Si le chiffre de 50 milliards d'économies n'a pas changé, c'est parce que le Gouvernement a modifié ses hypothèses d'évaluation de l'augmentation tendancielle de la dépense afin de retomber sur ses pieds. Néanmoins, nous sommes entrés dans son raisonnement, en retenant son estimation du montant des économies et son évaluation de l'augmentation tendancielle de la dépense. Selon nous, la maîtrise de la dépense participe de la stratégie actuelle des pouvoirs publics ; elle est plus forte aujourd'hui qu'elle ne l'était hier – puisque le rythme de progression de la dépense a ralenti au cours des dernières années – mais, pour respecter les objectifs affichés dans le programme de stabilité, un effort supplémentaire sera vraisemblablement nécessaire. D'autant qu'ont été annoncées un certain nombre de dépenses supplémentaires, que nous évaluons à environ 0,3 point de PIB, soit 6 milliards d'euros – évaluation qui n'est, du reste, pas très éloignée, me semble-t-il, de celle de votre rapporteure générale. Le coût de ces dépenses supplémentaires n'a pas été, pour le moment, pris en compte.
Je rappelle que le respect de l'objectif d'un déficit de 2,7 % en 2017 implique une non-augmentation en volume de la dépense. Or, en 2015 et en 2016, celle-ci augmente. Un effort supplémentaire de maîtrise est donc nécessaire, et il l'est d'autant plus que nous ne tenons pas compte ici des dépenses supplémentaires annoncées. C'est pourquoi nous estimons que le respect de l'objectif fixé pour 2017 nous paraît incertain et très difficile, à moins que le financement des économies supplémentaires soit bien documenté.
Par ailleurs, le Gouvernement a inclus dans ses hypothèses une augmentation des dépenses de personnel. Cela dit, ces dépenses ne peuvent pas être tenues dès lors que tous les leviers qui permettaient de les stabiliser disparaissent. Je pense au gel du point d'indice, qui ne pouvait être éternel, et au mouvement de réduction des effectifs, que le Gouvernement s'était engagé à maintenir mais qui a été stoppé, à quoi s'ajoutent diverses mesures catégorielles. Ces trois types de mesures vont contribuer à une augmentation de la masse salariale plutôt qu'à sa stabilisation, ce qui accentue les difficultés rencontrées pour respecter les objectifs.
J'ajoute que le fait que les effectifs réels ne correspondent pas aux plafonds d'emploi est pratiquement structurel, même si l'écart peut s'amplifier à certaines périodes. Les notes sur les missions et les programmes que nous vous transmettons lors de l'examen du budget de l'État comportent une analyse des crédits qui permet d'élaborer un schéma d'emploi dans le cadre du plafond d'emploi. De fait, les crédits ne sont pas suffisants pour atteindre ce plafond – y compris à la Cour des comptes, du reste. En tout état de cause, la Cour ne formule pas de recommandations en la matière ; ses estimations se fondent sur la pratique et sur ses constats.
Par ailleurs, nous prenons en compte les conséquences possibles de l'augmentation de l'indice au niveau de la sécurité sociale ; l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devrait permettre d'absorber ces dépenses.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, le rapport sur les finances locales, qui paraîtra en octobre, apportera un certain nombre d'éléments de réponse complémentaires aux questions que vous pouvez vous poser, notamment sur l'investissement et les dépenses de fonctionnement.
Je ne reviens pas sur la question de la croissance potentielle. L'initiative qui a été prise pour amener la Commission européenne à s'interroger sur ce concept nous paraît tout à fait utile, dans la mesure où il faut pouvoir s'entendre sur un calcul de la croissance potentielle à partir d'éléments plus objectifs. Nous estimons cependant que, si la référence au structurel est apparue nécessaire en période de récession, elle ne doit pas être oubliée dès lors que l'on constate une reprise de la croissance.
Nous croyons dans la proposition que nous faisons, monsieur le président, et nous sommes prêts à continuer à y travailler avec vous. Elle pourrait en effet simplifier la définition des objectifs et leur vérification. Mais cela doit se faire dans le cadre d'un mode de gouvernance révisé : des échanges, à tout le moins, sont nécessaires avec les représentants des collectivités territoriales et l'ensemble de la sphère sociale.
Par ailleurs, le rapport n'évalue pas les effets plus ou moins positifs des politiques de l'emploi ; nous constatons simplement les dépenses supplémentaires effectuées dans ce domaine. Des travaux sont en cours qui portent sur l'impact des mesures de soutien à l'emploi, dont on peut globalement estimer que le rapport coût-efficacité n'est pas très satisfaisant. Nous avons, là aussi, des marges de progression – tous les travaux de la Cour notamment le démontrent.
Quant aux sous-budgétisations, nous les évaluons à 2 milliards d'euros. Cette estimation est à peu près constante. Bien entendu, nous n'apprécions guère cette pratique, qui porte presque toujours, du reste, sur les mêmes crédits. Si des « opérations vérité » sont menées dans ce domaine, nous ne pourrons que les approuver car ces sous-budgétisations nuisent un peu au suivi de l'exécution des dépenses. Elles sont tellement évidentes que l'on sait qu'il faudra de toute façon les compléter.
S'agissant des émissions de dette, nous ne contestons pas l'utilisation par l'Agence France Trésor des émissions sur souche ancienne ; ce n'est pas le problème. Mais, dès lors qu'elles font apparaître une évolution de notre endettement inférieure au montant du déficit – ce qui peut paraître surprenant –, nous avons souligné qu'il fallait prendre garde de ne pas interpréter cette pratique comme une amélioration de notre situation d'endettement. Quant à la question de savoir si la comptabilité générale apprécie correctement ce type de mouvement, nous ne pouvons pas y répondre car nous ne sommes pas entrés dans ce raisonnement. Toutefois, cette pratique n'est pas propre à notre pays, même si, en 2015, elle a pris, en France, des proportions beaucoup plus importantes que les années précédentes et qu'elle a tout de même un effet sur le montant total de notre dette. Ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas se tromper sur la signification du ralentissement de l'augmentation de la dette.
Enfin, nous n'avons évidemment pas pris en compte ni chiffré le « Brexit », puisque notre rapport a été approuvé avant le référendum britannique ; au reste, ce n'est pas à la Cour d'apprécier ses conséquences. Cependant, beaucoup d'économistes estiment que celles-ci peuvent être négatives pour le niveau de la croissance au Royaume-Uni et dans les pays proches, en particulier en France, donc pour le mouvement de reprise que l'on pouvait espérer en 2017 et 2018 et, par conséquent, pour le montant des recettes. Mais il semble que le processus soit long ; ces conséquences ne se feront donc pas forcément sentir dès 2016, voire en 2017. En somme, il est encore trop tôt pour apprécier les conséquences du « Brexit » sur notre schéma de finances publiques.