La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 30 juin 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales examine, en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Christophe Sirugue, le projet de loi, modifié par le Sénat, de modernisation du droit du travail (n° 3886).

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L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi adopté par le Sénat et désormais intitulé « Projet de loi de modernisation du droit du travail ».

Le changement de titre n'est pas la cause de l'échec de la commission mixte paritaire : les deux textes étaient extrêmement différents. Celui voté par notre commission reflétait une certaine philosophie, dont celui du Sénat était bien éloigné. La comparaison des deux textes révèle les différences entre la vision du monde du travail de la majorité et celle de l'opposition. J'invite ceux qui suivent nos travaux à s'y pencher.

Il nous faut procéder à l'examen des presque 140 articles encore en discussion – quelques-uns ayant été votés conformes. En première lecture, au sein de notre commission – je ne parle pas de ce qui s'est passé dans l'hémicycle –, les débats se sont très bien déroulés. Chacun a pu s'exprimer autant qu'il le souhaitait et nous avons fait un travail constructif et efficace. Je ne doute pas que le même esprit nous animera.

Quelque 400 amendements sont en discussion. Je compte sur chacun pour respecter un temps de parole raisonnable. On note toujours, en début de matinée, une certaine propension à allonger les débats, après quoi certains s'en vont et il ne reste que quelques députés, le soir, pour finir l'examen du texte, ce qui ne donne pas une image très valorisante de notre assemblée. Je vous demande donc de vous en tenir à l'essentiel. Néanmoins, je donnerai la parole à tous ceux qui la demanderont.

En première lecture, sur de nombreux points, le texte voté en commission des affaires sociales – qui, pour l'essentiel, est celui adopté après que le Gouvernement a recouru à la procédure de l'article 49, alinéa 3 – n'avait rien à voir avec le projet initial. Le débat public sur les plateaux de télévision et les slogans répétés dans la rue ont pu donner l'impression que rien n'avait changé. Rien n'est plus faux : la Commission a accompli un travail considérable, et c'est être de mauvaise foi que de prétendre que le texte issu de ses délibérations était identique à celui dévoilé au mois de février. C'est en tout cas faire fi du travail de notre rapporteur, de celui de la commission des affaires économiques qui s'est saisie pour avis, de celui de la délégation aux droits des femmes, et de celui de l'opposition.

Vous savez que le bureau de notre commission a décidé que, pour ne pas faire doublon avec le débat en séance publique, les ministres ne participaient pas à nos débats, sauf exception. Dans le cadre de la séparation des pouvoirs, l'Assemblée et l'exécutif doivent rester chacun à sa place. Nous sommes dans l'une de ces exceptions et c'est avec plaisir que j'accueille parmi nous Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, venue défendre les amendements du Gouvernement à deux articles. Elle a accepté de respecter l'ordre de l'examen des articles, et il n'y aura pas de réserve des votes. Les amendements du Gouvernement portant sur l'article 1er et sur l'article 13, Mme la ministre partira donc après l'examen de l'article 1er et reviendra pour celui de l'article 13, nous laissant entre-temps débattre des autres articles. Merci, madame la ministre, de vous imposer ces allers-retours.

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Nous vivons aujourd'hui quelque chose d'extraordinaire. Je suis content que Mme la ministre vienne défendre ses amendements devant nous : c'est un témoignage de respect pour le travail de la Commission. Vous avez eu raison, madame la présidente, de souligner tout le travail qui a été fait. Le texte adopté par l'Assemblée nationale à l'aide de la procédure de l'article 49, alinéa 3, a effectivement été considérablement modifié par rapport à celui initialement publié dans un quotidien.

Mais la méthode employée aujourd'hui n'en est pas moins critiquable. Alors que la Commission se réunit habituellement le mercredi matin, nous avons reçu hier, à dix heures et deux minutes, une liste d'auditions effectuées par le rapporteur et qui commençaient à dix heures. La méthode est d'autant plus contestable que nous aurions pu être informés de ces auditions à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire de la veille au soir, à laquelle nous participions. En outre, la présente réunion se tient en même temps qu'une séance publique à laquelle participent certains de nos collègues.

Finalement, que faisons-nous ici ? Alors même que débute notre réunion, le Gouvernement continue de négocier avec les partenaires sociaux : hier, il recevait les uns, aujourd'hui il reçoit les autres, et nous verrons demain qui il recevra encore. Le texte sur lequel nous allons débattre n'est donc peut-être pas celui que nous aurons à examiner mardi dans l'hémicycle. Quel est l'intérêt de notre discussion si elle ne porte pas sur le texte définitif ?

Pour savoir ce qui se négocie en coulisses, il faut lire Les Échos. Quel est le rôle du Parlement dans l'évolution du texte ? L'Assemblée nationale n'a pas pu mener ces débats à leur terme, alors qu'ils promettaient d'être riches. Ceux du Sénat ont été d'excellente qualité, les arguments ont pu s'affronter et la discussion a été possible. La ministre a d'ailleurs pu y exposer plusieurs éléments. Qu'on le veuille ou non, un débat démocratique a au moins pu se tenir.

Le calendrier est extrêmement contraint : tandis que se tiennent dans notre dos des discussions dont nous ne connaissons la teneur que grâce aux indiscrétions de quelques acteurs, nous ne pouvons pas avoir, à propos de certains articles bien connus, la discussion claire et franche qui s'impose. On vient de nous annoncer que des modifications seraient apportées par amendement, notamment, à l'article 13, et la lecture des Échos nous apprend en effet que des discussions sont en cours sur cet article. Il semble que des documents aient été donnés hier à nos collègues socialistes : nous aurions aimé en avoir copie.

Vous avez dit, madame la présidente, que nous avions 400 amendements à examiner. Notez que notre groupe en a déposé très peu. Nous ne souhaitons pas bloquer la discussion : au contraire, nous la désirons. Notre objectif est de débattre et de confronter nos projets. Il est vrai que le projet de réforme du droit du travail de la gauche n'est pas celui de la droite, mais on ne nous laisse pas la possibilité d'en discuter, et je le regrette.

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Monsieur Cherpion, ce n'est pas la première fois que je déplore les conditions dans lesquels nous devons travailler sur des textes majeurs, et je m'en suis souvent plainte auprès du ministre concerné.

Personne ne s'étonnera que vous ayez déposé peu d'amendements : le texte revient du Sénat, où vous avez la majorité ; il correspond donc à votre point de vue, et il est logique que vous n'ayez pas beaucoup de modifications à y apporter ! Il est tout aussi normal que le rapporteur dépose des amendements pour rétablir le texte dans la rédaction issue de notre commission il y a quelques semaines.

Je vous rappelle que, lors de l'examen de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, nous discutions en commission tandis que le projet de loi de financement de la sécurité sociale était débattu dans l'hémicycle. C'est ainsi : les commissions travaillent en même temps que la séance publique. Toutefois, le texte débattu ce matin dans l'hémicycle n'est pas du ressort de notre commission. Cette situation a pu se présenter parfois, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Quand notre commission travaille, tout le reste de l'Assemblée ne cesse pas de travailler. J'en serais flattée, cela voudrait dire que nous avons une importance extraordinaire, mais ce n'est pas le cas.

En ce qui concerne le calendrier, la conférence des présidents ayant pris acte du fait que le texte serait examiné en nouvelle lecture dans l'hémicycle mardi prochain 5 juillet, je n'avais pas d'autre choix que de faire commencer le travail en commission aujourd'hui. Après la commission mixte paritaire, nous vous avons laissé jusqu'à dix-sept heures, hier après-midi, pour déposer des amendements. Comme vous n'en avez pas déposé beaucoup, je suppose que le délai de trente-six heures a été suffisant : il a peut-être été plus difficile au rapporteur de tout refaire.

Il est normal que des désaccords s'expriment – ne faisons-nous pas de la politique ? –, mais chacun avait la possibilité, en suivant les débats du Sénat, d'anticiper les sujets sur lesquels il allait vouloir déposer des amendements. Je ne vois là rien d'extraordinaire, surtout en nouvelle lecture. Le Gouvernement lui-même a déposé très peu d'amendements. Il lui est parfois arrivé, à ce stade, de proposer de multiples modifications, et cela a déplu à chacun de nous. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et ses amendements sont connus depuis hier soir : trente minutes suffisaient pour les lire et en faire l'analyse.

Bien sûr, les médias ont publié certains éléments, mais nous savons tous que les premiers à provoquer des fuites, avant même le début des débats, se trouvent parmi nous. Je le regrette, mais c'est ainsi.

Ainsi donc, si nous avons tout notre temps pour cette nouvelle lecture, alors qu'aucune disposition vraiment inédite n'est apparue, je vous rejoins sur un point, monsieur Cherpion : nous connaissons depuis 2012, sur certains textes, des conditions de travail inacceptables. En tant que présidente de la Commission, je n'ai jamais manqué de le dire ni de faire connaître mon mécontentement quand c'était nécessaire.

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Certes, il s'agit d'une nouvelle lecture. Toutefois, le projet de loi a changé de nom et je ne sais pas dans quelle mesure cela signifie une modification substantielle de son contenu. Le nombre des articles a triplé, passant de cinquante-quatre à cent quarante. Pourtant, la discussion en commission des affaires sociales est censée ne durer qu'une journée. En effet, sur les 400 amendements en discussion, un grand nombre tend à rétablir la première version du texte.

Madame la ministre, vous avez reçu hier les organisations syndicales de salariés et vous recevez le patronat cet après-midi : cela peut-il entraîner d'autres évolutions ? Je me demande si nos débats servent à quelque chose. Sur quel texte allons-nous discuter ? Quels seront les délais pour le dépôt des amendements au texte qui sera débattu en séance ? Dans ce texte, chaque mot, chaque virgule, chaque notion compte. Comment accomplir un travail raisonnable et responsable dans ces conditions ? C'est d'autant plus difficile que le Président de la République brouille les cartes en annonçant ce qu'il ferait en cas de réélection – alors qu'il serait plus sage qu'il arrête !

Enfin, nous ignorons dans quelles conditions le texte sera adopté : y aura-t-il un vote ou aurez-vous recours à l'article 49, alinéa 3 ? Le dialogue social dans les entreprises est un sujet trop important pour que vous passiez en force. Mais le contexte dans lequel se déroulent nos travaux, entre déclarations à la presse, manifestations dans la rue et négociations au ministère, n'est pas de nature à apaiser les débats à l'Assemblée nationale.

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Madame Le Callennec, vous aurez jusqu'à samedi dix-sept heures pour déposer des amendements. Je serais surprise, toutefois, que votre groupe présente soudain des amendements inédits. L'argument de la nouveauté imposant un travail énorme n'est donc pas acceptable.

Nous avons toujours vu le Gouvernement déposer des amendements au dernier moment. Vous le savez bien, pour avoir travaillé étroitement avec mon prédécesseur, M. Pierre Méhaignerie.

Vous vous plaignez que le Président de la République s'exprime aujourd'hui dans un quotidien. C'est pourtant bien son droit ! Il est même possible que Marisol Touraine, ministre de la santé, se soit exprimée hier sur la santé ; et que Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, ait parlé du handicap ce matin. Il est heureux que le Président de la République et les membres du Gouvernement aient le droit de parler. Ce n'est pas parce que notre commission travaille que le reste de la République doit retenir son souffle. Le Président de la République a le droit de donner des interviews comme il l'entend et là où il le veut.

Vous vous plaignez également du nombre d'articles : mais c'est le Sénat qui en a ajouté beaucoup ! Il en a ainsi adopté trente-cinq reprenant des propositions de loi de votre groupe. Nous n'y pouvons rien, c'est le travail législatif. Vous demandez que nous prenions ici le temps de débattre. Je suis prête à présider toute la nuit, jusqu'à cinq heures du matin s'il le faut, mais je sais que certains partiront vers dix-sept heures et nous laisseront finir seuls.

Quant aux auditions du rapporteur, un parlementaire de votre groupe y a assisté hier : il était donc possible de le faire. Je n'ai d'ailleurs pas convoqué la Commission hier matin pour vous laisser le temps de travailler, et je ne vois pas ce que je peux faire de mieux. Si vous n'êtes pas capables de réfléchir à deux ou trois sujets en même temps, je me fais du souci pour la capacité de travail des parlementaires ! Quant à moi, j'ai pu lire l'interview du Président de la République tout en prenant connaissance des amendements. Bref, j'entends les arguments politiques, mais il faut appeler la mauvaise foi par son nom.

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Nous devons d'abord nous réjouir d'être réunis pour débattre. C'est un droit parlementaire assez simple qui nous a été refusé en première lecture. Madame la ministre, puisque vous êtes présente, je tiens à vous dire que je ne vous remercie pas de ce mauvais moment de travail parlementaire.

La concertation, la méthode, le dialogue, éléments clés d'une politique publique, en particulier en matière d'emploi, ont tout simplement été bafoués sur ce texte, depuis plus de six mois. La contestation populaire, largement due à l'absence de concertation et à une pédagogie défaillante, ne faiblit pas. À présent, nous avons du mal à imaginer une discussion sereine alors que l'ombre de l'article 49, alinéa 3, plane au-dessus de nos têtes. D'ailleurs, madame la ministre, si vous pouviez nous dire à quel moment vous souhaitez le dégainer, cela nous ferait gagner du temps.

Pour autant, la situation impose un débat sérieux. La compétition internationale fait rage, et nous devons permettre à nos entreprises de s'adapter pour créer des emplois, tandis que, malgré les annonces répétées et optimistes du Gouvernement, le chômage ne cesse d'augmenter.

Les travaux du Sénat ont été extrêmement riches, et de nombreux amendements adoptés trouvent leur origine dans les propositions de notre groupe en première lecture. Nous n'avons donc plus que deux amendements à proposer à ce texte, mais nous nous opposerons fermement aux amendements de suppression du rapporteur et de la majorité.

Nous tenons tout particulièrement au rescrit social, qui permettrait de sécuriser les initiatives dans le cadre de relations sociales plus apaisées, ce à quoi nous sommes tous favorables.

Je pense également à la modulation des seuils sociaux, qui, il y a dix ans, représentait le Diable en personne pour la majorité socialiste. Mais, il y a quelques mois, le Président de la République a lui-même qualifié ces seuils de freins à l'emploi. Ces propositions doivent créer un environnement plus favorable aux entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, auxquelles ce texte est malheureusement totalement inadapté.

Les initiatives relatives à l'apprentissage sont également importantes, elles étaient jusqu'à présent malheureusement peu présentes dans ce projet de loi. En lançant un véritable pacte pour l'apprentissage, nos collègues sénateurs prennent la mesure du défi qui nous attend pour faire de cette filière une filière d'excellence.

Reste la délicate question du compte personnel d'activité. Nous avons soutenu en première lecture qu'il s'agissait d'une idée intéressante qui semblait dévoyée avant même sa mise en oeuvre. En supprimant le compte d'engagement citoyen, le Sénat a simplifié le dispositif encore en construction.

