La séance est ouverte.
La séance est ouverte à dix-huit heures.
Madame la présidente, madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de règlement budgétaire de 2015, que le Gouvernement vous soumet aujourd’hui, nous invite à débattre en séance publique des résultats de l’exécution budgétaire de l’État et, plus largement, à travers son article liminaire, de l’ensemble des administrations publiques. Comme le veut le « chaînage vertueux », dont la mention est de tradition à cette époque de l’année, c’est sur la base de l’analyse de cette exécution que nous discuterons, jeudi prochain, des perspectives des finances publiques.
L’analyse de l’exécution a déjà fait l’objet de plusieurs échanges au sein de votre commission des finances ; je voudrais en rappeler quelques éléments essentiels, en soulignant tout d’abord que nous nous appuyons sur des chiffres incontestables. Les comptes de l’État, comme d’ailleurs ceux du régime général de la Sécurité sociale, ont été certifiés par la Cour des comptes, et les données globales sur le périmètre des administrations publiques sont établies en toute indépendance par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, en toute indépendance.
Sur l’ensemble des administrations publiques, on peut retenir trois constats.
Premier constat : le déficit public a baissé de manière ininterrompue depuis le début de la législature. Il s’établit en 2015 à 3,6 % du PIB, le produit intérieur brut, alors qu’il avait atteint 5,1 % en 2011.
Deuxième constat : pour la première fois depuis 2000, le solde public s’améliore alors que les prélèvements obligatoires diminuent. Et, si le déficit et les impôts baissent conjointement, c’est bien que des économies sont réalisées.
Troisième constat, enfin : après des années de hausse marquée, la dette publique est désormais en voie de stabilisation.
Ces éléments, connus et consensuels, découlent des comptes établis par l’INSEE ; je ne m’y attarderai donc pas davantage.
J’en viens aux résultats de l’exécution du budget de l’État, coeur de ce projet de loi. En loi de finances initiale – LFI –, le Gouvernement vous avait proposé de fixer des prévisions prudentes en matière de recettes. L’exécution du budget confirme cette prudence puisque les recettes fiscales nettes excèdent d’1 milliard d’euros la prévision de la LFI.
Puisque l’analyse du passé doit nous aider à mieux anticiper l’avenir, l’exécution des recettes en 2015 nous livre deux enseignements importants.
D’abord, il est facile de se focaliser sur les mauvaises nouvelles susceptibles d’affecter l’exécution du budget. Ne parler que des mauvaises nouvelles, c’est le travers de l’époque et, quand on est dans l’opposition, cela permet d’exister. Mais cela montre que l’on ne comprend pas les finances publiques car, au cours de la gestion budgétaire, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles ; il y en a aussi des bonnes.
Ainsi, on a pu craindre que la faible inflation ne limite le produit de la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, mais cet effet a été compensé par une consommation des ménages plus dynamique que prévu.
S’agissant de l’impôt sur les sociétés, le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – a été plus coûteux mais les bons résultats du contrôle fiscal et un environnement macroéconomique plus favorable aux entreprises ont permis d’absorber le manque à gagner.
Pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, certains revenus de 2014 ont été plus faibles qu’escompté mais la hausse du taux de recouvrement et les bons résultats de la lutte contre la fraude ont permis une plus-value de 400 millions d’euros.
Finalement, parce que nous avions fixé des prévisions prudentes, les bonnes nouvelles compensent les mauvaises et le déficit est moins élevé que prévu.
Le second enseignement de l’exécution des recettes fiscales est que l’on ne peut pas faire dire tout et n’importe quoi à des résultats budgétaires. Si je vous disais aujourd’hui que la plus-value de 400 millions d’euros sur l’impôt sur le revenu s’explique par une arrivée massive de contribuables fortunés sur le territoire, je ne serais pas crédible.
La plus-value constatée s’explique par des éléments techniques propres à l’évolution de cet impôt.
Pourtant, il y a peu de temps encore, certains affirmaient qu’un produit de l’impôt moins élevé qu’attendu était la preuve d’un prétendu exil fiscal des contribuables les plus aisés.
Nous ne disposons toujours pas des données ! Il va falloir procéder à un contrôle sur pièces et sur place !
De tels arguments ne reposent sur rien et cette exécution 2015 le rappelle : plutôt que d’alimenter les fantasmes et d’agiter les peurs, notre rôle – le rôle des responsables politiques qui suivent les questions budgétaires – est de comprendre les chiffres austères du budget et de les expliquer à nos concitoyens.
J’en viens aux dépenses de l’État. Non seulement le niveau de dépenses que vous aviez voté en loi de finances a été respecté, mais il a encore été réduit de 700 millions d’euros en cours d’exécution – hors prise en compte, vous le savez bien, de la réintégration au sein du budget général de dépenses du ministère de la défense, pour 2,1 milliards d’euros.
Vous le savez aussi, cette baisse a été conciliée avec le financement de nos priorités, avec l’engagement de moyens nouveaux pour assurer la sécurité des Français et soutenir l’emploi, je n’y reviens pas.
Je voudrais plutôt insister sur le rôle central de la réserve de précaution pour atteindre ce résultat. Ce rôle est encore renforcé cette année puisque, comme vous le savez, nous avons gelé les reports de crédits. Le principe de cette réserve est fixé par la LOLF – la loi organique relative aux lois de finances – et ses textes d’application, ainsi que par la loi de programmation des finances publiques ; c’est donc désormais un mécanisme solidement ancré dans notre droit budgétaire.
L’utilisation de la réserve est indispensable pour conférer au Gouvernement la capacité d’agir et de réagir rapidement en cours d’année. Toutefois, il est tout aussi indéniable qu’elle modifie la portée de l’autorisation donnée par le législateur financier ; non qu’elle puisse remettre en cause le plafond de dépenses fixé en loi de finances – elle est en un sens, au contraire, un outil permettant d’assurer le respect de cette autorisation – mais, couplée aux effets des décrets d’avances prévus eux aussi par la LOLF, elle conduit de fait à modifier, parfois significativement, l’affectation des crédits fixée par le législateur financier.
Mais vous êtes systématiquement informés de tous les mouvements de crédits opérés en gestion : le Gouvernement vous informe de la répartition de la réserve par programme ainsi que de tous les mouvements pris au niveau réglementaire pour modifier les crédits. Puis, en fin d’année, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, le législateur financier est libre de confirmer ou d’infirmer ces mouvements.
Je reste d’ailleurs constamment à la disposition de votre commission des finances pour faire le point sur ces évolutions, car c’est bien la représentation nationale qui détient le pouvoir financier et, si la LOLF a conféré au Gouvernement des prérogatives importantes en gestion, celui-ci ne les exerce jamais qu’en tant que délégataire.Voici quelques réflexions sur ce projet de loi de règlement.
Ces quelques réflexions sur le projet de loi de règlement effectuées, je souhaite, avant de conclure, prendre un peu de recul et remettre en perspective notre action budgétaire depuis le début de la législature.
Vous le savez, tant le déficit public que le déficit de l’État ont atteint, en 2015, leur plus bas niveau depuis le début de la crise, en 2008, et le même résultat est atteint pour le déficit de la Sécurité sociale.
Mais il est un autre résultat, méconnu et pourtant fondamental : depuis le début de la législature, grâce aux efforts fournis année après année par nos concitoyens, la dépense de l’État a très fortement diminué. Les chiffres à périmètre constant – les seuls qui ont du sens – révèlent que le constat est valable sur les deux normes : sur le champ de la norme en volume, qui inclut les charges de la dette et les pensions, la dépense de l’État devrait baisser de 9,4 milliards d’euros entre la LFI pour 2013 et la LFI pour 2016 ; sur le champ de la norme en valeur, qui exclut la charge de la dette et les pensions, la baisse s’établirait à 8 milliards d’euros.
