La commission examine, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015 (n° 3781) (Mme Valérie Rabault, rapporteure générale).
Ce projet de loi de règlement comporte un article liminaire et dix articles. L'essentiel concerne la conformité de ce que nous avons voté en loi de finances et loi de finances rectificative avec la réalité de l'exécution, à l'exception des articles 9 et 10 qui sont relatifs à la reconnaissance d'utilité publique de certaines dépenses et à la responsabilité pécuniaire d'agents publics.
Je présenterai différents éléments de l'adéquation entre l'exécution et nos votes, en commençant par la réduction du déficit public. Ce déficit public, qui englobe l'ensemble des déficits consolidés de l'État, des administrations de la sécurité sociale et des collectivités locales, a été réduit de 0,4 point de PIB en 2015, soit plus que ce que nous avions adopté en loi de finances initiale. Cette réduction repose uniquement sur un pilotage plus resserré des dépenses publiques, essentiellement celles de l'État.
La Cour des comptes a lancé une polémique – et je pèse mes mots – en laissant entendre que le déficit n'aurait pas diminué de 4 milliards mais de 300 millions d'euros. Or, un déficit se mesure en comptabilité nationale et la Cour des comptes a choisi, dans son communiqué de presse, de le publier en comptabilité budgétaire, tout en changeant le périmètre des retraitements des dépenses exceptionnelles par rapport à 2014. C'est un flou artistique qui ne me paraît pas digne de la Cour. Dans son rapport, il est clairement écrit qu'en comptabilité nationale le déficit a baissé de 4 milliards d'euros, et elle est donc d'accord avec les chiffres avancés par le Gouvernement, mais ce n'est pas en première page. Il n'y a pas eu en 2015 de lancement de programme d'investissements d'avenir (PIA) ni de dépenses exceptionnelles. Le choix de la comptabilité budgétaire, avec l'extension du périmètre, a conduit la Cour à minorer le déficit en 2014 et à le majorer en 2015, aboutissant à son chiffre de 300 millions, mais c'est un procédé un peu curieux de sa part. Il vaut mieux se fier à un thermomètre officiel qui ne change pas d'une année sur l'autre.
La question avait déjà été posée l'an dernier, à l'occasion de l'examen de l'exécution 2014. L'essentiel de la divergence est lié au traitement des PIA successifs : 35 milliards pour la première phase en 2010, 12 milliards pour la deuxième en 2014, et bientôt 10 autres milliards. Ces montants considérables vont s'étaler sur plusieurs années et je pense même au-delà de dix ans. Il faudrait soumettre une proposition au Gouvernement sur la manière de les traiter. Comme la rapporteure générale, je pense que c'est la comptabilité nationale qui importe, mais, en comptabilité budgétaire, il faudrait se mettre d'accord sur l'idée de compter tous les décaissements de l'année au niveau réel du décaissement, ce qui nécessiterait d'aller les chercher chez les opérateurs, afin de mettre un terme à toute polémique. Faute de quoi, nous retrouverons le sujet chaque année.
En effet, cela donne lieu à des débats dans lesquels personne ne sait de quoi il est réellement question.
J'en viens aux dépenses de l'État. Nous avons adopté un plafond de dépenses de 367,6 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) et l'exécution a atteint 366,7 milliards. Dans le détail, ce sont 4,8 milliards de crédits supplémentaires qui ont été votés en loi de finances rectificative, 2,4 milliards d'annulations de dépenses, une charge de la dette moins importante que prévu, à hauteur de quelque 2 milliards, ainsi que certaines autres dépenses moins importantes que prévu, à hauteur de 1,2 milliard.
Nous avons eu un taux record de réserve de précaution, de 11,1 milliards d'euros au total : 9 milliards en début d'année, 2,1 milliards en cours d'année. Un tel montant n'a jamais été atteint par le passé, que ce soit en termes absolus ou relatifs. Il y a eu ensuite un strict respect de la norme pour les dépenses inscrites dans le périmètre. Par ailleurs, des crédits supplémentaires ont été supprimés en cours d'année, parmi ceux mis en réserve ou ceux non consommés.
Les reports de crédits de paiement en 2015 – 7,8 milliards d'euros – sont à peu près équivalents à ceux de 2014 – 7,4 milliards. Parallèlement, l'État a étendu le périmètre qu'il finance puisqu'il a compensé à la sécurité sociale des exonérations de cotisations à hauteur de 7,6 milliards, dont 4,75 milliards au titre du pacte de responsabilité et de solidarité.
En ce qui concerne, à présent, les recettes, alors que l'exécution 2014 manifestait un écart de 10 milliards entre recettes votées et recettes réelles, l'exécution 2015 est en ligne avec ce que nous avons voté, c'est vrai globalement comme impôt par impôt. Tout juste peut-on relever une augmentation significative des droits de succession par rapport aux prévisions.
En page 12 du document qui vous a été distribué, j'ai distingué, dans les recettes, ce qui est payé par les ménages et ce qui l'est par les entreprises. Je sais que cela peut donner lieu à débat, notamment sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et c'est pourquoi j'ai repris des chiffres depuis 2007. Les prélèvements obligatoires ont légèrement baissé en 2015, de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB).
Le tableau de la page 13 ne concerne quant à lui que la fiscalité. Celle-ci a baissé sur les entreprises de 3,35 milliards d'euros : l'impôt sur les sociétés a baissé de 4,3 milliards en comptabilité nationale tandis que la fiscalité locale a augmenté d'un milliard.
L'évolution des cotisations patronales résulte de deux éléments : l'évolution spontanée de cotisations liée à une augmentation de la masse salariale de 2 %, et la mise en oeuvre du pacte de responsabilité qui a conduit à de nouveaux allégements de cotisations de 4,7 milliards d'euros pour les salaires entre un et 1,6 SMIC, et d'un milliard sur les cotisations familiales des indépendants.
Le tableau de la page 15 montre les niveaux de cotisations patronales ramenées au salaire brut, pour les différents salaires. Ainsi, en 2007, les cotisations patronales représentaient 20 % du salaire brut pour une personne au SMIC, 20 % également en 2012 et, avec la mise en oeuvre du pacte de responsabilité, 10 % en 2015. Au niveau de 2,5 SMIC, en revanche, on ne constate aucune variation.
Le choix fait pour ce tableau est-il un simple choix de présentation ou bien cela va-t-il plus loin ? Quand on voit que les cotisations patronales au niveau du SMIC ne représentent que 10 % du salaire brut, on se demande s'il ne serait pas plus logique d'avoir un vrai barème affichant la réalité des cotisations. De nombreux employeurs continuent de penser que les niveaux sont exorbitants.
Les exonérations de cotisations sociales du pacte de responsabilité s'arrêtent en 2015 à 1,6 SMIC tandis que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) joue jusqu'à 2,5 SMIC. Dès lors, nous voyons qu'à partir de 2,5 SMIC le ratio reste stable par rapport à 2007.
Le taux de cotisations patronales à 10 % au niveau du SMIC est à mettre en relation avec le taux de forfait social de 20 % pour l'intéressement et la participation. Les entreprises n'ont pas du tout intérêt, pour ce niveau de salaire, à opter pour l'intéressement et la participation.
La page 16 présente un point sur la fiscalité écologique. Celle-ci s'élève en 2015 à 62 milliards d'euros, entre les ménages et les entreprises, soit 2,85 % du PIB.
Je fais en page 18 un point sur la dette, visant à répondre à une question posée par Charles de Courson lors d'une séance de questions au Gouvernement : comment se fait-il qu'avec un déficit à 70,5 milliards d'euros, l'emprunt, donc la dette, n'augmente que de 48,8 milliards ? Il n'y a pas de tour de passe-passe. En 2015 a été conduite une politique d'émission de titres à partir d'anciennes obligations. En cas de différentiel entre les taux depuis le moment de l'émission de la dette, plus ce différentiel est important et plus la soulte l'est. L'Agence France Trésor (AFT) conduit une telle politique d'émission de titres depuis 2008 – une politique qui a connu un sommet en 2011 – mais les primes d'émission étaient jusqu'alors plus faibles car le différentiel était moins important avec les taux de marché. Aujourd'hui, avec des taux nuls, voire négatifs, les différentiels sont significatifs et l'État a perçu 22,7 milliards de primes d'émission. C'est la soustraction de ce montant du déficit de 70,5 milliards qui donne les quelque 50 milliards de dette.
Enfin, nous votons chaque année des plafonds d'effectifs. Un plafond n'a pas nécessairement vocation à être atteint, mais le principe d'une loi de règlement est de comparer la réalité avec ce qui a été voté. Les effectifs de l'État et de ses opérateurs ont augmenté de mille postes. Les priorités du Gouvernement sont reflétées dans ces embauches puisque 10 000 postes supplémentaires ont été pourvus en 2015 dans l'éducation nationale, près de 900 à la justice et 1 500 dans la police et la gendarmerie. Je rappelle que le concept de l'équivalent temps plein travaillé ou ETPT consiste à ne compter une personne à mi-temps que pour moitié, de même pour une personne à temps plein commençant à travailler au 1er juillet, ce qui est différent du concept utilisé dans le secteur privé.
Merci pour ces tableaux de grande qualité.
La politique d'émission a été modifiée de façon substantielle en 2015. Depuis 2008, les primes d'émission s'élevaient en moyenne à 4 ou 5 milliards d'euros, avec un pic de 10 milliards en 2011. La raison de leur forte augmentation, à 22,7 milliards, en 2015, est double : il y a, d'une part, la raison que vous avez indiquée concernant le différentiel de taux, mais aussi, d'autre part, le fait que le pourcentage d'émissions ayant fait l'objet de primes est plus élevé. On ne m'empêchera pas de penser que les 22,7 milliards sont utilisés pour rembourser de l'encours de dette, essentiellement de court terme, et que la dette qui serait ainsi passée de 95 à 97 % du PIB n'est relevée qu'à 96 % ; cette politique permettra au Gouvernement de faire des comparaisons flatteuses pour lui, indiquant que la dette mesurée en points de PIB n'a pratiquement pas augmenté sous cette législature, ou en tout cas moins que sous la précédente, alors qu'elle aura en fait tout autant augmenté. Qui paiera les intérêts à 6 %, alors qu'on aurait pu emprunter à 0,6 % ? Ce sont les successeurs.
J'ai demandé à M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, il y a six mois, que celle-ci mette en valeur ce point, et c'est ce qu'elle a fait dans son rapport sur l'exécution en 2015 du budget de l'État. Il est vrai qu'en comptabilité nationale, cela ne change rien.
Je suis d'accord pour dire que l'exercice doit être manié avec précaution mais je constate, par ailleurs, que toutes les collectivités locales le pratiquent. C'est ce qu'on appelle de la « gestion active » de la dette. Il faut regarder sur les dix ans à venir les tombées de coupons en fonction de différents scénarios selon que les taux restent bas ou augmentent.
Je ne vois pas ce qu'aurait pu être une stratégie d'émission alternative. La question est de savoir si cette gestion de la dette est pertinente sur la durée. Il est faux de laisser croire que nous aurions une gestion « court-termiste » qui conduirait à un alourdissement de la dette.
On a l'impression, en lisant son rapport, que la Cour des comptes découvre les primes d'émission. Ce rapport se réfère à une situation où il n'existerait pas de telles primes d'émission, mais une telle situation n'existe pas. Cette présentation n'est donc pas acceptable.
La politique d'émission a toujours reposé sur deux piliers : l'émission de nouveaux emprunts et le rattachement à des emprunts existants. Entre les 5 et les 22 milliards d'euros, il convient de voir ce qui correspond à une modification de la stratégie d'émission et ce qui tient au fait que nous sommes en zone d'intérêts négatifs. Cette stratégie diffère dans le temps le paiement des intérêts mais elle n'augmente en aucun cas le coût de la dette.
Je crois qu'il faut repréciser certains points. En 2011, la part de la dette émise à partir de souches anciennes représentait 40,5 % du volume total d'émissions, contre 26 % en 2014 et 33,9 % en 2015. Entre ces deux dernières années, il faut donc constater une petite augmentation, mais sans qu'elle aille jusqu'à faire dépasser le niveau de 2011. Il en va cependant différemment, j'en conviens, si l'on prend comme point de repère les primes d'émission.
La Banque centrale européenne (BCE) conduit une politique de rachat de titres de la dette qui assèche la liquidité du marché secondaire. C'est un autre facteur à prendre en compte et qu'il ne faut pas minimiser.
Je m'attacherai au document mis à disposition par notre rapporteure générale. À la page 13, l'on relève une hausse de 15 % de la fiscalité locale. J'espère que vous ne vous en étonnez pas ! Ne savons-nous pas qu'elle est le résultat d'une réduction drastique des dotations budgétaires de l'État à ces collectivités ?
La baisse de la DGF n'a pour suite que la chute des investissements sur le territoire, malgré la hausse de l'imposition locale. C'est un phénomène qui me semble devoir être pris en compte, car je suis très inquiète.
Quant à la bonne tenue de l'objectif de réduction du déficit de l'État, finalement supérieure aux prévisions, je ne me refuse pas à la mettre à votre crédit, mais j'apporterai toutefois quelques bémols.
Pour 3,67 milliards d'euros, il s'agit de la contribution des collectivités locales au redressement des finances publiques. Il y aurait une plus grande réduction du déficit si l'État s'appliquait à lui-même les exigences de réduction des dépenses qu'il formule à l'encontre des autres collectivités. En fait, le budget de l'État affiche une maîtrise, mais non une réduction, des dépenses.
Du côté des recettes, une certaine dynamique s'est perdue, puisqu'elles semblent avoir perdu toute élasticité. Une baisse de la fiscalité sur les ménages dès 2015 nous avait été annoncée : en réalité, la pression fiscale paraît être restée stable en ce qui les concerne, malgré la baisse des taux et la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu.
S'agissant de l'endettement, je suis tout aussi inquiète que notre président Gilles Carrez. L'émission de titres à partir de souches anciennes a donné lieu au versement de primes d'émission. Dans votre document de présentation, madame la rapporteure générale, vous vous contentez d'écrire que « la composition de la dette de l'État se modifie légèrement ». En fait, l'on a racheté de la dette à très court terme, en plombant ainsi les perspectives pour les années suivantes. De manière commode, cela permet d'éviter un ratio d'endettement de 100 % du PIB, taux qui aurait pu être sinon atteint en 2017. Ainsi, ces données passent sous le tapis. C'est un point que je mets à votre passif.
Il y aura un prix à payer à l'avenir. Aussi aimerais-je que soient mis en parallèle les constats établis pour 2015 avec les prévisions et les projections pour 2016. En effet, les dérives annoncées et les dépenses nouvelles vont, à mon sens, faire se dégrader tous les ratios que vous avez mis en avant pour 2015.
Nous avons beaucoup débattu du placement de titres à cinquante ans, mais il a eu lieu au taux de 1,9 %, ce qui me semble plutôt bon. D'autres ventes de ce type avaient eu lieu il y a six ou sept ans, mais le taux s'établissait alors à 4,5 %.
S'agissant du déficit public, il baisse de 0,4 point en 2015, après être resté stable en 2014. Pour 80 %, la baisse observée est due à une baisse du déficit de financement des collectivités territoriales, le solde étant même devenu excédentaire. L'État n'intervient quant à lui pour pratiquement rien dans cette baisse, dont le reste est à attribuer à une légère baisse du déficit des organismes sociaux.
Or la baisse des dépenses des collectivités locales, qui explique 80 % de la réduction du déficit public, est elle-même due pour 90 % à la baisse des investissements de ces mêmes collectivités, à hauteur de 4,8 milliards d'euros. Aussi serait-il bon que nous disposions d'une présentation de ces dépenses qui distingue entre celles qui sont des dépenses de fonctionnement et celles qui sont des dépenses d'investissement. Nous verrions alors que cette baisse de 0,4 point du déficit public n'est due qu'à la réduction de vraies dépenses d'avenir.