Je ne doute pas que tous ces sujets feront débat au sein de notre commission, tout comme le périmètre des licenciements économiques, les indemnités prud'homales ou la durée légale du travail. Pour l'instant, nous pouvons nous réjouir que, entre le Sénat et l'Assemblée nationale, la lutte contre le détachement illégal des travailleurs ait fait l'objet d'un consensus. La protection de notre modèle social et le respect de la dignité des travailleurs dans l'espace européen ont rassemblé au-delà des courants politiques. C'est une bonne chose, et les travaux de Gilles Savary hier en commission des affaires européennes montrent que c'est possible. À l'heure où le continent européen traverse une crise majeure, le sujet des travailleurs détachés prend un relief particulier.

Je tenais donc à saluer les contributions de nos collègues centristes du Sénat, en espérant que leurs travaux ne seront pas vains. Nous abordons ces débats avec la plus grande sérénité et la plus grande fermeté, même si débattre sous la menace de l'article 49, alinéa 3, est un exercice parlementaire compliqué.

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J'espère que cette discussion générale sur l'ensemble du texte ne présage pas de votre départ de la Commission dans l'après-midi, avant la fin de nos travaux ! Ces propos liminaires n'ont pas pour objet d'aborder le fond, nous le ferons article par article et amendement par amendement. Pour des gens pressés de débattre, nous venons de perdre trente minutes !

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Le Sénat a aggravé le texte, sans surprise. Je me félicite de la présence de la ministre, il est toujours important d'échanger, tout comme je me félicite que les syndicats soient de nouveau reçus. Je ne sais pas s'ils sont entendus, mais au moins ils sont reçus.

Il est vrai qu'il est très difficile de travailler dans ces conditions et il serait raisonnable que le texte soit retiré, retravaillé dans le cadre de rencontres et de discussions, puis qu'il revienne sereinement devant notre assemblée. Cette demande n'est pas nouvelle.

Certes, il s'agit d'une nouvelle lecture, mais, suite à l'application de l'article 49, alinéa 3, en première lecture, nous n'avons pas pu discuter du texte. On ne peut donc pas dire qu'il y ait eu une première lecture, et nous ne savons même pas s'il y en aura une deuxième.

Il est vrai que le Gouvernement propose des modifications qui vont dans le bon sens, mais elles ne répondent pas à l'essentiel des demandes. C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé cinq amendements qui portent sur les points essentiels que la majorité des syndicats défendent. Il s'agit de l'article 2, qui consacre la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche et sur la loi ; de l'article 10, qui instaure la possibilité d'organiser un référendum à l'initiative d'organisations syndicales minoritaires, et même d'employeurs dans le texte voté par le Sénat ; de l'article 11 concernant les accords offensifs, dits « de développement et de préservation de l'emploi », qui remettent en cause les contrats de travail ; de l'article 30 sur la facilitation des licenciements économiques et de l'article 44 sur la santé au travail, qui prévoit un recul inacceptable.

Sur ces cinq points, qui sont au coeur de la préoccupation exprimée majoritairement par les syndicats, il est nécessaire de modifier le texte. Malheureusement, pour le moment, les propositions faites par le Gouvernement ne permettent pas de résoudre cette difficulté, même si elles vont dans le bon sens. La philosophie de fond demeure, et ce blocage n'est pas levé.

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Je voudrais revenir sur nos méthodes de travail. Ce n'est pas parce que les choses se sont toujours passées ainsi qu'il ne faut pas les changer. Vous dites que nous pouvons travailler deux ou trois sujets à la fois. Certes, nous pouvons même faire beaucoup plus. Mais, en ce moment même, le projet de loi « Égalité et citoyenneté » est débattu dans l'hémicycle. Nous en avons discuté toute la nuit, et nous allons aborder aujourd'hui l'examen des problèmes de logement et de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain. Nous ne pouvons pas être en séance alors que nous avons beaucoup d'amendements à défendre, ce n'est pas une bonne manière de travailler.

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Il devient agaçant d'entendre dire que, lorsque notre commission travaille sur un texte dont elle est saisie au fond, on regrette que des collègues travaillent dans l'hémicycle. Si vous voulez que je dise combien de députés de chaque groupe devraient être présents aujourd'hui lors de cette commission, ce qui permettrait de répartir le travail et de participer aux débats dans l'hémicycle, je peux le faire, au risque que vous soyez ridicules devant nos concitoyens. Je ne le ferai pas par respect pour vous tous.

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Au nom de la délégation aux droits des femmes, j'espère toujours que, lorsque nous touchons au code du travail, nous améliorons le sort des plus fragiles et des plus précaires, notamment des femmes qui travaillent à temps partiel.

Le Sénat a supprimé le seuil minimum de vingt-quatre heures de temps partiel. Je voudrais juste rappeler les paroles de Nicole Bricq au terme des débats : « Ce sont les femmes qui travaillent le plus à temps partiel, qui forment les gros bataillons des travailleurs pauvres. Vous avez refusé toutes les propositions de la délégation aux droits des femmes. Vous n'aimez pas les femmes ! »

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Madame Le Callennec, votre intervention était tout à fait malvenue : nous ne sommes pas en campagne électorale !

Monsieur Cherpion, M. Guaino participait hier avec nous à des auditions. Il est dommage qu'il ne vous ait pas prévenu, mais peut-être voulait-il être le seul à apporter un soutien actif à l'organisation syndicale que nous étions en train d'auditionner ? C'est votre problème, pas le nôtre.

Monsieur Richard, s'il y avait moins de postures, chez vous et chez d'autres, nous pourrions éviter de recourir à l'article 49, alinéa 3. Des collègues sont venus me demander, surtout, de ne pas reculer et de ne pas retirer ce texte. Vous pourriez le voter, mais vous préférerez aller dénoncer urbi et orbi le recours à l'article 49, alinéa 3, si nous sommes obligés de l'utiliser. Nous saurons dire que c'est une posture, pas une conviction. Tout cela n'est que politique politicienne. Ne déplacez pas le débat, ne dites pas que c'est un problème d'organisation : c'est un problème de dignité de notre fonction.

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Puisque nous sommes en plein Euro de football, permettez-moi de vous dire qu'il faut prendre les matchs les uns après les autres. Le match, aujourd'hui, c'est la discussion en commission des affaires sociales.

Je regrette d'entendre des propos laissant entendre que nous ne travaillons pas, dans l'attente de l'application de l'article 49, alinéa 3. Peut-être que, politiquement, l'opposition y a intérêt. Nous discutons aujourd'hui en commission. Je trouve inacceptable que l'on essaie de brouiller le message en parlant de méthode. La commission va travailler le temps qu'il faudra, et je suis prête à présider jusqu'à demain soir s'il le faut !

En première lecture, lorsque le recours à l'article 49, alinéa 3, a été annoncé, toutes les modifications que la Commission avait apportées au texte ont été maintenues. Notre travail d'aujourd'hui est donc essentiel. Tout ce que nous pourrons modifier ou ajouter restera acquis si l'article 49, alinéa 3, est utilisé.

Ne faites pas croire que le travail de la Commission est inutile et que seul compte le cirque que certains vont faire mardi prochain dans l'hémicycle. Je regrette qu'il n'y ait pas, ce matin, davantage de députés, notamment de l'opposition, mais je sais qu'ils seront tous là pour provoquer des incidents de séance le 5 juillet.

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Madame Iborra, lorsque les auditions se tenaient, je débattais avec la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage des problèmes liés à ce texte. Vous voyez que nous n'étions pas en train de jouer à la belote !

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Je précise, avant que nous ne commencions l'examen des articles du projet de loi, que mes reproches concernant les députés de la majorité ne s'adressaient évidemment ni à Mme Le Callennec, ni à MM. Cherpion, Lurton et Richard, présents comme à leur habitude.

La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.

TITRE PREMIER REFONDER LE DROIT DU TRAVAIL ET DONNER PLUS DE POIDS À LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

CHAPITRE Ier Vers une refondation du code du travail

Article 1er : Commission de refondation du droit du travail

La Commission est saisie de l'amendement de suppression AS14 de M. Arnaud Richard.

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Madame Coutelle, votre homologue au Sénat, Mme Jouanno, a déposé de nombreux amendements allant dans le sens que vous souhaitez. Par ailleurs, les articles 1er ter à 1er quinquies sur les agissements sexistes ont été votés conformes.

En ce qui concerne l'article 1er, il ne nous satisfait toujours pas. En effet, la méthode choisie par le Gouvernement afin de réécrire l'ensemble du code du travail est loin d'être la bonne.

D'abord, la méthode de désignation des membres de la commission supposée oeuvrer à la refondation du code du travail est particulièrement floue. Sera-t-elle uniquement composée de juristes, de chefs d'entreprise, de salariés, de syndicalistes ? Quoi qu'il en soit, le législateur ne peut laisser une commission composée « d'experts et de praticiens des relations sociales », certes compétents mais ne disposant pas de la légitimité suffisante, réécrire le code du travail. Qu'en est-il par ailleurs des partenaires sociaux, dont on n'imagine mal qu'ils ne participent pas à cette refondation ? À quelle fréquence est censée se réunir cette commission ?

Si le rôle de cette commission consiste uniquement à faire des propositions de modification de la partie législative du code du travail, elle est tout au plus un artifice destiné à l'affichage. Je rappelle qu'il est tout à fait permis au Gouvernement et aux parlementaires de solliciter l'avis d'experts – comme c'est souvent le cas – sans qu'il y ait besoin d'une loi pour installer telle ou telle commission technique. Le Conseil d'État lui-même a estimé que de telles dispositions pouvaient relever du domaine réglementaire, mais il faut croire qu'il n'a pas été entendu.

Enfin, ne bafouons pas les droits du Parlement. Les débats suscités dans l'opinion publique comme dans nos enceintes par cette refondation du code du travail ont montré à quel point c'était un sujet sensible, qu'il n'est pas imaginable de confier à une commission extérieure. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 1er.

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Il n'a jamais été dit nulle part que cette commission était appelée à se substituer à la décision politique. Vouloir laisser penser le contraire me semble contribuer à entretenir autour de ce projet de loi une confusion que certains se plaisent à alimenter.

Soyons clair : cette commission d'experts à vocation à appuyer la réflexion sur l'évolution du code du travail sans que ses travaux aient aucune portée législative. Ce n'est qu'une commission technique, la décision politique revenant in fine à la majorité du moment, à qui il appartiendra d'apprécier si elle tient compte des conclusions des experts.

Il est symboliquement important que la réflexion sur le code du travail s'organise au grand jour, en s'appuyant sur une commission d'experts créée par le législateur. Je suis donc défavorable à cet amendement.

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L'article 1er est le seul sur lequel nous avons eu le droit de débattre en séance publique, puisque, dès l'article 2, nous avons été privés de débats. Nous avions déjà déploré qu'il n'ait pas été tenu compte dans sa rédaction des principes énoncés par la commission Badinter, et nous estimions que c'était bien au législateur de refonder le code du travail, comme en a également décidé le Sénat, qui propose que « la loi fixe les dispositions qui relèvent de l'ordre public et celles supplétives en l'absence d'accord collectif ».

Or, plutôt que de redéfinir les droits et devoirs fondamentaux des entreprises et des salariés, l'article 1er crée une commission d'experts. C'est passer à côté de notre mission, si nous voulons vraiment moderniser le code du travail. En effet, cet article 1er aurait dû être l'occasion d'un vrai débat sur les principes fondateurs du code du travail ; il aurait fallu qu'il définisse une fois pour toutes les droits et devoirs de chacun dans les entreprises, puis ce qui relevait ensuite des accords de branche ou d'entreprise.

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Dès lors que vous avez vous-même déposé des amendements visant à nous affranchir des principes de la commission Badinter, je trouve cocasse que vous nous fassiez le reproche de ne pas en avoir tenu compte.

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Je déplore que nous n'ayons pas choisi ensemble, parmi ces principes, ceux que l'on devait retenir comme fondamentaux pour le droit du travail. Et, si j'ai déposé des amendements qui pouvaient les effacer, c'était pour mieux les retravailler. Nous ne nous serions pas entendus sur tout, mais je suis convaincue que, pour 80 % d'entre eux, nous aurions trouvé un accord.

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Je vous renvoie à la transcription de nos débats. Vous réécrivez l'histoire ! Vous avez déposé un amendement qui supprimait la totalité de ces principes et l'exposé des motifs ne correspondait nullement aux arguments que vous venez de développer.

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Le rapporteur confirme que cette commission n'a qu'un rôle technique et que c'est du pur affichage. Cela me donne également le sentiment que, n'ayant pas confiance dans le Parlement, où vous n'avez plus de majorité, vous externalisez le travail.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS124 du rapporteur et AS389 du Gouvernement.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je tenais au préalable à remercier chaleureusement la présidente de la Commission de me permettre, contre l'usage en vigueur en son sein, de présenter devant vous les trois amendements du Gouvernement. Je remercie également le rapporteur et l'ensemble des membres de la Commission pour la qualité du travail qu'ils ont accompli en première lecture. Je tiens d'ailleurs à souligner que la procédure de l'article 49, alinéa 3, s'est appliquée à un texte qui a intégré près de 800 amendements.

Les trois amendements du Gouvernement répondent à deux exigences : d'une part, mieux associer les partenaires sociaux à la modernisation du droit du travail ; d'autre part, conforter le rôle des branches professionnelles.

Il ne s'agit pas d'ouvrir de nouvelles négociations avec les organisations professionnelles, que le Premier ministre et moi-même avons reçues et avec lesquelles nous avons voulu dialoguer dans un esprit d'ouverture, pour leur expliquer le sens de ces trois amendements.

En ce qui concerne l'amendement AS389, il entend placer les partenaires sociaux au centre du processus de refondation du code du travail, car ce sont les premiers concernés par la place plus grande qui sera accordée au dialogue social dans cette refondation.

Nous prévoyons ainsi que la commission pourra associer à ses travaux les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau interprofessionnel comme au niveau multiprofessionnel. Cela pourra se faire non seulement au travers d'auditions, mais également en s'appuyant sur les travaux du Haut Conseil du dialogue social. Cette instance, créée en 2008 pour mesurer la représentativité syndicale et dans laquelle siègent toutes les organisations syndicales d'employeurs et de salariés, sous la présidence de Jean-Denis Combrexelle, aura pour mission d'éclairer les travaux de la commission de refondation du code du travail, en organisant en son sein une réflexion sur les évolutions du code du travail pour laquelle elle bénéficiera de l'aide de l'administration en matière d'expertise juridique et d'éclairage sur les pratiques dans les autres pays européens.

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Je remercie à mon tour la ministre du partenariat qui s'est établi entre nous pour travailler sur ce projet de loi. Nous répondons, au travers de ces amendements, aux interpellations qui nous avaient été adressées dans l'hémicycle sur le rôle des partenaires sociaux. Nous souhaitons que celui-ci soit inscrit dans la loi de manière officielle, à travers l'engagement du Haut Conseil du dialogue social, instance reconnue, qui fédère l'ensemble des partenaires sociaux et qui contribuera à orienter les travaux de la commission au-delà du seul aspect technique.

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Pour ma part, je tiens à saluer le travail et la disponibilité des administrateurs de la Commission. Ils se sont montrés, notamment sur cet amendement, des rédacteurs très vigilants.

