Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous examinons donc aujourd’hui le projet de loi de règlement pour l’exercice budgétaire 2015 et, dans trois jours, jeudi prochain au matin, nous aurons ici même un débat d’orientation sur les finances publiques, préalable à l’examen du projet de loi de finances pour 2017, qui sera le cinquième et dernier de la législature en cours. Évidemment, ces deux débats sont liés et se conjuguent. L’examen du passé, de sa réalité et de ses résultats permet, si ce n’est d’anticiper l’avenir, au moins de l’éclairer et d’expliquer et de guider nos choix politiques et leur traduction budgétaire.
L’examen du projet de loi de règlement est bien sûr, vous l’avez rappelé, madame la rapporteure générale, l’occasion de vérifier les modalités par lesquelles l’autorisation parlementaire a été respectée. Il devrait surtout permettre, mes chers collègues, de s’intéresser davantage à la façon dont l’argent public a été dépensé et de mesurer les résultats obtenus au regard des moyens mis en oeuvre, mission par mission, programme par programme.
Cela nous éviterait probablement quelques débats théologiques ou totémiques au moment de la discussion du projet de loi de finances initiale, dont il est facile de constater aujourd’hui qu’ils mobilisent davantage nos collègues que l’examen approfondi des conditions de l’exécution budgétaire. Il est vrai qu’elle est propice aux envolées lyriques et aux jeux de posture – mais l’intervention du président de la commission des finances a montré que le débat sur le projet de loi de règlement n’y échappe pas davantage.
Chacun sait ici que, si la maîtrise et le redressement des finances publiques supposent de la constance, du courage et de la responsabilité dans les choix politiques – ce que, pour ma part, je différencie clairement de l’incantation sur les réformes structurelles, dont je cherche vainement la définition, à moins de penser qu’il n’y en a pas tant qu’il n’y a pas de sang sur les murs –, la modernisation de la gestion publique et la recherche de la performance restent et resteront longtemps des gisements importants et même considérables d’économies, à objectifs politiques constants.
Certes, la LOLF a déjà considérablement amélioré les choses, qu’il s’agisse de la gestion budgétaire proprement dite ou encore de la fiabilité et de la sincérité des comptes de l’État, qui ont fait l’objet cette année, pour la dixième fois consécutive, d’une certification par la Cour des comptes, certes toujours avec des réserves, mais de moins en moins nombreuses. Comme le récent rapport de la Cour sur la comptabilité générale de l’État l’a excellemment illustré, cet exercice de certification des comptes de l’État a permis des progrès considérables dans les procédures d’établissement des comptes et surtout dans la gestion publique.
Il reste que l’usage qui peut et doit être fait par l’administration comme par le Parlement de la comptabilité générale de l’État reste à développer. Elle doit justement permettre, par ses développements – je pense en particulier à l’établissement de comptes par mission et par département ministériel, et surtout de comptabilités analytiques –, de davantage s’intéresser aux coûts des politiques publiques et par conséquent à leur efficacité.
Comme je l’ai indiqué jeudi dernier, lors du colloque organisé au Sénat sur cette question, c’est d’abord le rôle de l’administration, et c’est probablement une condition pour que les parlementaires s’en saisissent davantage. Michel Sapin a pris des engagements sur ce point, je m’en félicite.
Il reste que nous tirerions bénéfice à nous y intéresser davantage que nous ne le faisons. La commission des finances, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, devrait prendre des initiatives à ce sujet. Le bon emploi des deniers publics y gagnerait certainement beaucoup et cette exploitation de la comptabilité générale de l’État enrichirait sans nul doute nos débats lors de l’examen du projet de loi de règlement.
Cela dit, la question principale qui se pose à l’occasion de l’examen de ce texte, le dernier examiné sous cette législature, est bien de savoir si l’autorisation parlementaire a été respectée et, si oui, comment.
De ce point de vue, les résultats de l’exercice 2015 sont bons. Les recettes de l’État ont été conformes aux prévisions et même légèrement supérieures, de 1,2 milliard, à celles inscrites en loi de finances initiale. Les dépenses ont été inférieures de 1,8 milliard à celles de 2014. Le solde budgétaire est inférieur de près de 4 milliards à celui inscrit en LFI : il s’établit à 70,5 milliards d’euros, contre 85,6 milliards en 2014, soit 15 milliards d’euros de moins en solde net et 3 milliards d’euros hors dépenses exceptionnelles du PIA imputées en 2014.
Ce résultat est d’autant plus remarquable que le budget de l’État a supporté, en dépenses, le coût de la compensation aux organismes de protection sociale du pacte de responsabilité et de solidarité et la montée en charge du CICE à hauteur de plus de 10 milliards.
Ces bons résultats doivent être remis en perspective dans la trajectoire de redressement des finances publiques et, plus généralement, dans le cadre de la stratégie de redressement du pays engagée par notre majorité depuis 2012.
J’entends en effet dire, ici et là – encore, à l’instant, sur les bancs de la droite de cet hémicycle, comme dans les commentaires de certains journalistes spécialisés, qui s’appuient la plupart du temps sur une lecture partielle et non distanciée des différents rapports de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques et sur l’exécution budgétaire –, au mieux que ces résultats seraient insuffisants, au pire qu’ils seraient tronqués, voire qu’ils hypothéqueraient l’avenir. Ils ne s’expliqueraient que par des éléments exceptionnels ou des effets d’aubaine, les économies effectivement réalisées seraient inférieures à celles annoncées en loi de finances, les normes de dépenses auraient été contournées, les engagements européens de la France ne seraient pas tenus. N’en jetez plus !
La semaine dernière, on a même entendu à nouveau parler de « dérapage des dépenses publiques » en 2016, de 3 à 6 milliards, et de risques, en 2017 et au-delà, que soit remis en question le retour à un déficit nominal inférieur à 3 % dès 2017.