Concernant le déficit de l'État à proprement parler, la position de la Cour des comptes me semble intéressante, puisqu'elle considère qu'à périmètre inchangé, aucune baisse ne s'observe. J'y vois un avertissement. Plutôt que de neutraliser les PIA, nous pourrions prendre en compte les dépenses faites par les opérateurs au titre des PIA pour avoir une vision plus juste des investissements. Mais, en tout cas, la Cour des comptes nous avertit que le déficit de l'État est stable, ne présentant ni dégradation, ni amélioration.
Pour ce qui a trait aux objectifs de dépenses, je rejoins les analyses de notre rapporteure générale.
Sur les 2,373 milliards d'annulations de crédits, quelle est la part des investissements ?
Il s'agit très majoritairement d'investissements. Sur 380 milliards de dépenses de l'État, il ne reste plus que 22 milliards d'investissements, dans lesquels sont prises en compte, à hauteur de 5 milliards d'euros, des dotations en capital qui n'ont pour autre but que de combler le déficit de certaines structures publiques. C'est pourquoi il faudrait y ajouter tout de même, comme je le disais à l'instant, les investissements des opérateurs.
Pour les 2 milliards d'euros d'amélioration du solde budgétaire due à la baisse des taux d'intérêt, nous ne saurions en bénéficier éternellement. Il paraît probable que ceux-ci remontent, dans un délai de six mois à un an. Malgré tous nos efforts, la réduction du déficit de l'État n'est due en fait qu'à un don du ciel, à savoir ces 2 milliards d'euros sur la charge d'intérêts de la dette.
S'agissant des recettes de l'État et plus particulièrement des dépenses fiscales, toutes tendances politiques confondues, nous sommes d'accord pour dire qu'il y en a trop. Il a même été question de les faire baisser de 50 %… Pourtant, ce que je constate, c'est que, hors crédit d'impôt pour la compétitivité et pour l'emploi (CICE), ces dépenses fiscales sont quasiment stables. Si l'on prend en compte le CICE – 12,5 milliards d'euros en 2015 –, elles explosent. Ce dernier est d'ailleurs réintégré dans la comptabilité nationale sous forme de dépenses. Nous l'avons dit, ce concept donne une vision plus claire de l'évolution des dépenses de l'État et des collectivités publiques.
J'en viens à l'analyse des prélèvements obligatoires. Pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants, la priorité est à la baisse de la pression fiscale sur les entreprises plutôt que sur les ménages. Et je constate avec satisfaction que le solde fiscal s'améliore en effet pour ces dernières à hauteur de 3,3 milliards d'euros.
Le rapport que nous a fait la rapporteure générale nous a réservé un scoop relativement à la fiscalité écologique, dont le produit s'élèverait à 65 milliards d'euros. Ce montant m'a surpris. Les explications de la rapporteure générale m'ont appris qu'y était prise en compte, pour la moitié du total, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Cette taxe relève-t-elle de la fiscalité écologique ? On peut en discuter… La contribution au service public de l'électricité (CSPE) est également prise en compte dans sa totalité, alors qu'elle relève largement de l'aménagement du territoire ou des transports. De même, le versement transports s'analyse à mon sens plutôt comme une taxe sur les entreprises. Pour 6,7 milliards d'euros, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est également prise en compte. Bref, on met derrière ce mot de fiscalité écologique des choses très hétérogènes.
Sur la question de la fiscalité écologique, permettez-moi de vous renvoyer au rapport sur le collectif budgétaire de la fin 2015. Il faut que nous soyons attentifs à l'évolution de la partie écologique de la fiscalité, car nous avons adopté des textes qui en prévoient une augmentation très importante. Nous devons en être conscients.
Quant à la gestion active de la dette, un rapport sera publié prochainement par nos collègues Jean-Claude Buisine, Jean-Pierre Gorges et Nicolas Sansu, qui nous le présenteront mercredi prochain. Je m'interroge, d'une part, sur le bien-fondé d'une stratégie de réémission de la dette à un taux plus élevé, parfois même au taux de 6 % et, d'autre part, sur la traduction de cette politique dans les comptes de l'État.
Concernant le premier point, pourquoi faudrait-il émettre un tiers de la dette nouvelle à partir de souches anciennes. L'AFT nous indique qu'il s'agit d'une demande de marché. Mais l'État est-il vraiment tenu de répondre à cette demande ? Nous le paierons par des augmentations sur la charge de la dette dans les années à venir.
Concernant le second point, il y a à mon sens un problème budgétaire dans le fait qu'aucune provision n'ait été passée à hauteur de ces 22 milliards d'euros. Ainsi, l'on n'y comprend plus rien. En comptabilité budgétaire, elles apparaissent seulement comme une opération de trésorerie.
Cette provision est constituée par les primes d'émission elles-mêmes, dans la mesure où elles sont affectées au désendettement.
Je voudrais moi aussi que l'évolution des dépenses de fonctionnement apparaisse par rapport à 2014, hors charge des intérêts de la dette et transferts aux collectivités locales. De même, comment évolue cette charge des intérêts par rapport à 2014 ? Et, enfin, les investissements ?
La Cour des comptes a présenté ces chiffres dans son rapport sur les dépenses de l'État en 2015. Il faut aussi prendre en considération le prélèvement sur recettes (PSR) au profit de l'Union européenne. Une distinction des dépenses entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement serait en tout état de cause utile.
Je ferai une observation, avant de poser une question.
Dans le tableau de la page 15, relatif au bilan du CICE et du pacte de responsabilité, nous mesurons la part de cotisations sociales qui restent à payer par l'employeur selon le salaire qu'il verse. Cela met en évidence que, dès lors que ce salaire est plus élevé que le SMIC, le niveau augmente fortement, faisant naître une trappe à bas salaires.
Ma question portera sur la baisse des dépenses publiques d'un montant prévu de 50 milliards d'euros de 2015 à 2017. Pour 2015, le budget réalisé est en ligne avec les prévisions, mais il conviendrait de consolider encore les chiffres. L'inflation a été nulle l'an dernier, au lieu de 0,9 % dans les prévisions. Il faudrait le prendre en considération pour mieux voir la réalité des économies supplémentaires induites et la baisse des dépenses en tendance. Quelle est alors la différence entre les prévisions et l'exécution de 2015 ? Quelles sont les prévisions pour 2016 ?
Je constate à mon tour que la baisse du déficit public vient des collectivités territoriales et de la baisse de leurs investissements. Toutefois, pour 2016, un milliard d'euros supplémentaires devrait alimenter le Fonds de soutien à l'investissement. Une hausse très importante de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de 250 millions d'euros, pourrait également permettre de faire redémarrer les investissements des collectivités.
Quant à la politique d'émission de la dette, il faut analyser son coût. Les 22,7 milliards perçus sous forme de primes d'émission ont été affectés au remboursement de la dette. Il faudra en tenir compte pour mesurer l'augmentation réelle de la dette.
Pour la première fois, les dépenses de l'État sont stabilisées. C'est un coup de barre très significatif. Certes, l'on peut regretter que, comme si le budget était un grand bateau difficile à arrêter, les dépenses de fonctionnement en soient moins affectées que les dépenses d'investissement. Mais c'est le produit de trente ans de politiques publiques successives.
Au chapitre des recettes, je constate que 33,5 milliards d'allégements d'impôt sur les sociétés ont été accordés aux entreprises, au titre du CICE ou du crédit d'impôt recherche (CIR). Quelles sont celles qui en profitent, des très petites, des petites, des moyennes ou des grandes entreprises ?
Les allégements profitent plutôt aux petites et moyennes entreprises, en raison de la distribution des salaires, mais ce point devrait en effet être vérifié.
Je reviens sur le niveau des cotisations patronales sur les salaires. Sur les bas salaires, nous sommes en effet tombés à 10 % au niveau du SMIC. Cela relativise tout de même le discours sur le poids des charges qui serait un frein à la création d'emplois. Mais n'y a-t-il pas là, en effet, un renforcement de l'effet de trappe à bas salaires qui aurait pu faire l'objet d'une étude d'impact un peu plus poussée ? Entre le niveau du SMIC et deux fois et demie ce niveau, le taux des cotisations patronales s'étalait entre 20 % et 44 % en 2012, alors qu'il varie entre 10 % et 36 % aujourd'hui… Il serait en tout cas intéressant de disposer des données utilisées pour confectionner ce tableau.
S'agissant de la fiscalité écologique, nous devons nous mettre d'accord sur son périmètre. N'y entre, à mon sens, que tout ce qui incite à un comportement vertueux en matière d'environnement. Je pense donc que la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), anciennement TIPP, en fait partie. Mais d'autres impositions n'ont rien à voir : je me souviens qu'il a même été parfois d'inclure dans la fiscalité écologique la TVA réduite sur les travaux dans le logement social…
Par ailleurs, un déséquilibre flagrant s'observe entre la fiscalité écologique qui pèse sur les ménages et celle qui pèse sur les entreprises. Je me souviens qu'en 2009, au moment où l'on projetait d'instituer une taxe carbone, il avait été question de compensations seulement forfaitaires et susceptibles, à ce titre, de conserver à l'impôt son effet incitatif. Nous devons réfléchir à ce sujet.
Certes, la fiscalité écologique, notamment sur les carburants, a désormais atteint un niveau élevé, comme l'a dit le président Carrez. Les effets en sont encore contenus, du fait de la faiblesse des cours du pétrole. Mais que va-t-il se passer quand le cours du baril remontera ? Au demeurant, la fiscalité écologique reste, à certains égards, trop faible à cause d'exonérations consenties à de trop nombreux secteurs, tels que les taxis, la pêche, l'agriculture. Ne pas appliquer la taxe carbone aux transports routiers n'a aucun sens !
S'agissant du CICE et du pacte de responsabilité, j'observe moi aussi à quelle vitesse augmente le taux des cotisations patronales sur les salaires, passant, entre le niveau du SMIC et deux fois et demie ce niveau, de 10 % à 25 %, puis à 35 %. Au-delà de 2,5 fois le SMIC, il n'y pas eu de baisse de charges depuis 2007. La cible du pacte de responsabilité n'est donc pas la meilleure. Je reste persuadé que la TVA compétitivité était plus adaptée.
Du moins les tableaux contenus aux pages 20 à 22 de votre rapport, madame la rapporteure générale, font-ils toute la lumière sur la réalité des emplois nouveaux créés dans la fonction publique. Alors que l'on nous annonçait 60 000 créations dans l'éducation nationale, je n'en vois que 16 000, dans les effectifs de la justice 1 800, ou encore 110 dans les effectifs de la police et 320 dans ceux de la gendarmerie. Voilà l'évolution réelle depuis 2012.
Soyez attentifs au fait que les enseignants arrivés en septembre ne comptent que pour un quart d'emploi sur l'année, et ne compteront pour un emploi complet qu'à partir de cette année…
Il y a un écart entre ouvertures de postes et postes à pourvoir. Nous en avons entendu l'exemple flagrant lors d'une récente audition de la directrice de l'administration pénitentiaire. Il nous faudra être plus attentifs à ces problèmes.
Tous les chiffres entendus révèlent l'effort demandé aux collectivités. Le Président de la République l'a compris : cet effort est particulièrement violent pour elles. Pour les communes et les départements, des atténuations ont été trouvées. Mais qu'en est-il pour les régions ? Est-il vrai qu'une part de la contribution foncière des entreprises pourrait leur être attribuée, pour 650 millions d'euros ?
Si j'en crois le Premier président de la Cour des comptes, les effectifs de l'État augmentent pour la première fois depuis dix ans. Me le confirmez-vous ?
Nous sommes tous légitimement attentifs à la question des travailleurs détachés. Avec seulement 10 % de cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC, les entreprises françaises ne sont-elles pas maintenant compétitives ?
Quand on fait du benchmarking avec des entreprises qui emploient des travailleurs détachés polonais ou roumains, où en est-on ? Pouvons-nous répondre au défi du coût salarial ou, si l'argument de la cotisation n'est pas le bon, quel est le bon ?
S'agissant du CICE, notre collègue Joël Giraud a évoqué ses retombées en fonction de la taille de l'entreprise. Mais la question se pose, à mon sens, davantage en termes de secteurs d'activité qui en bénéficient, selon qu'ils sont exposés à la concurrence internationale ou qu'ils sont plus axés sur le marché intérieur.
Au titre de la fiscalité des entreprises, monsieur Faure, monsieur Giraud, nous n'avons pas retenu que le montant de l'impôt sur les sociétés, nous avons fait la somme de l'impôt sur les sociétés, de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), des impôts sociaux, et nous n'avons exclu que les cotisations sociales payées par les entreprises. Le montant total est de 91 milliards d'euros, dont 37 sont payés par les grandes entreprises, 27 par les entreprises de taille intermédiaire, 19 par les petites et moyennes entreprises et 8 par les micro-entreprises. Je peux vous communiquer dès à présent un tableau destiné à figurer dans le rapport, qui récapitule ces données avec, au regard de chacune de ces catégories d'entreprise, la valeur ajoutée qu'elle produit. Cela ne répond cependant pas à la question de savoir s'il s'agit d'entreprises exportatrices. Nous pourrons vous donner le détail très bientôt.
Monsieur Le Fur, vous constaterez en page 20 que les équivalents temps plein, sur toute l'année, ont augmenté de 1 000 entre 2014 et 2015. Je rappelle aussi que lors du conseil de défense du 13 avril 2015, le Gouvernement a entériné l'abandon des réductions d'effectifs dans la défense – les effectifs devaient être réduits à hauteur de 7 500. Les réductions déjà engagées ont été réalisées mais il y a vraiment eu un coup d'arrêt, qui se verra dans l'exécution 2016.
Effectivement.
Madame Sas, je vous donnerai les tableaux Excel avec les montants en euros sonnants et trébuchants. Ainsi, vous aurez toutes les informations.
Monsieur Goua, j'ai bien entendu votre commentaire.
Monsieur Alauzet, je n'ai pas calculé l'impact de cette inflation moindre que prévu sur l'exécution du budget. Nous verrons si nous pouvons le faire à temps pour que les chiffres figurent dans le rapport.
J'ai donné à M. Laffineur le tableau qui figurera dans le rapport à propos de l'évolution des dépenses de fonctionnement, de l'investissement et de la charge de la dette entre 2014 et 2015.
Monsieur de Courson, la part des investissements dans les 2,3 milliards d'euros d'annulations de crédits serait intéressante ; je ne peux pas vous la donner maintenant, mais elle doit être en effet importante. Quant aux dépenses fiscales, elles sont effectivement stables, hors CICE.
Madame Dalloz, j'ai pris bonne note de vos commentaires.
Voilà, je crois avoir répondu à peu près à tout le monde.
La commission en vient à l'examen des articles.
Article liminaire : Solde structurel et solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2015
La commission adopte l'article liminaire sans modification.
Article 1er : Résultat du budget de l'année 2015
La commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Tableau de financement de l'année 2015
La commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Approbation et affectation au bilan du résultat de l'exercice 2015 – approbation du bilan et de l'annexe
La commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Budget général – Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement
La commission adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 : Budgets annexes – Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement
La commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés – Affectation des soldes
La commission adopte l'article 6 sans modification.
Article 7 : Règlement du compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État clos au 31 décembre 2015
La commission adopte l'article 7 sans modification.
Article 8 : Règlement du compte spécial Liquidation d'établissements publics de l'État et liquidations diverses clos au 31 décembre 2015
La commission adopte l'article 8 sans modification.
