Je m’honore d’être membre de la commission des lois et d’en tirer une certaine rigueur dans l’examen des textes. L’ancien président de la commission des lois, aujourd’hui garde des sceaux, avait pour doctrine de ne pas tolérer la désinvolture dont le Gouvernement fait parfois preuve à l’égard du Parlement, comme lorsqu’il dépose hors délai un amendement important.
La commission n’a pu se prononcer sur le présent amendement, que nous ne découvrons qu’aujourd’hui. Sur un sujet tel que celui-là, nous aurions pourtant tout eu à gagner de travailler en amont. Je me souviens ainsi qu’un député nous ayant un jour avertis qu’il voulait traiter de l’abolition de l’esclavage, nous avions organisé une table ronde avec des historiens – en l’occurrence d’ailleurs des historiennes – spécialistes de l’esclavage pour pouvoir éclairer les travaux de la commission des lois.
Sur le présent amendement, j’ai deux remarques à faire. Définir une incrimination par une autre incrimination est, à mon sens, une erreur. Ainsi, à l’alinéa 8, il est écrit en substance que la négation, la minoration ou la banalisation d’un crime contre l’humanité suppose une incitation à la haine raciale. Mais entre incitation à la haine raciale et négation de crime contre l’humanité, sur quoi le parquet s’appuiera-t-il pour retenir une qualification plutôt qu’une autre ? Je ne doute pas que le Gouvernement nous éclairera sur ce point.
Je m’interroge également sur l’alinéa 7 : en conditionnant la possibilité de l’action au fait que le crime dont il est fait apologie ait déjà donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction, nous figeons les possibilités de poursuites aux périmètres définis par les juridictions internationales. Je ne pense pas que la traite négrière et le génocide arménien aient donné lieu à condamnation en France ou à l’international, mais peut-être puis-je me tromper. Là aussi, les éléments que le Gouvernement pourra nous fournir seront les bienvenus.
Je le redis, la commission n’ayant pu se prononcer, chacun prendra sa décision.