Ce résultat est fondamental. Il donne tout son sens à l’idée de chaînage vertueux dont je parlais tout à l’heure, car le budget pour 2017 découlera directement de ces quatre années d’efforts intenses, au cours desquelles le point de la fonction publique a été systématiquement gelé, certains investissements ont été différés, certaines prestations sociales ont fait l’objet d’économies et les dépenses de fonctionnement des administrations ont été systématiquement réduites.
Après quatre années d’efforts, la remise en ordre de nos comptes publics a considérablement progressé : la dette publique est en voie de stabilisation et le déficit public sera inférieur aux 3 % l’an prochain.
En 2017, nous serons donc en mesure de financer nos priorités : l’éducation, la sécurité, la justice et l’emploi.
Il est temps, désormais, de rendre aux Français une partie des efforts qu’ils ont consentis, avec la sagesse des vieux peuples, ces peuples qui ont connu des mauvais moments mais s’en sont toujours sortis.
Comme je l’indiquais, nous avons fait mieux que notre engagement de stabilité en valeur des dépenses de l’État, avec une baisse de 8 milliards d’euros depuis 2013. En 2017, les dépenses de l’État augmenteront d’environ 3 milliards par rapport à 2016. Pour autant, sur l’ensemble de la législature, nous aurons réduit la dépense de l’État de 5 milliards d’euros, tout en mobilisant les moyens nécessaires pour rendre notre société plus juste et plus protectrice, conformément au mandat donné par les Français il y a quatre ans.
Nous le ferons sans renoncer à notre objectif de déficit et en tenant nos engagements d’allégements fiscaux à l’égard des entreprises, comme l’a confirmé le Président de la République à la fin de la semaine dernière. Toutefois, c’est principalement un renforcement du CICE qui sera mobilisé, d’où un impact nécessairement limité en 2017. Les bons résultats de la lutte contre la fraude contribueront également à notre trajectoire durant cet exercice.
Mais voilà que j’anticipe déjà beaucoup sur notre débat de jeudi, consacré aux perspectives de nos finances publiques ; nous aurons l’occasion de rediscuter de tout cela. En attendant, le Gouvernement vous invite à adopter ce projet de loi de règlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement est un moment important car il est l’occasion, pour le Parlement, d’exercer sa fonction de contrôle, c’est-à-dire de vérifier que ce qu’il a voté en loi de finances initiale ou rectificative a bien été exécuté par le Gouvernement. Cette étape de notre vie démocratique est souvent moins médiatisée que la loi de finances initiale – je le sais et je le regrette –, mais elle n’en est pas moins essentielle pour notre démocratie. Elle offre aussi l’occasion de débattre des politiques publiques mises en oeuvre et des résultats obtenus au fil des années.
Pour ma part, je retiendrai trois messages du projet de loi qui nous est soumis.
Premier constat : 2015 a été une nouvelle année d’assainissement des finances publiques. Ainsi, le déficit public – toutes administrations confondues, donc – a ainsi baissé en deçà du niveau que nous avions voté, grâce à une maîtrise inégalée de la dépense publique.
Deuxième constat : les dépenses publiques ont certes été maîtrisées, mais sans que les priorités du Gouvernement soient remises en cause.
Troisième constat : une attention particulière doit être portée à la fiscalité des ménages. Comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, si l’impôt sur le revenu a baissé en 2015, d’autres taxes et impôts – pas tous, loin de là, à la main du Gouvernement d’ailleurs – ont continué à augmenter en 2015, j’y reviendrai.
Mon premier message porte sur le déficit public.
Le déficit de l’ensemble des administrations publiques – c’est-à-dire de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales – est à son plus bas niveau depuis 2008. Il est inférieur à celui que nous avions voté puisqu’il s’élève à 3,6 % du PIB contre 4,1 % en loi de finances initiale.
Au total, nous avons fait baisser le déficit de 1,5 point de PIB depuis le début de la législature, alors que, je le rappelle, il avait augmenté durant le précédent quinquennat.
Cette évolution, combinée à une gestion active de la dette, a conduit à une augmentation de cette dernière moindre que prévu. Ce point ayant donné lieu à de longues discussions en commission des finances, je n’y reviendrai pas. J’en rappelle néanmoins le principe : en 2015, davantage de primes d’émission– 22,7 milliards d’euros – ont été reçues qu’en 2014 et, par conséquent, le besoin de financement, qui était légèrement supérieur à 70 milliards d’euros, a été ramené à 50 milliards d’euros.
Revenons-en au déficit public. Deux composantes ont essentiellement contribué à à sa diminution en 2015 : l’État et les collectivités locales.
Je voudrais dire un mot de la manière dont la Cour des comptes a présenté la réduction de ce déficit s’agissant de l’État. Elle a utilisé la comptabilité budgétaire, sorte de thermomètre à géométrie variable, en raison des retraitements et des interprétations pouvant être intégrés au déficit. Pour ma part, je le dis devant la représentation nationale, je regrette cette polémique initiée par la Cour des comptes. Il suffit d’utiliser la comptabilité nationale, qui, elle, ne varie pas et obéit à des règles extrêmement précises. Elle montre – la Cour le reconnaît d’ailleurs – que le déficit de l’État a bien baissé de 4 milliards d’euros entre 2014 et 2015.
Cette réduction du déficit a été obtenue grâce à une maîtrise très serrée des dépenses publiques, qui a reposé sur trois piliers : le strict respect des normes de dépense, M. le secrétaire d’État l’a rappelé ; la constitution par le Gouvernement, dès le début de l’année, d’une réserve de précaution, qui a atteint – montant inégalé – 11 milliards d’euros et a permis de faire face à des imprévus pouvant survenir au cours de l’année ; l’absence de fuite en avant qui aurait consisté à augmenter les reports de crédits d’une année sur l’autre, puisque les reports de 2015 équivalent pratiquement à ceux de 2014.
Il faut noter noter que l’État a également du faire face à des dépenses supplémentaires, puisqu’il a pris à sa charge 7,9 milliards d’euros de dépenses non prévues, dont 4,75 milliards d’euros au titre de la compensation du pacte de responsabilité et de solidarité.
Deuxième message de cette loi de règlement : les priorités du Gouvernement ont été respectées.
Ainsi, si les dépenses nettes du budget général de l’État ont baissé de 10,6 milliards d’euros entre 2014 et 2015, celles réalisées au profit des priorités du Gouvernement ont connu une progression en 2015.
Ont en effet vu leurs crédits progresser au cours de cette année l’éducation nationale, à hauteur de 2 %, la gendarmerie nationale et la police nationale, à hauteur respectivement de 0,9 % et de 2,5 %, la défense, à hauteur de de 2,6 %, et enfin la justice, à hauteur de 2,5 %.
Du coup, la majorité des autres missions ont vu leurs crédits légèrement baisser en 2015 par rapport à 2014. Lors de la réunion de la commission des finances au cours de laquelle nous avons examiné ce projet de loi de règlement, un débat a porté sur la nature des 2,4 milliards d’euros de crédits annulés : comment se répartissent, dans cette enveloppe, l’investissement et le fonctionnement ? Monsieur le secrétaire d’État, la commission souhaiterait avoir votre éclairage sur cette question.
Ces priorités se reflètent tout naturellement dans les créations de postes : 10 000 postes en équivalent temps plein ont été réellement créés et pourvus dans l’éducation nationale, 900 au sein de la justice et 1 500 dans la police nationale et la gendarmerie nationale.
Troisième message : protéger les ménages doit constituer une priorité renforcée, nous avons étudié ce point en commission des finances.
Les prélèvements obligatoires sont restés stables sur la période 2013-2015, à 44,7 % du PIB, c’est-à-dire de la richesse créée chaque année. Je rappelle qu’ils avaient augmenté de 2,8 points de PIB entre 2010 et 2012.
Mes chers collègues, j’insiste sur le fait que, pour la première fois depuis 2000, les prélèvements obligatoires et les déficits baissent simultanément, ce qui prouve bien que la discipline budgétaire sur les dépenses a porté ses fruits.