Article 9 : Reconnaissance d'utilité publique des dépenses dans le cadre d'une procédure de gestion de fait
La commission adopte l'article 9 sans modification.
Article 10 : Responsabilité pécuniaire des agents publics ayant procédé aux opérations de dépense et de recette au nom du groupement d'intérêt public « Observatoire français des drogues et de la toxicomanie »
La commission adopte l'article 10 sans modification.
Article additionnel après l'article 10 : Création d'un document de politique transversale relatif au développement international de l'économie française et au commerce extérieur
La commission examine l'amendement CF1 de Mme Monique Rabin.
Par cet amendement, je veux ouvrir le débat. Je m'en fais la réflexion depuis le début de la législature, et j'en ai parlé à différents ministres : la politique consacrée au développement international de l'économie française et au commerce extérieur manque de lisibilité. Il s'agirait donc de disposer d'un document de politique transversale consacré à ce sujet.
Il y a six missions qui s'occupent, de près ou de loin, du commerce extérieur, et aucun de ces crédits ne fait l'objet d'un programme dédié ! Nous avons plusieurs missions qui ne font l'objet d'aucun commentaire particulier. Nous aurions besoin d'une vision beaucoup plus globale de la situation.
Effectivement, comme l'ont confirmé certaines questions posées, notamment celles d'Olivier Faure, il serait intéressant de disposer d'une synthèse, d'une vision consolidée de nos efforts de compétitivité. Je suis donc plutôt favorable à votre amendement, chère collègue.
Si nous sommes tous d'accord sur l'intérêt d'un tel document, il faudra peut-être préciser, madame Rabin, le type d'indicateurs que vous envisageriez ; « document de politique transversale », c'est quand même très général.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, était venu, l'an dernier, s'exprimer sur l'ensemble, mais beaucoup d'autres éléments doivent être pris en compte – par exemple, nous n'avons jamais abordé la question de l'agriculture. Et pour avoir une petite idée de ce qui se passe, par exemple, au niveau de l'assurance crédit export, je suis obligée d'aller écouter celui de mes collègues qui parlera de la Coface ou, maintenant, de la Banque publique d'investissement (BPI).
C'est un gros travail que de chercher les bons indicateurs, mais, avec le concours des services de la commission, je vais y arriver.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 10
La commission se saisit de l'amendement CF2 de M. Charles de Courson.
Il s'agit d'un amendement de contrôle.
Ce ne fut pas simple mais nous avons obtenu que nous soient communiqués les avis du Conseil d'État sur les projets de loi, ce qui aide notre commission à se poser un certain nombre de problèmes et à essayer de les résoudre.
Le cas des décrets d'avance est particulier. Certes, il s'agit là d'actes réglementaires, mais, à ma connaissance, ce sont les seuls actes réglementaires pris après avis des commissions des finances respectives de l'Assemblée nationale et du Sénat. Or il s'agit aussi de décrets pris après avis du Conseil d'État. Mais nous n'avons pas les avis du Conseil d'État !
Cet amendement vise à permettre que les commissions des finances des deux chambres soient éclairées. Pour le dernier décret d'avance, l'avis des commissions des finances a été utile : un problème a été soulevé et, à la suite de cela, pour la première fois à ma connaissance, le texte publié fut différent de celui qui avait été initialement proposé par le Gouvernement.
Il serait intéressant que les commissions des finances disposent aussi de l'avis du Conseil d'État. On m'objecte un problème constitutionnel : les décrets d'avance appartiennent au domaine réglementaire. Certes, mes chers collègues, mais c'est la loi organique qui prévoit qu'ils soient pris après l'avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat – je vous ai d'ailleurs rappelé le texte de la loi organique. Je ne vois donc pas quel problème constitutionnel poserait cette transmission de l'avis du Conseil d'État aux commissions des deux chambres.
Il s'agit ici de la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif. Votre amendement pose un problème constitutionnel.
Si ! D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion d'affirmer ce principe.
En revanche, votre amendement peut effectivement, cher collègue, jouer un rôle incitatif : le Président de la République peut très bien décider de rendre publics les avis du Conseil d'État.
Vous avez raison, madame la rapporteure générale, à ceci près que la décision du Conseil constitutionnel portait sur les décrets non soumis à un avis préalable et obligatoire des commissions des finances. À ma connaissance, seuls les décrets d'avance sont dans ce cas. Selon moi, la loi organique permet précisément l'adoption de mon amendement. Hélas, vous avez raison sur les autres décrets pris après avis du Conseil d'État.
Et, quoi qu'il en soit, mes chers collègues, on peut essayer !
Dans ce cas, cher collègue, vous le présenterez en vue de la séance publique. Je ne voudrais pas que la commission s'engage sur un terrain mal assuré d'un point de vue juridique. Voyons donc cela lundi prochain.
Il est effectivement intéressant de mentionner cette censure du Conseil constitutionnel, mais elle doit être antérieure à la réforme de 2008.
Elle est donc bien antérieure à la réforme de 2008, qui nous donne désormais la faculté de disposer des avis du Conseil d'État pour les lois !
Il y a une chose que, pour ma part, je trouve un peu curieuse, c'est, j'y reviens, cette dissymétrie. L'avis du Conseil d'État est donné sur la base de notre avis et nous devons rendre notre avis dans un délai d'une semaine, précisément pour que le Conseil d'État puisse être saisi, et ce n'est qu'ensuite que le Gouvernement prend le décret. Il y a donc une dissymétrie dans la procédure, entre un avis de la commission des finances qui va être communiqué au Conseil d'État et un avis du Conseil d'État qui restera confidentiel et dont n'auront pas connaissance les commissions des finances. C'est assez curieux.
La révision constitutionnelle de 2008 a complètement changé les choses, madame la rapporteure générale !
Les objections tenant à une éventuelle inconstitutionnalité de la disposition que je propose tombent au regard de l'article 13 de la loi organique, puisque les lois organiques font partie du bloc de constitutionnalité et que c'est le seul cas de décret pris après avis des commissions des finances – pas du Parlement, d'ailleurs, ce qui est curieux.
Cela étant, sur la suggestion de M. le président, je retire cet amendement, je le redéposerai pour la séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
Puis la Commission entend une communication de M. Régis Juanico, rapporteur spécial des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative, sur les retombées des grands événements sportifs
Je m'empresse de préciser que mon travail ne porte pas spécifiquement sur les retombées de l'Euro 2016. Car, au stade des quarts de finale, il est trop tôt pour les mesurer – sans parler de l'éventuel effet des résultats de l'équipe de France sur le moral des Français !
J'envisage plutôt ce travail comme un droit de suite après mon rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2016. Il avait notamment porté sur l'héritage et la nécessité d'une meilleure évaluation des grands événements sportifs internationaux, dont l'acceptation peut poser des problèmes. Par exemple, à Hambourg, un référendum a été organisé pour déterminer si la ville devait être candidate aux Jeux olympiques de 2024 ; le résultat fut négatif. Les enjeux sont très importants, pas simplement économiques mais aussi citoyens, politiques, environnementaux.
Je vous rappelle que nous avons adopté un dispositif fiscal très favorable à l'organisation des grands événements sportifs internationaux, qui exonère de toute fiscalité nationale ou locale – hors TVA – un certain nombre d'entre eux. C'est l'objet de l'article 51 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014. La liste de ces événements a été fixée par décret au mois de juillet 2015 et leur nombre a été considérablement limité. Ne bénéficient du dispositif que six événements : le championnat d'Europe de basket-ball masculin 2015 ; le championnat d'Europe de football masculin 2016 ; le championnat du monde de handball masculin 2017 ; le championnat du monde de hockey sur glace masculin 2017 ; la Ryder Cup et la Ryder Cup Junior 2018 ; la coupe du monde féminine de football 2019. Le législateur souhaitait en effet limiter le bénéfice du dispositif à ceux des grands événements sportifs internationaux qui ont des retombées économiques exceptionnelles. Bien mesurer ce que l'on entend par « retombées économiques exceptionnelles » est donc aussi un enjeu. Or, actuellement, nous n'en avons pas les moyens. C'est l'objet de mon propos.
Aujourd'hui, l'évaluation des retombées et de l'héritage des grands événements sportifs internationaux bute notamment sur un problème méthodologique. Il n'y a pas de consensus sur une méthode pertinente. Les estimations sont donc extrêmement variables, potentiellement source de confusion lorsqu'elles sont diffusées par les médias. Souvent, ce sont des études ex ante, très peu fiables, car elles privilégient les retombées économiques et sont souvent faites « au doigt mouillé ». Ainsi, les Jeux olympiques de Londres ont été l'objet trois études différentes : la première en évalue les retombées économiques à 2 milliards de livres sterling, la deuxième à 10 milliards de livres sterling, la troisième à 16 milliards de livres sterling – les montants estimés varient donc de un à huit.
En ce qui concerne précisément l'Euro 2016, selon une première étude ex ante commandée au Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges par l'organisateur, l'Union des associations européennes de football (UEFA), et financée par lui, le surplus d'activité économique serait d'un montant de 2,8 milliards d'euros, et 26 000 emplois seraient créés. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a travaillé de façon plus rigoureuse et s'est fondée sur des hypothèses moins optimistes et plus réalistes, estime, pour sa part, que les retombées économiques seront de 1,2 milliard d'euros, et que 16 000 emplois seront créés. Les chiffres varient donc du simple au double, en fonction des hypothèses retenues, de la méthodologie et du prestataire choisi.
Il faudrait plutôt mesurer l'utilité sociale de ces grands événements sportifs internationaux en retenant des indicateurs comme le développement de la pratique sportive dans le pays. Quoi qu'il en soit, un pilotage public de cette évaluation est nécessaire, il nous faut en effet des études plus légitimes et plus crédibles. Cela passe par la mise en place d'études systématiques, d'outils de mesure fiables, partagés, pérennes – pour mesurer les effets des grands événements au bout d'un certain nombre d'années –, un cahier des charges précis, des indicateurs communs, et, si possible, des standards internationaux. À cet égard, je veux souligner, après en avoir auditionné les représentants, que l'OCDE a fait un excellent travail.
Ce que je propose est vraiment très simple. L'État dispose aujourd'hui de deux outils. L'un est la délégation interministérielle aux grands événements sportifs, qui pourrait étendre sa compétence et devenir ainsi une délégation interministérielle aux grands événements, pour s'occuper d'un certain nombre d'autres dossiers que la candidature de Paris à l'accueil des Jeux olympiques de 2024. C'est un pôle de ressources qu'il faut renforcer en termes de moyens humains et budgétaires et peut-être aussi rattacher au Premier ministre. D'autre part, nous avons créé un Observatoire de l'économie du sport, rattaché à Bercy et au ministre de la jeunesse et des sports. Il compte des experts, des scientifiques, des personnalités dont l'expertise est reconnue et indépendantes. Lui non plus n'a pas de moyens financiers. Nous aurions pourtant intérêt à nous appuyer sur ces deux outils pour que l'État donne une impulsion en matière pilotage public des évaluations des grands événements sportifs internationaux.
Je veux mettre en garde, en toute bienveillance, les responsables de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, qui ont eux-mêmes commandé une étude ex ante au CDES de Limoges. Il n'existe pas d'offre suffisamment diversifiée et concurrentielle des évaluateurs. Nous recommençons donc un peu les mêmes erreurs, avec des retombées annoncées ex ante de 5 à 10 milliards d'euros. On ne travaille pas sérieusement sur les chiffres. L'écart entre ce que nous annonçons avant l'événement et les retombées réelles peut être important. J'appelle donc à un renforcement du pilotage public.
La commission entend ensuite une communication de Mmes Christine Pires Beaune et Véronique Louwagie, rapporteures sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal.
Nous allons vous présenter à deux voix le plan, en quelque sorte, d'un rapport d'étape du groupe de travail sur la DGF, que nous vous exposerons de manière plus détaillée avant que l'Assemblée n'interrompe ses travaux au cours de l'été.
Nous sommes parties du constat que si la réforme portée par l'article 150 de la loi de finances pour 2016 entendait répondre au souhait quasi unanime des élus de redonner à cette dotation – principale dotation d'État aux collectivités territoriales – davantage d'équité, de lisibilité et de prévisibilité, elle s'est révélée inapplicable en l'état en raison, notamment, des importantes modifications de la carte intercommunale et des incertitudes quant à ses conséquences concrètes pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
La complexité du débat en commission des finances puis en séance publique, notamment liée à l'opacité du mécanisme de mise en oeuvre progressive de la réforme – avec le fameux « tunnel » – et à l'absence de simulations pluriannuelles de ses effets, n'a en effet pas permis d'évaluer correctement les différents dispositifs proposés. Cependant, les principales pierres d'achoppement que sont les DGF négatives, la territorialisation de la dotation de centralité, avec une part communale et une part EPCI, l'application de la puissance 5 à la population pour la répartition de la part communale, et les résultats très pénalisants pour les strates 9 et 10, ainsi que l'excessif étalement dans le temps des effets de la réforme – de quelques années à quarante ans – ont été clairement identifiées.
Notre travail repose sur l'idée que le délai entre l'adoption de la loi de finances pour 2016 et la préparation du projet de loi de finances (PLF) initiale pour 2017 doit être mis à profit pour analyser ces points de blocage et élaborer des propositions de correction. Les commissions des finances des deux assemblées ont donc constitué chacune un groupe de travail, dans l'objectif de travailler de concert via un comité de pilotage paritaire associant députés et sénateurs.
Le bureau de la commission des finances de l'Assemblée a donc décidé, le 10 février dernier, la mise en place d'un groupe de travail sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement du bloc communal, codirigé par le président Gilles Carrez et la rapporteure générale, Valérie Rabault, et composé d'une quinzaine de députés – pas exclusivement membres de la commission des finances. Véronique Louwagie et moi-même avons été désignées corapporteures. Estimant que le groupe de travail doit être en mesure de se fonder sur ses propres simulations afin de ne pas dépendre exclusivement de la direction générale des collectivités locales (DGCL), notamment en ce premier semestre où ladite DGCL s'affaire aux répartitions de dotations, nous avons lancé un appel d'offres à l'issue duquel la société Ressources Consultants Finances a été choisie pour nous accompagner dans nos travaux. Les groupes de travail des deux assemblées ont fonctionné chacun de manière autonome mais un comité de pilotage composé de leurs deux rapporteurs respectifs avait notamment pour fonction de définir les demandes d'expertise et de simulations présentées au prestataire. Il convient de souligner le caractère novateur de cette initiative parlementaire qui s'appuie sur un travail « transpartisan » et bicaméral dans le but d'élaborer des propositions consensuelles. Le groupe de travail de l'Assemblée nationale s'est réuni à huit reprises pour examiner les différents thèmes de la réforme, il a auditionné les ministres et leurs cabinets, ainsi que l'ensemble des associations d'élus du bloc communal à l'occasion d'une table ronde – nous leur avons aussi demandé des contributions écrites.
Notre ambition a été, tout en nous inscrivant dans une démarche d'amélioration de l'article 150, de conduire une réflexion à la fois sur les origines de l'actuelle opacité de la DGF, c'est-à-dire la prise en compte des réformes successives qui, au gré des cristallisations et des mécanismes de garantie, ont conduit à ce phénomène, et sur les voies et moyens de parvenir à une réforme qui redonne à la DGF sa double fonction de prise en compte des charges et des ressources des communes et des EPCI, et de correction des inégalités territoriales.
Comme vous le savez, des éléments nouveaux sont intervenus lors du congrès de l'Association des maires de France au début de ce mois. Le Président de la République y a effectivement annoncé que le dernier prélèvement au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) pour le bloc communal serait étalé sur les exercices 2017 et 2018. Dans le même temps, la réforme de la DGF s'inscrit dans une réforme plus large du financement des collectivités locales qui fera l'objet d'un texte de loi spécifique en vue d'une application en 2018.
