Intervention de Denys Robiliard

Réunion du 30 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

Nous en sommes à la troisième loi qui traite des branches, après la loi Sapin et la loi Rebsamen. Si nous nous attachons à nous doter d'outils qui rendent progressivement ces branches plus solides, c'est bien que nous considérons qu'elles sont importantes. Elles le sont parce que l'une des fonctions de la négociation de branche consiste à éviter que l'ajustement concurrentiel des entreprises n'ait lieu par les conditions de salaire et de travail. Cette fonction ne peut évidemment exister au niveau de l'entreprise. Les branches ne sont pas la panacée, mais elles sont le niveau minimal pour que la concurrence ne se joue pas sur le dumping social.

Nous n'opposons pas les accords d'entreprise et les accords de branche – la gauche est assez fière d'avoir permis le développement des premiers avec les lois Auroux –, mais il faut s'intéresser à la nature du rapport entre les uns et les autres. On semble dire que la branche phagocyterait ou paralyserait la possibilité de passer des accords d'entreprise. Ce n'est pas le cas ! Il faut se reporter à la règle en vigueur fixée par la loi Fillon du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. On la retrouve dans l'article L. 2253-3 du code du travail. De manière inhabituelle, le deuxième alinéa de l'article fixe la règle, alors que le premier énonce l'exception. Le premier alinéa est ainsi rédigé : « Dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement. » Le principe de la dérogation est donc posé. L'article acte la fin du principe de faveur dans les rapports entre la branche et l'entreprise en apportant toutefois une double modulation. Il est en effet indiqué que la convention ou l'accord de branche peut en avoir disposé autrement. En clair, les partenaires sociaux peuvent définir dès aujourd'hui un ordre public de branche, ce que Jean-Denis Combrexelle a appelé « un ordre public conventionnel ».

Le premier alinéa de l'article prévoit quatre domaines pour lesquels, d'ordre public, les accords d'entreprise ne peuvent pas déroger aux accords de branches : salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires du code de la sécurité sociale et mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

On nous répète qu'il faut faire confiance aux partenaires sociaux, mais l'article 2, tel qu'il est conçu, est un peu paradoxalement l'expression d'une forme de défiance à leur égard lorsqu'ils négocient au niveau de la branche, et d'une préférence pour la discussion au niveau de l'entreprise. Je comprends bien que la gestion du temps de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise, mais pourquoi interdirait-on aux partenaires sociaux de définir un ordre public de branche ? C'est d'autant plus paradoxal que, à l'article 13, l'amendement AS359 du Gouvernement invite les branches à définir l'ordre public conventionnel, ce qui leur est refusé sur la question du temps de travail. Je ne comprends pas cette logique.

La logique actuelle donne une souplesse incroyable. Le principe est posé de la possibilité d'une dérogation. L'exception, c'est l'ordre public qui ne peut exister que si les partenaires sociaux se sont mis d'accord.

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