S’agissant des prélèvements obligatoires, dans le rapport qui a été remis ce jour, nous avons distingué, d’un côté, ce que paient les ménages et, de l’autre, ce que paient les entreprises, qu’il s’agisse de la fiscalité ou des cotisations sociales. Je sais que cette distinction peut faire débat. Pour ma part, je crois qu’elle est essentielle, à la fois économiquement et socialement. Économiquement, car lorsqu’on transfère de la fiscalité des entreprises vers les ménages, on est évidemment en droit de connaître l’efficacité des exonérations fiscales accordées aux premières. Socialement, parce que certaines taxes, qui ne sont pas assises sur le revenu des Français et dont le montant est donc pratiquement équivalent pour tout le monde, ont augmenté au cours de la décennie écoulée ; la notion de reste à vivre est par conséquent extrêmement importante.
Pour qu’il n’y ait pas de confusion sur nos bancs, je rappellerai juste quelques chiffres.
Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, les impôts, taxes et cotisations payés par les ménages sont passés de 22,9 à 24,2 % de PIB.
En euros sonnant et trébuchants – je sais combien le président de la commission des finances apprécie ce type de montants –, cela donne en effet une progression de 60 milliards d’euros.
Dans le même temps, les prélèvements et taxes auxquels pour les entreprises sont assujetties ont également augmenté, de 36 milliards d’euros. Depuis 2012, les taxes, impôts et cotisations sur les entreprises ont réellement baissé puisqu’ils ont été ramenés de 19,65 à 19,27 points de PIB à la fin de l’année 2015. Ces résultats découlent directement du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité. Désormais, pour un salarié payé au SMIC, les cotisations patronales représentent 10 % du salaire brut, contre 20 % en 2007 comme en 2012.
Je réponds maintenant à une la question qui m’a été posée en commission des finances : un salarié français rémunéré au SMIC par une entreprises exerçant sur le territoire national revient désormais, pour son employeur, à 1 609 euros par mois. D’après une note de la direction générale du Trésor publiée il y a quelques jours, si ce même employé était de nationalité polonaise, qu’il était payé au SMIC en France et que les cotisations étaient versées en Pologne ou en Roumanie, il coûterait à son employeur 1 756 euros ou 1 619 euros par mois.
Je voudrais donc saluer les efforts accomplis par la France, avec le CICE et le pacte de responsabilité, en matière de coût du travail – même si je n’affectionne pas ce terme –, pour les salaires au niveau du SMIC.
Alors pourquoi le Premier ministre propose-t-il de suspendre la directive ?
Revenons aux ménages : s’il y a bien eu des baisses d’impôt sur le revenu, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé, d’autres taxes et impôts ont continué de progresser. J’en appelle donc à la vigilance du Gouvernement comme de notre majorité sur ce point. Tout mis bout à bout, on constate que, depuis 2007, 2,6 points de fiscalité par rapport au PIB ont été basculés des entreprises vers les ménages. En termes concrets, cela signifie que les ménages ont payé plus pour que les entreprises paient moins. Il est désormais extrêmement important, lorsqu’une nouvelle mesure fiscale est envisagée, de prendre en compte le reste à vivre des ménages.
Il est également désormais indispensable – la commission des finances a tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises à ce sujet – que toutes les dispositions fiscales portant sur les ménages puissent être abordées en loi de finances, tout simplement parce que cela permet de les additionner et ainsi d’avoir une vision globale de ce que paient les ménages et de ce que paient les entreprises.
À l’occasion de l’élaboration du rapport sur l’application des lois de finances, que nous déposerons dans quelques jours, courant juillet, les administrateurs de la commission des finances, que je salue, ont recensé l’ensemble des dispositions fiscales qui ont pu être votées dans différentes lois autres que les lois de finances. Si la liste de ces mesures n’est pas plus longue qu’auparavant, elle n’est pas non plus moins longue… Il est extrêmement important que nous rassemblions ces dispositifs fiscaux au sein des lois de finances, afin que leur consolidation soit possible et que cette notion de reste à vivre des ménages puisse être prise en considération.
Pour conclure, je reviens à la question qui nous est posée lorsque nous examinons un projet de loi de règlement : la mise en oeuvre de la loi de finances initiale pour 2015 a-t-elle été conforme à ce que nous avions voté ? Mes chers collègues, la réponse est oui. C’est pourquoi je vous invite à à adopter ce projet de loi de règlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, il est vrai que le déficit public s’est établi, en 2015, à 3,6 points de PIB, ce qui correspond à une baisse 0,4 point par rapport à 2014. Le Gouvernement a abondamment communiqué sur ce résultat, en apparence satisfaisant.
Malheureusement, il s’agit d’un résultat en trompe-l’oeil, qui dissimule en réalité une performance plutôt médiocre de notre économie mais aussi de nos finances publiques en 2015.
Quelques mots d’abord à propos de la médiocrité de la performance économique.
Regardons nos indicateurs : le taux de croissance s’est élevé à 1,3 % en France, contre une moyenne de 1,6 % dans la zone euro. Le chômage a continué d’augmenter en France, contrairement à ce qui s’est passé dans les pays voisins, pour dépasser les 10 %. En matière de commerce extérieur, nos exportations ont certes connu un rebond de 6 % mais nos importations ont augmenté encore plus rapidement, d’où un solde déficitaire de 47 milliards d’euros qui tire notre croissance vers le bas et traduit un manque de compétitivité de nos entreprises.
En fait, si l’on compare plus précisément la France à l’Allemagne, depuis 2012, nous décrochons. Et ce décrochage n’avait absolument pas été observé sous la précédente législature, entre 2007 et 2012 ; c’est vraiment une nouveauté.
J’en viens aux finances publiques et aux comptes de l’État.
Le déficit budgétaire – car je vais raisonner en comptabilité budgétaire – est en baisse apparente de 15 milliards d’euros. Or, en réalité, il ne diminue que de 300 millions d’euros.
En effet, en comptabilité budgétaire, madame la rapporteure générale, nous sommes obligés de retraiter un certain nombre de dépenses, je pense notamment au programme d’investissements d’avenir – le PIA – et à l’apport de fonds propres au Mécanisme européen de stabilité. Ces deux postes avaient gonflé le déficit de 2014 ; pour comparer ce qui est comparable, il convient donc de les retirer du solde de 2015. Par conséquent, si la baisse de 15 milliards d’euros semble flatteuse par rapport aux chiffres de 2014, elle est tout à fait factice, pardonnez-moi de le dire.
D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, nous allons vous écrire, avec la rapporteure générale, pour vous proposer une méthode de comptabilisation budgétaire. Car il est vrai que, en comptabilité nationale, nous sommes d’accord.
Mais, en comptabilité budgétaire, il faut absolument que nous nous mettions d’accord sur le traitement du PIA 1, du PIA 2 et bientôt du PIA 3, car ils représentent 35 milliards plus 12 milliards plus 10 milliards, c’est-à-dire un montant important,…
…étalés sur dix ans. Il faut mettre fin à cette polémique annuelle qui envenime les relations entre le Gouvernement et la Cour des comptes.
Cela étant, j’en reviens à la comptabilité nationale chère à notre rapporteure générale.
Là aussi, il faut comparer nos 3,6 points de déficit avec les résultats de nos voisins de la zone euro : en 2015, le déficit moyen, dans ces pays, s’est élevé non pas à 3,6 points mais à 2,1 points de PIB.
Nous ne sommes donc pas très bons.
La France est aussi le seul pays où la dette publique continue à progresser par rapport au PIB, en dépit – la rapporteure générale l’a souligné – de l’utilisation exceptionnelle de 22,5 milliards d’euros de primes d’émission, qui ont servi à rembourser de la dette à court terme et ont permis de ralentir la progression de notre endettement par rapport au PIB. Malgré cette politique d’émission, nous constatons malheureusement une croissance de notre dette publique, en valeur absolue, supérieure à 50 milliards, et la France est pratiquement la seule dans ce cas.