Nous avons donc décidé, députés et sénateurs, de nous focaliser non plus sur une réforme de l'architecture de la DGF mais sur les améliorations qui paraissent à la fois possibles et souhaitables dans le cadre du PLF pour 2017.
Notre rapport se décompose en deux grandes parties. La première concerne les points à réformer dès le projet de loi de finances initiale pour l'année 2017. La seconde propose des pistes pour une réforme à bâtir.
Parmi les points à réformer dès 2017, figure en premier lieu le rebasage de la dotation forfaitaire des communes, à la suite du constat qu'un certain nombre de communes ne disposent pas de suffisamment de dotation forfaitaire pour absorber la CRFP, laquelle est non pas un prélèvement sur la DGF en soi mais un prélèvement sur les recettes réelles de fonctionnement. En 2015, 59 communes étaient en situation de DGF négative. En 2016, ce sont 168 communes, avec un montant total d'un peu plus de 9 millions d'euros. Ce qui vous est proposé, au travers de ce rebasage, c'est d'élargir le support de la dotation forfaitaire pour pouvoir absorber complètement la CRFP et de rebaser également la DGF en y incorporant la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Définir une dotation de cette nature présentera l'avantage, d'une part, de supprimer les DGF négatives et, d'autre part, d'améliorer la lisibilité du système. De ce fait, les communes qui n'ont plus de dotation forfaitaire, c'est-à-dire, finalement, les plus riches, participeront pleinement à l'ensemble des financements, notamment tout ce qui relève de la péréquation.
Le document qui vous a été distribué présente le rebasage de la dotation forfaitaire des communes, avec la situation des communes dont le « support » permet d'absorber complètement la CRFP 2017 et celle des communes dont le « support » ne permet pas d'absorber toute la CRFP 2017. Dans ce dernier cas, c'est l'EPCI qui s'acquittera de la CRFP de la commune et le mécanisme s'équilibrera avec la diminution à due concurrence des attributions de compensation de la commune. La situation des communes ayant une DGF négative est également prise en compte en faisant jouer l'attribution de compensation. Un rebasage identique, selon la même philosophie, est prévu pour ce qui concerne les EPCI, en prenant en compte un point de départ qui est constitué par la dotation totale reçue en 2016, c'est-à-dire la dotation d'intercommunalité et, le cas échéant, la dotation de compensation. Les CRFP des années 2014, 2015 et 2016 sont déjà déduites, et nous ajoutons la DCRTP, ce qui nous donne une DGF élargie. La situation des EPCI qui ne disposeraient pas d'un support suffisant pour faire jouer tous ces mécanismes est également prise en compte, avec un accroissement du prélèvement au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ou une diminution de l'attribution. Je précise que le dispositif de rebasage proposé est financièrement neutre pour l'État.
Le « prélèvement péréqué » pour financer la hausse de la péréquation verticale ne fonctionne plus, en raison de son plafonnement à 3 % de la dotation forfaitaire, qui a concerné 6 371 communes en 2015. Cela signifie que 6 371 communes – les plus « riches » – ne financent plus équitablement la progression de la péréquation verticale. En effet, les communes plafonnées contribuent moins que ce qu'elles devraient, toutes choses égales par ailleurs. De plus, dans la mesure où les dotations forfaitaires diminuent du fait de la CRFP, la contribution de ces communes diminue chaque année.
Le niveau de financement en interne de la hausse de la péréquation est décidé chaque année – 152 millions d'euros en 2016 – et il doit être atteint. Il en résulte un transfert des communes exonérées ou plafonnées au titre de cet écrêtement vers les autres, moins riches.
Des évolutions peuvent donc être envisagées pour pallier ce dysfonctionnement : par exemple faire évoluer le plafonnement, ou le supprimer en augmentant progressivement le taux.
Une autre réflexion qui pourrait aboutir à des mesures dès le PLF 2017 concerne le recentrage de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la correction de l'effet de seuil.
Les trois dotations de péréquation sont la DSU, pour les villes, qui représente 1,9 milliard d'euros en 2016, la dotation de solidarité rurale (DSR) pour 1,24 milliard d'euros et la dotation nationale de péréquation (DNP) pour 794 millions d'euros.
L'article 150 de la loi de finances pour 2016, tel que nous l'avons voté, supprime la DNP en tant que telle et la distribue entre la DSU et la DSR, renforce le ciblage de la DSU et de la DSR et supprime l'effet de seuil pour la DSU. À ce stade, il nous a semblé préférable de proposer uniquement des modifications de la DSU répondant au souhait, largement partagé, d'éviter le saupoudrage et les effets de seuil trop brutaux.
La création de la DSU « cible » a atteint ses objectifs. Aujourd'hui, la ville de Clichy-sous-Bois, qui est classée au premier rang des communes de plus de 10 000 habitants touchant la DSU, reçoit 474 euros par habitant. La ville de Créteil, quant à elle, est au 281e rang. Elle ne fait donc pas partie des 250 communes qui touchent la DSU « cible » et ne bénéficie que de la DSU. À ce titre, elle ne perçoit que 55 euros par habitant. La première ville du classement touche donc 474 euros par habitant, contre 55 pour la 281e.
Un fossé énorme s'est ainsi creusé d'année en année, car la progression de la DSU a essentiellement profité aux 250 villes qui bénéficient de la DSU « cible ». C'était d'ailleurs le but affiché. Nous considérons donc que ce dispositif a bien atteint sa cible. Aujourd'hui, nous proposons un recentrage et de retenir deux tiers des communes de plus de 10 000 habitants, soit 667, parmi lesquelles serait partagée l'augmentation. Il ne s'agit pas de procéder à une harmonisation générale. La hausse de la DSU serait donc comprise entre 5 % et 20 % selon ces différentes communes.
La quatrième modification qu'il vous est proposé d'intégrer dans le projet de loi de finances pour 2017 concerne le fonctionnement en enveloppes de la DGF des EPCI.
Les changements de catégorie juridique mettent aujourd'hui sous tension la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération. Vingt-huit communautés d'agglomération sont devenues des communautés urbaines ou des métropoles en 2016. L'enveloppe de la DGF de chaque catégorie est calculée en fonction de la population et d'un montant par habitant ; elle est ensuite répartie en fonction de critères. Pour les communautés d'agglomération, le montant de l'enveloppe correspond à 45 euros par habitant ; cependant, les communautés d'agglomération qui sont devenues des communautés urbaines en 2016 perçoivent actuellement un montant moyen de 35 euros par habitant, ce qui a des conséquences sur l'enveloppe globale puisqu'elles vont partir avec un montant garanti supérieur à ce qu'elles percevraient réellement.
Cette situation crée un manque à gagner d'un montant de 52 millions d'euros pour les communautés d'agglomération restantes, soit 4,3 % de l'enveloppe des communautés d'agglomération.
Ce mouvement, qui se poursuivrait en 2017, impose de trouver un moyen de résoudre ce problème qui peut avoir des conséquences particulièrement importantes pour les communautés d'agglomération.
Si les quatre points que nous venons de présenter requièrent une réflexion dès 2017, il est également nécessaire de bâtir une réforme plus large. L'article 150, qui constituait le point de départ de la réflexion des groupes de travail, est maintenu. Nous avons entendu la volonté du Président de la République de reporter la réforme au 1er janvier 2018 : il nous faut profiter de ce délai pour faire un point et proposer des pistes de réforme.
La première solution proposée porte sur la structure de la dotation forfaitaire. La dotation de centralité telle qu'elle est prévue par l'article 150 pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, les nouveaux périmètres intercommunaux ne sont pas pris en compte alors qu'ils sont déterminants dans la répartition de cette dotation. Ensuite, l'utilisation de la puissance 5 donne des résultats absurdes sur certains territoires. Il est également difficile d'appréhender les charges de centralité. La question de la territorialisation d'une part de la DGF est très sensible pour certaines associations d'élus. Enfin, des résultats très pénalisants ont été constatés pour les communes des strates 9 et 10.
Il est donc proposé un abandon du partage de la dotation de centralité entre les communes et l'EPCI ainsi que de la répartition en fonction de la puissance 5 ; il est préférable d'avoir recours à un logarithme. Il importe de maintenir un dispositif qui prenne en compte la population relative de la commune, pour traiter notamment la centralité en milieu rural, mais à l'échelle du département.
Il faut créer une dotation de consolidation pour surmonter la suppression des « garanties justes » qui correspondaient à la consolidation d'anciennes dotations de péréquation. Des simulations fournies par le cabinet qui nous a assistés dans nos travaux ont permis de constater qu'il existait de vraies difficultés d'application de l'article 150, notamment pour les communes bénéficiant de garanties relativement importantes dans leurs dotations.
Pour ces collectivités, il faut donc prendre en compte toutes les « garanties justes » en créant cette dotation de consolidation, même s'il n'est pas forcément satisfaisant de prendre en compte des éléments historiques. Alternativement, nous pourrions augmenter le caractère péréquateur de la DGF pour compenser l'abandon de ces garanties qui peuvent être importantes pour certaines communes.
Nous en revenons à la péréquation verticale. Dans le document qui vous a été distribué, un graphique montre la répartition des communes en fonction du potentiel fiscal par habitant : il apparaît qu'un grand nombre de communes se situent en dessous du potentiel fiscal moyen par habitant.
Cette répartition a alimenté notre réflexion : faut-il supprimer la DNP ou maintenir une dotation de péréquation générale ? Pour l'instant, les deux hypothèses sont retenues dans notre rapport : soit nous reconduisons la DNP, soit nous la supprimons et son montant est réparti entre la DSU et la DSR.
S'agissant toujours des réformes à mener après 2017, il convient de penser à la structure de la DGF des EPCI. Certains éléments prévus par l'article 150 ne nous semblant pas soutenables, nous allons donc faire des propositions alignées sur celles que nous faisons pour les communes. La dotation de compensation serait recyclée sur une période de dix ans. La dotation d'intercommunalité serait composée de trois parts. Aujourd'hui, dans la DGF des EPCI, la dotation d'intercommunalité représente 24 % du montant et la dotation de compensation 76 %. L'idée est de transférer une partie de la dotation de compensation, sur 10 ans, à raison de 5 % par an.
Pour résumer, il vous est proposé de remédier dès 2017 à quatre problèmes posés par la DGF actuelle : rebaser la DGF en élargissant le support de la CRFP, afin notamment de supprimer les DGF négatives ; permettre un financement équitable de la péréquation verticale en réformant le dispositif de plafonnement de 3 % de l'écrêtement de la dotation forfaitaire des communes ; réformer la DSU pour éviter son saupoudrage et limiter les effets de seuil ; et enfin remédier aux effets de transfert de DGF des EPCI liés aux changements de catégories juridiques, notamment pour les communautés d'agglomération.
Ensuite, il est proposé de fixer les principes permettant une réforme de la DGF du bloc communal à plus long terme.
S'agissant de la dotation forfaitaire des communes, il est proposé de fixer les montants de dotation de centralité et de dotation de ruralité et de faire de la dotation de base un solde ; d'abandonner la territorialisation de la dotation de centralité et la puissance 5 ; et de créer une dotation de consolidation pour compenser les effets de la suppression des « garanties justes ».
S'agissant des dotations de péréquation, nous proposons de conserver une dotation globale de péréquation ; de recentrer la DSU et la DSR et de lisser l'augmentation de la DSU sur l'ensemble des communes éligibles ; et d'intégrer la DSR bourg-centre à la dotation forfaitaire tout en sanctuarisant son montant.
S'agissant de la DGF des EPCI, il faut envisager une DGF composée de trois parts : une dotation d'intégration, une dotation de péréquation, une dotation territoriale calculée en fonction de critères relatifs à l'ensemble intercommunal.
En conclusion, la répartition actuelle de la DGF comporte de nombreuses injustices et une réforme demeure nécessaire.
La situation de l'outre-mer est particulière et doit être prise en compte de manière adaptée aux spécificités des communes d'outre-mer.
Nous avons aussi voulu mentionner un certain nombre de points qui permettront d'élargir cette réflexion sur la DGF : la question des indicateurs – potentiel fiscal, potentiel financier, effort fiscal et coefficient d'intégration fiscale ; la question de la population DGF ; les effets cumulés de la péréquation verticale (DSU, DNR et DNP) et de la péréquation horizontale (FPIC). Enfin, il convient de souligner que l'appréhension des charges des collectivités passe trop souvent par des indices synthétiques et des logarithmes qui ne suffisent pas pour apprécier finement les contraintes de chacun des territoires et dont la définition ne fait jamais l'objet d'un consensus. À ce titre, le système italien des « besoins de financement standard » pourrait être utile.
Je précise que ce travail est également présenté ce matin devant la commission des finances du Sénat par les sénateurs Charles Guené et Claude Raynal.
Sachez enfin qu'à l'issue de cette présentation en commission des finances, nous ferons conjointement une communication à la presse au Sénat.
Après avoir félicité nos deux rapporteures pour leur travail, je vous propose de nous réunir à nouveau pour étudier le document définitif. Nous prendrons alors le temps nécessaire pour examiner les simulations.
Je tiens à souligner la distinction entre les questions que nous devons résoudre à court terme, dans le cadre de la loi de finances pour 2017, et celles, plus complexes, liées à la réforme de fond.
Les questions à résoudre à court terme font l'objet d'un consensus large entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et entre la majorité et l'opposition.
Il s'agit tout d'abord du problème des DGF négatives : il faut retrouver une assiette pour que l'ensemble des communes paient la contribution au redressement des finances publiques même si elles n'ont plus de DGF, celle-ci étant un simple vecteur. La contribution est en effet assise sur les recettes réelles de fonctionnement, et en aucun cas sur la DGF.
Concernant le financement interne à la DGF de la péréquation, l'écrêtement à 3 % permet à ceux qui ont peu ou pas de DGF d'y échapper en tout ou partie. Comme le montant de la péréquation est fixé ex ante, par exemple 150 millions en 2015, ce qui n'est pas payé par les uns est payé par les autres, ce qui a donné lieu à des incompréhensions dans beaucoup de communes qui ont vu une envolée de leur contribution au titre de la péréquation verticale.
La question des effets de seuils sur la DSU peut être rapprochée de la dotation de fonctionnement minimale (DFM) des départements. Pendant vingt ans, le bénéfice de la DFM a été limité à vingt-quatre départements. Il en est résulté que la Mayenne, exemple cher au président Arthuis, qui était classée vingt-sixième, avait au bout de vingt ans une dotation dix fois inférieure au vingt-quatrième. La comparaison entre Créteil et Clichy-sous-Bois est également éloquente.
Certains de ces débats nous occupent depuis des décennies. Je me souviens d'une intervention de Charles de Courson qui avait remporté un grand succès devant l'Association des maires de France : il y a quinze ans, il avait expliqué la dotation des EPCI en faisant le parallèle avec l'Ancien régime : il y avait les « aristocrates » et la « roture » de la DGF. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point.
Notre problème ne porte pas tant sur les inégalités d'une strate à l'autre, entre le rural et l'urbain. Ce sont les inégalités au sein des strates, lorsque deux villes de 20 000 habitants se retrouvent dans des situations totalement différentes. Mais pour y remédier, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réforme d'ensemble en nous contentant d'une réforme de l'accroissement annuel, comme cela s'est fait depuis vingt ans.
