Il est important de ne jamais perdre de vue la réalité, et c'est en cela que la Cour des comptes, en nous rappelant quelle est la situation réelle de nos finances publiques et comment elle évolue, a un rôle important à jouer – je le souligne pour celles et ceux qui estimeraient que nous pouvons engager des politiques économiques et budgétaires qui aggraveraient l'état des finances publiques au lieu de le redresser.
Néanmoins, la réalité est multiple et elle englobe, en l'occurrence, le contexte dans lequel évolue notre pays et les enjeux auxquels il est confronté. Or on comprend bien, à la lecture du rapport que la Cour – et c'est sa mission – fait prévaloir l'objectif de redressement des finances publiques sur tous les autres paramètres.
Dès le début de votre intervention, vous avez choisi, monsieur le Premier président, d'écarter toutes les questions relatives aux choix faits par le Gouvernement et le Parlement en matière de politique économique et budgétaire, la ligne directrice sous-jacente de votre rapport étant qu'il faudrait en faire davantage et plus encore en matière de maîtrise de la dépense publique, ce qui vous pousse à mettre l'accent sur ce qui n'a pas été fait plutôt que sur ce qui a été fait.
De ce point de vue je m'inscris en faux contre la critique implicite que vous nous adressez à propos de la gouvernance, en estimant que la révision de la loi de programmation est le signe que les mécanismes de gouvernance n'ont pas fonctionné. La question en effet n'est pas de savoir si la loi de programmation a été modifiée mais pourquoi elle l'a été et si cela a été fait de manière pertinente.
En l'occurrence, nous assumons pleinement la politique de redressement progressif mise en place depuis 2012 dans une double perspective : le retour de la croissance et le maintien de la cohésion sociale. Si nous avons ajusté nos choix au fil du temps, c'est pour tenir compte du contexte économique et social, estimant qu'un effort plus brutal aurait des conséquences négatives non seulement sur la croissance mais également sur la cohésion sociale.
En ce qui concerne l'évolution de notre déficit, de nombreux journaux titraient ce matin sur le risque de dérapage de 3 à 6 milliards de nos dépenses, alors même que la Cour juge que l'objectif pour 2016 de réduction du déficit à 3,3 % du PIB pourrait être atteint. Tout réside donc dans l'approche que l'on privilégie.
La réalité, pour nous, c'est la baisse de 4 milliards d'euros du déficit en comptabilité nationale, ce qui est une bonne nouvelle pour le pays, même si nous pouvons toujours regretter ne pas avoir fait mieux. Ainsi, 2015 est la première année depuis longtemps où l'on réduit le déficit et les prélèvements obligatoires, et où la croissance repart, ce qui laisse penser que la politique menée nous conduit sur la bonne trajectoire. Ceux qui affirment qu'il faudrait procéder autrement devraient préciser quelles seraient les conséquences, notamment à court terme, d'efforts d'ajustement plus importants – indépendamment du débat sur le bon emploi des deniers publics.
Pour ce qui est des économies réalisées, la réalité, c'est que la dépense publique n'a jamais aussi peu évolué depuis quinze ans : avec ce résultat, on aura du mal à convaincre nos compatriotes que les mesures d'économie qui avaient été annoncées n'ont pas été mises en oeuvre – alors même que le déficit public et les prélèvements obligatoires sont en baisse. Si je trouve justifié que la Cour des comptes nous appelle à la vigilance pour atteindre nos objectifs dans les années à venir, je m'étonne qu'elle communique ce matin sur le thème d'un dérapage du déficit en 2016, évalué entre 3 et 6 milliards d'euros. S'il faut d'ores et déjà se donner rendez-vous en 2017 – dès le mois de mars, puis lors de l'examen de la prochaine loi de règlement – afin de voir quelles mesures doivent être prises, nous sommes actuellement en mesure de tenir l'objectif de 3,3 % de déficit pour 2016. Pour ce qui est de 2017, au vu des informations que nous possédons actuellement, le Gouvernement n'a pas l'intention de s'écarter de l'objectif d'un déficit public limité à 2,7 %, ce qui signifie que des mesures seront prises, en recettes ou en dépenses, pour tenir cet objectif.