Et, pourtant, notre solde primaire, une fois soustraits les intérêts de la dette – la notion est extrêmement importante, car elle permet de faire table rase du passé, de voir où nous en serions si nos prédécesseurs avaient bien géré, s’il n’y avait donc ni dette ni intérêts –,…
…notre solde primaire est négatif. Vous dépensez donc davantage que ce que vous gagnez, ce qui n’est pas le cas de l’Italie, où il existe un excédent primaire.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, comprenez que je sois beaucoup moins optimiste que vous quand je considère les années à venir.
En 2016, il y en a déjà pour 6 milliards d’euros en dépenses non financées, en promesses. Et, pour 2017, ce sera 10 milliards d’euros. Je tiens du reste tous ces calculs à votre disposition, tant ils sont objectifs.
Il y a une bonne nouvelle, je vous l’accorde : les prévisions de recettes, notamment fiscales, ont été tenues en 2015. C’était la première fois depuis longtemps…
…puisque, en 2013 et 2014, une perte de l’ordre de 10 milliards avait été essuyée chaque année.
La maîtrise des dépenses de l’État me paraît cependant toute relative. Il est vrai que la progression a ralenti par rapport aux années précédentes, je ne le conteste pas,…
…mais nous devons tenir compte d’éléments extérieurs favorables, comme la baisse des taux d’intérêt, qui nous donne une marge de manoeuvre de 2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, la diminution, à laquelle personne ne s’attendait, d’1 milliard d’euros par rapport à la prévision du prélèvement en faveur de l’Union européenne, et l’excédent des comptes d’affectation spéciale de près de 2 milliards d’euros. Quand on met tout cela de côté, on constate que le coeur des dépenses de l’État, c’est-à-dire les dépenses assumées chaque année, les dépenses récurrentes – et là aussi, monsieur le secrétaire d’État, je tiens mes chiffres à votre disposition –, ont progressé de 2,6 milliards d’euros, en exécution, entre 2014 et 2015, ce qui est beaucoup trop.
Un poste, en particulier, voit son augmentation repartir : la masse salariale, qui progresse de 0,4 %. Je le dis à cette tribune, imaginez quel sera le résultat en 2016 et en 2017, lorsque se conjugueront l’augmentation du point d’indice et celle des effectifs réels.
Finalement – notre rapporteure générale nous a fait une présentation très intéressante en commission des finances –, si la masse salariale a été à peu près tenue, en 2012, 2013 et 2014, c’est grâce au grand écart entre les postes ouverts et les postes effectivement pourvus. En particulier, le nombre d’emplois dans la sécurité – police et gendarmerie –, a diminué entre 2012 et 2014, pour remonter un peu à partir de 2015 ; je le souligne pour M. Cazeneuve, qui, à chaque fois que nous l’interrogeons sur ce sujet, nous répond que nous avions supprimé des emplois.
L’analyse rigoureuse de la réalité des économies sur le budget de l’État et celui des opérateurs montre que celles-ci ne s’élèvent qu’à 1,7 milliard d’euros. Nous sommes donc bien loin des 7,7 milliards prévus, dans la tranche 2015, au titre des fameux 50 milliards intangibles – le monde change partout, des dépenses nouvelles apparaissent, mais on en reste toujours à ces 50 milliards d’économies pour les trois exercices 2014, 2015 et 2016. On est vraiment loin du compte, je suis prêt à discuter des chiffres, sur ce sujet aussi.
Je terminerai par le sujet peut-être le plus préoccupant : la méthode utilisée pour faire face au dépassement budgétaire et aux dépenses décidées mais non financées, c’est la réserve de précaution, la régulation budgétaire, finalement la méthode du rabot – pardonnez-moi pour ce mot, madame la rapporteure générale (Sourires) –, le recours exclusif au rabot, du fait de l’absence totale de réformes structurelles. En résumé, nous subissons le dérapage des dépenses sur les transferts sociaux. Il y a quinze jours, par exemple, on a observé un dérapage sur les centres d’hébergement d’urgence et sur les aides au logement.
Pour compenser ces dérapages ou ces dépenses non financées, il existe une réserve de précaution, qui atteint des montants considérables – 8 % des crédits, 11 milliards d’euros en comptant les reports –, ce qui conduit, en fait, à annuler ce qu’il est possible d’annuler, c’est-à-dire les crédits pilotables, des dépenses d’investissement ou des dépenses de fonctionnement dans les missions régaliennes de l’État. Souvenez-vous de la grande surprise de Jean-Jacques Urvoas, qui, à peine nommé garde des sceaux, découvrait la paupérisation absolue de son ministère. C’est le résultat de bien des années de régulation budgétaire – pas seulement d’ailleurs, j’ai l’honnêteté de le reconnaître, depuis le début de cette législature.
C’est encore ce qui s’est passé avec le premier décret d’avances de l’année 2016 : nous avons dû nous battre, avec la rapporteure générale et mes collègues unanimes de la commission des finances, car il aurait été insupportable d’annuler des crédits aussi importants, pour 130 millions d’euros, destinés au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, au Centre national de la recherche scientifique ou encore à l’Institut national de la recherche agronomique.
Un chiffre est frappant : c’est l’investissement dans le budget de l’État, maintenant réduit à 10 milliards d’euros.
J’en ai encore pour quelques secondes, madame la présidente ; cela fera douze minutes, comme pour Mme la rapporteure générale. Je vous remercie d’avance pour votre indulgence.
En conclusion, dès lors que les taux d’intérêt remonteront, nous serons en grande difficulté.
Le Gouvernement, avec un certaine habileté – vous n’y avez guère prêté attention mais le secrétaire d’État l’a évoqué tout à l’heure –, est en train de reporter un maximum de dépenses sur ses successeurs, comme s’il était persuadé qu’il allait perdre les élections l’an prochain.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je prends deux exemples : les primes d’émission, qui conduisent à majorer le versement des taux d’intérêt dans l’avenir et le CICE. Vous venez de nous annoncer, monsieur le secrétaire d’État, que le solde du pacte de responsabilité et de solidarité serait transformé en CICE. Or, compte tenu de la caractéristique du CICE, du point de vue budgétaire, le paiement interviendra après 2017.
Il y a donc tout de même de quoi s’inquiéter, malgré quelques éléments positifs,…
…et je ne pense pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il soit possible de se glorifier de cette exécution 2015.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous examinons donc aujourd’hui le projet de loi de règlement pour l’exercice budgétaire 2015 et, dans trois jours, jeudi prochain au matin, nous aurons ici même un débat d’orientation sur les finances publiques, préalable à l’examen du projet de loi de finances pour 2017, qui sera le cinquième et dernier de la législature en cours. Évidemment, ces deux débats sont liés et se conjuguent. L’examen du passé, de sa réalité et de ses résultats permet, si ce n’est d’anticiper l’avenir, au moins de l’éclairer et d’expliquer et de guider nos choix politiques et leur traduction budgétaire.
L’examen du projet de loi de règlement est bien sûr, vous l’avez rappelé, madame la rapporteure générale, l’occasion de vérifier les modalités par lesquelles l’autorisation parlementaire a été respectée. Il devrait surtout permettre, mes chers collègues, de s’intéresser davantage à la façon dont l’argent public a été dépensé et de mesurer les résultats obtenus au regard des moyens mis en oeuvre, mission par mission, programme par programme.
Cela nous éviterait probablement quelques débats théologiques ou totémiques au moment de la discussion du projet de loi de finances initiale, dont il est facile de constater aujourd’hui qu’ils mobilisent davantage nos collègues que l’examen approfondi des conditions de l’exécution budgétaire. Il est vrai qu’elle est propice aux envolées lyriques et aux jeux de posture – mais l’intervention du président de la commission des finances a montré que le débat sur le projet de loi de règlement n’y échappe pas davantage.
