sont bien menées, car j’ai également en tête quelques contre-exemples.
Nous avions conclu qu’il valait mieux s’appuyer sur la volonté des élus locaux en privilégiant une expérimentation locale plutôt que d’inscrire dans la loi des obligations. Cela ne veut pas dire que nous trouvons une telle évolution inintéressante, notamment s’agissant de la question de l’anonymisation.
On se rend néanmoins compte, aujourd’hui, que les communes dans lesquelles une telle expérimentation fonctionne – et où elle est acceptée par les associations représentant notamment les mal-logés ou les demandeurs de logements sociaux – sont celles où elle a été précédée d’un débat politique important, visant à fixer des critères, nationaux et locaux, et à les pondérer. Il s’agit de points extrêmement complexes, nécessitant de longues discussions. Cela vaut également pour l’anonymisation.
Il faut reconnaître les choses telles qu’elles sont : la discrimination – notamment raciale – dans le logement existe ; c’est une réalité dont témoignent plusieurs études. Elle existe très fortement dans le parc privé et peut-être aussi dans le parc social, car certaines remontées nous laissent à penser que certaines commissions d’attribution ont pu y être sujettes.
Pour autant, l’anonymisation ne me semble pas plus protectrice des locataires. Certes, elle a pu parfois permettre, avec des dossiers non anonymes et défendus par les territoires, une meilleure prise en charge de ces mêmes locataires.
Cela ne veut pas dire que les expériences qui sont menées ne sont pas bonnes. En l’état, monsieur Grandguillaume, je ne suis donc pas favorable à votre amendement. Il ne me semble pas judicieux, en effet, d’inscrire dans la loi le principe de la préservation de l’anonymat des demandeurs, même si actuellement certaines expériences menées me paraissent intéressantes.
Un retour d’expérience sera nécessaire afin de voir comment les choses se sont passées sur le terrain. Il serait d’ailleurs intéressant que des bailleurs soient associés à cette réflexion, car nombre de conventions les lient à l’État.
Peut-être un appel à manifestations d’intérêt s’avérerait-il utile, afin d’examiner comment ces expérimentations se sont déroulées, à quelles difficultés elles se sont heurtées et quels écueils elles ont permis d’identifier.
Il serait certainement intéressant également de comparer des résultats portant sur la façon dont se déroulent les attributions de logement lorsque l’anonymisation est appliquée et lorsqu’elle ne l’est pas.
Il faut continuer à défendre ce principe, mais l’inscrire dans la loi avec une obligation reviendrait à dire qu’on l’impose aux territoires sans qu’ils aient pu au préalable conduire un véritable débat politique. Je ne crois pas, en l’état actuel du dossier, que cela améliorerait la protection des demandeurs de logements sociaux.
Enfin, pour tout ce qui relève, dans le titre II de ce projet de loi, de la question de l’attribution des logements sociaux, nous voulons renforcer la transparence, car c’est une nécessité.
Par ailleurs, plus on informera en amont les demandeurs de logements sociaux du délai dans lequel ils recevront une proposition ainsi que des difficultés inhérentes à leur territoire, mieux ce sera.
Ce n’est donc pas tant par la loi que nous pouvons faire évoluer cette question que par un travail plus précis au sein des commissions d’attribution.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Grandguillaume. À défaut, le Gouvernement y serait défavorable.