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Dans la rédaction issue de notre commission, la commission d'experts pouvait associer toute autre institution, association ou organisation de la société civile. Selon la rédaction qui nous est ici proposée, elle peut les entendre : ces deux verbes n'ayant pas le même sens, je souhaiterais savoir pourquoi cette nuance a été introduite.

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Nos collègues du Sénat ont malheureusement détricoté le texte auquel nous avions abouti, le modifiant dans un sens plus libéral.

Or le rôle que peut jouer le Haut Conseil du dialogue social me semble d'autant plus important qu'il pourra suggérer, au fur et à mesure des travaux, un certain nombre d'avancées. Par ailleurs, son implication dans les travaux de la commission est de nature à faire taire l'inquiétude de ceux qui craignaient que les partenaires sociaux soient mis à l'écart au profit des seuls techniciens.

La presse parle des « concessions légères » que le Gouvernement aurait faites aux syndicats. En l'occurrence, il s'agit de bien plus qu'une concession légère, et cet amendement prouve qu'ils ont été écoutés.

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Cet amendement est l'illustration de ce que je dénonçais tout à l'heure. Alors que nous examinons un projet de loi censé moderniser le droit du travail, on choisit une nouvelle fois de s'en remettre à des experts – toujours les mêmes.

M. Badinter a fait des propositions, M. Combrexelle également. Il faut désormais que le Gouvernement prenne ses responsabilités et fasse des choix à partir de ces propositions qui sont depuis des mois, voire des années, sur la table. Or, avec cet article 1er, qui institue une commission disposant de deux ans pour remettre ses conclusions – pardonnez-moi l'expression, mais elle m'est inspirée par l'Euro 2016 –, vous dégagez en touche !

C'est maintenant qu'il faut décider. Vous avez – en principe – une majorité au Parlement : pourquoi n'inscrivez-vous donc pas les principes fondamentaux du droit du travail dans cet article 1er ? Au lieu de quoi, vous temporisez, une fois de plus, et les entreprises – qui créent les emplois –, vont se retrouver avec une loi qui fait « pschitt ». C'est une nouvelle occasion manquée.

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Madame Le Callennec, l'expression « dégager en touche » est empruntée au rugby et non au football…

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C'est la première fois que je vois un amendement identique déposé à la fois par le rapporteur et par le Gouvernement. J'ignore s'il faut interpréter cela comme un manque de coordination ou un manque de confiance…

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Cela doit s'interpréter comme le signe d'un accord entre la ministre et le rapporteur.

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Tout ce qui rapproche les partenaires sociaux du dialogue social et de la modification du code du travail est une bonne chose, et on ne peut que s'en féliciter. Cela étant, je ne sais pas qui a écrit cet amendement, mais il est écrit avec les pieds !

C'est une agrégation d'éléments sans rapport, et je ne saisis pas le lien entre la première partie de l'amendement et le Haut Conseil du dialogue social, même si je salue le fait que l'on fasse appel à lui. Il eût mieux valu introduire dans la loi un autre article mandatant officiellement, à la demande du Gouvernement et du Parlement, le Haut Conseil pour qu'il contribue à la refondation du droit du travail – sans doute aurait-il d'ailleurs pu s'en acquitter seul, sans cette commission technique que vous créez. Vous nous proposez un magma dans lequel on ne discerne plus qui va faire quoi : quel sera le rôle de la commission ? celui du Haut Conseil ? comment vont-ils interagir ?

Si les partenaires sociaux se satisfont de cet ajout, tant mieux, mais je ne trouve pas ça sérieux. C'est un exercice de maquillage pour faire croire que les partenaires sociaux seront davantage à la manoeuvre qu'ils ne l'étaient jusqu'à présent. Je m'étonne de l'amateurisme dont fait preuve le Gouvernement pour réformer le code du travail, avec un amendement qui non seulement n'a aucune portée juridique, mais témoigne d'un réel mépris pour les partenaires sociaux, qu'on se contente d'agréger au dispositif initial.

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Je me félicite pour ma part de la convergence de vues entre la ministre et notre rapporteur.

L'implication dans le processus de refondation du Haut Conseil du dialogue social, qui ne figurait pas dans la version que nous avons examinée en première lecture, change radicalement la nature du dispositif envisagé à l'origine. En effet, dans la mesure où le Gouvernement désigne certains des membres de ce Haut Conseil – trois représentants du ministère du travail et trois personnalités qualifiées –, les travaux de la commission d'experts ont toutes les chances de se retrouver phagocytés par le ministère du travail. Ce n'est pas forcément choquant, mais cela signe une reprise en main de la commission par le Gouvernement.

Par ailleurs, il me semble – mais il faudrait me le confirmer – que le multiprofessionnel n'est pas représenté au sein du Haut Conseil. C'est une lacune du dispositif, dont on ne peut écarter les organisations représentant l'agriculture, les professions libérales ou l'économie sociale et solidaire.

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Monsieur Sebaoun, si la ministre en est d'accord, je propose que nous revenions à la formulation initiale et à l'emploi du verbe « associer » en rectifiant l'amendement.

Monsieur Richard, on ne peut pas considérer qu'il soit désobligeant pour les partenaires sociaux d'introduire le Haut Conseil du dialogue social dans l'article 1er. C'est tout le contraire.

On nous a reproché, lors des débats dans l'hémicycle, de donner à la commission un rôle de quasi-législateur ; on nous reproche aujourd'hui la présence de représentants du ministère. On ne peut pas dire tout et son contraire. Je répète que le but de cet article est d'associer plus étroitement les partenaires sociaux à la refonte du code du travail. C'est dans ce sens que vont ces amendements.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le Haut Conseil du dialogue social existe depuis 2008 et a été mis en place pour mesurer la représentativité syndicale. Nous avons voulu lui confier ici la mission d'assister la commission d'experts.

Vous nous reprochez, madame Le Callennec, de n'avoir pas tenu compte des propositions du rapport Combrexelle : vous semblez mal le connaître, puisque ce rapport préconisait précisément la mise en place d'une commission chargée de refonder le code du travail en quatre ans. C'est d'ailleurs Jean-Denis Combrexelle en personne qui préside aujourd'hui le Haut Conseil du dialogue social, au sein duquel siègent trois personnalités qualifiées : Jean-Denis Combrexelle, Gilles Bélier et une troisième personne que je me suis engagée à désigner parmi les membres de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES) – ce qui devrait répondre à la préoccupation de M. Cherpion au sujet du multiprofessionnel. Par ailleurs, sont déjà représentées dans le collège les cinq organisations syndicales et les trois organisations patronales représentatives, ainsi que l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) et la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

Au-delà, l'enjeu est de montrer qu'il ne suffit pas d'organiser des réunions bilatérales ou des concertations pour que les partenaires sociaux soient réellement associés à la refondation du code du travail. Il importe qu'ils puissent mener ensemble de vrais débats de fond. L'article précise ainsi que le Haut Conseil fera état des points d'accord et de désaccord entre les partenaires sociaux sur les évolutions envisagées. C'est essentiel à mes yeux. En effet, si j'ai un regret au sujet de cette loi, il tient au refus des partenaires sociaux de négocier à partir du rapport Combrexelle, alors que l'on sait pertinemment qu'il est toujours plus simple de légiférer à partir d'un accord négocié.

Quant à la rectification proposée par le rapporteur, j'y suis tout à fait favorable et remercie M. Sebaoun de nous avoir signalé ce qui est une erreur de transcription.

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Je m'étonne que vous vouliez confier le soin de moderniser le droit du travail à des partenaires sociaux qui ont montré qu'ils ne s'entendaient pas. Après l'échec de chacune des négociations qu'ils ont menées – sur le chômage, sur le compte pénibilité, sur les accords nationaux interprofessionnels –, le Gouvernement a dû reprendre la main. Nos collègues Arnaud Richard et Jean-Marc Germain ont récemment rendu un rapport sur l'avenir du paritarisme, qui prouve que celui-ci est à bout de souffle sous sa forme actuelle. Les partenaires sociaux ne parviennent plus aujourd'hui à dégager de consensus.

Aussi me semble-t-il que l'exécutif doit reprendre la main sur la modernisation du droit du travail. Or il ne fait que botter en touche. Permettez-moi de vous rappeler la définition de cette expression empruntée au rugby : « botter en touche » signifie « remettre à plus tard, déplacer ou éviter le sujet d'une discussion, éviter une situation, fuir ». Ce n'est rien d'autre que ce que vous faites, alors que nous n'avons plus le droit de fuir nos responsabilités. Cette commission rassemblera des personnes qui se rencontrent régulièrement depuis des années. Nous perdons une occasion d'avancer en lui confiant cette mission nouvelle.

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La première lecture n'a pas seulement été marquée par le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, mais aussi par un vote bloqué au sens de l'article 44, alinéa 3. Ainsi, il n'y a pas eu de vote sur les amendements de suppression de l'article 1er. Dans le cas contraire, ils auraient été adoptés, comme tant d'autres, avec le soutien de certains élus de la majorité.

Nous sommes ici pour bâtir le droit. Or le Haut Conseil du dialogue social, créé par la précédente majorité, a une mission bien précise : arrêter la liste des organisations syndicales représentatives et se prononcer sur les modifications apportées à la loi relative à la représentativité de ces organisations. Nous lui confions ainsi un rôle qui n'est pas le sien. Quant à la portée normative de l'article, il s'agit vraiment de soft law.

Peut-être faut-il modifier le rôle et le périmètre des compétences de ce conseil. Sur le principe, on ne peut que trouver souhaitable de mieux associer les partenaires sociaux aux réformes. Ce faisant, pour celle qui nous occupe aujourd'hui, nous aurions sans doute gagné six mois. Jean-Marc Germain et moi-même avons proposé de donner en amont aux partenaires sociaux le moyen de se prononcer sur les réformes envisagées.

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Je rappelle que les amendements de suppression de l'article 1er avaient été rejetés en commission.

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En première lecture, la Commission avait adopté mon amendement, mais l'article 49, alinéa 3, l'avait éliminé du texte. Puisqu'il va aujourd'hui tomber après l'adoption d'amendements de rédaction de l'article, serait-il possible que le rapporteur en reprenne le contenu d'ici à la séance publique ?

L'amendement vise à préciser que « le ministre chargé des outre-mer veille à la consultation des organisations professionnelles d'employeurs et de salariés représentatives dans les territoires d'outre-mer ».

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Madame Le Callennec, vous prétendez que les partenaires sociaux ne se mettent jamais d'accord et que l'exécutif doit systématiquement reprendre la main. Nous avons pourtant examiné des accords nationaux interprofessionnels qui nous ont montré l'inverse. Dans votre groupe, M. Cherpion conviendra lui-même que certains partenaires sociaux peuvent ne pas signer un accord sans être en désaccord avec son contenu. La consultation du Haut Conseil du dialogue social me paraît donc importante.

Il est vrai que, au moment de sa création, en 2009, il devait s'attacher à la question de la représentativité des organisations syndicales. En vertu de la loi de 2008, il ne dispose donc que de compétences restreintes. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir aujourd'hui qu'il intégrera de nouvelles personnes qualifiées et pourra délibérer au cours d'un processus qui durera deux ans.

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Tous les partenaires sociaux seront en effet au Haut Conseil du dialogue social. Pour le reste, un responsable syndical, Jean-Claude Mailly, a dit un jour que la démocratie sociale s'arrête là où commence la démocratie politique.

Madame la ministre, vous soutenez que les partenaires sociaux n'ont pas accepté le contenu du rapport Combrexelle. Ils s'en sont pourtant tous saisis, même s'il n'y a pas eu saisine officielle. Dès le départ, un problème de méthodologie a donc conduit au blocage où nous nous trouvons aujourd'hui.

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Même quand, faute d'accord entre les partenaires sociaux, les politiques en viennent à décider – comme ce fut le cas pour le compte pénibilité –, il se trouve un des partenaires pour affirmer qu'il n'appliquera pas la loi. C'est inacceptable !

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Monsieur Aboubacar, nous intégrerons en séance votre amendement au contenu de l'article.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur Aboubacar, vous n'avez en effet aucune inquiétude à avoir sur ce point.

Je note une contradiction entre la volonté d'associer les partenaires sociaux et le soutien à un texte du Sénat qui prévoit de fixer par la loi la durée légale de travail dans les entreprises.

Oui, nous devons tirer de la situation actuelle des leçons pour l'avenir. Je rappelle que la réécriture du code du travail se fera à droit constant. Il me semble important d'inscrire dans la loi cette consultation des organismes professionnels ou multiprofessionnels, de même que des organisations syndicales.

Le texte est clair : nous confions une nouvelle mission au Haut Conseil. Pourquoi faudrait-il inventer une nouvelle structure quand il en existe déjà une ? Il me semble que nous pouvons tous nous retrouver sur cet amendement.

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Il vaudrait mieux codifier cette nouvelle mission confiée au Haut Conseil, et ne pas se contenter de l'ajouter par le biais d'un alinéa supplémentaire à un article déjà fort verbeux. Le Haut Conseil ne doit plus seulement quantifier la représentativité des organisations, mais travailler en permanence à la refondation du code du travail. Sur ce point, je n'hésiterai pas à prendre la ministre au mot. Il s'agit d'un élément majeur qu'il faudra codifier dans la loi de 2008 et dans le décret constitutif du Haut Conseil.

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Il y aurait même deux décrets à modifier : le premier, s'agissant de la composition du Haut Conseil, préciserait que l'UDES n'y siège plus au titre des personnes qualifiées, mais en tant qu'organisation professionnelle ; le second serait celui qui définit les missions du Haut Conseil.

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Il me semble que l'existence du Haut Conseil n'est pas codifiée. M. Cherpion a donc raison de préconiser de simples modifications réglementaires. Aujourd'hui, huit organisations sont représentées dans cette instance. Au sein des organisations multi-professionnelles, on trouve la FNSEA et l'UNAPL. J'ai compris que l'UDES, à défaut de siéger comme organisation multi-professionnelle, occuperait un poste de personnalité qualifiée.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

En effet, un décret sera bientôt publié s'agissant de l'UDES. Monsieur Richard, la mission confiée au Haut Conseil ne serait pas pérenne, mais provisoire, la commission de refondation du code du travail ne devant siéger que pendant deux ans.

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S'agissant de l'article L. 1 du code du travail, j'attends toujours le document d'orientation qui doit être remis aux partenaires sociaux.

Quant à mon amendement AS33, qui pourrait également tomber, il vise à ce que les membres de la commission de refondation du code du travail soient entendus par le Parlement et à ce que la nomination du président de la commission soit précédée d'un vote conforme dans les deux assemblées.

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Étant donné l'affluence aux réunions au cours desquelles un vote doit avoir lieu sur les nominations effectuées par le Président de la République, il vaut mieux, je pense, s'abstenir.

La Commission adopte les amendements AS124 et AS389 ainsi rectifiés.

L'article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS114 de Mme Monique Orphé et AS33 de M. Arnaud Richard tombent.

Article 1er bis A : Principe de neutralité dans l'entreprise

La Commission examine l'amendement AS199 de Mme Isabelle Le Callennec.