Chacun sait ici que, si la maîtrise et le redressement des finances publiques supposent de la constance, du courage et de la responsabilité dans les choix politiques – ce que, pour ma part, je différencie clairement de l’incantation sur les réformes structurelles, dont je cherche vainement la définition, à moins de penser qu’il n’y en a pas tant qu’il n’y a pas de sang sur les murs –, la modernisation de la gestion publique et la recherche de la performance restent et resteront longtemps des gisements importants et même considérables d’économies, à objectifs politiques constants.
Certes, la LOLF a déjà considérablement amélioré les choses, qu’il s’agisse de la gestion budgétaire proprement dite ou encore de la fiabilité et de la sincérité des comptes de l’État, qui ont fait l’objet cette année, pour la dixième fois consécutive, d’une certification par la Cour des comptes, certes toujours avec des réserves, mais de moins en moins nombreuses. Comme le récent rapport de la Cour sur la comptabilité générale de l’État l’a excellemment illustré, cet exercice de certification des comptes de l’État a permis des progrès considérables dans les procédures d’établissement des comptes et surtout dans la gestion publique.
Il reste que l’usage qui peut et doit être fait par l’administration comme par le Parlement de la comptabilité générale de l’État reste à développer. Elle doit justement permettre, par ses développements – je pense en particulier à l’établissement de comptes par mission et par département ministériel, et surtout de comptabilités analytiques –, de davantage s’intéresser aux coûts des politiques publiques et par conséquent à leur efficacité.
Comme je l’ai indiqué jeudi dernier, lors du colloque organisé au Sénat sur cette question, c’est d’abord le rôle de l’administration, et c’est probablement une condition pour que les parlementaires s’en saisissent davantage. Michel Sapin a pris des engagements sur ce point, je m’en félicite.
Il reste que nous tirerions bénéfice à nous y intéresser davantage que nous ne le faisons. La commission des finances, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, devrait prendre des initiatives à ce sujet. Le bon emploi des deniers publics y gagnerait certainement beaucoup et cette exploitation de la comptabilité générale de l’État enrichirait sans nul doute nos débats lors de l’examen du projet de loi de règlement.
Cela dit, la question principale qui se pose à l’occasion de l’examen de ce texte, le dernier examiné sous cette législature, est bien de savoir si l’autorisation parlementaire a été respectée et, si oui, comment.
De ce point de vue, les résultats de l’exercice 2015 sont bons. Les recettes de l’État ont été conformes aux prévisions et même légèrement supérieures, de 1,2 milliard, à celles inscrites en loi de finances initiale. Les dépenses ont été inférieures de 1,8 milliard à celles de 2014. Le solde budgétaire est inférieur de près de 4 milliards à celui inscrit en LFI : il s’établit à 70,5 milliards d’euros, contre 85,6 milliards en 2014, soit 15 milliards d’euros de moins en solde net et 3 milliards d’euros hors dépenses exceptionnelles du PIA imputées en 2014.
Ce résultat est d’autant plus remarquable que le budget de l’État a supporté, en dépenses, le coût de la compensation aux organismes de protection sociale du pacte de responsabilité et de solidarité et la montée en charge du CICE à hauteur de plus de 10 milliards.
Ces bons résultats doivent être remis en perspective dans la trajectoire de redressement des finances publiques et, plus généralement, dans le cadre de la stratégie de redressement du pays engagée par notre majorité depuis 2012.
J’entends en effet dire, ici et là – encore, à l’instant, sur les bancs de la droite de cet hémicycle, comme dans les commentaires de certains journalistes spécialisés, qui s’appuient la plupart du temps sur une lecture partielle et non distanciée des différents rapports de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques et sur l’exécution budgétaire –, au mieux que ces résultats seraient insuffisants, au pire qu’ils seraient tronqués, voire qu’ils hypothéqueraient l’avenir. Ils ne s’expliqueraient que par des éléments exceptionnels ou des effets d’aubaine, les économies effectivement réalisées seraient inférieures à celles annoncées en loi de finances, les normes de dépenses auraient été contournées, les engagements européens de la France ne seraient pas tenus. N’en jetez plus !
La semaine dernière, on a même entendu à nouveau parler de « dérapage des dépenses publiques » en 2016, de 3 à 6 milliards, et de risques, en 2017 et au-delà, que soit remis en question le retour à un déficit nominal inférieur à 3 % dès 2017.
Bref, contre toute évidence, les Cassandre – il en existe ici des spécialistes patentés, qui ont toutefois la mémoire un peu trop courte, notamment sur le passif de leur bilan – sont bien de retour pour tronquer la réalité des chiffres du passé et poursuivre leur action destructrice de suspicion quant à la réalité des efforts fournis et des résultats obtenus, et pour nous expliquer, comme ils l’avaient fait en 2014 et 2015, que les objectifs ne sont pas tenus et ne le seront pas davantage cette année et l’année prochaine. Sauf que – c’est l’avantage de la loi de règlement –, les chiffres de l’exécution sont incontestables.
La Cour des comptes, institution que je connais bien, est tout à fait dans son rôle lorsqu’elle rappelle l’exigence de redressement des comptes publics, ainsi que la vigilance et l’esprit de responsabilité pour les générations futures qui doivent animer les responsables publics. Elle a d’autant plus raison de le faire que les deux quinquennats précédents ont été marqués par un dérapage sans précédent de la dette publique, de plus de 1 000 milliards. La dette publique a alors doublé en dix ans,…
…notamment, madame Dalloz, en raison de la progression continue de la dépense publique à un rythme moyen annuel de plus de 3,6 %, dont nous traînons la charge des intérêts, ssujet d’intérêt pour le président de la commission des finances. Mais enfin, si la dette n’avait pas doublé, on ne traînerait pas un boulet de plus de 42 milliards d’euros de charge d’intérêts annuels !
La Cour a donc raison de rappeler à chacune et à chacun ces réalités dont il faut tenir compte, sauf à envoyer le pays dans le mur, passez-moi l’expression. Je dis cela pour celles et ceux qui, depuis le début de cette législature, plaident en faveur d’un accroissement des déficits, donc de la dette, au motif de soutenir le retour à la croissance,…
…quand ils ne plaident pas encore pour une augmentation continue de la pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprises.
Pour autant, la Cour des comptes, qui regrette manifestement que l’ajustement budgétaire ne soit pas plus rapide, gagnerait probablement à reconnaître davantage les efforts réalisés et les résultats obtenus, incomparables au regard du passé récent et même plus lointain. La pédagogie du nécessaire redressement de nos finances publiques y gagnerait, sa crédibilité aussi. Pour l’ensemble des administrations qui accomplissent des efforts, mais également pour les Français, ce serait une bonne chose, à moins que l’on ne veuille désespérer Billancourt, comme dit la vox populi…
Je n’en dirai pas davantage et ne reviendrai donc pas point par point sur certaines observations portées par la Cour à propos du déficit structurel, de l’effort structurel des finances publiques – qu’elle juge insuffisant –, de la croissance potentielle ou même de l’interprétation des normes de dépenses.
Ces débats, quoique parfois ésotériques, sont très intéressants. Ils méritent d’être poursuivis et le seront d’ailleurs, je n’en doute pas, à l’initiative des uns comme des autres. Mais, pour intéressants et essentiels qu’ils soient, ils ne doivent pas conduire à brouiller la réalité et à entraîner des confusions sur le mouvement de redressement des comptes publics impulsé à l’initiative du Président de la République depuis le printemps 2012.
J’en resterai à des chiffres simples et incontestables : ceux des comptes de l’État – ils le sont, bien sûr, puisqu’ils ont été certifiés par la Cour des comptes – mais aussi et surtout ceux de la comptabilité nationale, établis par l’INSEE, que nul ici ne songe à remettre en cause.
Que disent-ils ?