Or la présentation qui vient de nous être faite remet profondément en cause l'article 150. La matière est d'une complexité effroyable, et dès que l'on effectue des simulations – ce que nous n'avions pas eu le temps de faire lors du vote de la loi de finances pour 2016 –, on constate que certains éléments ne fonctionnent pas, tel la puissance 5. Christine Pires Beaune et moi-même avons toujours été favorables à la territorialisation. Malheureusement, nous sommes obligés d'abandonner, au moins temporairement, la partie.
Le meilleur moyen de corriger toutes ces inégalités est en effet l'intercommunalité. Le jour où il y aura 2 000 intercommunalités, et où nous ferons un pari sur l'intelligence des élus que nous sommes, les choses seront différentes. C'est parce que des élus s'affrontent sur quelques points du territoire que nous sommes obligés de régler le problème dans la loi. Mais ils sont nombreux à comprendre que c'est la péréquation de proximité qui est la plus adaptée.
Il serait plus facile de prévoir une DGF équitable et efficace dans le cadre d'une territorialisation portant uniquement sur 2 000 cas.
Je partage l'avis du président : nous n'avons pas encore trouvé les bons critères pour la territorialisation, mais je reste persuadée que nous tendrons un jour vers cette solution.
Je précise que notre rapport n'intégrera pas de simulations. Grâce au délai supplémentaire dont nous disposons, l'ensemble de la commission pourra faire ce travail, grâce au logiciel que nous avons acheté. Les quelques simulations sur lesquelles nous nous sommes appuyés ne sont pas encore parfaites, sauf pour les mesures à adopter pour 2017.
La DSU « cible » n'est pas neutre. Si les communes qui en bénéficient voient une progression équivalente demain à ce qu'elle était hier, cela ne posera pas problème. Mais si l'on augmente la DSU de Créteil en réduisant celle de Clichy-sous-Bois, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne mesure.
C'est pourquoi il nous faudra disposer des simulations. Mais l'idée est que la DSU ne diminue pour personne. Il est simplement proposé que l'évolution annuelle profite à tous, et non plus à quelques-uns.
Ce système est une usine à gaz, Pierre Méhaignerie le disait déjà il y a quinze ans, et les choses n'ont pas beaucoup évolué depuis. Les propositions de territorialisation m'effraient, parce que nous risquons d'ajouter une usine à gaz à une usine à gaz.
Pour ma part, j'ai mis en place depuis dix ans un dispositif de territorialisation, car je savais bien que la DGF allait être modifiée : c'est la dotation de solidarité communautaire.
C'est ce que j'appelle l'intelligence des élus. Certains élus sont plus intelligents que d'autres, et il y a des endroits où ça marche.
Nous disposons d'ores et déjà de tous les instruments pour mettre en place un tel système : il suffit de redistribuer à l'intercommunalité, et que l'intercommunalité soit à l'échelle pertinente car la multiplication des petites communautés de communes n'apporte rien. Aujourd'hui, la dotation de solidarité communautaire (DSC) s'est substituée à la DGF, et c'est comme cela que les communes de l'agglomération continuent de vivre.
La commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
Je souhaite la bienvenue à M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, qui vient nous présenter, comme chaque année, le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques, qui vient d'être adopté par la Cour et qui est rendu public aujourd'hui.
Ce rapport est établi en application du 3° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – et doit servir de base à nos prochains débats sur l'orientation des finances publiques, qui auront lieu le mardi 5 juillet à seize heures en commission, puis le jeudi matin 7 juillet en séance publique.
C'est toujours avec plaisir que je suis auditionné par votre commission. Il s'agit aujourd'hui de vous présenter le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, prévu par la LOLF afin que vous puissiez préparer du mieux possible votre débat d'orientation sur les finances publiques.
Ce rapport examine les finances publiques françaises à l'aune des objectifs fixés et des engagements pris par les pouvoirs publics. Le rôle de la Cour – je veux insister sur ce point – est d'apprécier les résultats obtenus au regard de ces objectifs et de ces engagements, lesquels ne sont en rien déterminés par la Cour.
Ce rapport complète l'analyse des finances publiques qui vous a été présentée à l'occasion de la publication d'autres rapports de la Cour – je pense notamment au rapport sur le budget de l'État en 2015. Il concerne en effet l'ensemble des administrations publiques, y compris la sécurité sociale et les administrations publiques locales. Il analyse la trajectoire d'évolution des finances publiques à l'horizon 2019. Il tient compte par ailleurs des travaux du Haut Conseil des finances publiques, notamment sur les prévisions de croissance associées au programme de stabilité.
Pour vous présenter ce rapport, j'ai à mes côtés Raoul Briet, président de chambre, qui préside la formation interchambres chargée de sa préparation, Christian Charpy, conseiller maître, contre-rapporteur de ce rapport, Éric Dubois, conseiller maître, Vianney Bourquard et Aurélia Lecourtier, conseillers référendaires, rapporteurs devant la formation collégiale.
Dans ce rapport, la Cour dresse trois constats principaux : premièrement, le mouvement de réduction du déficit public a repris en 2015, mais la situation des finances publiques de la France reste en décalage avec la moyenne de l'Union européenne ; deuxièmement, l'objectif de réduction du déficit public pour 2016, plus modeste que pour l'année précédente, est atteignable, en dépit des risques qui pèsent sur les dépenses de l'État et sur les dépenses sociales ; troisièmement, en l'état des décisions connues, l'atteinte de l'objectif 2017 est très incertaine et le respect de la trajectoire 2017-2019 des finances publiques peu réaliste.
Selon notre premier constat, la situation des finances publiques s'est donc légèrement améliorée en 2015. La Cour le reconnaît. Mais cette situation reste en décalage avec la situation de la plupart des autres pays de l'Union européenne.
Interrompu entre 2013 et 2014, le mouvement de réduction du déficit public a repris en 2015. Cette légère amélioration est plus rapide que prévu dans la loi de programmation des finances publiques : le déficit public, qui devait être de 4,1 points de PIB en 2015, a finalement été de 3,6 points de PIB. La Cour observe que cette amélioration de 0,5 point de PIB avait déjà été largement acquise en 2014, avec 0,4 point de déficit en moins que programmé.
Cette amélioration doit néanmoins être nuancée à plusieurs titres. D'une part, le déficit public reste à un niveau élevé en 2015, et sa réduction est concentrée sur les collectivités territoriales, qui ont significativement infléchi leurs dépenses de fonctionnement (+ 1,0 % en 2015 après + 2,7 % en 2014) et diminué de manière marquée leurs dépenses d'investissement pour la deuxième année consécutive. Une situation légèrement moins dégradée des comptes sociaux contribue également de manière plus marginale au résultat.
D'autre part, l'amélioration des déficits publics a bénéficié de phénomènes qui ne sont pas forcément récurrents. La modération des dépenses a en effet été facilitée par la baisse des charges d'intérêts et par la chute de l'investissement local. Or ces évolutions ne peuvent pas être considérées comme pérennes. La dette publique continue d'augmenter, ce qui conduira les charges d'intérêts à croître si les taux d'intérêt remontent. La chute de l'investissement local, qui résulte en partie du cycle électoral, devrait cesser de favoriser la baisse des dépenses en 2016.
Par ailleurs, si nous examinons, comme chaque année, la situation de nos finances publiques au regard de celle de nos voisins, plusieurs constatations s'imposent.
En premier lieu, le niveau du déficit public est toujours élevé en France, par rapport à celui de ses voisins. Seuls quatre pays de l'Union européenne conservent un déficit effectif plus dégradé que celui de la France : la Grèce, l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni.
Cet écart touche également le déficit structurel. La France continue d'accuser un décalage par rapport aux autres économies européennes dans l'ajustement de ses finances publiques. Quatre pays seulement ont un déficit structurel plus élevé que celui de la France : le Royaume-Uni, l'Espagne, la Slovénie et la Belgique.
La réduction du déficit public en France, de l'ordre de 0,5 point de PIB en 2015, étant à peu près équivalente à celle observée en moyenne au sein de la zone euro et de l'Union européenne, cela signifie que la France doit poursuivre ses efforts de réformes structurelles, si elle souhaite mettre fin au décalage observé aujourd'hui avec les autres pays européens ou a minima le réduire significativement.
En deuxième lieu, les dépenses publiques en France ont continué d'augmenter en volume, à un rythme supérieur à celui de la plupart des autres pays de l'Union européenne. Si la maîtrise de la dépense fait désormais partie de la stratégie gouvernementale pour redresser les finances publiques, cette stratégie apparaît cependant moins marquée que dans d'autres pays, même si certains, comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne, ont également accru en 2015 leurs dépenses publiques. Si l'on s'intéresse cependant à l'ensemble de la période 2010-2015, l'Allemagne est le seul de ces pays à avoir connu une dynamique de la dépense publique supérieure à celle de la France depuis 2010, mais la situation des finances publiques y est nettement plus favorable.
En troisième lieu, la trajectoire d'endettement de la France diverge désormais non seulement de celle de l'Allemagne, mais aussi de celle de la moyenne des pays de la zone euro. Alors que le poids de la dette publique a diminué en moyenne dans la zone euro de – 1,3 point de PIB et dans l'Union européenne de – 1,6 point de PIB, il a continué à augmenter en France de 0,4 point de PIB.
De manière à infléchir la dépense publique, le Gouvernement a annoncé un plan de 50 milliards d'euros d'économies de dépenses sur la période 2015 à 2017. La Cour a examiné la mise en oeuvre de ce plan pour 2015.
Lors de son annonce, le Gouvernement avait réparti les économies sur les trois années 2015 à 2017, avec une première tranche de 21 milliards d'euros d'économies en 2015, puis deux tranches de 14,5 milliards d'euros d'économies chacune, en 2016 et 2017. Cette répartition a été modifiée progressivement au cours de l'année 2015 jusqu'au programme de stabilité d'avril 2016. Dans ce document, le montant d'économies a été révisé à la baisse pour 2015 et 2016, l'effort le plus important étant reporté à 2017.
La Cour observe que le montant des économies correspond à un effort par rapport à une évolution tendancielle des dépenses publiques. Or l'examen des hypothèses retenues par le Gouvernement révèle qu'elles reposent sur une évaluation plutôt élevée de la croissance tendancielle et comportent donc un biais majorant d'autant les économies affichées.
La première tranche d'économies de plus de 18 milliards d'euros en 2015 a été examinée. Même si l'effort des pouvoirs publics est réel, la Cour estime que le montant d'économies s'élève plutôt à 12 milliards d'euros, du fait essentiellement d'une moindre contribution de l'État. Les dépenses de l'État – hors prélèvements sur recettes, hors charge d'intérêts et hors pensions – ont en effet continué d'augmenter de 3,2 milliards d'euros entre 2014 et 2015, alors qu'elles auraient dû diminuer de près d'un milliard d'euros.
De surcroît, certaines mesures d'économies présentées par le Gouvernement ne peuvent pas être comptabilisées comme des économies réelles. En particulier, le ralentissement de la dépense des programmes d'investissements d'avenir (PIA) correspond davantage à des décalages de paiements qu'à une vraie économie. En effet, la dépense est reportée dans le temps et non pas annulée : les crédits totaux destinés aux PIA affectés aux opérateurs restent en effet inchangés.
Au total, l'effort porté sur les dépenses publiques en 2015 a été réel, mais moindre que celui correspondant aux engagements vis-à-vis de Bruxelles. L'effort structurel qui aurait permis de respecter les engagements européens de la France est de 0,5 point de PIB par an ; or l'effort structurel tel qu'évalué par le Gouvernement, compte tenu des hypothèses de croissance potentielle qu'il a retenu, n'est que de 0,3 point de PIB hors charge d'intérêts, et ne serait que de 0,2 point de PIB si l'on retient les hypothèses de croissance potentielle des organisations internationales. L'effort structurel en dépenses réalisé en 2015 est donc inférieur à ce qu'affiche le Gouvernement.
Pour ce qui concerne l'objectif de réduction du déficit public pour 2016, plus modeste qu'en 2015, il est atteignable, en dépit des risques qui pèsent sur les dépenses de l'État et sur les dépenses sociales ; c'est le deuxième constat de la Cour.
Dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2014, le déficit public prévu pour 2016 était de 3,6 points de PIB. Dans le programme de stabilité d'avril 2016, transmis par le Gouvernement à la Commission européenne, cette prévision a été abaissée à 3,3 % du PIB. Les résultats meilleurs que prévu en 2014 et en 2015, associés à une conjoncture économique orientée plus favorablement, sous réserve des effets possibles du résultat du référendum au Royaume-Uni, permettent ainsi d'envisager une situation financière un peu améliorée en 2016.
Les risques apparaissent limités sur les prélèvements obligatoires. La prévision de recettes repose sur un scénario de croissance du PIB et d'inflation jugé réaliste par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le programme de stabilité d'avril 2016. Les indicateurs de conjoncture publiés depuis cet avis le confortent, sous réserve toujours des conséquences éventuelles du « Brexit ».
Les recettes publiques apparaissent correctement calibrées. Elles devraient progresser en 2016 au rythme d'une croissance économique en amélioration par rapport à 2015, comme le retient la prévision du Gouvernement, là encore sous réserve des conséquences éventuelles du « Brexit ».
Si le scénario relatif aux recettes publiques apparaît relativement prudent, la trajectoire de déficit ne saura cependant être durablement respectée sans une maîtrise rigoureuse des dépenses.
Des tensions fortes existent, qui pèsent notamment sur l'évolution des dépenses de l'État. Elles sont plus importantes en 2016 qu'en 2015. Les risques de dépassement pourraient représenter en 2016 entre 3,2 et 6,4 milliards d'euros contre des risques estimés entre 1,8 et 4,3 milliards d'euro à la même époque, l'année dernière.
Ces dépassements sont avant tout liés aux annonces de mesures nouvelles et aux sous-budgétisations. Les annonces nouvelles recensées par la Cour pourraient conduire à accroître les dépenses de l'État de 2,5 milliards d'euros. Cet accroissement serait principalement le fait du plan d'urgence pour l'emploi, des aides accordées aux agriculteurs et aux éleveurs ainsi que de la hausse des dépenses du ministère de la défense. Les sous-budgétisations représenteraient environ 2 milliards d'euros en 2016, soit un ordre de grandeur comparable à celui observé en 2015. Elles concernent en particulier les missions Défense, Travail et emploi et Solidarité, insertion et égalité des chances. Ces sous-budgétisations récurrentes nuisent à la sincérité du vote du Parlement sur la loi de finances et rognent, dès le début de l'année, les marges de manoeuvre nécessaires pour maîtriser l'exécution de la dépense budgétaire.
Par ailleurs, la masse salariale de l'État, hors contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions, devrait progresser de 1 à 1,5 % en 2016, contre 0,4 % en 2015. Il faut remonter à 2007 pour retrouver un tel rythme d'évolution. Les trois facteurs qui avaient permis de modérer la masse salariale de l'État depuis près de dix ans contribuent maintenant à cette accélération : d'une part, les effectifs augmentent depuis 2015 ; d'autre part, la valeur du point de la fonction publique sera majorée au 1er juillet 2016 puis au 1er février 2017 ; par ailleurs, le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures catégorielles depuis le début de l'année 2016.
Le Gouvernement a accentué en début d'exercice la réserve de précaution pour tenir l'objectif de dépense de l'État. Il a décidé de geler les reports de crédits de manière transversale, pour la première fois depuis la mise en oeuvre de la LOLF en 2006. Par ailleurs, la mise au point en juin 2016 du premier des trois décrets d'avance prévus dans l'année a déjà donné lieu à des arbitrages difficiles, le Gouvernement ayant renoncé à certaines des annulations prévues initialement.