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Par mon amendement AS199, je voudrais préciser que « les restrictions visant à réglementer le port de signes et les pratiques manifestant une appartenance religieuse sont légitimes, dès lors qu'elles sont justifiées par la neutralité requise dans le cadre des relations avec le public ou par le bon fonctionnement de l'entreprise et proportionnées au but recherché. »

En première lecture, nous avions gommé toute référence à cette notion de neutralité. J'en trouve salvatrice la réintroduction par les sénateurs, qui ont voulu la sécuriser en la faisant inscrire dans le règlement intérieur des entreprises, acte unilatéral de l'employeur. De ce point de vue, j'apprécie l'amendement AS15 du rapporteur, même s'il supprime de l'article introduit par les sénateurs la mention « par accord d'entreprise ».

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Le principe dont nous débattons se heurte en effet à de nombreux problèmes d'application dans les entreprises. Soyons donc vigilants en essayant de trouver une réponse qui ne soit pas un outil de combat illégitime par rapport à ces enjeux.

Je vous propose de reprendre le texte du Sénat, en enlevant les mots « par accord d'entreprise », car il me semble périlleux de soumettre le principe de neutralité à un simple accord. Mes réserves relatives à l'amendement AS199 viennent de ce que je ne connais pas de sens juridique au mot « légitime ». Avis défavorable.

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Je suis heureux que le Sénat ait repris notre proposition d'inscrire la neutralité religieuse dans le règlement intérieur des entreprises, telle que nous l'avions défendue lors de notre pseudo-première lecture. Loin d'être parfait, ce dispositif me semble cependant sage. Il permet de prendre acte, dans un texte, que la manifestation de convictions religieuses peut contrevenir au fonctionnement normal de l'entreprise, et il sécurise l'employeur en cas de litige. Aujourd'hui, les employeurs qui veulent limiter la liberté d'expression religieuse de leurs employés ne peuvent invoquer qu'un nombre restreint de motifs, limitativement énumérés par la jurisprudence : hygiène, santé, sécurité ou relations avec la clientèle. Nous ouvrons une voie nouvelle à la neutralité des entreprises en nous inspirant de la charte élaborée par le groupe Paprec. Dans la fonction publique, il existe une interdiction générale de port des signes religieux. Dans le secteur privé, nous nous orienterions ainsi vers une position sage et consensuelle.

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Je n'admets pas qu'on parle de pseudo-première lecture, alors qu'une première lecture du texte a bel et bien eu lieu en commission.

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Antoine Lyon-Caen, que nous avons auditionné, estime qu'il n'est pas utile d'intégrer dans la loi cette notion de neutralité en particulier. Cette notion ne correspond à rien si la neutralité en question n'est pas qualifiée de religieuse. Aussi notre texte ne me paraît-il pas suffisant.

Je crois toutefois qu'inscrire un principe de neutralité religieuse dans le règlement intérieur des entreprises peut mettre en concurrence la liberté de la foi et le travail au quotidien. À certains esprits prosélytes, cela peut fournir une bonne occasion de laisser entendre qu'ils sont stigmatisés.

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Je suis inquiet, moi aussi. La jurisprudence actuelle est extrêmement subtile et n'a pas besoin de nous pour s'appliquer. Cela ne nous interdit pas d'en intégrer le contenu dans les règlements intérieurs. Mais elle fait elle-même référence à la nécessité que les limitations soient prévues au règlement intérieur de l'entreprise, dans la lignée de l'arrêt « Baby-Loup ».

À travers la nouvelle rédaction de l'article 1er bis A, nous créons un article L. 1321-2-1 du code du travail qui définit un principe général de neutralité. Cette neutralité n'est pas simplement religieuse, elle peut aussi être interprétée comme politique ou syndicale. Voilà, a minima, un point qu'il me semble urgent de préciser en séance publique.

La jurisprudence que nous voulons intégrer à la loi est de plusieurs ordres, puisqu'elle vient du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des droits de l'homme, de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation. Or nous n'avons de prise que sur la jurisprudence de cette dernière.

Nous devons donc bien réfléchir à la rédaction de cet article. L'application du principe de la liberté d'expression et de la liberté religieuse ne s'arrête pas à la porte des entreprises. Comme toute liberté, celles-ci peuvent avoir des limites, lorsqu'elles entrent en conflit avec d'autres principes. Tout le travail du législateur est précisément de les articuler. C'est le juge qui, en dernier ressort, devra dire si les restrictions contestées sont nécessaires à l'entreprise. Une fois encore, cela revient à botter en touche – la touche judiciaire, cette fois.

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Rappelons que le rapporteur s'était opposé à l'amendement que j'avais déposé en première lecture. Ne voulons-nous pas donner une base législative à la jurisprudence de la Cour de cassation, comme l'explique votre rapport ? Il est spécifié que peuvent être apportées des restrictions à la manifestation de convictions religieuses dans un espace privé, en l'occurrence dans les entreprises, si ces restrictions obéissent à la double condition qu'elles visent à permettre l'exercice d'autres libertés ou droits fondamentaux qui conditionnent le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'elles soient proportionnelles au but recherché.

Ces éléments seront utiles à l'entreprise. J'ai bien compris, monsieur le rapporteur, que vous ne souhaitez pas en faire l'objet d'un accord d'entreprise, mais l'inscrire plutôt dans le règlement de l'entreprise. Même si le règlement intérieur est un acte unilatéral de l'employeur, il est établi à l'issue d'une large consultation qui englobe les délégués syndicaux et le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Nous donnons ainsi une base à des entreprises qui en ont besoin. Je me rallie à l'amendement du rapporteur.

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Il me semble que le texte pâtit d'une rédaction approximative. Si nous ne votons pas la mention d'une neutralité religieuse, à quoi faut-il s'attendre pour les libertés syndicales ? Les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) disent qu'on ne peut restreindre la manifestation des convictions religieuses que dans l'intérêt de l'entreprise. Le principe de neutralité que nous créons varierait d'une entreprise à l'autre. À partir d'une bonne idée, je crains que nous n'aboutissions à une cacophonie complète. Des normes juridiques internationales s'appliquent en ce domaine. Nous créons un monstre juridique : une neutralité religieuse dont la définition changerait selon les entreprises. Je ne suis pas opposé à ce que nous définissions ce principe nous-mêmes, sans renvoyer aux règlements des entreprises.

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Il est vrai que, en raison de son caractère très diplomatique, cette formulation n'atteint peut-être pas son objectif. Or, en ce domaine, la précision s'impose. Nous devrons travailler à une nouvelle rédaction d'ici à la séance publique : sinon, nous risquons de commettre des erreurs.

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La rédaction du Sénat donne une base légale à la jurisprudence « Baby-Loup », sur laquelle elle s'appuie. La jurisprudence ne saurait en effet suffire à régler les problèmes auxquels sont parfois confrontées les entreprises.

Par ailleurs, M. Lyon-Caen évoquait la liberté du salarié de manifester « ses convictions, y compris religieuses ». La neutralité ne se réduit donc pas à la neutralité religieuse.

En outre, l'article 1er bis A pose deux conditions à la restriction des libertés des salariés : elles doivent être nécessitées par le bon fonctionnement de l'entreprise et proportionnelles au but recherché, deux éléments issus de la jurisprudence « Baby-Loup ». On ne peut donc affirmer, d'un côté, que la jurisprudence vaut protection, et, de l'autre, se déclarer défavorable à un article qui s'inspire de cette même jurisprudence.

J'ai transmis ce texte à tous les partenaires sociaux que nous avons auditionnés hier. Représentants des organisations syndicales comme des organisations patronales m'ont tous dit qu'ils y étaient favorables, à la condition de supprimer la référence à l'accord d'entreprise. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement qui va en ce sens. Je suis néanmoins disposé à ce que nous retravaillions à la rédaction de l'article d'ici à la séance.

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Comme beaucoup de mes collègues, j'approuve la suppression de la référence à l'accord d'entreprise. Dans sa rédaction actuelle, l'article englobe les convictions non seulement religieuses, mais aussi politiques ou philosophiques, champs que nous ne voulions pas forcément voir pris en compte. Je remercie M. le rapporteur pour sa proposition de retravailler à une nouvelle rédaction d'ici à la séance.

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Que l'on soit ou non favorable à l'article, il apparaît nécessaire d'adopter l'amendement du rapporteur qui vient corriger une erreur juridique. Le règlement intérieur est un acte unilatéral de l'employeur, il ne peut être pris en compte dans un accord d'entreprise. Nous pourrions certes nous interroger sur la nature du règlement intérieur, mais ce n'est pas l'objet de nos débats.

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Je voterai l'amendement du rapporteur, car le règlement intérieur est en effet un acte unilatéral, sur lequel on ne peut revenir.

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Un dernier mot pour féliciter le rapporteur d'avoir évolué depuis la première lecture à l'occasion de laquelle il déclarait : « En levant une insécurité juridique par le biais de l'outil le plus faible dans l'échelle normative, nous prendrions un risque considérable. »

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Je n'exclus toujours pas que le Conseil constitutionnel puisse considérer que, faute de préciser ce que recouvre la neutralité, cette rédaction porte atteinte à la liberté d'opinion.

Par ailleurs, je ne pouvais pas ignorer la nouvelle rédaction du Sénat. J'aurais pu, comme le suggérait Gérard Sebaoun, proposer la suppression pure et simple de l'article, mais j'ai estimé qu'elle risquait de relancer un débat nauséabond. J'ai préféré supprimer la référence à l'accord d'entreprise, mais je me tiens à votre disposition pour retravailler sur cet article.

L'amendement AS199 est retiré.

La Commission adopte l'amendement AS15 du rapporteur.

Puis elle adopte l'article 1er bis A modifié.

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CHAPITRE IER BIS Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes

Article 1er bis : Alignement du régime probatoire du harcèlement sexuel sur celui prévu pour les discriminations

La Commission examine les amendements identiques AS16 du rapporteur et AS63 de Mme Catherine Coutelle.

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Cet amendement vise à revenir à la rédaction de l'article 1er bis adoptée par notre assemblée en première lecture. Il entend aligner le régime probatoire du harcèlement sur celui des discriminations et revient sur la distinction adoptée par le Sénat entre harcèlement sexuel et harcèlement moral.

Je profite de l'occasion pour évoquer un de nos amendements déclarés irrecevables pour des raisons de forme, car il portait article additionnel, ce qui n'est pas possible dans le cadre d'une nouvelle lecture. Il visait à aménager le régime de la preuve pour les agissements sexistes afin de fournir aux salariés des éléments concrets pour obtenir réparation.

La Commission adopte les amendements.

L'article 1er bis est ainsi rédigé.

Article 1er sexies : Agissements sexistes dans la fonction publique

La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS60 du rapporteur

Puis elle adopte l'article 1er sexies modifié.

CHAPITRE II Une nouvelle architecture des règles en matière de durée du travail et de congés

Article 2 : Nouvelle articulation des normes en matière de durée du travail, de repos et de congés payés

La Commission examine les amendements identiques AS78 de Mme Jacqueline Fraysse et AS194 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

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L'article 2 pose problème aux syndicalistes, à la société civile et aux députés que nous sommes. Il est révélateur de la philosophie de ce projet de loi qui, malgré tous les échanges qui ont eu lieu, reste contesté. En réécrivant toute la partie du code du travail relative à la durée du travail, à l'aménagement du temps de travail, aux repos et congés payés, il a mis en place une architecture à trois niveaux qui étend la primauté de l'accord d'entreprise par rapport à l'accord de branche et à la loi.

Pour les salariés, cette décentralisation de la négociation collective au niveau de l'entreprise combinée à une remise en cause du principe de faveur se traduira inévitablement par un recul des protections garanties actuellement par la loi. C'est ce qui motive la mobilisation massive et durable contre ce texte depuis quatre mois.

Pensons, par exemple, à la liberté laissée aux accords d'entreprise de fixer le niveau de majoration des heures supplémentaires avec un plancher fixé à 10 %, sans tenir compte de l'accord de branche, ou encore à la modulation du temps de travail, désormais possible sur trois ans au lieu d'une année actuellement. Notre droit du travail est déjà largement flexible. Nous regrettons profondément cet acharnement à le flexibiliser encore, au détriment des salariés.

Le Sénat a rendu cette rédaction pire encore en supprimant la notion de durée légale de travail hebdomadaire pour lui substituer celle de durée de référence déterminée par accord d'entreprise ou, à défaut, de branche, ce qui revient à remettre en cause les 35 heures. En outre, il a assoupli les règles en matière d'aménagement du temps de travail et de forfait jour pour les entreprises de cinquante salariés. En matière de temps partiel, il a supprimé le plancher de 24 heures actuellement imposé par loi et a introduit la possibilité que la durée minimale à temps partiel soit définie par accord d'entreprise.

Cet article 2 ouvre la possibilité d'excès inacceptables, qui seraient source d'autant de reculs sociaux. C'est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression.

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L'amendement AS194 vise à supprimer les modifications régressives apportées par la droite au Sénat, notamment sur la question de la durée légale du travail ou de la dérogation au principe de la durée minimale de 24 heures, avec toutes les conséquences qu'elles impliquent pour l'emploi des femmes, comme l'a souligné Catherine Coutelle.

En outre, il entend revenir sur la nouvelle architecture du code du travail sur le sujet essentiel de la durée et de l'organisation du travail, qui, aux yeux des signataires de cet amendement, est porteuse de dangers et de régressions pour les salariés.

Le débat ne doit pas être caricaturé et réduit à une opposition entre ceux qui seraient pour et ceux qui seraient contre l'accord d'entreprise. Tout le monde reconnaît que, dans certains cas, les accords d'entreprise peuvent être porteurs d'avancées en matière de conditions de travail des salariés. La question est de savoir comment ces accords doivent être encadrés et sur quels sujets ils peuvent porter.

Nous nous opposons à la rédaction actuelle de cet article, qui permet de faire primer l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, autrement dit de soumettre le salarié à un accord d'entreprise moins favorable sur des sujets aussi essentiels que le taux de rémunération des heures supplémentaires ou la modulation du temps de travail. Il nous paraît de nature à créer un risque de dumping social entre les entreprises d'une même branche et pourrait se traduire par une perte de pouvoir d'achat pour les salariés.

On nous oppose le fait que, pour être valide, l'accord d'entreprise devra être majoritaire. Toutefois, cette condition est affaiblie par la possibilité de consulter directement les salariés, prévue à l'article 10, et elle ne nous paraît pas constituer un contrepoids suffisant par rapport aux pressions qui pourraient s'exercer lors de la négociation.

Enfin, à travers plusieurs dispositions, cet article vise à encourager l'augmentation du temps de travail, ce qui va, historiquement et politiquement, à contresens de ce que nous devrions faire pour lutter efficacement contre le chômage.

Je sais que des amendements à l'article 13 viendront renforcer les accords de branche. Si nous nous réjouissons tous que leur rôle ait davantage été pris en compte, nous continuons de redouter les conséquences qu'aura l'article 2 pour les salariés.