Tout d’abord, les recettes publiques sont conformes aux prévisions et même au-delà. C’est bien la preuve de notre sérieux budgétaire, qui nous conduit à construire nos projets de budget sur des hypothèses prudentes. Pour les adeptes de la rupture, c’est bien là une rupture avec la pratique des deux précédents quinquennats.
Ensuite, et surtout, le déficit public, en 2015, s’est établi à 3,6 % du PIB ; il a été divisé par deux depuis le pic de la crise financière, en 2009. Dois-je vous rappeler à ce propos, mesdames et messieurs les députés de l’opposition de droite, que vous nous aviez laissé un déficit public de 5,1 % en 2011 ? Il filait d’ailleurs allègrement vers les 5,5 % en 2012, en raison des impasses que vous aviez laissées – relevées par la Cour des comptes, elles nous ont conduits à prendre des mesures –, et nous avons réussi à le ramener, dès cette année-là, à 4,8 %.
Quant au déficit structurel, qui avait augmenté continûment depuis 2007 pour atteindre 4,8 % en 2011, nous l’avons ramené, en 2015, à 1,9 %, niveau inférieur de 0,2 point à l’objectif retenu dans la loi de programmation annuelle, tout comme le déficit public nominal est inférieur de 0,5 point à celui de la loi de programmation.
Oui, le déficit public baisse bien de 4 milliards d’euros en 2015. Il baisse d’ailleurs de façon ininterrompue depuis 2012 et l’effort structurel que nous avons réalisé est plus que significatif. Ce résultat est d’autant plus remarquable qu’il intervient dans un contexte économique général de croissance et d’inflation faibles, qui ne sont pas, à l’évidence, des facteurs propices à un redressement rapide des comptes publics et à l’ajustement budgétaire.
Mais surtout, pour la première fois depuis quinze ans, c’est-à-dire depuis 2000, il s’est réduit en même temps que les prélèvements obligatoires, qui se sont établis à 44,7 % du PIB en 2015. En effet, des mesures significatives d’allégement des impôts et des charges ont été mises en oeuvre pour accompagner la reprise. Les baisses d’impôt sur le revenu ont soutenu le pouvoir d’achat des ménages aux revenus modestes ou moyens et les mesures en faveur des entreprises leur ont permis de retrouver des marges pour investir, embaucher et créer de l’emploi, ce qui est aussi, madame la rapporteure générale, une forme de redistribution vers les Français retrouvant un travail, donc un salaire.
Dans le même temps, des dépenses nouvelles ont dû être financées, au-delà même des priorités politiques de ce quinquennat. Je pense bien évidemment, en premier lieu, à l’éducation nationale, à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais aussi aux politiques de solidarité et en faveur de l’emploi. Évidemment aussi, dans le contexte international que nous connaissons, le renforcement de notre potentiel de défense, les exigences de la lutte contre le terrorisme et les conséquences de la crise migratoire ont conduit à l’ouverture de crédits supplémentaires, ratifiés par notre assemblée en loi de finances rectificative.
De vous à moi, si le déficit comme les prélèvements obligatoires baissent, alors même que de nouvelles dépenses ont été inscrites au-delà de la loi de finances initiale, c’est bien que des économies sont réalisées, et c’est bien qu’elles le sont, monsieur le président de la commission des finances, au-delà même de ce qui était prévu en LFI, puisque les résultats de l’exercice 2015 vont au-delà des prévisions et, s’agissant de l’État, sont meilleurs que les prévisions de l’autorisation budgétaire en loi de finances initiale.
Pour la deuxième année consécutive, la progression de la dépense publique, limitée à 0,9 % en valeur, hors crédits d’impôts, est historiquement basse, surtout en comparaison du taux supérieur à 3 % sous le quinquennat précédent. Comme la Cour l’a elle-même reconnu, la réduction du déficit public en 2015 a été essentiellement portée par l’effort sur les dépenses, auquel l’ensemble des administrations publiques a contribué : un effort de 0,5 % du PIB pour une baisse du déficit de 0,4 %.
Cela veut bien dire aussi – et je veux souligner cette autre rupture par rapport au précédent quinquennat – que les baisses d’impôts décidées et mises en oeuvre par notre majorité n’ont pas été financées par de la dette supplémentaire mais par des économies. C’était vrai hier, c’est vrai aujourd’hui et ce sera encore vrai demain.
L’exercice 2015 prouve, au demeurant, que cette manière de faire des économies est entièrement compatible avec une gestion publique de qualité. La dépense de l’État a été réduite de 1,4 milliard d’euros et, dans le même temps, la dette de l’État envers la Sécurité sociale, vous l’avez rappelé, madame la rapporteure générale, a été apurée, sans reports de charges supplémentaires. Contrairement à ce qui est dit ici et là, les normes de dépenses, qui avaient été durcies de 700 millions d’euros en 2015, ont été respectées.
Je constate cependant, hélas ! que ces évidences ne conduisent pas les Cassandre à modérer leurs propos et à faire preuve de davantage de prudence, puisqu’ils nous promettent un dérapage des dépenses publiques en 2016 et en 2017, et nous assurent même que la trajectoire de redressement des finances publiques ne pourra être tenue. Si, d’aventure, ils revenaient aux responsabilités en 2017, ils nous promettent des ajustements brutaux, en recettes comme en dépenses, dont nous attendons avec intérêt la documentation, monsieur le président de la commission des finances,…
…s’agissant aussi bien des baisses d’impôts que des baisses de dépenses. Derrière ces baisses, c’est bien un projet de société qui se dessine, une politique économique à conduire. Je crains que les 80 milliards d’euros de M. Mariton,…
…les 100 milliards de M. Sarkozy et les 130 milliards de je ne sais plus qui, car j’ai du mal à suivre, n’entraînent le désordre social et, surtout, le désordre économique.
Au-delà de ces propos aussi incantatoires qu’irréalistes, la vraie question qui se pose depuis le début de ce quinquennat, dont nous aurons l’occasion de débattre à nouveau jeudi prochain, ce n’est pas tant la nécessité du redressement des comptes publics, lequel est à la fois une exigence économique et un devoir moral vis-à-vis des générations futures, que le rythme qu’il doit prendre.
Nous avons pour notre part choisi – c’est notamment pourquoi nous avons révisé, en 2014, la loi de programmation des finances publiques – de conjuguer redressement des finances publiques, redressement économique du pays, retour vers la croissance et préservation de la cohésion sociale du pays, donc des politiques de solidarité.
De ce point de vue, 2015 a été une année de reprise de la croissance et de retour à la création d’emplois dans l’économie, avec une croissance de 1,3 %, nettement supérieure à celle de 2014, appuyée sur une reprise solide, tirée par la production de l’industrie manufacturière et les services marchands, et le redressement de l’investissement des entreprises, qui valide nos choix de politique économique depuis décembre 2012. La consommation des ménages, en croissance de 1,5 %, a été soutenue par l’augmentation du pouvoir d’achat, pour la deuxième année consécutive.
Les premiers chiffres de l’année 2016 confirment cette tendance, avec une perspective de croissance de 1,6 % et de création nette de 140 000 emplois salariés marchands et de 210 000 emplois au total. Le taux de chômage devrait reculer pour s’établir à 9,5 %, son niveau de fin 2012.
Si je résume mon propos, l’exécution budgétaire a permis de tenir, et même au-delà, la trajectoire de redressement des finances publiques décidée par notre Parlement, tout en prenant en compte les exigences et les réalités du moment. Nous n’avons certes pas répondu aux exigences de la Commission européenne en ce qui concerne l’effort structurel mais nous nous en sommes expliqué. Les chiffres que je viens de citer sur le retour de la croissance et de la création d’emplois montrent que nous avons eu raison.
Tout se tient : le redressement des comptes publics comme le retour de la croissance économique et la préservation de la cohésion sociale. Le projet de loi de règlement traduit ces exigences. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, que le groupe socialiste, écologiste et républicain le votera.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, au fond, notre collègue Lefebvre n’a pas tout à fait tort.