Au regard de l'ampleur des risques de dépassement de crédits, le respect de l'objectif de dépenses incluses dans la norme de dépenses en valeur sera particulièrement difficile en 2016. À titre de comparaison, malgré des risques de dépassement moindres en 2015, la norme de dépenses n'avait été respectée que facialement, grâce à la baisse du prélèvement sur recettes destiné à l'Union européenne et à des contournements notables, de l'ordre de 3 milliards d'euros. La tenue de l'objectif pourrait devenir impossible, si de nouvelles dépenses supplémentaires venaient à être décidées d'ici à la fin de l'année.
Des risques de moindre ampleur pèsent également sur les dépenses des administrations de sécurité sociale, notamment, l'économie de 800 millions d'euros attendue en 2016 de la renégociation de la convention de l'Unédic, qui paraît désormais hors d'atteinte, suite à l'échec de cette négociation.
Au total, si l'objectif, plus modeste qu'en 2015, de réduction du déficit reste atteignable, il exigera une gestion très stricte des moyens. Il ne laisse aucune place à des décisions nouvelles conduisant à des hausses de dépenses. Les annonces successives de nouvelles dépenses publiques, qui ne sont, en l'état de nos connaissances aujourd'hui, ni financées ni gagées par des économies pérennes, font peser un risque sur les finances publiques en 2016, mais plus encore sur les années suivantes. Parmi les dépenses supplémentaires annoncées au cours de l'année 2016, celles concernant la masse salariale pèseront en effet essentiellement à partir de 2017 et continueront de monter en charge dans les années suivantes.
J'en arrive au troisième et dernier constat de la Cour : en l'état des décisions connues, l'atteinte de l'objectif pour 2017 est très incertaine et le respect de la trajectoire 2017-2019 des finances publiques peu réaliste, au regard des nouveaux engagements pris.
Pour les années 2017 à 2019, le programme de stabilité d'avril 2016 prévoit une trajectoire de redressement des finances publiques, revue à la baisse. L'amélioration du déficit public est en effet moindre que celle présentée dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2014, alors même que le déficit de 2015 est d'un demi-point inférieur. Le résultat meilleur que prévu n'est donc pas mis à profit pour réduire plus rapidement le déficit public et infléchir nettement la trajectoire de dette.
Le Gouvernement a, dès le programme de stabilité d'avril 2015, révisé à la hausse la croissance potentielle pour 2016 et 2017 : elle se situe désormais à un niveau sensiblement supérieur à celui retenu par les organisations internationales. La différence n'est pas neutre, car cela permet ainsi au Gouvernement d'afficher un solde structurel à l'équilibre en 2019, malgré un déficit effectif s'élevant encore à 1,2 point de PIB. Avec les estimations de PIB potentiel des organisations internationales, un tel déficit laisserait encore un déficit structurel supérieur à 1 point de PIB. Sur la base d'hypothèses de croissance potentielle plus prudentes que celles du Gouvernement, une trajectoire de maîtrise des finances publiques plus ambitieuse sera donc nécessaire pour respecter, en 2019, l'objectif de moyen terme de solde structurel fixé à – 0,4 point de PIB par la loi de programmation.
L'analyse du programme de stabilité montre en outre que l'atteinte d'une cible de déficit effectif de 1,2 point de PIB en 2019 suppose une maîtrise sans précédent du volume de la dépense publique, compte tenu de la baisse visée du taux de prélèvements obligatoires de 0,2 point par an. La dépense publique en volume – c'est-à-dire hors charges d'intérêts – devrait être stable en 2017, puis baisser légèrement en 2018 et en 2019. Cela devrait impliquer un effort nettement accru par rapport à la période récente, puisque cette dépense en volume a progressé en moyenne de 1,1 % entre 2010 et 2015 – ce qui témoigne d'une plus grande maîtrise de la dépense qu'entre 2000 et 2009 où elle a progressé en moyenne de 2,6 %.
Or le Gouvernement ne propose pas de réformes à la hauteur de ces enjeux et à l'appui du programme de stabilité, alors même que les politiques mises en oeuvre ces dernières années ne sont guère porteuses d'économies à moyen terme. Au contraire, la hausse programmée des dépenses militaires, les mesures annoncées en début d'année concernant l'emploi, la modération de l'effort demandé aux communes et intercommunalités et, surtout, la progression de la masse salariale vont pousser les dépenses à la hausse, à hauteur d'environ 0,3 point de PIB en 2017, soit environ 6 milliards d'euros
La masse salariale des administrations en particulier, qui représente près du quart des dépenses publiques, augmentera, dès 2017, à un rythme marquant une rupture forte avec les évolutions constatées depuis dix ans. Aucun des trois leviers – stabilité des effectifs, gel du point et limitation des mesures catégorielles – qui avaient permis de maîtriser l'évolution de la masse salariale publique au cours des dix dernières années ne sera plus actif. De ce fait, la masse salariale de l'État pourrait progresser en 2017 à un rythme supérieur à celui enregistré au total sur l'ensemble de la période 2009-2015, soit plus de 2 %.
La réforme des grilles salariales négociée dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » va également entraîner une hausse des dépenses de personnel. Sa montée en charge progressive représenterait à l'horizon 2020 entre 2 et 2,5 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État, et entre 3,5 et 4,5 milliards d'euros pour l'ensemble des composantes de la fonction publique.
Les travaux de la Cour montrent donc que les risques pesant sur la réalisation de la trajectoire envisagée dans le programme de stabilité sont très importants, puisque le respect de l'objectif implique un effort supplémentaire en matière de maîtrise de la dépense, alors mêmes qu'un certain nombre de dépenses supplémentaires ont été annoncées, qui viennent compliquer le respect de l'objectif.
Avant de conclure, je veux enfin évoquer la gouvernance des finances publiques. Encadrée par les règles européennes, elle peut encore être renforcée. La crise financière de 2008, puis celle des dettes souveraines ont conduit les États membres de l'Union européenne, en particulier ceux de la zone euro, à revoir leur gouvernance budgétaire. Plusieurs textes visant à renforcer les règles du pacte de stabilité et de croissance ont été adoptés dans ce sens entre 2012 et 2013. Ils prévoient trois innovations : une règle d'équilibre structurel ; l'instauration d'un mécanisme de correction automatique ; la création d'institutions budgétaires indépendantes.
Les textes européens imposent désormais la fixation d'un objectif d'équilibre de moyen terme, défini en termes structurels, qui ne peut pas être supérieur à 0,5 point de PIB.
Le pilotage de la politique budgétaire à partir d'un objectif de solde structurel, plutôt que nominal, est, dans son principe, économiquement souhaitable : il permet de limiter le risque d'une politique budgétaire trop relâchée en période de croissance forte ou trop rigoureuse en période de récession ; il permet aussi de refaire de la politique budgétaire un instrument contracyclique.
En France, cet objectif est inscrit dans les lois de programmation des finances publiques, qui sont révisables à tout moment et ne lient donc pas le législateur financier que vous êtes.
Le mécanisme de correction automatique, qui impose une correction en cas de déviation significative de la trajectoire, n'a en pratique pas fonctionné dans notre pays en 2014. Ce mécanisme a été déclenché au printemps 2014, mais le Gouvernement, plutôt que de revenir sur la trajectoire de finances publiques de la loi de programmation alors en vigueur, a choisi de modifier la trajectoire de finances publiques en présentant une nouvelle programmation pluriannuelle.
Les nouvelles règles de gouvernance ont enfin imposé la création d'organismes budgétaires indépendants. En France a ainsi vu le jour le Haut Conseil des finances publiques. Les organisations internationales considèrent qu'en France comme ailleurs, ces institutions ont conduit les pouvoirs publics à davantage de prudence dans l'estimation de leurs recettes publiques – élément-clef pour le respect des trajectoires de solde – et l'élaboration de leurs hypothèses macroéconomiques.
Il paraît possible d'améliorer encore cette gouvernance dans le cadre institutionnel actuel. D'abord, il nous paraît nécessaire de mieux objectiver la croissance potentielle – ce qui est difficile, tous les économistes en conviennent. Et, dès lors que l'on révise la croissance potentielle, il serait pertinent que la nouvelle évaluation soit soumise à l'examen formel d'une autorité indépendante comme le Haut Conseil des finances publiques.
Nous considérons également que l'élaboration du programme de stabilité annuel, pierre angulaire du dialogue avec l'Union européenne et, à bien des égards, plus structurant que les lois de programmation, devrait donner lieu à un examen plus approfondi par le Parlement et le Haut Conseil des finances publiques.
Ensuite, les règles européennes de gouvernance budgétaire pourraient être simplifiées. Si la référence au solde structurel permet de vérifier la soutenabilité de long terme de la politique budgétaire et doit donc être conservée dans son principe, elle gagnerait à être complétée par une règle de dépense, plus facile à expliciter ex ante et à vérifier ex post.
Une telle règle pourrait prendre la forme d'un objectif de dépenses décliné annuellement pour l'ensemble des administrations publiques, fixé en euros courants, en fonction d'une cible de solde structurel compatible avec le respect de l'objectif structurel de moyen terme, un tel schéma impliquant de réfléchir à un mode de gouvernance associant l'État, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Je veux conclure en rappelant d'abord que la Cour ne méconnaît pas les efforts réalisés ces dernières années par les pouvoirs publics pour procéder au redressement des finances publiques. Pour autant, nous pouvons redouter que l'amélioration de la conjoncture conduise une nouvelle fois à interrompre ce mouvement.
Les travaux de la Cour, en mettant notamment en lumière les expériences de nos voisins européens, montrent au contraire que l'effort structurel ne doit pas être relâché au moment où les pouvoirs publics bénéficient d'une conjoncture économique plus favorable et de taux d'intérêt extrêmement bas, les ajustements structurels des finances publiques qui doivent intervenir dans des phases de conjoncture moins favorables étant généralement beaucoup plus douloureux.
En dépit des progrès réalisés dans la période récente, la politique de maîtrise de la dépense menée jusqu'à présent a davantage visé à contenir cette dernière. Les résultats ne sont pas complètement au rendez-vous, alors que les travaux des juridictions financières soulignent les marges d'efficacité et d'efficience de l'action publique dans notre pays. Faire des choix explicites, s'attaquer aux principales sources d'inefficacité de la dépense, réexaminer les missions des administrations publiques prises dans leur ensemble et mieux cibler les dépenses d'intervention : tout cela aiderait à mieux maîtriser les dépenses publiques, tout en permettant l'affirmation des priorités politiques voulues par les pouvoirs publics.
Il est important de ne jamais perdre de vue la réalité, et c'est en cela que la Cour des comptes, en nous rappelant quelle est la situation réelle de nos finances publiques et comment elle évolue, a un rôle important à jouer – je le souligne pour celles et ceux qui estimeraient que nous pouvons engager des politiques économiques et budgétaires qui aggraveraient l'état des finances publiques au lieu de le redresser.
Néanmoins, la réalité est multiple et elle englobe, en l'occurrence, le contexte dans lequel évolue notre pays et les enjeux auxquels il est confronté. Or on comprend bien, à la lecture du rapport que la Cour – et c'est sa mission – fait prévaloir l'objectif de redressement des finances publiques sur tous les autres paramètres.
Dès le début de votre intervention, vous avez choisi, monsieur le Premier président, d'écarter toutes les questions relatives aux choix faits par le Gouvernement et le Parlement en matière de politique économique et budgétaire, la ligne directrice sous-jacente de votre rapport étant qu'il faudrait en faire davantage et plus encore en matière de maîtrise de la dépense publique, ce qui vous pousse à mettre l'accent sur ce qui n'a pas été fait plutôt que sur ce qui a été fait.
De ce point de vue je m'inscris en faux contre la critique implicite que vous nous adressez à propos de la gouvernance, en estimant que la révision de la loi de programmation est le signe que les mécanismes de gouvernance n'ont pas fonctionné. La question en effet n'est pas de savoir si la loi de programmation a été modifiée mais pourquoi elle l'a été et si cela a été fait de manière pertinente.
En l'occurrence, nous assumons pleinement la politique de redressement progressif mise en place depuis 2012 dans une double perspective : le retour de la croissance et le maintien de la cohésion sociale. Si nous avons ajusté nos choix au fil du temps, c'est pour tenir compte du contexte économique et social, estimant qu'un effort plus brutal aurait des conséquences négatives non seulement sur la croissance mais également sur la cohésion sociale.
En ce qui concerne l'évolution de notre déficit, de nombreux journaux titraient ce matin sur le risque de dérapage de 3 à 6 milliards de nos dépenses, alors même que la Cour juge que l'objectif pour 2016 de réduction du déficit à 3,3 % du PIB pourrait être atteint. Tout réside donc dans l'approche que l'on privilégie.
La réalité, pour nous, c'est la baisse de 4 milliards d'euros du déficit en comptabilité nationale, ce qui est une bonne nouvelle pour le pays, même si nous pouvons toujours regretter ne pas avoir fait mieux. Ainsi, 2015 est la première année depuis longtemps où l'on réduit le déficit et les prélèvements obligatoires, et où la croissance repart, ce qui laisse penser que la politique menée nous conduit sur la bonne trajectoire. Ceux qui affirment qu'il faudrait procéder autrement devraient préciser quelles seraient les conséquences, notamment à court terme, d'efforts d'ajustement plus importants – indépendamment du débat sur le bon emploi des deniers publics.
Pour ce qui est des économies réalisées, la réalité, c'est que la dépense publique n'a jamais aussi peu évolué depuis quinze ans : avec ce résultat, on aura du mal à convaincre nos compatriotes que les mesures d'économie qui avaient été annoncées n'ont pas été mises en oeuvre – alors même que le déficit public et les prélèvements obligatoires sont en baisse. Si je trouve justifié que la Cour des comptes nous appelle à la vigilance pour atteindre nos objectifs dans les années à venir, je m'étonne qu'elle communique ce matin sur le thème d'un dérapage du déficit en 2016, évalué entre 3 et 6 milliards d'euros. S'il faut d'ores et déjà se donner rendez-vous en 2017 – dès le mois de mars, puis lors de l'examen de la prochaine loi de règlement – afin de voir quelles mesures doivent être prises, nous sommes actuellement en mesure de tenir l'objectif de 3,3 % de déficit pour 2016. Pour ce qui est de 2017, au vu des informations que nous possédons actuellement, le Gouvernement n'a pas l'intention de s'écarter de l'objectif d'un déficit public limité à 2,7 %, ce qui signifie que des mesures seront prises, en recettes ou en dépenses, pour tenir cet objectif.
J'appelle votre attention sur le fait que je ne suis engagé que par les travaux écrits de la Cour des comptes, et que je ne m'exprime évidemment pas sur les interprétations et les commentaires qui en sont faits. Par ailleurs, la Cour ne demande pas que l'on fasse davantage et plus encore : elle raisonne uniquement dans le cadre des choix budgétaires et de politique économique que vous avez vous-mêmes faits. Ainsi, estimant que la loi de programmation prévoyait un rythme de redressement des finances publiques peut-être trop élevé, vous avez modifié celui-ci, notamment au moyen du programme de stabilité. Je le répète, c'est en se référant au contexte que vous avez vous-mêmes défini que la Cour indique ce qu'elle estime possible ou non : de votre côté, vous restez souverains pour déterminer et éventuellement modifier les objectifs.
Nous entendons bien ce que dit la Cour des comptes au sujet de la nécessité d'assainir les finances publiques dans la durée, y compris quand la conjoncture s'améliore, et il est particulièrement intéressant de le souligner dans la période post-« Brexit » que nous traversons, où les critiques relatives à la gestion des finances publiques se multiplient. Avant-hier, le ministre des finances nous a expliqué que le fait que le Royaume-Uni sorte de l'Union européenne n'aurait pas de conséquences budgétaires. Le Premier président peut-il nous préciser quel est l'ordre de grandeur retenu par la Cour pour les conséquences budgétaires du « Brexit » ?