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Sur ce débat assez complexe, il faut prendre garde aux inexactitudes. Je le dis à Fanélie Carrey-Conte qui vient d'expliquer que l'article 2 aboutira à une augmentation du temps de travail, alors que les 35 heures font partie des éléments qui ne peuvent être remis en cause par des accords d'entreprise.

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Je n'ai parlé que d'un encouragement à l'augmentation du temps de travail !

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Les deux amendements de suppression reposent sur le même postulat : par principe, l'accord d'entreprise est considéré comme étant plus défavorable que l'accord de branche. C'est entrer dans la discussion en voyant avant tout les risques et non pas les bénéfices. Je peux comprendre ces arguments, car depuis le début de nos débats, vous m'accorderez que je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que les dispositions de cette loi sont exemptes de risques. C'est ce qui m'a amené à dialoguer intensément avec le Gouvernement pour que le rôle de la branche ne soit pas mésestimé, voire qu'il soit renforcé – nous y reviendrons à l'article 13.

Je rappellerai que treize branches professionnelles ont autorisé des accords d'entreprise moins favorables que les accords de branche. Dans aucune de ces branches n'ont été observés des comportements de dumping social tels que vous les redoutez.

Il importe de revenir aux fondamentaux de notre réflexion : faut-il considérer que dans notre droit conventionnel figurent des éléments qui ne peuvent faire l'objet d'un accord d'entreprise plus défavorable qu'un accord de branche ? Faut-il au contraire considérer qu'il y a des éléments pour lesquels la proximité propre à l'accord d'entreprise apporte une plus-value, en ce qu'elle permet de mieux prendre en compte la réalité des conditions de travail des salariés ? C'est sur cette dernière approche que repose l'article 2, dont vous avez raison de dire qu'il est central dans le projet de loi.

Dans le cadre des auditions hier, certains représentants syndicaux ont expliqué que le temps d'habillage et de déshabillage relevait de l'accord de branche. Il me semblerait beaucoup plus pertinent qu'il relève de l'accord d'entreprise.

J'ai participé à suffisamment de réunions à travers la France pour connaître les craintes qui s'expriment : syndicats maison, pressions au moment de la négociation… Mais pourquoi ne pas faire confiance aux partenaires sociaux, en particulier aux organisations syndicales, s'ils considèrent qu'un accord d'entreprise peut constituer une bonne réponse à des problématiques spécifiques ? Rappelons qu'il s'agira d'accords majoritaires, qui devront être signés par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés – et non plus 30 % comme avant.

Certains redoutent que les modifications concernant l'organisation du temps de travail se propagent à d'autres secteurs du code du travail. C'est une inquiétude légitime, que nous avons prise en compte à l'article 13.

Cessons toutefois de concevoir la loi en fonction des risques qu'elle pourrait comporter : pensons plutôt aux opportunités qu'elle offre.

À entendre certains d'entre vous, on pourrait croire qu'il n'y a point de salut hors des branches. Pourtant, si elles paraient tous les risques, cela se saurait ! Prenons le sujet de la pénibilité que je connais bien pour avoir rédigé un rapport sur le compte personnel de pénibilité. Sans parler de la position scandaleuse d'un certain dirigeant d'organisation patronale qui refuse l'application de la loi, je peux vous dire qu'une bonne partie des branches sont totalement incapables de définir un référentiel et a fortiori un accord type de branche.

Oui, il est légitime d'avoir des craintes ; oui, il est légitime de chercher à savoir comment les lever. Pour autant, on ne saurait accepter des amendements de suppression qui interdisent purement et simplement aux partenaires sociaux de choisir l'accord d'entreprise.

Il faut savoir en quoi il peut être considéré comme favorable ou défavorable.

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Le problème, c'est que vos démonstrations ne retiennent qu'un seul élément de comparaison : les heures supplémentaires. Or l'accord d'entreprise porte sur une multiplicité d'éléments. Si les treize branches ont autorisé des accords d'entreprise dérogatoires, c'est que les partenaires sociaux ont considéré que l'équilibre général de ces accords les rendait acceptables.

Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Au lieu de s'interdire tout changement sous prétexte qu'il y aurait des risques, je préfère que nous avancions en essayant de limiter les risques potentiels.

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Nous n'avons pas d'a priori, monsieur le rapporteur. Je ne remets pas en question le fait que des accords d'entreprise peuvent être utiles, et même plus favorables. Comme vous tous, je prends en compte les observations de ceux qui ont l'habitude de négocier. Dans le contexte actuel de haut niveau de chômage, les actifs souffrent de difficultés pour trouver un emploi, pour le conserver, pour obtenir un salaire décent, pour travailler un nombre d'heures suffisant. Or, c'est un fait objectif, plus l'entreprise est petite, plus le rapport de force est défavorable aux salariés. Et les modifications du Sénat viennent renforcer notre légitime préoccupation.

Je pose la question au rapporteur et au Gouvernement : pourquoi tenez-vous tant à cet article qui inquiète profondément les salariés et les syndicats ? Demandez-vous pourquoi le patronat et la droite y sont si attachés !

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Madame Fraysse, vous ne pouvez pas généraliser ainsi. Certaines organisations représentatives des salariés, et pas des moindres, défendent les accords d'entreprise. Convenez avec moi que, dans le monde salarié, il existe deux visions différentes liées à deux pratiques différentes. N'oubliez pas qu'il existe une pratique qui privilégie le dialogue permanent et le compromis : elle repose sur la recherche d'équilibres, lesquels ne sont pas toujours liés à des rapports de force. Dans les entreprises de moyenne ou petite taille, ce n'est pas toujours le rapport de force qui prévaut. Il prévaut encore moins dans les grandes entreprises où les organisations syndicales maîtrisent très bien les accords d'entreprise. Le rapport de force peut même être inverse et c'est alors la direction qui tremble – nous en avons vu des exemples encore récemment.

Les écologistes que nous sommes défendent la logique de l'accord d'entreprise, prenant la référence de l'économie sociale.

Je ne suis pas dupe, je sais bien qu'un employeur peut se comporter de mauvaise manière. Reste que, dans le dialogue social, de larges pans de discussion sont ouverts sur le terrain entre l'entrepreneur et les salariés pour essayer de trouver un juste équilibre, en fonction des réalités de l'entreprise.

Plutôt que de se faire peur dès le départ, mesurons les possibilités ouvertes par les accords d'entreprise. Rappelons qu'il s'agira d'accords majoritaires, que les petites entreprises pourront s'appuyer sur des accords types de branche, si elles ne peuvent consacrer de temps à la négociation. Faisons-nous violence et abandonnons cet automatisme qui veut que les discussions sur l'organisation du temps de travail reposent forcément sur des rapports de force. Nous pourrons toujours mettre en place des garde-fous pour limiter les risques potentiels – je pense notamment aux pressions exercées sur les salariés ou les distorsions de concurrence à l'intérieur d'une même branche.

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Je trouve intéressante la vision du rapporteur qui met en balance risques et opportunités. Mon angle d'approche n'est pas celui-ci. Quand il s'agit de modifier le code du travail, je considère que le législateur doit avant tout se préoccuper de la protection des plus fragiles. Si l'article 2 pose problème, c'est que certains salariés pourraient être victimes des nouvelles dispositions qu'il comporte.

Par ailleurs, s'agissant du temps de travail, je sais bien que la durée légale n'est pas en cause. Je dis simplement que faciliter la diminution du taux de rémunération des heures supplémentaires, c'est encourager à y recourir. Cela va à l'encontre de la suppression de l'exonération des heures supplémentaires que nous avons votée en 2012.

En outre, je n'idéalise nullement le rôle des branches. J'estime simplement qu'elles jouent un rôle majeur de régulation, car elles contribuent à lutter contre la concurrence entre les entreprises et les tentatives de dumping social. Nous sommes d'ailleurs peut-être passés à côté d'un débat sur le rapport entre les accords d'entreprise et la loi, qui est au coeur de nos préoccupations au même titre que le rapport entre les accords d'entreprise et les accords de branche.

Je terminerai par les heures supplémentaires. Lors de sa première audition devant notre commission, la ministre du travail a indiqué que, parmi les cinquante branches les plus importantes – celles qui font l'objet d'un suivi dans le cadre du pacte de responsabilité –, il n'y en avait que cinq qui avaient autorisé un accord d'entreprise où le taux de rémunération est inférieur à celui de la branche. Les quarante-cinq autres ont considéré que le verrouillage par la branche était une bonne chose. Je ne comprends pas pourquoi nous n'en restons pas à la situation actuelle.

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Je suis désolé de m'inviter dans un débat entre les gauches…

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Pas du tout : c'est un débat de société !

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Il eût été plus correct que nous débattions simultanément des articles 2 et 13. Traiter de l'un sans parler de l'autre n'a pas de sens.

L'article 13 comporte des éléments intéressants que le Gouvernement et la majorité ont concédés aux partenaires sociaux. Ainsi, en ce qui concerne la pénibilité et l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, les accords qu'elles passeront primeront sur les accords d'entreprise. Des amendements du Gouvernement et du rapporteur obligeront les organisations professionnelles et syndicales à engager des négociations pour déterminer, branche par branche, les thèmes pour lesquels les accords d'entreprise ne pourront pas être moins favorables que les accords conclus au niveau de la branche – à l'exception des sujets pour lesquels la loi prévoit une primauté de l'accord d'entreprise.

Il semble évident que nous ne pouvons nous prononcer qu'à la lumière des amendements déposés conjointement par le Gouvernement et le rapporteur à l'article 13.

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On a l'impression que, dans ces murs ou dans la rue, on s'exprime davantage à partir de « représentations » qu'en se fondant sur ce qui se passe réellement dans les entreprises. Avez-vous déjà demandé à des citoyens, dans la rue, s'ils savaient ce qu'était une branche et à quoi elle servait ? Avez-vous demandé à des salariés s'ils connaissaient le contenu de l'accord de la branche dont ils dépendent ? Je vous demande de le faire : vous serez assez étonnés des réponses que vous entendrez.

Aujourd'hui, il y a une véritable fixation sur les accords de branche, alors que nous savons très bien que la branche ne protège plus comme elle aurait pu le faire. Le législateur n'a-t-il pas l'obligation d'améliorer cette protection, sans oublier que les protections peuvent engendrer de l'exclusion ?

Lorsqu'il est question des salariés, on sait tout de même davantage de quoi on parle lorsque l'on se trouve au niveau de leur entreprise plutôt qu'à un niveau de centralisation qui n'est plus de mise : grâce à l'accord d'entreprise, certains sujets peuvent être discutés efficacement. Par ailleurs, jamais le texte ne dit que les accords de branche doivent disparaître, même s'ils sont aujourd'hui tellement obsolètes que tout le monde convient qu'il faut les restructurer. Je vous en prie : prenez la réalité en compte !

S'agissant des petites entreprises, dès lors que sont prévus des accords types de branche, et qu'un mandatement est exigé, que l'on ne vienne pas nous dire qu'elles sont sacrifiées dans un projet de loi, et que nous laisserions le chef d'entreprise faire tout ce qu'il veut ! C'est faux et archifaux !

Certains de nos points de vue semblent ne pas pouvoir se rapprocher : votons donc ce qui figure vraiment dans le texte !

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Madame Carrey-Conte, les « plus fragiles » dont vous parlez ne sont pas forcément ceux que l'on entend. Ils ne se donnent même pas le droit de grève, et ils ne parlent pas d'« accord » : dans les très petites entreprises, on dit qu'« on s'est arrangé ». Le salarié de la très petite entreprise est dans une grande solitude face à son employeur, qui est lui-même plongé dans une solitude tout aussi grande. Dans ces entreprises, le salarié est véritablement fragilisé : il n'y a ni CHSCT ni délégué du personnel, et les centrales syndicales ont malheureusement déserté le monde de la très petite entreprise.

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Les très fragiles, aujourd'hui, nous ne les entendons pas. Dans une des réunions publiques à laquelle je participais, une seule personne a osé se lever pour dire, sous le regard goguenard des syndicalistes, qu'elle ne savait pas ce qu'était la hiérarchie des normes.

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Les plus fragiles sont ceux qui se trouvent à l'extérieur de l'entreprise.

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Le pire des dumpings sociaux, c'est effectivement de ne pas avoir de travail du tout !

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C'est cela, la première des inégalités, et c'est la vraie vie. Je suis consterné que l'on puisse, à l'occasion de l'examen de cet article, opposer les accords de branche et les accords d'entreprise. Ils sont complémentaires, et ils ont chacun leur utilité. Pourquoi ne pas accepter qu'un accord d'entreprise puisse être favorable aux salariés et au développement de l'entreprise ? La loi Fillon de 2004 et la loi Bertrand de 2008 comportaient déjà des éléments favorables à l'accord d'entreprise ; cela n'a pas bouleversé la hiérarchie des normes.

L'article 2 reconnaît l'importance de l'accord d'entreprise, mais l'article 13 pose des limites en matière de négociation d'entreprise. Ils auraient dû être abordés ensemble, car ils sont complémentaires. Ils reviennent en quelque sorte à créer un ordre public conventionnel qui n'est pas totalement compatible, si l'on y regarde de plus près, avec l'article 1er que vous venez d'adopter. Nous sommes en effet dans un dispositif de nature conventionnel, alors que la négociation doit se faire à droit constant. Cela pose un problème.

Même si j'estime qu'il pourrait être amendé, l'article 2 me paraît nécessaire pour l'économie française et pour les salariés. Il permettra de développer l'emploi.

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L'article 2 ne pose pas seulement la question du rapport de la branche à l'entreprise, mais aussi celle de la place de la loi. Nous accordons une plus grande place à la négociation collective avec ce triptyque : dispositions d'ordre public, champ de la négociation collective et dispositions supplétives en l'absence d'accord. Il s'agit tout de même d'une façon assez nouvelle de présenter le droit du travail. Dès lors que l'on restreint le caractère a priori d'ordre public des règles légales en matière de droit du travail, une inquiétude se fait jour.

J'entends bien que l'activité des branches ne donne pas entièrement satisfaction. Une bonne cinquantaine d'entre elles fonctionnent remarquablement bien…

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Nous en sommes à la troisième loi qui traite des branches, après la loi Sapin et la loi Rebsamen. Si nous nous attachons à nous doter d'outils qui rendent progressivement ces branches plus solides, c'est bien que nous considérons qu'elles sont importantes. Elles le sont parce que l'une des fonctions de la négociation de branche consiste à éviter que l'ajustement concurrentiel des entreprises n'ait lieu par les conditions de salaire et de travail. Cette fonction ne peut évidemment exister au niveau de l'entreprise. Les branches ne sont pas la panacée, mais elles sont le niveau minimal pour que la concurrence ne se joue pas sur le dumping social.