Nous discutons du projet de loi de règlement de 2015 au moins mauvais moment, probablement, de ce mandat. Néanmoins, au regard de ce qui précède et de ce qui risque de suivre, ce n’est pas véritablement un compliment.
L’inquiétude est grande aujourd’hui, s’agissant de l’exécution budgétaire de cette année et des premiers mois de celle de 2017, à cause des dépenses qui y sont renvoyées – le président de la commission des finances les a rappelées. Telle est l’analyse du groupe d’opposition Les Républicains, mais telle est aussi celle de la Cour des comptes, nous en reparlerons jeudi.
Dans cette hiérarchie des pires, la réalité, c’est qu’il y a déjà matière à inquiétude et à critique dans l’exécution 2015. Le climat conjoncturel de ces derniers mois et de l’année dernière était en effet plus favorable, mes chers collègues. Vous aimez les chiffres, monsieur Eckert, à la différence de M. Sapin, qui est parfois très fâché avec,…
…et vous nous dites vouloir les présenter de manière incontestable. Chiche ! Mais que constate la Cour des comptes pour 2015 ? L’effort structurel est inférieur aux ambitions de la loi de programmation mais aussi au programme de stabilité. Le déficit structurel est supérieur à celui prévu dans le programme de stabilité, aussi bien dans sa version d’avril 2015 que dans celle de 2016 – il est aggravé de 0,3 point de PIB.
Malgré la conjoncture, la situation en matière de déficit ne s’améliore pas, ou si peu. En incluant les dépenses exceptionnelles – ce qu’il convient de faire, j’y reviendrai –, l’amélioration est limitée à 300 millions d’euros. Globalement, le compte n’y est manifestement pas : en 2015, le déficit atteint 74 milliards d’euros, après 74,4 milliards en 2014 et 68,8 milliards en 2013 ; on ne peut pas dire que les progrès soient considérables.
Vous pourriez contester cette inclusion des dépenses exceptionnelles, monsieur le secrétaire d’État. D’abord, ce sont des dépenses. Ensuite – nous sommes revenus sur cette question, la semaine dernière, lors de l’audition du premier président de la Cour des comptes –, les programmes d’investissement d’avenir, qui entrent en ligne de compte dans le débat sur le périmètre, remplacent de plus en plus les crédits budgétaires. Permettez donc que la comparaison soit effectuée en incluant ces dépenses exceptionnelles !
En 2015, les dépenses croissent de 2,6 milliards d’euros, selon la Cour des comptes. Mais où sont les économies ? L’objectif de 7,3 milliards d’euros fixé en loi de finances initiale n’est pas atteint, loin s’en faut, avec seulement, en réalité, 1,4 milliard. La dette de l’État est très élevée et s’aggrave encore, si besoin était, de 48 milliards en 2015, pour atteindre 1 576 milliards d’euros.
Un autre paramètre, dont je n’avais pas encore mesuré l’importance, a été évoqué par le président de la commission des finances : c’est la politique d’émission, que l’on pourrait qualifier pudiquement de particulièrement active, mais qui est en réalité tout à fait critiquable. Il s’agit, pour l’État, d’assumer des taux anormalement élevés, en contrepartie de primes d’émission à hauteur de 22,5 milliards d’euros. Dans des proportions plus modestes, cette politique pourrait faire partie de la gestion financière, nous sommes capables de le comprendre – je vois que Mme la rapporteure générale acquiesce –, mais son ampleur actuelle n’est tout simplement pas acceptable. En termes de transparence et de sincérité, c’est extrêmement critiquable. La Cour reprend d’ailleurs le calcul et considère que, sans cette politique d’émission tant critiquable, le niveau de la dette aurait en réalité augmenté de 70 milliards d’euros.
Les recettes, monsieur le secrétaire d’État, sont fragiles. Parmi les exemples cités par Gilles Carrez, j’en soulignerai quelques-uns.
Les déclarations rectificatives, suite aux contrôles fiscaux, ont rapporté 6,3 milliards d’euros, ce qui représente un progrès de 2,3 milliards d’euros par rapport à 2014. Toutefois, aussi légitimes que soient l’action de l’État dans le domaine du contrôle fiscal et les déclarations rectificatives auxquelles elle peut conduire, nous constatons – car cela va au-delà d’une impression – que cette politique légitime, menée au nom de la justice, devient une politique de rapports qui sert vos équations budgétaires.
Que les contrôles fiscaux et les déclarations rectificatives rapportent au budget de l’État, c’est légitime et positif ; qu’ils deviennent un paramètre important de la gestion et de l’exécution budgétaires, cela ne relève pas des bonnes pratiques, me semble-t-il.
Vous préférez peut-être qu’on ne les comptabilise pas ?
En tout cas, cela devient facteur d’incertitude pour l’avenir.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, le versement d’EDF s’est élevé à 1,4 milliard d’euros en 2015. Vous connaissez la fragilité de l’entreprise – avec mon collègue Marc Goua, nous aurons l’occasion de revenir sur cette question devant la commission, dans une dizaine de jours. Il est important, pour l’avenir, que l’État arrête de prendre EDF pour une vache à lait. Même si ces 1,4 milliard d’euros provenaient d’une requalification comptable, l’apport d’EDF aux finances publiques, depuis de longues années, aura été bienvenu pour le budget de l’État. Votre gouvernement en a usé et abusé, comme d’autres auparavant, au point d’avoir fragilisé l’entreprise et la politique énergétique française. Cette situation, vous me l’accorderez, ne peut plus durer.
Les perspectives pour l’exécution budgétaire 2016 sont inquiétantes, à cause des dépenses nouvelles importantes que le Gouvernement a multipliées. Certaines pouvaient être justifiées, d’autres non. Le blocage du point d’indice ne pouvait certes pas durer éternellement, mais il eût été préférable de l’accompagner de mesures structurelles, que votre Gouvernement n’a malheureusement pas le courage de mettre en oeuvre, comme l’augmentation du temps de travail des fonctionnaires.
Les perspectives sont encore plus inquiétantes pour 2017, puisque vous reportez nombre d’efforts à cet horizon. Gilles Carrez a souligné combien le pacte de responsabilité et de solidarité – que l’on pouvait critiquer, mais qui marquait une inflexion positive de l’action de la majorité – n’était pas respecté. Transformer des baisses de charges en CICE, ce n’est pas neutre ; c’est même l’exact contraire de ce que le Gouvernement avait annoncé il y a quelques mois, lorsqu’il parlait de « barémisation » du CICE. Le non-respect de la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, n’est pas non plus un signal heureux pour l’économie ou pour les entreprises. En tout cas, en continuant à jouer avec la technique du CICE plutôt que de procéder à des baisses de charges, vous pratiquez une méthode, déjà maintes fois adoptée, inappropriée et complexe : celle des report de charges à des budgets ultérieurs, ce qui est très commode en période électorale.
Il existe d’autres inquiétudes encore pour 2017 et 2018, avec votre funeste projet de prélèvement à la source. Je ne suis pas sûr que le Conseil d’État en ait terminé l’examen ; en tout cas, nous n’en voulons pas.
En réalité, madame la présidente, les problèmes sont même plus massifs que ne le laissent entendre les quelques critiques de la Cour des comptes que j’ai rappelées. La situation budgétaire passée et à venir est défavorable. À l’échelle européenne, les comparaisons ne sont jamais en notre faveur. Il faut y remédier, non par bigoterie mais tout simplement parce qu’une meilleure santé budgétaire de la France serait une démonstration à la fois de souveraineté, de dynamisme de notre économie et de prospérité. Ce n’est pas le choix que vous avez fait dans la durée.