Par ailleurs, je m'étonne du fait que le montant des économies à réaliser reste fixé à 50 milliards d'euros, alors même que des dépenses supplémentaires ont été annoncées par le Gouvernement. Soit les mesures de régulation suffisent à répondre aux dépenses nouvelles, soit elles n'y suffisent pas. Dans la seconde hypothèse, quel montant d'économies à effectuer devrait-on retenir pour rester sur la trajectoire des objectifs retenus ?
Enfin, monsieur le Premier président, vous avez évoqué à plusieurs reprises les efforts nécessaires pour respecter la trajectoire 2014-2019, en les exprimant à chaque fois sous forme de pourcentages. Pouvez-vous nous préciser quel est le montant d'économies à réaliser d'ici à 2019 en valeur absolue ?
Pour ce qui est de 2015, il serait bon que nous nous mettions d'accord sur une règle simple de calcul. La comptabilité nationale est une chose, mais les dépenses effectivement engagées dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir en sont une autre : avec les PIA 1, 2 et 3, nous en prenons pour quinze ans de perturbation du solde ! Fixer pour principe de retenir les dépenses effectives permettrait, à mon sens, d'assurer une certaine stabilité.
Il est frappant de constater que l'amélioration des finances publiques en 2015 est liée, comme le montre un tableau figurant dans votre rapport, à 70 % aux collectivités locales et pour environ un quart à la sécurité sociale. Je rappelle que le déficit des administrations publiques centrales – État et organismes divers d'administration centrale (ODAC) –, qui s'élevait à 72,4 milliards d'euros en 2014, est resté exactement au même niveau en 2015 : on ne constate donc aucune amélioration pour ce qui est de l'État. Je trouve dommage que vous ne fassiez jamais la différence entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement, car l'amélioration constatée est massivement liée à la baisse des investissements, ce qui est catastrophique. Enfin, globalement, nous assistons à une légère accélération de la dépense publique en volume entre 2014 et 2015.
Pour 2016, vous nous avez livré une analyse intéressante de l'ensemble des décisions prises depuis le 1er janvier et n'ayant pas été budgétées, en distinguant l'hypothèse basse de l'hypothèse haute – vous parvenez ainsi à un point moyen situé aux alentours de 4,8 milliards d'euros. Je regrette cependant que vous n'ayez pas appliqué la même analyse aux organismes de sécurité sociale et aux collectivités locales. Avec quelques collègues, je me suis livré à des calculs montrant que l'ensemble des dépenses non budgétées se rapportant au budget de l'État, mais aussi à celui des administrations de sécurité sociale et à celui des collectivités territoriales, atteindrait un montant de plus de 6 milliards d'euros pour 2016 – en estimation moyenne, à comparer avec les 4,8 milliards d'euros que vous retenez.
En ce qui concerne les perspectives, il semble évident que nous ne parviendrons pas à tenir les promesses, au demeurant modestes, qui avaient été faites dans le cadre de la loi de programmation : nous serons un peu en dessous, en dépit des efforts – réels, et que je ne songe pas à contester – qui ont été faits. Les mesures annoncées sont donc insuffisantes pour atteindre les objectifs votés par la majorité, à savoir une courbe de redressement qui nous permettrait de ramener le déficit à 2,7 % du PIB en 2017 – il serait d'ailleurs intéressant que vous nous disiez quel montant d'économies il faudrait réaliser pour espérer atteindre cet objectif, mais j'ai tendance à penser que celui-ci est tout à fait inaccessible, a fortiori au cours d'une année électorale.
Enfin, vous n'avez pas évoqué la question de l'évolution des effectifs de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. Lors des années précédentes, vous aviez montré que certaines annonces de créations de postes n'étaient pas suivies d'effet, ce qui correspond aux chiffres qui nous ont été donnés tout à l'heure par la rapporteure générale, selon lesquels les effectifs de la fonction publique de l'État n'ont quasiment pas augmenté. Il serait intéressant de savoir pourquoi il y a un tel écart entre les effectifs votés et ce qui est effectivement réalisé. S'agit-il d'une politique délibérée – que je connais bien, pour avoir occupé durant plusieurs années un poste à la direction du budget –, consistant à diminuer le nombre de postes offerts par concours et à prendre toutes sortes de mesures techniques destinées à freiner la création des emplois votés par le Parlement ? J'aimerais que la Cour des comptes nous éclaire sur ce point.
Le rapport de la Cour des comptes montre que la dépense publique a continué à augmenter en volume en 2015 ; de même, la dette publique a progressé de 0,4 point en France, alors qu'elle a baissé en Allemagne – de 3,5 points – et dans l'ensemble de la zone euro.
Pour 2016, vous avez émis des doutes et même des craintes. Vous évoquez notamment un risque de dépassement de la masse salariale de l'État, hors contribution au financement des pensions. En 2015, on constate une augmentation de l'exécuté beaucoup plus importante que ce qui avait été prévu dans la loi de finances initiale. Par ailleurs, les dépenses budgétées pour 2016 risquent d'être dépassées compte tenu de l'accroissement observé en 2015, puisqu'il faudrait limiter l'augmentation de la masse salariale 2015 à exécution 2016 à 0,8 milliard d'euros.
Vous avez évoqué les accords de février 2016 relatifs au dégel du point d'indice de la fonction publique, dont les effets n'ont pas été provisionnés dans la loi de finances initiale, et indiquez que « ce dépassement qui n'a pas été anticipé en LFI pour 2016 pourrait être en partie compensé au sein de certaines missions, par exemple par de moindres recrutements ». J'aimerais savoir si l'emploi du conditionnel équivaut à une recommandation de votre part, ou à des compensations que vous auriez constatées au cours du premier semestre 2016. En effet, comme l'a souligné Charles de Courson, on constate une certaine sous-consommation au niveau des emplois, l'année 2015 étant celle où l'on constate l'écart le plus important entre les plafonds d'emplois qui étaient prévus en LFI ou loi de finances rectificative (LFR) et la consommation réelle qui en est faite.
La mesure de la croissance potentielle fait effectivement l'objet d'une grande incertitude. Mais une chose est sûre : l'Europe s'est beaucoup trompée dans son diagnostic de politique économique au cours des quatre dernières années, en grande partie parce qu'elle a tendance à assimiler la croissance potentielle à la croissance effective. Elle a considéré qu'il fallait continuer à mettre en oeuvre des politiques de réforme structurelle, visant à la réduction des déficits structurels, sans tenir compte du fait que nous étions en pleine récession. L'application de ces mesures de politique économique, qui pouvait être pertinente pour un État, était absurde à grande échelle, et a été à l'origine d'une récession européenne.
Les estimations de croissance potentielle qui sont actuellement faites par le ministère des finances sont nettement plus raisonnables, me semble-t-il, que celles publiées par nombre d'organisations internationales. La rapporteure générale et quarante députés représentant douze pays européens ont écrit à la Commission européenne afin de demander à ce que soit effectuée une étude sérieuse de la mesure de la croissance potentielle. En effet, la Commission la mesure actuellement sur deux années, là où toutes les autres institutions le font habituellement sur une période de quatre ou cinq ans, correspondant mieux à la durée des cycles économiques. C'est une question importante, car je suis persuadé que la meilleure façon de réduire les déficits consiste à ne pas aller trop loin dans la réduction des déficits structurels, contrairement à ce qui a été fait en Europe au cours de ces dernières années : il est temps, désormais, de laisser la croissance exprimer son potentiel, et je pense que la politique actuelle du Gouvernement relative aux prévisions est sans doute mieux adaptée que ce que préconise la Cour des comptes.
Monsieur le Premier président, vous avez appelé notre attention sur les annonces, ni financées ni gagées, faites par le Gouvernement. J'aimerais connaître votre avis au sujet de ces annonces de dépenses en faveur de l'emploi : sont-elles susceptibles d'avoir des effets positifs significatifs sur l'emploi et peuvent-elles faire décroître le taux de chômage ? En d'autres termes, ces annonces sont-elles justifiées en matière budgétaire ?
Par ailleurs, quelles seraient les conséquences sur la croissance de la fin de la trêve fiscale qui était pourtant censée se poursuivre jusqu'en 2017, avec la création, entérinée par le Premier ministre, d'une nouvelle taxe d'équipement régionale, payable par les entreprises et les ménages ?
Dominique Lefebvre a fait part d'une certaine satisfaction par rapport à la baisse des déficits et des prélèvements obligatoires. En réalité, certaines dépenses sont mises sous le tapis en attendant les prochaines élections, comme le montre l'exemple de l'évolution de la masse salariale, qui devrait progresser de 2,4 milliards d'euros dès 2017 : dans ces conditions, il sera difficile de nous faire admettre qu'une excellente gestion des finances publiques par le Gouvernement va lui permettre de garantir pour l'avenir une maîtrise réelle des dépenses.
J'ai compris, monsieur le Premier président, que même si vous notiez une amélioration du déficit, le niveau élevé de ce déficit par rapport à celui de la moyenne des autres pays de la zone euro était peu rassurant – de ce point de vue, les efforts constatés restent en deçà de ce qui pouvait être attendu. Je pense que les réformes fondamentales qui auraient dû être mises en oeuvre ne l'ont pas été et je regrette que nous ayons manqué le rendez-vous de la réduction du déficit. Le tableau figurant à la page 127 du rapport fait apparaître les mesures d'économies pour 2015 du plan de 50 milliards d'euros présenté par le Gouvernement. Il en ressort qu'aujourd'hui, nous sommes loin de ce qui était initialement prévu, et que le seul chiffre resté constant entre la prévision et la réalisation est celui des collectivités territoriales, ce qui s'explique par le fait qu'elles ont été très largement mises à contribution pour le redressement des finances publiques. C'est un peu facile pour l'État, qui impose aux collectivités territoriales des mesures qu'il n'a pas été capable de mettre en oeuvre lui-même !
Pour ce qui est de la norme des dépenses de l'État, vous avez évoqué la dérive qui pourrait résulter de l'annonce de mesures nouvelles, relatives notamment au plan d'urgence pour l'emploi et aux aides accordées aux agriculteurs. Cependant, vous n'avez pas abordé le problème des dépenses de guichet, qui donnent lieu à des sous-budgétisations flagrantes. Avez-vous des précisions chiffrées à nous donner sur ce point ?
Par ailleurs, si nous avons bénéficié de certaines mesures exogènes telles que la baisse des intérêts d'emprunts ou la réduction de notre contribution au Mécanisme européen de stabilité, vous ne dites rien de la stratégie qui a été mise en oeuvre au sujet des émissions de dettes, consistant à racheter des dettes anciennes et se traduisant par une modification de la répartition entre la dette à court terme et la dette à moyen et long terme. Cette politique de rachat active des titres pour 22,6 milliards d'euros appelle une explication sur une technique budgétaire qui nous a permis, certes, de ne pas aggraver le ratio entre l'encours de la dette et le PIB, mais qui aura des conséquences sur les prochains budgets.
Pour ma part, monsieur le Premier président, j'aimerais vous interroger sur une proposition que vous formulez en matière d'amélioration de la gouvernance des finances publiques, qui me paraît intéressante en raison de sa simplicité. Il semble qu'il y ait aujourd'hui une certaine convergence entre la majorité et l'opposition sur l'idée qu'il est impossible de solliciter davantage les prélèvements obligatoires, ainsi que sur celle qu'il n'est pas raisonnable de continuer à laisser la dette progresser.
Notre rapporteure générale nous avait fait, il y a deux ans, une présentation montrant l'évolution en valeur courante de la dépense publique dans toutes ses composantes depuis une dizaine d'années : si j'ai bonne mémoire, nous sommes passés de 30 ou 40 milliards d'euros par an en valeur courante, non corrigée de l'inflation, à une vingtaine de milliards d'euros aujourd'hui. Puisque nous nous accordons sur le fait que la maîtrise de la dépense publique constitue une priorité, je me demande si nous ne pourrions pas faire évoluer notre système de gouvernance, comme le suggère la Cour des comptes. Alors qu'aujourd'hui, nous nous appuyons sur des trajectoires fixées à partir du programme de stabilité, avec des notions de croissance potentielle et de seuils structurels très difficiles à appréhender, vous évoquez la possibilité de retenir un objectif de dépenses décliné annuellement pour l'ensemble des administrations publiques, fixé en euros courants par rapport à une cible structurelle – sur ce dernier point, je me demande si nous n'aurions pas au contraire intérêt à autonomiser l'objectif.
Cette proposition me paraît intéressante à plusieurs titres. D'abord, elle constitue un objectif simple, à un moment où l'inflation est assez contenue : si les dépenses publiques s'élèvent actuellement à 1 250 milliards d'euros, elles seront sans doute à 1 260 milliards d'euros l'année prochaine. Elle permettrait également de nous éviter les débats que nous venons d'avoir au sujet du plan d'économies de 50 milliards d'euros, ainsi que de voir surgir des propositions, semblables à celles émises du côté de l'opposition et que je me garde bien de reprendre, consistant à affirmer que des économies de 85, 100 ou 120 milliards d'euros seraient possibles, sans prouver en aucune manière la faisabilité de ces mesures, ce qui me paraît tout à fait irresponsable, pour ne pas dire infantile, dans le contexte actuel !
Fixer un objectif d'évolution de la dépense publique serait moins anxiogène que l'annonce d'économies fixées par rapport à des tendances que chacun se garde bien d'expliciter.
Exactement, et c'est bien le sens de la proposition de la Cour des comptes, consistant à ce que l'on détermine un objectif en euros courants.
Pour ce qui est de la méthode, vous vous souvenez peut-être de la mise en place, il y a quelques années, de la conférence annuelle des finances publiques, qui obligeait à confronter, pour apprécier une évolution de la dépense, l'ensemble des responsables de cette dépense réunis autour d'une table : l'État, mais aussi les collectivités territoriales et les présidents des différentes branches de sécurité sociale et y compris celui de l'assurance chômage.
Le discours que tiennent actuellement les collectivités territoriales a ses limites. Certes, l'évolution de leurs dépenses est la seule à avoir été évoquée en valeur courante, mais le budget de l'État comporte aujourd'hui toute une série de dépenses qui relevaient initialement de leur responsabilité et ont été transférées à l'État, qui s'est substitué au contribuable local – ce qui a d'ailleurs permis aux collectivités de continuer à augmenter leurs dépenses.
Je me demande si, sans s'engager dans un processus trop technocratique, on ne pourrait pas aller un peu plus loin en répartissant l'objectif en très grandes masses, telle la masse salariale, qui se voit appliquer des politiques d'effectifs solidaires : cela permettrait d'éviter que l'on voie mettre en oeuvre, comme cela a été le cas au cours des vingt dernières années, des politiques d'effectifs radicalement différentes entre l'État, qui réduit sensiblement son budget salarial, et les collectivités territoriales, qui affichent une progression énorme dans ce domaine. Les transferts sociaux, le vieillissement de la population et la part de l'investissement sont autant de questions supplémentaires pouvant justifier que l'on mette en place une méthodologie plus simple et des règles de gouvernance plus accessibles.
Une telle mesure présenterait également l'intérêt d'imposer la référence à une règle nationale, et non plus bruxelloise : ainsi, le respect des objectifs que nous fixerions en matière de déficit relèverait uniquement de notre responsabilité, et nous n'aurions plus à en rendre compte qu'au niveau national.
Vous indiquez en page 27 de votre rapport que s'il n'y avait pas eu d'émissions sur des souches anciennes, la dette aurait progressé de 1,8 % du PIB au lieu de 0,8 % en 2015. Faut-il en déduire que vous contestez cette pratique mise en oeuvre depuis 2007 qui, si elle ne change rien au coût global de ce que représente l'émission – la dette ne coûtera pas plus cher –, modifie sa répartition dans le temps ?