Nous n'opposons pas les accords d'entreprise et les accords de branche – la gauche est assez fière d'avoir permis le développement des premiers avec les lois Auroux –, mais il faut s'intéresser à la nature du rapport entre les uns et les autres. On semble dire que la branche phagocyterait ou paralyserait la possibilité de passer des accords d'entreprise. Ce n'est pas le cas ! Il faut se reporter à la règle en vigueur fixée par la loi Fillon du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. On la retrouve dans l'article L. 2253-3 du code du travail. De manière inhabituelle, le deuxième alinéa de l'article fixe la règle, alors que le premier énonce l'exception. Le premier alinéa est ainsi rédigé : « Dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement. » Le principe de la dérogation est donc posé. L'article acte la fin du principe de faveur dans les rapports entre la branche et l'entreprise en apportant toutefois une double modulation. Il est en effet indiqué que la convention ou l'accord de branche peut en avoir disposé autrement. En clair, les partenaires sociaux peuvent définir dès aujourd'hui un ordre public de branche, ce que Jean-Denis Combrexelle a appelé « un ordre public conventionnel ».

Le premier alinéa de l'article prévoit quatre domaines pour lesquels, d'ordre public, les accords d'entreprise ne peuvent pas déroger aux accords de branches : salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires du code de la sécurité sociale et mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

On nous répète qu'il faut faire confiance aux partenaires sociaux, mais l'article 2, tel qu'il est conçu, est un peu paradoxalement l'expression d'une forme de défiance à leur égard lorsqu'ils négocient au niveau de la branche, et d'une préférence pour la discussion au niveau de l'entreprise. Je comprends bien que la gestion du temps de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise, mais pourquoi interdirait-on aux partenaires sociaux de définir un ordre public de branche ? C'est d'autant plus paradoxal que, à l'article 13, l'amendement AS359 du Gouvernement invite les branches à définir l'ordre public conventionnel, ce qui leur est refusé sur la question du temps de travail. Je ne comprends pas cette logique.

La logique actuelle donne une souplesse incroyable. Le principe est posé de la possibilité d'une dérogation. L'exception, c'est l'ordre public qui ne peut exister que si les partenaires sociaux se sont mis d'accord.

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Pourquoi empêcherait-on que cela fonctionne en matière de durée du travail ?

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Si l'on écoute les propos didactiques de Denys Robiliard, il faudrait ne rien changer, et la hiérarchie des normes donnerait satisfaction à tous. Pour ma part, j'entends les syndicats s'exprimer depuis des années, même si je reconnais que, de notre côté de l'hémicycle, nous avons longtemps défendu le statu quo. Cependant, certains syndicats se sont déclarés satisfaits du texte dont nous sommes saisis. Le secrétaire général de la CFDT a même affirmé que le sujet ne méritait pas l'hystérie qu'il suscite et qu'il ne s'agissait que d'une évolution. La CGT reste fortement opposée au texte. Cela constitue un vrai problème puisque la CFDT et la CGT sont les deux premiers syndicats du pays, avec lesquels nous avons souvent des relations privilégiées, et qu'elles sont en totale opposition – opposition sans doute encore plus violente que celle qui nous divise. De nombreux autres syndicats constatent que le texte comporte des avancés.

Évitons d'hystériser la situation ! S'agissant de la durée du travail, nous allons vers des accords d'entreprise à plus de 50 %. Est-ce une révolution ? Oui, c'est un début d'inversion des normes, incontestablement. Nous entrouvrons une porte. J'ajoute que, dans le projet gouvernemental, on trouve la volonté de réduire le nombre de branches et d'assurer une plus grande lisibilité.

Il aurait été utile que nous examinions l'article 13 en même temps que l'article 2, même si je ne suis pas certain que cela nous aurait permis de nous mettre tous d'accord. Les compromis sont difficiles. Le texte tel qu'il nous revient du Sénat nous le montre, tout comme les rapports entre les syndicats. Dans ce contexte, on ne peut pas demander à l'Assemblée nationale de faire des miracles. Nous pouvons cependant nous permettre une ouverture à l'article 2 qui trouvera sa conclusion dans l'examen de l'article 13 – le rapporteur pourrait nous dire dès maintenant quelques mots à son sujet.

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Je ne sais pas si notre travail est utile, puisque le Président de la République a affirmé que, quoi qu'il arrive, cette loi serait votée et promulguée, et que, si nous ne nous entendions pas au Parlement, le Gouvernement appliquerait l'article 49, alinéa 3.

Je suis ravie d'avoir entendu Monique Iborra faire la promotion des accords d'entreprise. Je suis élue depuis 2012, et je n'ai pas vraiment entendu ce genre de propos lorsque nous avons débattu de la loi relative à la sécurisation de l'emploi. C'est au cours des débats sur ce dernier texte, en 2013, que, pour la première fois, j'ai entendu Jean-Marc Germain parler de la hiérarchie des normes. Il expliquait, à l'époque, que la gauche était absolument attachée à ce principe. En quatre ans, on peut dire qu'il y a eu du progrès. Je me félicite d'entendre aujourd'hui qu'un accord d'entreprise pourrait primer, et qu'il pourrait être plus favorable aux salariés, comme l'a indiqué M. le rapporteur.

On peut comprendre les vifs mouvements – le mot d'hystérie a été prononcé – dont nous sommes témoins : certains ont le sentiment d'avoir été trahis, tant sur le fond – ce que contient ce texte n'est pas ce que la gauche défend depuis des années –, que sur la forme, avec la mise en oeuvre du « 49-3 » en première lecture.

Le paradoxe, c'est que tout le monde parle de la loi travail, mais que plus de 50 % des Français s'estiment mal informés, même s'ils y sont opposés à 67 %. Lorsque l'on analyse l'étude réalisée par un institut spécialisé pour La Chaîne parlementaire, on constate que les Français souhaitent préserver leurs droits – c'est pourquoi il aurait été intéressant d'insérer dans l'article 1er les droits et devoirs fondamentaux à inscrire dans le code du travail –, et qu'ils sont attachés à la rémunération des heures de travail, d'où le débat sur le paiement des heures supplémentaires. Je ne vous rejoins pas sur les heures supplémentaires défiscalisées, car ce dispositif avait donné du pouvoir d'achat supplémentaire à 9 millions de salariés. En Bretagne, pour l'industrie et les transports, cela avait été une véritable avancée sociale.

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Il en a coûté 4,5 milliards d'euros pour subventionner le chômage ! Un véritable désastre social !

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Les Français sont aussi pleins de bon sens : ils reconnaissent que les accords d'entreprise peuvent primer. Permettez-moi de lire deux réponses spontanées à des questions ouvertes posées dans le cadre de la même étude : « Chaque entreprise est un cas particulier et les mesures qui conviennent pour les uns ne sont pas valables pour les autres. » « Chaque entreprise est différente, même dans un secteur identique. Donc je pense que cela doit se faire au cas par cas. » L'idée fait son chemin, et je remercie les députés de la majorité de nous aider dans cette voie.

Les choses progressent, même si l'on rencontre encore des résistances – mais, je le répète, elles viennent d'abord du fait que tout cela ne correspond pas à ce que François Hollande avait promis avant d'être élu Président de la République. Lorsque l'on entend ce qu'il déclare aujourd'hui, je comprends que la rue puisse s'exprimer, et que certaines organisations syndicales, qui ont appelé à voter pour lui, soient aujourd'hui révoltées.

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Mme Iborra avait raison : madame Le Callennec, vous êtes en campagne électorale ! Enfin, si vous avez soutenu le projet de loi dans des réunions publiques, je tiens à vous en remercier !

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J'ai été très honnête lors des réunions publiques : j'ai expliqué aux gens ce qu'il y avait dans le projet de loi en leur disant ce qui faisait dissensus et ce qui faisait consensus. J'avais invité des organisations patronales et des organisations de salariés. Mais, c'était pour la première lecture.

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Les choses se jouent autour de cet article 2.

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Beaucoup se joue sur cet article, et il est dommage que la ministre ne soit pas présente. Elle nous expliquera à l'article 13 ce qu'il fallait en comprendre.

Nous affrontons en effet deux difficultés, pour ne pas dire deux embrouilles. Tout le monde est d'accord pour développer la négociation collective, voire un ordre social conventionnel, puisque le Gouvernement a repris cette idée. On peut considérer qu'il fallait laisser à la négociation collective le soin de définir le niveau pertinent de discussion de chaque sujet. Le terme de « subsidiarité » me semble mieux définir cette approche que celui de « décentralisation » qu'utilise le Premier ministre. Nous souhaitons qu'au sein de chaque branche, entreprises et syndicats négocient pour définir les thèmes sur lesquels un accord d'entreprise ne pourra pas déroger à l'accord de branche. C'est la position claire que la ministre a soutenue hier, et que l'on retrouve à l'article 13. Le problème, c'est qu'à l'article 2 l'État annonce que, pour une série de sujets donnée, la discussion relève de l'entreprise.

Dans l'esprit du rapport Combrexelle, je suis partisan d'un ordre conventionnel au-delà de l'ordre public, mais l'article 2 n'est pas du tout dans cet esprit, puisqu'il annonce que, sur certains sujets, l'accord d'entreprise s'impose. C'est pour cela que les choses bloquent.

Il y a, de plus, une embrouille dans l'embrouille : si l'on fait tout cela, c'est pour pouvoir calculer le montant des heures supplémentaires entreprise par entreprise. Je veux bien changer de position si l'on modifie cet aspect, mais je crains que le texte n'ait été fait pour cela. C'est tout simplement que, dans la situation actuelle, il n'y a pas de gouvernement économique de l'euro. Autrefois, on jouait sur les dévaluations ; aujourd'hui, la seule marge de manoeuvre qu'il nous reste, ce sont le temps de travail et les heures supplémentaires.

Je suis favorable à la multiplication des accords d'entreprise, à condition que l'ordre social conventionnel soit organisé, mais nous ne pouvons pas laisser la négociation sur les heures supplémentaires s'effectuer au niveau de l'entreprise. L'intervention de l'État en la matière a un côté idéologique : une partie du camp des sociaux-démocrates ne peut pas se retrouver là-dedans. Nous sommes favorables à une véritable organisation de la négociation collective, qui, dans ce qui nous est proposé, apparaît déformée.

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L'argumentation de Jean-Patrick Gilles pèche par défaut de logique. On ne peut pas affirmer que l'ordre public doit dire ce qui relève de la loi, et vouloir ensuite que l'ordre social définisse ce qui relève de la branche. Avec l'article 2, on considère par la loi que l'organisation du temps de travail est d'ordre public. On peut ne pas être d'accord avec cela, mais c'est ce qui est proposé. À l'article 13, il est prévu de transférer à la branche le choix entre ce qui relève d'elle ou de l'entreprise, sauf quand la loi aura considéré qu'il en est autrement, ce que fait l'article 2 du texte. L'architecture proposée par le rapport Combrexelle est donc parfaitement respectée dans cette organisation.

Il est en revanche possible d'être en désaccord avec le fait que l'article 2 renvoie à la loi pour faire le partage entre l'ordre de la branche et celui de l'entreprise s'agissant de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Dans un développement que je qualifierai presque de théorique, Denys Robiliard affirme que, depuis 2004, il existe une possibilité de dérogation au niveau de la branche. Certes, mais le problème, c'est que cette dérogation ne joue pas. Il y a un blocage.

Aujourd'hui, il y a deux façons d'aborder les choses. Celle de nos collègues du Sénat et de l'opposition qui considèrent que c'est open bar sur tous les sujets, et celle que suggèrent le Gouvernement et la majorité qui distinguent entre l'ordre public conventionnel, pour lequel la branche définira ce qui relève d'elle ou de l'entreprise, et l'ordre public légal qui indique que, sur certains sujets, il est possible de passer directement des accords d'entreprise.

Si je reviens à l'article 2, qui, je le rappelle, traite de l'organisation du temps de travail à l'intérieur de l'entreprise, la question est de savoir s'il s'agit d'un élément si déterminant qu'il doive impérativement faire l'objet d'un arbitrage au niveau de la branche. Pour ma part, je ne le crois pas.

La seule question qui se pose – et qu'a d'ailleurs soulevée Jean-Patrick Gille – est celle des heures supplémentaires. Mais, comme je le soulignais tout à l'heure, la possibilité existe déjà dans d'autres branches ayant autorisé la signature d'accords d'entreprise plus défavorables sur cette seule question. Or cela n'a pas donné lieu au dumping social, comme le craignaient certains. Il faut donc essayer de tenir compte de la réalité des entreprises au lieu de se contenter d'éléments d'analyse globaux.

Enfin, la protection des plus fragiles, évoquée par Fanélie Carrey-Conte, consiste aussi à faire en sorte que nos entreprises soient en mesure d'affronter la concurrence qui existe bel et bien, qu'on le veuille ou non. Nous n'allons tout de même pas revenir à la vision corsetée du marché qui a conduit un nombre non négligeable de nos concitoyens à se retrouver sans emploi. Je ne suis pas pour le tout libéral, tant s'en faut. Mais permettre aux entreprises de s'adapter, soit pour préserver des emplois, soit pour en conquérir de nouveaux, soit pour grandir, ne me paraît pas aller à l'encontre de l'objectif de protection des plus fragiles. Imaginer que les salariés seraient protégés parce que les règles seraient définies par un accord de branche est une illusion de l'esprit. Veillons à adopter une approche réaliste et non pas théorique.

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Je voudrais saluer l'honnêteté intellectuelle de Jean-Patrick Gille et la pertinence de sa démonstration. Je disais que la ministre était absente : il aurait pu assumer cette fonction dans un gouvernement qui se veut social-libéral. Je dénoncerai moi aussi une double embrouille. Le Gouvernement affirme que nos concitoyens ne comprennent pas ce texte : rassurez-vous, ils comprendront très vite que, demain, les heures supplémentaires ne seront pas payées autant qu'aujourd'hui. D'autre part, les amendements déposés par le Gouvernement et le rapporteur ne sont pas à droit constant, comme cela nous avait été annoncé : il s'agit de modifications substantielles du texte initial. Manifestement, en essayant de se rattraper au vu de la contestation syndicale, le Gouvernement sort des clous.

La Commission rejette les amendements AS78 et AS194.

Elle en vient à l'amendement AS4 de Mme Bernadette Laclais.

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Cet amendement vise à mettre notre législation en conformité avec un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 septembre 2015 afin de prendre en compte les déplacements initiaux et finaux dans le temps de travail des salariés soumis à un système de comptage horaire.

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J'émettrai le même avis défavorable qu'en première lecture. Bernadette Laclais propose d'étendre à l'ensemble des salariés une jurisprudence de la CJUE qui ne concerne que le secteur très spécifique du transport. Cela remettrait en cause les règles régissant le temps de déplacement professionnel, d'autant plus que la catégorie des salariés qui n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel est large et imprécise. Actuellement, seuls les VRP constituent une catégorie identifiée de salariés itinérants.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement AS286 du rapporteur.

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Il importe évidemment de prendre en compte les contraintes spécifiques pesant sur certains salariés handicapés lors des trajets quotidiens qu'ils effectuent entre leur domicile et leur lieu de travail. Mais la notion de pénibilité du trajet est d'ordre relativement subjectif et peut être source de contentieux, à l'inverse de celle de trajet majoré qui constitue un critère objectif.

La Commission adopte l'amendement.

Elle aborde l'amendement AS141 de M. Denys Robiliard.

