Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du 1er juillet 2016 à 15h00
Égalité et citoyenneté — Article 38

Ericka Bareigts, secrétaire d’état chargée de l’égalité réelle :

L’article 38 ter a été introduit en commission par un amendement de M. Victorin Lurel. Cette disposition vise à renforcer notre arsenal législatif, en élargissant le champ de la répression de la contestation ou de la banalisation des crimes contre l’humanité – aujourd’hui limitée à la négation de la Shoah – à l’ensemble de ces crimes, notamment à la traite et à l’esclavage.

La lutte contre les discriminations passe en effet par la reconnaissance de leurs formes les plus extrêmes que sont les crimes contre l’humanité, notamment les crimes de génocide et d’esclavage. Le Gouvernement, monsieur Lurel, soutient pleinement cet objectif.

La remise en cause de ces crimes, qu’il s’agisse de génocide, de traite, d’esclavage ou de tout autre crime contre l’humanité, lorsqu’elle contredit des faits qui ont été jugés et reconnus par la justice, ou lorsqu’elle incite à la haine ou à la violence, ne peut en effet être tolérée.

Mais cet objectif doit être concilié avec les exigences conventionnelles ou constitutionnelles strictes, rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2012 de censure d’une loi et par le Conseil d’État, dans un avis rendu en 2013 sur un projet de loi depuis abandonné.

Le présent amendement vise donc à compléter la disposition introduite en commission et à en renforcer la sécurité juridique. Il vise ainsi à mieux distinguer l’apologie des crimes contre l’humanité, qui relève de l’article 24 de la loi sur la presse, de leur négation, visée à l’article 24 bis de la même loi. Il convient également de compléter ces articles pour y mentionner l’esclavage.

L’amendement vise également à mieux définir le délit de négation ou de banalisation de ces crimes en respectant à la fois les exigences constitutionnelles et la décision-cadre du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.

D’une part, ce texte permettra de sanctionner la contestation ou la banalisation de l’ensemble des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre, de manière non limitative, dès lors qu’ils auront été reconnus par une juridiction internationale ou par une juridiction française. Alors que seule la négation de la Shoah est aujourd’hui réprimée, il sera par exemple possible de sanctionner la négation du génocide au Rwanda.

D’autre part, et de manière plus générale, ce texte permettra de prendre en compte des crimes historiquement reconnus, même si leur ancienneté exclut de fait toute possibilité pour la justice de se prononcer, lorsque leur contestation ou leur banalisation aura lieu dans des conditions incitant à la haine ou à la violence.

Rattacher ce nouveau délit à un comportement d’incitation à la haine ou à la violence permet de surmonter la décision du Conseil constitutionnel de 2012, qui avait considéré que l’incrimination de la négation d’un crime contre l’humanité ne pouvait pas reposer sur sa seule reconnaissance par la loi, en l’absence de condamnation par une juridiction.

Enfin, l’amendement vise à permettre aux associations se proposant, par leurs statuts, de lutter contre l’esclavage ou de défendre la mémoire des esclaves et l’honneur de leurs descendants, de se constituer partie civile dans des procédures visant ces délits.

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