Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 30 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur :

L'argumentation de Jean-Patrick Gilles pèche par défaut de logique. On ne peut pas affirmer que l'ordre public doit dire ce qui relève de la loi, et vouloir ensuite que l'ordre social définisse ce qui relève de la branche. Avec l'article 2, on considère par la loi que l'organisation du temps de travail est d'ordre public. On peut ne pas être d'accord avec cela, mais c'est ce qui est proposé. À l'article 13, il est prévu de transférer à la branche le choix entre ce qui relève d'elle ou de l'entreprise, sauf quand la loi aura considéré qu'il en est autrement, ce que fait l'article 2 du texte. L'architecture proposée par le rapport Combrexelle est donc parfaitement respectée dans cette organisation.

Il est en revanche possible d'être en désaccord avec le fait que l'article 2 renvoie à la loi pour faire le partage entre l'ordre de la branche et celui de l'entreprise s'agissant de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Dans un développement que je qualifierai presque de théorique, Denys Robiliard affirme que, depuis 2004, il existe une possibilité de dérogation au niveau de la branche. Certes, mais le problème, c'est que cette dérogation ne joue pas. Il y a un blocage.

Aujourd'hui, il y a deux façons d'aborder les choses. Celle de nos collègues du Sénat et de l'opposition qui considèrent que c'est open bar sur tous les sujets, et celle que suggèrent le Gouvernement et la majorité qui distinguent entre l'ordre public conventionnel, pour lequel la branche définira ce qui relève d'elle ou de l'entreprise, et l'ordre public légal qui indique que, sur certains sujets, il est possible de passer directement des accords d'entreprise.

Si je reviens à l'article 2, qui, je le rappelle, traite de l'organisation du temps de travail à l'intérieur de l'entreprise, la question est de savoir s'il s'agit d'un élément si déterminant qu'il doive impérativement faire l'objet d'un arbitrage au niveau de la branche. Pour ma part, je ne le crois pas.

La seule question qui se pose – et qu'a d'ailleurs soulevée Jean-Patrick Gille – est celle des heures supplémentaires. Mais, comme je le soulignais tout à l'heure, la possibilité existe déjà dans d'autres branches ayant autorisé la signature d'accords d'entreprise plus défavorables sur cette seule question. Or cela n'a pas donné lieu au dumping social, comme le craignaient certains. Il faut donc essayer de tenir compte de la réalité des entreprises au lieu de se contenter d'éléments d'analyse globaux.

Enfin, la protection des plus fragiles, évoquée par Fanélie Carrey-Conte, consiste aussi à faire en sorte que nos entreprises soient en mesure d'affronter la concurrence qui existe bel et bien, qu'on le veuille ou non. Nous n'allons tout de même pas revenir à la vision corsetée du marché qui a conduit un nombre non négligeable de nos concitoyens à se retrouver sans emploi. Je ne suis pas pour le tout libéral, tant s'en faut. Mais permettre aux entreprises de s'adapter, soit pour préserver des emplois, soit pour en conquérir de nouveaux, soit pour grandir, ne me paraît pas aller à l'encontre de l'objectif de protection des plus fragiles. Imaginer que les salariés seraient protégés parce que les règles seraient définies par un accord de branche est une illusion de l'esprit. Veillons à adopter une approche réaliste et non pas théorique.

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