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Je ne pense pas avoir une approche théorique de cette question, monsieur le rapporteur. Il me semble que, si les partenaires sociaux n'utilisent pas les outils qui leur sont donnés, c'est peut-être que ceux-ci ne leur conviennent pas ou qu'ils n'en ont pas besoin. Ce n'est pas à nous de les leur imposer.

Cet amendement vise à mettre sur un pied d'égalité les différents accords tout en conservant l'articulation actuelle qui donne davantage de liberté. La contradiction entre l'article 2, dans lequel le législateur impose une non-liberté, et l'article 13, qui rappelle que c'est à la branche de définir l'ordre public conventionnel, me paraît claire. Cet amendement ne remet pas en cause le fait qu'il faille organiser le temps de travail au plus près de la production, mais la branche connaît quand même son secteur d'activité et l'on peut présumer que les partenaires sociaux sont des personnes responsables auxquelles on peut faire confiance – comme le fait d'ailleurs le Gouvernement dans le projet de loi au niveau de l'entreprise. C'est au niveau de la branche que les partenaires sociaux, parce qu'ils ont la visibilité nécessaire, peuvent définir s'il y a matière à ordre public conventionnel. Je ne vois pas pourquoi, en matière de temps de travail et d'organisation, la branche serait dans l'incapacité de définir un ordre public conventionnel.

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J'émettrai un avis défavorable pour les raisons évoquées tout à l'heure. Monsieur Robiliard, je serai très vigilant quant aux formulations utilisées. Nous n'imposons rien aux partenaires sociaux : nous n'ouvrons de possibilité qu'en cas d'accord majoritaire.

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Le projet de loi impose bien le fait que les accords d'entreprise prennent le pas sur les accords de branche en matière d'organisation du temps de travail. Si cette question est sensible, c'est parce qu'on ne peut dissocier le temps de travail du salaire ni du travail nocturne et dominical. Pourquoi faire une exception à la règle générale qu'on défend par ailleurs ? Au nom de la souplesse, on rigidifie.

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Nous sommes au coeur de la difficulté. Le projet de loi entend favoriser la négociation collective et, dans le même temps, procède à un coup de force. Sans imposer que cette négociation ait lieu au niveau de l'entreprise, le projet de loi inverse quand même la hiérarchie des normes – contrairement à ce que n'a cessé de dire la ministre – en prévoyant que, s'il y a accord d'entreprise, il doit primer sur l'accord de branche. Nous estimons que ce n'est pas heureux sur les sujets en cause – que sont les modalités de dérogation à la durée maximale quotidienne du travail, le taux minimal de majoration des heures supplémentaires, les conditions de mise en oeuvre du travail de nuit, l'extension de la limite des heures complémentaires pouvant être accomplies par des salariés à temps partiel et les possibilités de dérogation à la durée minimale de repos quotidien des salariés. Je ne dis pas que nous y soyons opposés dans l'absolu. Mais il est des règles qui doivent d'abord remonter à la branche si possible, quitte à ce que celle-ci renvoie d'elle-même à l'entreprise le soin de conclure un accord sur tel ou tel sujet subalterne.

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Je voudrais dire mon désaccord avec la formulation de ces alinéas. Ce qui a motivé la création des branches professionnelles et des conventions collectives, c'est leur fonction de régulation économique sur un territoire donné. Évidemment, cette régulation économique ne s'entend pas sans référence aux salaires et à des coûts de production qui sont harmonisés. Si, comme notre collègue Robiliard vient de le dire, nous adoptons un alinéa pareil, j'ignore si nous courrons un risque de dumping, mais ce n'est pas seulement la capacité de la branche à organiser un secteur d'activité ou un territoire qui sera remise en cause, mais le fondement même de son activité et de sa mission. Les trois autres missions de la branche, que sont la négociation collective, le lobbying auprès des pouvoirs publics et les services aux adhérents, n'ont de sens que si la régulation économique est assurée dans une filière, un secteur d'activité ou sur un territoire donnés. N'étant pas membre de la Commission, je ne participerai pas au vote. Mais je voulais dire ici mon désaccord à l'égard de cette architecture générale.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS287 du rapporteur.

Elle étudie ensuite l'amendement AS83 de M. Gérard Sebaoun.

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Le texte prévoit que l'astreinte soit signifiée au salarié dans un délai raisonnable – notion qui me paraît extrêmement floue. L'astreinte ayant un effet important sur la vie de famille des individus, la règle actuelle qui prévoit un délai de quinze jours francs sauf circonstances exceptionnelles, est plus claire et plus sécurisante – à la fois pour les salariés et les employeurs. Il convient donc de la maintenir.

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La définition des délais relève de l'ordre supplétif. Or vous suggérez de faire relever ce délai précis de l'ordre public. Avis défavorable. Votre objectif est satisfait par l'architecture générale que nous avons choisie.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle est saisie de l'amendement AS142 de M. Denys Robiliard.

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Cet amendement porte sur les horaires dits d'équivalence, c'est-à-dire les horaires supérieurs à une durée légale ou conventionnelle et qui sont rémunérés sur une base inférieure. Nous touchons, je crois, à une matière exceptionnelle relevant autant d'un ordre public de direction que d'un ordre public de protection et appelant l'intervention de l'autorité politique. C'est pourquoi il me paraît nécessaire de conserver l'organisation actuelle qui prévoit une autorisation de cette pratique par décret plutôt que de confier aux seuls partenaires sociaux le soin de décider d'y recourir. Cette pratique est en régression. Souvenons-nous des règles qui existaient dans les cafés-hôtels-restaurants et de la façon dont les horaires d'équivalence ont fondu. Ils existent toujours dans les transports, mais ont été profondément réformés.

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Le texte ne supprime pas l'exigence d'une décision politique, mais, au lieu de relever du décret, l'extension sera effectuée par arrêté ministériel. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement AS288 du rapporteur.

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Si nous maintenions le texte du Sénat qui a supprimé la référence à la durée légale du travail, la durée applicable à défaut de durée conventionnelle serait désormais de 39 heures. Le travail accompli par le Sénat a fait apparaître entre nos deux assemblées des différences extraordinairement fortes en matière d'organisation du monde du travail. Je vous propose de revenir à une durée légale de 35 heures.

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Je suis évidemment favorable à cet amendement. Mais pourquoi avoir fait le choix de ne pas modifier l'alinéa 101 du projet de loi ?

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Vous prétendez, monsieur Richard, que les gens ont compris que les heures supplémentaires allaient être moins bien payées. C'est une erreur, puisque les accords d'entreprises devront être majoritaires. Mais les gens ont aussi bien compris que l'opposition voulait les faire travailler 39 heures sans leur payer d'heures supplémentaires entre 35 et 39 heures. D'ailleurs, certains sénateurs de votre formation politique ont cautionné ce choix.

La Commission adopte l'amendement.

Elle aborde l'amendement AS117 de Mme Maud Olivier.

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Cet amendement a déjà été rejeté en première lecture. Des dispositifs en vigueur permettent déjà d'assurer un suivi médical des femmes enceintes dans l'entreprise. Mais, surtout, la maternité soulève déjà des questions complexes en entreprise. Je crains que, si l'on renforce les règles applicables – même pour des raisons défendables –, ce ne soit préjudiciable à l'embauche des femmes. Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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Cet amendement présente l'intérêt de soulever une difficulté. On ne cesse de parler d'égalité et de citoyenneté. Or il y a une différence entre les femmes travaillant dans des entreprises où elles peuvent, dès les premiers mois de grossesse, obtenir un aménagement de leur durée de travail, et les autres. Cette question mériterait un travail plus approfondi, notamment l'élaboration d'une étude d'impact. Bien sûr, cet amendement créerait une charge pour les entreprises, mais c'est la présidente du groupe d'études sur la prématurité qui s'exprime ici : il existe de vraies différences de traitement de la maternité. Lorsque des enfants naissent prématurément, c'est très souvent parce que leur mère n'a pu bénéficier de conditions de travail optimales.

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Indépendamment du temps de travail, l'un des éléments à prendre compte chez les femmes enceintes est leur temps de trajet.

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C'est le caractère automatique de l'amendement que je déplore. Le dispositif s'appliquera même si la personne ne le souhaite pas. On peut quand même respecter l'avis de la femme enceinte. En cas de problème médical, certains dispositifs peuvent être mobilisés. Je crains qu'en rendant obligatoires les règles prévues par cet amendement on ne mette un frein à l'embauche des femmes.

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Prévoir l'application du dispositif à partir du troisième mois me semble un peu tôt. Ce n'est qu'à partir du cinquième mois que se situent les menaces d'accouchement prématuré.

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Catherine Coutelle nous manque à cet instant. Vous ne cessez de vouloir faire en sorte que l'égalité professionnelle entre hommes et femmes soit une réalité. Je n'ai pas dit que je voterais cet amendement. Mais il soulève une vraie question. Il prévoit certes une obligation, mais il y est aussi question de négociation collective de branche. Je suis donc étonnée de la réponse du rapporteur, qui considère que, si l'on commence à discuter des conditions de travail des femmes enceintes dans une entreprise, on leur fermera l'accès à l'emploi. Je caricature peut-être, mais je trouve dommage de balayer d'un revers de main la question du travail des femmes enceintes en entreprise alors qu'il y a, en la matière, des différences significatives entre les petites et les grosses entreprises et entre les différents secteurs d'activité.

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Je n'ai jamais nié le problème. Ce n'est pas la première fois que vous avez une propension à me faire dire ce que je ne dis pas. J'ai dit que certaines particularités justifiaient que les femmes enceintes fassent l'objet d'un suivi médical, en vertu de dispositifs existants, ou qu'elles bénéficient d'aménagements. Ce que je déplore ici, c'est le caractère obligatoire de l'amendement, y compris si la femme enceinte ne souhaite pas recourir à la mesure proposée. Je ne suis pas sûr qu'un tel dispositif renforce la liberté de choix des femmes.

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On oublie peut-être aussi le rôle de la médecine du travail, instance qui peut rendre un avis quant aux conditions de travail des femmes enceintes.

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Les arguments du rapporteur étant assez pertinents, je retire l'amendement. Peut-être sera-t-il retravaillé d'ici à la séance publique.

L'amendement est retiré.

La Commission est saisie de l'amendement AS143 de M. Denys Robiliard.

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L'autorité administrative n'est pas une autorité indépendante. Conserver à l'inspection du travail sa compétence en matière de dépassement de la limite horaire quotidienne de dix heures, c'est avoir l'assurance qu'une autorité indépendante prendra la décision d'autoriser des dérogations à cette limite.

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J'émets un avis favorable à cet amendement, sous réserve d'une rectification. Il conviendrait, dans un souci d'harmonisation, de viser plus spécifiquement les agents de contrôle de l'inspection du travail.

La Commission adopte l'amendement AS143 ainsi rectifié.

Puis elle en vient à l'amendement AS173 de M. Jean-Patrick Gille.

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Cet amendement concerne la limite horaire quotidienne qui est de dix heures dans la loi. Des accords peuvent la porter à douze heures, la question étant de savoir si un accord d'entreprise peut déroger à la loi ou s'il vaudrait mieux que les dérogations puissent être discutées branche par branche. Le risque de dumping social n'est pas avéré, mais, s'il l'était, le système que vous proposez ne permettrait plus d'assurer la régulation dont Jean-Frédéric Poisson parlait tout à l'heure, de sorte que, à terme, la branche tendrait à disparaître. Il ne s'agit pas de rapport de force entre la branche et l'entreprise. Donner aux entreprises la possibilité de déroger à la loi risque de faire que les conditions ne soient pas les mêmes dans les petites et les grosses entreprises, et donc d'affecter les conditions de la concurrence et la qualité des services. Dans le secteur de l'aide à domicile, par exemple, il risque d'y avoir rapidement des distorsions entre les grosses entreprises privées et les associations locales, alors que nous sommes heureux de disposer de ces dernières qui couvrent l'ensemble du territoire, y compris les zones rurales.

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Avis défavorable. Il ne s'agit pas d'une dérogation à la loi à partir de l'entreprise. C'est la loi qui autorisera, si elle est adoptée, la conclusion d'accords d'entreprise. Encore une fois, attention à la manière dont les choses sont formulées.

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En l'absence d'accord, les entreprises pourront déroger à la limite horaire quotidienne de dix heures. C'est donc bien l'accord d'entreprise qui permettra de déroger à la loi.

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Ces accords ne pourront être conclus que parce que la loi l'autorise. Il n'y aura donc pas dérogation à la loi.

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Ne confondons pas dérogation et illégalité.

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Je crois que vous visez deux choses différentes. Jean-Patrick Gille parle de la loi actuelle et notre rapporteur, du projet de loi qu'il nous propose d'adopter. Vous dites donc la même chose, à mon avis.

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Sans vouloir en rajouter, madame la présidente, je ne voudrais pas qu'on laisse penser que la possibilité de faire passer la durée maximale du travail quotidienne de dix à douze heures, aux termes d'un accord d'entreprise, va créer des distorsions de concurrence, comme le dit Jean-Patrick Gille. Dans les grandes entreprises, les partenaires sociaux sont rompus aux négociations et ils n'accepteront pas une augmentation de la durée du travail sans contreparties. Quant aux associations, elles pourront appliquer un éventuel accord type ou passer aussi par la négociation. Pour bien les connaître, je ne vois pas les employeurs associatifs faire pression sur leurs salariés pour obtenir absolument un accord. Même dans ce type de structures, un dialogue social réel peut et doit exister, afin de prendre en compte certaines réalités de l'association et des salariés eux-mêmes. Ne partons pas du principe que les petites structures vont pâtir de cette possibilité de nouer des accords d'entreprise.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement AS289 du rapporteur.

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Cet amendement vise à rétablir la consultation des instances représentatives du personnel sur le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail en cas de circonstances exceptionnelles, et dans la limite de soixante heures.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement AS290 du rapporteur.

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Cet amendement propose de rétablir la version votée par l'Assemblée nationale en matière de dépassement de la durée hebdomadaire de travail par voie d'accord. Alors que le Sénat avait proposé de porter à seize semaines la période de référence pour le calcul du dépassement de la durée de quarante-quatre heures de travail hebdomadaire dans la limite de quarante-six heures, il est proposé de revenir au droit existant qui, rappelons-le, repose sur une période de référence de douze semaines.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle examine l'amendement AS172 de M. Jean-Patrick Gille.

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Il s'agit encore de maintenir la hiérarchie des normes et sur un point central : la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires.

Comme j'ai la parole, j'en profite pour répondre à mon collègue Cavard sur le problème de la distorsion de concurrence. Que va-t-il se passer ? Les grandes entreprises pourront choisir de passer à une durée quotidienne de travail de douze heures et de payer les heures supplémentaires à un taux élevé, dans le cadre d'un accord d'entreprise. À l'inverse, la petite association restera à dix heures, incapable de suivre. C'est à partir de là que vont apparaître une distorsion de concurrence et une forme de dumping social.

