Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 30 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur :

Les deux amendements de suppression reposent sur le même postulat : par principe, l'accord d'entreprise est considéré comme étant plus défavorable que l'accord de branche. C'est entrer dans la discussion en voyant avant tout les risques et non pas les bénéfices. Je peux comprendre ces arguments, car depuis le début de nos débats, vous m'accorderez que je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que les dispositions de cette loi sont exemptes de risques. C'est ce qui m'a amené à dialoguer intensément avec le Gouvernement pour que le rôle de la branche ne soit pas mésestimé, voire qu'il soit renforcé – nous y reviendrons à l'article 13.

Je rappellerai que treize branches professionnelles ont autorisé des accords d'entreprise moins favorables que les accords de branche. Dans aucune de ces branches n'ont été observés des comportements de dumping social tels que vous les redoutez.

Il importe de revenir aux fondamentaux de notre réflexion : faut-il considérer que dans notre droit conventionnel figurent des éléments qui ne peuvent faire l'objet d'un accord d'entreprise plus défavorable qu'un accord de branche ? Faut-il au contraire considérer qu'il y a des éléments pour lesquels la proximité propre à l'accord d'entreprise apporte une plus-value, en ce qu'elle permet de mieux prendre en compte la réalité des conditions de travail des salariés ? C'est sur cette dernière approche que repose l'article 2, dont vous avez raison de dire qu'il est central dans le projet de loi.

Dans le cadre des auditions hier, certains représentants syndicaux ont expliqué que le temps d'habillage et de déshabillage relevait de l'accord de branche. Il me semblerait beaucoup plus pertinent qu'il relève de l'accord d'entreprise.

J'ai participé à suffisamment de réunions à travers la France pour connaître les craintes qui s'expriment : syndicats maison, pressions au moment de la négociation… Mais pourquoi ne pas faire confiance aux partenaires sociaux, en particulier aux organisations syndicales, s'ils considèrent qu'un accord d'entreprise peut constituer une bonne réponse à des problématiques spécifiques ? Rappelons qu'il s'agira d'accords majoritaires, qui devront être signés par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés – et non plus 30 % comme avant.

Certains redoutent que les modifications concernant l'organisation du temps de travail se propagent à d'autres secteurs du code du travail. C'est une inquiétude légitime, que nous avons prise en compte à l'article 13.

Cessons toutefois de concevoir la loi en fonction des risques qu'elle pourrait comporter : pensons plutôt aux opportunités qu'elle offre.

À entendre certains d'entre vous, on pourrait croire qu'il n'y a point de salut hors des branches. Pourtant, si elles paraient tous les risques, cela se saurait ! Prenons le sujet de la pénibilité que je connais bien pour avoir rédigé un rapport sur le compte personnel de pénibilité. Sans parler de la position scandaleuse d'un certain dirigeant d'organisation patronale qui refuse l'application de la loi, je peux vous dire qu'une bonne partie des branches sont totalement incapables de définir un référentiel et a fortiori un accord type de branche.

Oui, il est légitime d'avoir des craintes ; oui, il est légitime de chercher à savoir comment les lever. Pour autant, on ne saurait accepter des amendements de suppression qui interdisent purement et simplement aux partenaires sociaux de choisir l'accord d'entreprise.

Il faut savoir en quoi il peut être considéré comme favorable ou défavorable.

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