Exactement. J'aimerais donc savoir ce que vous pensez de cette technique, et si vous souhaiteriez éventuellement voir son étendue limitée.
Ma deuxième question portait sur la croissance potentielle mais, ce sujet ayant été abordé par Pierre-Alain Muet, je n'y reviendrai pas. En tout état de cause, la Commission européenne nous a indiqué, sinon qu'elle modifierait sa méthodologie, du moins qu'elle tiendrait compte des remarques, qui ont été également formulées par un certain nombre de ministres de l'économie et des finances de l'Union.
Troisièmement, vous constatez, dans votre rapport, qu'en 2015, l'épargne brute des collectivités locales s'améliore mais que leurs investissements ont chuté. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Quatrièmement, vous consacrez un paragraphe à la situation financière, mesurée en comptabilité générale, des hôpitaux publics. Or, je ne suis pas d'accord avec la Cour, et je l'assume, sur son utilisation de la comptabilité.
Enfin, dans le tableau de la page 127 consacré à l'examen des mesures d'économies présentées par le Gouvernement pour 2015, vous estimez que la baisse des crédits des ministères et l'abaissement de la norme en valeur ont produit, non pas 7,4 milliards mais 3,3 milliards d'économies. Cet écart s'explique-t-il uniquement par la prise en compte de la baisse de l'inflation ?
Je souhaiterais compléter la première question de Mme la rapporteure générale. La traduction comptable des émissions sur les souches anciennes est-elle correcte, selon la Cour des comptes ? Cette pratique revient en effet à imputer sur les exercices futurs des charges d'intérêts afin que la dette soit plus faible aujourd'hui. Mais, dans une telle situation, le commissaire aux comptes d'une entreprise privée demanderait une provision. Notre système comptable vous paraît-il adapté ?
Si le chiffre de 50 milliards d'économies n'a pas changé, c'est parce que le Gouvernement a modifié ses hypothèses d'évaluation de l'augmentation tendancielle de la dépense afin de retomber sur ses pieds. Néanmoins, nous sommes entrés dans son raisonnement, en retenant son estimation du montant des économies et son évaluation de l'augmentation tendancielle de la dépense. Selon nous, la maîtrise de la dépense participe de la stratégie actuelle des pouvoirs publics ; elle est plus forte aujourd'hui qu'elle ne l'était hier – puisque le rythme de progression de la dépense a ralenti au cours des dernières années – mais, pour respecter les objectifs affichés dans le programme de stabilité, un effort supplémentaire sera vraisemblablement nécessaire. D'autant qu'ont été annoncées un certain nombre de dépenses supplémentaires, que nous évaluons à environ 0,3 point de PIB, soit 6 milliards d'euros – évaluation qui n'est, du reste, pas très éloignée, me semble-t-il, de celle de votre rapporteure générale. Le coût de ces dépenses supplémentaires n'a pas été, pour le moment, pris en compte.
Je rappelle que le respect de l'objectif d'un déficit de 2,7 % en 2017 implique une non-augmentation en volume de la dépense. Or, en 2015 et en 2016, celle-ci augmente. Un effort supplémentaire de maîtrise est donc nécessaire, et il l'est d'autant plus que nous ne tenons pas compte ici des dépenses supplémentaires annoncées. C'est pourquoi nous estimons que le respect de l'objectif fixé pour 2017 nous paraît incertain et très difficile, à moins que le financement des économies supplémentaires soit bien documenté.
Par ailleurs, le Gouvernement a inclus dans ses hypothèses une augmentation des dépenses de personnel. Cela dit, ces dépenses ne peuvent pas être tenues dès lors que tous les leviers qui permettaient de les stabiliser disparaissent. Je pense au gel du point d'indice, qui ne pouvait être éternel, et au mouvement de réduction des effectifs, que le Gouvernement s'était engagé à maintenir mais qui a été stoppé, à quoi s'ajoutent diverses mesures catégorielles. Ces trois types de mesures vont contribuer à une augmentation de la masse salariale plutôt qu'à sa stabilisation, ce qui accentue les difficultés rencontrées pour respecter les objectifs.
J'ajoute que le fait que les effectifs réels ne correspondent pas aux plafonds d'emploi est pratiquement structurel, même si l'écart peut s'amplifier à certaines périodes. Les notes sur les missions et les programmes que nous vous transmettons lors de l'examen du budget de l'État comportent une analyse des crédits qui permet d'élaborer un schéma d'emploi dans le cadre du plafond d'emploi. De fait, les crédits ne sont pas suffisants pour atteindre ce plafond – y compris à la Cour des comptes, du reste. En tout état de cause, la Cour ne formule pas de recommandations en la matière ; ses estimations se fondent sur la pratique et sur ses constats.
Par ailleurs, nous prenons en compte les conséquences possibles de l'augmentation de l'indice au niveau de la sécurité sociale ; l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devrait permettre d'absorber ces dépenses.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, le rapport sur les finances locales, qui paraîtra en octobre, apportera un certain nombre d'éléments de réponse complémentaires aux questions que vous pouvez vous poser, notamment sur l'investissement et les dépenses de fonctionnement.
Je ne reviens pas sur la question de la croissance potentielle. L'initiative qui a été prise pour amener la Commission européenne à s'interroger sur ce concept nous paraît tout à fait utile, dans la mesure où il faut pouvoir s'entendre sur un calcul de la croissance potentielle à partir d'éléments plus objectifs. Nous estimons cependant que, si la référence au structurel est apparue nécessaire en période de récession, elle ne doit pas être oubliée dès lors que l'on constate une reprise de la croissance.
Nous croyons dans la proposition que nous faisons, monsieur le président, et nous sommes prêts à continuer à y travailler avec vous. Elle pourrait en effet simplifier la définition des objectifs et leur vérification. Mais cela doit se faire dans le cadre d'un mode de gouvernance révisé : des échanges, à tout le moins, sont nécessaires avec les représentants des collectivités territoriales et l'ensemble de la sphère sociale.
Par ailleurs, le rapport n'évalue pas les effets plus ou moins positifs des politiques de l'emploi ; nous constatons simplement les dépenses supplémentaires effectuées dans ce domaine. Des travaux sont en cours qui portent sur l'impact des mesures de soutien à l'emploi, dont on peut globalement estimer que le rapport coût-efficacité n'est pas très satisfaisant. Nous avons, là aussi, des marges de progression – tous les travaux de la Cour notamment le démontrent.
Quant aux sous-budgétisations, nous les évaluons à 2 milliards d'euros. Cette estimation est à peu près constante. Bien entendu, nous n'apprécions guère cette pratique, qui porte presque toujours, du reste, sur les mêmes crédits. Si des « opérations vérité » sont menées dans ce domaine, nous ne pourrons que les approuver car ces sous-budgétisations nuisent un peu au suivi de l'exécution des dépenses. Elles sont tellement évidentes que l'on sait qu'il faudra de toute façon les compléter.
S'agissant des émissions de dette, nous ne contestons pas l'utilisation par l'Agence France Trésor des émissions sur souche ancienne ; ce n'est pas le problème. Mais, dès lors qu'elles font apparaître une évolution de notre endettement inférieure au montant du déficit – ce qui peut paraître surprenant –, nous avons souligné qu'il fallait prendre garde de ne pas interpréter cette pratique comme une amélioration de notre situation d'endettement. Quant à la question de savoir si la comptabilité générale apprécie correctement ce type de mouvement, nous ne pouvons pas y répondre car nous ne sommes pas entrés dans ce raisonnement. Toutefois, cette pratique n'est pas propre à notre pays, même si, en 2015, elle a pris, en France, des proportions beaucoup plus importantes que les années précédentes et qu'elle a tout de même un effet sur le montant total de notre dette. Ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas se tromper sur la signification du ralentissement de l'augmentation de la dette.
Enfin, nous n'avons évidemment pas pris en compte ni chiffré le « Brexit », puisque notre rapport a été approuvé avant le référendum britannique ; au reste, ce n'est pas à la Cour d'apprécier ses conséquences. Cependant, beaucoup d'économistes estiment que celles-ci peuvent être négatives pour le niveau de la croissance au Royaume-Uni et dans les pays proches, en particulier en France, donc pour le mouvement de reprise que l'on pouvait espérer en 2017 et 2018 et, par conséquent, pour le montant des recettes. Mais il semble que le processus soit long ; ces conséquences ne se feront donc pas forcément sentir dès 2016, voire en 2017. En somme, il est encore trop tôt pour apprécier les conséquences du « Brexit » sur notre schéma de finances publiques.
S'agissant de 2015, l'impact du PIA sur les soldes a été une nouvelle fois évoqué. Ce point, qui passionne, a été examiné dans le rapport sur le budget de l'État. Dès lors que l'on est en comptabilité budgétaire, l'année où il existe un PIA, le solde budgétaire apparent se dégrade fortement, et il s'améliore par contraste l'année suivante, en l'absence d'un tel programme. Mais tout cela procède, pour l'essentiel, d'un versement de l'État à des opérateurs publics et n'implique pas une sortie de fonds de la part du Trésor public. C'est pourquoi nous avons choisi, dans le rapport sur le budget de l'État, de retraiter les résultats apparents pour neutraliser l'impact du PIA d'une année sur l'autre. La comptabilité nationale induit moins en erreur à cet égard, puisqu'elle neutralise cette opération en faisant apparaître un enrichissement des ODAC quand l'État paraît s'appauvrir. Ainsi, on voit bien qu'en 2015 l'amélioration du solde État-ODAC est bien plus faible que celle du seul solde budgétaire de l'État, qui tenait compte du non-renouvellement du PIA d'une année sur l'autre.
J'ajoute que cette question a également une incidence sur le programme d'économies. On prête notamment au PIA la vertu d'échapper à la régulation budgétaire. Or, dans son plan d'économies, le Gouvernement propose de réaliser des économies sur le rythme de ses décaissements – économies qui n'en sont pas puisque les crédits restent ouverts et sont uniquement reportés. D'une certaine manière, les ressources des opérateurs au titre du PIA échappent au cadre du budget général, mais elles n'échappent pas à la régulation budgétaire.
Nous avons observé, dans le décret d'avance, une connexion entre les redéploiements budgétaires et l'utilisation des lignes des PIA : la perméabilité est de plus en plus importante.
Certes. S'agissant de 2016, nous avons évalué les économies en fonction de la situation de chacune des grandes administrations publiques. En ce qui concerne les collectivités territoriales, nous démontrons le caractère conventionnel du postulat du Gouvernement, selon lequel la baisse des dotations globales conduit à une baisse équivalente des dépenses des collectivités. Au vu de 2015, nous n'avons pas de raison d'en douter ; nous l'avons donc considéré ainsi dans les mesures d'économie de cette année. En ce qui concerne les administrations de sécurité sociale, la récente Commission des comptes n'a pas émis de doutes sur les équilibres prévisionnels de 2016, notamment sur l'ONDAM, qui devrait pouvoir supporter le relèvement de la valeur du point. Nous relevons, en revanche, un manque d'économies sur l'Unédic. En ce qui concerne l'État, nous raisonnons sur la dépense sous enveloppe ou sous norme en valeur d'une manière, je crois, très documentée et précise. Vous observerez du reste que, dans la réponse du Gouvernement, ce point ne donne lieu à aucune remarque ou contre-argumentation spécifique. Nous estimons ainsi que, globalement, l'effort d'économie est réel, mais qu'il représente les deux tiers de celui qui est affiché.
S'agissant de la dette, nous ne contestons pas le bien-fondé de la politique d'émission ; nous exposons les conséquences du ressaut qu'elle a connu en 2015, et qui s'atténuera probablement en 2016. En comptabilité budgétaire, cette pratique conduit à reporter les charges d'intérêts sur les exercices ultérieurs ; en revanche, en comptabilité nationale, la totalité du coût est pris en charge sur l'exercice – il n'y a donc pas de biais. Cependant, le stock de dette diminue à la fin de 2015, du fait de ce recours accru à la politique de prime à l'émission.
Enfin, je veux rappeler que le programme de stabilité prévoit, pour 2017, une dépense publique stable – zéro volume – alors que, selon la tendance, elle augmenterait de 1 %. Passer de 1 % à zéro nécessitera des efforts d'autant plus importants qu'il faudra financer des mesures supplémentaires d'un montant de 6 milliards. Telle est l'équation budgétaire de la loi de finances pour 2017 : nous ne disons rien de moins et rien de plus.
Si la Cour analyse de manière réaliste l'écart existant entre le chiffrage gouvernemental et les économies réelles en ce qui concerne l'État et les ODAC, en revanche, il me semble qu'elle commet une erreur de méthode s'agissant des collectivités territoriales, puisqu'elle a considéré que les 3,5 milliards d'économies étaient réalisées.
Non, nous avons usé d'une petite précaution de langage à ce sujet.
Toujours est-il que, dans le tableau qui figure page 127 du rapport, l'estimation de la Cour est de 3,5 milliards, alors que l'ordre de grandeur des économies réelles est plus proche d'1,2 ou 1,3 milliard.
Nous avons toujours dit qu'une réduction de 3,5 milliards des dotations n'entraînait pas automatiquement une réduction équivalente de la dépense.
La baisse que le Gouvernement avait prévue dans le budget de l'État se vérifie. Or, il a toujours fait le choix de mesurer l'effort à travers ce budget plutôt qu'à travers l'impact de la baisse des dotations sur les dépenses des collectivités. Il se trouve qu'en 2015, l'investissement local a continué de baisser et que les dépenses de fonctionnement ont progressé moins rapidement. Cela ne paraît donc pas complètement déraisonnable.
Parmi les éléments concernant l'objectif d'évolution de la dépense locale (ODEDEL) qui nous ont été présentés hier au Comité des finances locales, l'évolution des dépenses de fonctionnement en valeur courante par rapport à 2014 est de plus 1,7 % – la prévision était de 2 %. Pourquoi l'estimez-vous, dans votre rapport à 1 % ?
Nous considérons ces dépenses en comptabilité nationale, c'est-à-dire que nous ne prenons en compte que la masse salariale et les achats de biens et de services.
En effet, le périmètre n'est pas le même ; nous y reviendrons dans le rapport sur les finances locales.
C'est un point très important, car on espérait plus ou moins que la baisse des dotations pèserait sur les dépenses de fonctionnement. Il semble que cette mesure ait eu quelque efficacité de ce point de vue ; il faudrait bien l'expliciter.
En effet, cela joue un peu, y compris sur les dépenses de personnel.
Informations relatives à la commission
1. La commission a désigné :
– M. Alain Fauré et Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteurs sur l'application de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence ;
– Mme Christine Pires Beaune et Mme Véronique Louwagie, rapporteures d'information sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal.
2. La commission a reçu en application de l'article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret de virement de crédits d'un montant de 450 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé à destination du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
Ce virement de crédits vise à regrouper au sein du programme 124 et à mettre à disposition de la direction des systèmes d'information les crédits initialement prévus sur le programme 204 visant à financer des systèmes d'information dans le domaine de la santé publique.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 29 juin 2016 à 9 heures
Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Pascal Cherki, M. Alain Chrétien, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Patrick Hetzel, M. Yves Jégo, M. Régis Juanico, M. Marc Laffineur, M. Jean Lassalle, M. Michel Lefait, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Laurent Marcangeli, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, M. Jacques Pélissard, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Gilles Savary, Mme Claudine Schmid, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Alain Claeys, M. Olivier Dassault, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. David Habib, M. Victorin Lurel, M. Michel Vergnier
Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Chevrollier, M. Hugues Fourage, M. Christophe Premat, M. François Pupponi