Jusqu'à présent, les branches ont permis d'instaurer une régulation dans ce pays. Les branches professionnelles fixent le mode d'utilisation des heures supplémentaires et leur coût. Tel est le coeur de l'enjeu, pas davantage, mais ce n'est pas rien. Ma conviction profonde est que nous allons accroître la distorsion profonde entre les grosses entreprises, qui ont poussé à l'adoption de ce texte, et les petites. Or ce sont les petites entreprises qui créent de l'emploi. Les mesures que nous sommes en train de prendre sont, en plus, défavorables à l'emploi : elles vont déstabiliser notre économie. Un fossé a déjà tendance à se creuser entre les grands groupes, donneurs d'ordres des petites entreprises, et ces dernières. Nous allons accentuer la tendance en prenant des mesures qui ne sont pas favorables à l'emploi.

Je ne m'oppose pas aux accords d'entreprise, mais nous devons garder un système de régulation. Or nous sommes en train de le détruire.

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Dans votre démonstration, une chose me surprend : vous imaginez que la capacité d'une entreprise à répondre à des appels d'offres ne repose que sur sa gestion des heures supplémentaires. Si un accord d'entreprise venait à baisser la rémunération potentielle des heures supplémentaires, il comporterait forcément des contreparties. Pour quelles raisons une organisation syndicale, qui représente plus de 50 % des salariés, accepterait-elle un accord exclusivement fondé sur la baisse de la rémunération des heures supplémentaires ?

Vous nous dépeignez votre scénario comme certain. Vous avez une propension à deviner l'avenir qui est quand même extraordinaire ! Plusieurs critères – dont celui des heures supplémentaires – entrent en ligne de compte quand on veut évaluer la capacité d'une entreprise à décrocher des marchés et à se maintenir. L'accord d'entreprise repose sur plusieurs critères tant et si bien que, jusqu'à présent, je n'ai jamais trouvé quelqu'un qui puisse me démontrer ce qu'est un accord favorable ou défavorable. Une multitude de critères entrent en jeu et, à un moment donné, un accord d'entreprise s'établit. Je ne suis pas naïf sur la question des heures supplémentaires, et je pense qu'elles doivent donner lieu à des contreparties. Mais si nous devions vous suivre, nous ne permettrions pas à l'entreprise de négocier aussi sur les heures supplémentaires. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement AS291 du rapporteur.

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Cet amendement a pour objectif de rétablir une disposition actuellement prévue à l'article L. 3121-1 du code du travail et qui a été omise dans le cadre de la refonte opérée par l'article 2 sur le décompte du temps de travail dans les activités à caractère saisonnier.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement AS144 de M. Denys Robiliard.

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Avant de recourir au dépassement du contingent des heures supplémentaires, il est important d'avoir une consultation préalable des représentants du personnel. Ce n'est pas rien de dépasser le contingent, peu importent les autres mécanismes de protection qui sont prévus.

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Je partage totalement l'avis de M. Robiliard, mais la consultation est prévue et figure à l'alinéa 116. Je vous propose de retirer votre amendement.

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Si c'est dans le texte, je retire mon amendement.

L'amendement est retiré.

La Commission examine l'amendement AS 84 de M. Gérard Sebaoun.

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En vertu de la loi du 20 août 2008, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année. Le présent texte prévoit que la période de référence maximale soit portée à trois années. L'amendement tend à revenir à un an.

Nous rejoignons le problème des heures supplémentaires. Selon une enquête de la DARES éditée en 2011, près de 14 % des heures supplémentaires effectuées en 2009 n'ont pas été rémunérées – la compensation étant une forme de rémunération. C'est tout de même inquiétant. Si l'on augmente le délai dans lequel la rémunération doit intervenir, ce taux de 14 % va encore progresser. S'agissant des heures supplémentaires, je pense qu'il en faut. Mais il ne faut pas trop de souplesse non plus. Au cours des dernières années, nous avons introduit beaucoup de souplesse et je ne vois pas pourquoi il faudrait en rajouter.

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Je me suis posé la même question que vous. Néanmoins, je rappelle que l'accord devra fixer une limite au-delà de laquelle les heures effectuées seront considérées comme les heures supplémentaires. En outre, le cadre de référence pour le calcul des durées maximales de travail restera calqué sur les limites du droit commun. Enfin, j'ajoute que le passage à un cadre supérieur à l'année – a fortiori s'il est triennal – ne sera ouvert que sur autorisation d'un accord de branche. Cette limite me semblant raisonnable, j'émets un avis défavorable à votre amendement. Vous qui défendez l'accord de branche, vous ne pouvez qu'être convaincu par mes propos.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS292 du rapporteur, et AS235 et AS242 de Mme Karine Berger.

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Cet amendement propose de rétablir le texte issu de l'Assemblée nationale s'agissant de la période de référence sur le fondement de laquelle un dispositif d'aménagement du temps de travail peut être mis en oeuvre par la voie unilatérale dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en la fixant à neuf semaines au lieu de seize semaines comme le propose le Sénat. Plusieurs de mes amendements consisteront à revenir aux délais fixés dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

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Merci de m'accueillir dans votre commission où je vais m'exprimer pour la première fois sur ce projet de loi. Les deux amendements défendus ici visent à changer la période de référence du calcul des heures supplémentaires, en la faisant passer de quatre à neuf semaines.

Actuellement, un chef d'entreprise peut considérer de manière unilatérale que le temps de travail, et donc le calcul des heures supplémentaires, peut se faire d'une manière exceptionnelle sur une période de quatre semaines. Le projet de loi que l'on nous soumet propose de porter cette période à neuf semaines. Concrètement, cela signifie que des salariés vont perdre leurs heures supplémentaires qui seront calculées comme du temps de travail rebattu. Je suis d'autant plus étonnée de cette évolution que la disposition n'est pas soumise à l'accord d'entreprise dans le projet de loi. Je suis plutôt favorable à ce que l'on développe les accords d'entreprise. En l'occurrence, il s'agit d'une augmentation unilatérale du droit des chefs d'entreprise à modifier la manière de rémunérer les heures supplémentaires.

En réponse aux remarques de la droite sur le fait que nous attaquerions les heures supplémentaires, j'ajoute que le texte du Sénat proposait carrément de porter la période de référence à seize semaines. Autant dire qu'il n'y avait plus d'heures supplémentaires payées comme telles aux salariés de notre pays. Pour avoir dirigé des entreprises, je peux vous assurer que la possibilité de calculer les heures supplémentaires sur une période de référence portée à neuf semaines va se traduire par une perte nette de pouvoir d'achat pour la plupart des gens qui travaillent dans ces entreprises, notamment lors des soldes ou à Noël.

Je vous demande vraiment de me donner un avis sur le fond. Assume-t-on le fait de baisser la rémunération des heures supplémentaires dans ce pays, alors même qu'elles sont effectuées ? Quand on veut donner du champ de négociation à l'entreprise, on passe à l'accord d'entreprise, mais on n'augmente pas, par la même occasion, le droit unilatéral du patronat à réduire la rémunération des heures supplémentaires. Revient-on à cette logique ?

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L'argumentation développée par Karine Berger pourrait être entendue si la décision était générale. Or nous parlons ici des entreprises de moins de cinquante salariés. On nous a beaucoup reproché de ne pas avoir prévu de mesures spécifiques en direction des TPE dans notre texte. En voici une. Nous assumons le fait qu'il puisse y avoir une forme d'assouplissement dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Vous considérez qu'il n'y a pas de raison de faire une distinction. Pour ma part, je pense que nous devons tenir compte de la variété des entreprises. Rappelons que le délai est fixé à neuf semaines, loin des seize semaines préconisées par la droite sénatoriale. Il me semble que nous avons trouvé un point d'équilibre. Pour ma part, je ne veux pas que le texte soit contre les salariés, mais je ne veux pas qu'il soit contre les entreprises non plus. Avis défavorable.

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C'est une nouvelle illustration du problème que j'ai déjà soulevé et auquel vous n'avez pas apporté de réponse : nous allons creuser le fossé existant entre les grosses et les petites entreprises. Dans ma précédente intervention, je ne parlais pas d'accords défavorables. Il va y avoir des accords favorables dans les grosses entreprises et les petites ne vont pas arriver à suivre. Dans ce cas-là, c'est la branche qui protège.

Avec la mesure dont nous discutons à présent – dont je peux comprendre l'éventuelle nécessité économique – nous allons aggraver la situation, creuser encore davantage le fossé qui existe entre les salariés des grands groupes et ceux des petites entreprises. C'est déjà la tendance naturelle de notre système de production. Nous l'accompagnons et nous allons l'aggraver. Je pense que ce ne sont pas de bonnes mesures.

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Le rapporteur peut-il m'expliquer pourquoi la fixation de cette période n'est pas soumise à un accord d'entreprise, puisque c'est la logique de cette loi ? Pourquoi, sur ce point particulier, n'y aurait-il pas un accord d'entreprise ?

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Tout d'abord, nous sommes à l'article 2. Ensuite, la mesure concerne des entreprises de moins de cinquante salariés où il n'y a pas d'instances représentatives du personnel. En l'occurrence, le principe de l'article 2 consiste à considérer qu'il y a, dans l'organisation du temps de travail, des éléments qui peuvent être soumis à l'accord d'entreprise. Si cela doit être mis en place, un accord doit être obtenu par mandatement dans les entreprises qui n'ont pas de représentants du personnel. Ce n'est pas unilatéral.

La Commission adopte l'amendement AS292.

En conséquence, les amendements AS235 et AS242 tombent.

La Commission est saisie de l'amendement AS85 de M. Gérard Sebaoun.

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Cet amendement n'est pas sans lien avec les soucis exprimés par Karine Berger et Jean-Patrick Gille. Il concerne l'extension possible d'un à trois ans de la période qui sert de référence pour définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail. Cette faculté va extrêmement loin. Or les dispositifs prévus par la loi du 20 août 2008 sont à la fois récents et peu utilisés, les partenaires sociaux se montrant raisonnables. Pourquoi élargir des possibilités qui ne sont pas utilisées ? Pourquoi passer d'un à trois ans, au risque de nous éloigner complètement du mode actuel de gestion des heures supplémentaires ?

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J'ai déjà répondu à un amendement semblable. Je ne vais pas me répéter. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement de précision AS293 du rapporteur.

Puis elle en vient à l'amendement AS145 de M. Denys Robiliard.

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Pour le coup, l'argumentation de cet amendement est un peu différente. Un salarié est a priori moins défendu dans une petite entreprise que dans une grande. Ce n'est pas un reproche, c'est un constat qui tient à des raisons institutionnelles. Il est quand même paradoxal que l'employeur d'une entreprise de moins de cinquante salariés ait davantage de possibilités d'organisation du temps de travail par décision unilatérale que l'employeur d'une entreprise de plus cinquante salariés. Le pouvoir de direction serait plus fort quand il y a moins de protection. C'est invraisemblable ! Voilà pourquoi cet amendement a été déposé.

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Le dispositif unilatéral existe déjà, et depuis fort longtemps, pour une période de quatre semaines. La concession est de la porter à neuf semaines pour des raisons déjà évoquées : nous considérons que les petites entreprises ont besoin de formes d'assouplissement. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement AS294 du rapporteur.

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Le présent amendement entend rétablir la rédaction issue de l'Assemblée nationale, s'agissant de la consultation des instances représentatives du personnel pour la mise en place d'horaires individualisés.

La Commission adopte l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement de clarification rédactionnelle AS295 du rapporteur.

Puis elle en vient à l'amendement AS146 de M. Denys Robiliard.

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Cet amendement concerne le forfait jour qui est insécurisé par la jurisprudence. Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que les accords doivent prévoir les modalités selon lesquelles les règles communautaires, prescrites pour des raisons de santé en matière de droit du travail sur les limites horaires, doivent être considérées. Avec cet amendement, je propose que nous soyons obligés d'instituer des modalités de suivi du nombre de journées et demi-journées travaillées, de l'amplitude horaire et de l'horaire hebdomadaire, de façon à intégrer les conditions nécessaires de validité des accords en matière de forfait jour.

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Nous en avons déjà débattu en première lecture. J'avais introduit des amendements visant à répondre à vos préoccupations, notamment en prévoyant un suivi régulier par l'employeur. Je demande le retrait de votre amendement, sinon j'émettrais un avis défavorable.

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Je le retire, en jouant sur la présomption de confiance.

L'amendement est retiré.

La Commission adopte l'amendement d'harmonisation rédactionnelle AS296 du rapporteur.

Puis elle examine l'amendement AS297 du rapporteur.

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Cet amendement propose de rétablir le texte issu de l'Assemblée nationale en matière de forfaits jours, en supprimant la possibilité ouverte par les sénateurs de fractionner le repos quotidien ou hebdomadaire du salarié qui travaillerait à domicile au moyen d'outils numériques.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement AS298 du rapporteur.

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Cet amendement propose de supprimer une disposition introduite par le Sénat, qui consiste à ouvrir la possibilité de conclure des conventions de forfait par la voie unilatérale dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Il n'est pas souhaitable que ce régime dérogatoire puisse être aménagé sans accord collectif.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle examine l'amendement AS299 du rapporteur.

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Cet amendement propose de rétablir l'obligation de conformité à la charte de la déconnexion des modalités d'exercice du droit à la déconnexion dans les entreprises de plus de cinquante salariés, parallèlement à notre proposition de rétablir à l'article 25 la charte d'entreprise sur la déconnexion, supprimée par le Sénat.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement AS300 du rapporteur.

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Cet amendement propose de revenir au texte de l'Assemblée nationale et, en l'occurrence, au droit existant s'agissant de la période de référence qui sert à calculer la durée du travail de nuit. Cette période de référence est actuellement de douze semaines consécutives et il n'y a pas lieu de la porter à seize semaines.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle examine l'amendement AS301 du rapporteur.

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Cet amendement propose de rétablir le texte de l'Assemblée nationale en matière de suivi médical des travailleurs de nuit. Le Sénat avait souhaité faire basculer ces salariés dans un suivi médical de droit commun.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement AS302 du rapporteur.

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Cet amendement propose de rétablir le texte de l'Assemblée nationale s'agissant des conditions du refus du salarié d'occuper un poste de nuit. Le droit prévoit déjà que ce refus est fondé en cas d'obligations familiales impérieuses, comme la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante. Le Sénat a souhaité préciser que cette condition couvrait également la prise en charge d'une personne malade chronique ou d'une personne handicapée. Or ces précisions sont déjà couvertes par le statut de dépendance de la personne qui nécessite un soin particulier justifiant que le salarié occupe un poste de jour. Il est donc proposé de supprimer cette précision qui alourdit la rédaction sans rien apporter de plus sur le fond.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle passe à l'amendement AS303 du rapporteur.

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Cet amendement propose de rétablir le texte issu de l'Assemblée nationale concernant l'obligation pour l'employeur de proposer un reclassement au salarié déclaré inapte à occuper un poste de nuit. L'Assemblée a souhaité préciser que l'employeur devait proposer tout autre poste correspondant à la qualification du salarié concerné et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. Le Sénat a supprimé cette disposition, la rédaction retenue conduisant à soumettre l'employeur à l'obligation de proposer un seul autre poste au salarié déclaré inapte.

La Commission adopte l'amendement.

La séance est levée à treize heures trente-cinq.