Le poids des dépenses publiques dans notre pays, faut-il le rappeler, madame la présidente, est très supérieur à celui constaté chez nos voisins et s’est même aggravé : il excède de plus de dix points la moyenne européenne et de plus de treize points celui de l’Allemagne.
Des prélèvements obligatoires pesantes, une économie, hélas ! plate… Il y a quelques semaines, le Gouvernement a exprimé une grande satisfaction parce que les prévisions de croissance s’étaient améliorées de 0,1 point. Un tel triomphe pour 0,1 point ? Monsieur le secrétaire d’État, la France mérite mieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, les comptes de l’État ne se sont pas améliorés en 2015.
En effet, la situation nette de l’État est négative d’environ 1 100 milliards d’euros, soit quatre mois de produits régaliens, contre seulement deux mois en 2008.
Alors que le Gouvernement se félicite que le déficit soit, en valeur faciale, inférieur de 15,1 milliards d’euros à celui de 2014, il n’a en réalité baissé que de 300 millions, après retraitement des éléments exceptionnels – cela vient d’être rappelé. Le déficit s’établit ainsi à 70,5 milliards d’euros en 2015, soit près de trois mois de dépenses du budget général, ce qui équivaut au budget de l’enseignement scolaire ou au produit de l’impôt sur le revenu.
En outre, cette baisse du déficit est réalisée essentiellement grâce aux efforts des collectivités locales, tandis que la part de l’État ne diminue que de manière très marginale. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants dénonce la méthode consistant, pour le Gouvernement, à demander des efforts très importants aux collectivités locales, au prix d’une baisse sans précédent de leurs investissements, sans y contraindre l’État dans les mêmes proportions.
La Cour des comptes souligne également que le déficit structurel, s’il est légèrement inférieur à la prévision de la loi de programmation, reste insatisfaisant. En effet, la trajectoire fixée par la loi de programmation est jugée peu exigeante par la Cour et ne respecte pas les engagements européens de la France : l’effort structurel réalisé en 2014 et 2015 a été moins important que prévu dans les deux derniers programmes de stabilité. Cela signifie que l’effort à réaliser pour revenir à l’objectif d’équilibre structurel de moyen terme sera plus dur dans les prochaines années.
Malgré les efforts conséquents demandés aux Français par le Gouvernement depuis le début du quinquennat, le déficit de la France demeure plus dégradé que celui de la plupart des pays de la zone euro. En outre, la dette de l’État, qui représente plus des trois quarts de la dette des administrations publiques, a atteint 1 576 milliards d’euros en 2015 ; loin de décroître, elle augmente à nouveau de 48 milliards d’euros. La Cour des comptes souligne que la dette française dépasse de près de 20 points celle de l’Allemagne et de 5 points celle de la moyenne de la zone euro, qui, contrairement à la dette de notre pays, évoluent à la baisse.
Quant à la croissance, qui s’établit à 1,3 % en 2015, elle a largement bénéficié de la conjoncture internationale. En effet, 0,3 point a été engendré par les bas prix du pétrole, 0,2 point par la baisse des taux d’intérêt et 0,2 point par la dépréciation de l’euro.
Cependant, l’action de ces facteurs externes très positifs a été anéantie par les effets négatifs des hausses d’impôts, qui ont amputé la croissance française de 0,7 point en 2015. Les recettes fiscales ont encore augmenté de 5,8 milliards d’euros par rapport à 2014, faisant une nouvelle fois voler en éclat la promesse de pause fiscale. Au total, sur la durée du quinquennat, les prélèvements obligatoires auront augmenté de 96 milliards d’euros.
Enfin, la Cour des comptes note que la maîtrise des dépenses publiques demeure partielle et que les résultats restent fragiles. En effet, alors que le Président de la République avait initialement promis de réaliser, en 2015, 21 milliards d’euros sur les 50 milliards du plan d’économies, il a progressivement décalé cet effort vers la fin du quinquennat.
Au final, la Cour ne recense que 12 milliards d’économies en 2015 ; alors que 7,3 milliards d’économies devaient être réalisées sur les dépenses de l’État et de ses opérateurs, la Cour n’a identifié, en tout et pour tout, que 1,7 milliard d’euros. Ces économies sont bien inférieures à l’objectif du Gouvernement.
En outre, pour la majorité d’entre elles, elles ne sont pas reconductibles les années suivantes. Elles correspondent en effet, à hauteur de 60 %, à des prélèvements sur le fonds de roulement d’organismes publics. Les économies de constatation sur la charge de la dette, mais aussi sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, ne constituent pas non plus des économies structurelles.
Depuis le début du quinquennat, le groupe UDI n’a cessé de demander au Gouvernement de mettre en place des réformes structurelles. La réforme de l’État et des collectivités territoriales, la réforme de la protection sociale et de la santé, la réforme du paritarisme, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre nation sont autant de chantiers qu’il est urgent de lancer et que vous n’avez pas initiés. Seules ces réformes seraient à même d’endiguer la hausse de la dépense publique et de conduire à de véritables économies, supportables par tous et fructueuses sur le long terme. À son arrivée au pouvoir, le Gouvernement a supprimé la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui avait pourtant permis de dégager près de 12 milliards d’euros de réduction des dépenses. Le groupe UDI déplore que le Gouvernement ait ainsi refusé de poursuivre cet effort de modernisation de l’État. En conséquence, les dépenses de personnel ont augmenté pour la deuxième année consécutive, passant à 121,1 milliards d’euros en 2015, après 120,2 milliards en 2014 et 119,6 milliards en 2013, ce qui rend impossible une véritable baisse de la dépense publique.
Enfin, les plafonds de dépenses fiscales et de crédits d’impôt prévus par la loi de programmation ont été dépassés, sans que le Gouvernement ne prévoie d’ajustement : par rapport à 2014, le coût total des dépenses fiscales, en 2015, a augmenté de 6 milliards d’euros. Il convient de rappeler que le programme du Parti socialiste, en 2012, avait au contraire pour ambition d’annuler 50 milliards d’euros de niches fiscales, qu’il jugeait sans efficacité économique et injustes socialement. En réalité, leur coût est passé de 70,9 milliards d’euros en 2012 à 83,4 milliards en 2016, en augmentation de 12,5 milliards d’euros.
Mes chers collègues, tout comme la Cour des comptes, nous appelons le Gouvernement à amplifier l’effort de redressement de nos comptes publics, afin de permettre à notre pays de renouer avec la compétitivité, avec une croissance solide et durable, et ainsi avec l’emploi. Les mesures structurelles courageuses pour redresser notre pays, hélas ! ne sont pas prises. C’est pourquoi le groupe UDI votera contre le projet de loi de règlement des comptes de l’année 2015.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes est traditionnellement l’occasion de marquer nos divergences politiques et économiques, parfois d’ailleurs de manière artificiellement accentuée.
Chaque année, le contexte est particulier ; il l’a été plus encore en 2015.
Les attentats de janvier et de novembre à Paris ont coûté excessivement cher aux plans humain, mais aussi symbolique et politique.
La révolution grecque s’est enlisée à Bruxelles, en dépit de l’action déterminée de la France : le statu quo dévastateur de la gestion de la crise de la dette, bien que rassurant pour les marchés et le Fonds monétaire international – le FMI –, a malheureusement favorisé la radicalisation de la gauche démocratique, ainsi que la montée des individualismes et de l’extrême droite dans le reste de l’Europe.
En même temps, il nous a été donné de nous réjouir sincèrement de la formidable cohésion que notre société a su conserver et prouver au reste du monde après les attentats de Charlie Hebdo. La manifestation du 11 janvier – celle du peuple uni dans toutes ses dimensions ou presque, celle des chefs d’État presque tous humblement présents, à quelques ego près – a courageusement affiché une nouvelle solidarité organique, quasi inespérée en ces temps troublés.
Il faut aussi se réjouir que la COP21 ait abouti aux accords de Paris, ce qui n’est pas qu’un symbole. Comme notre rapporteure générale l’a indiqué, la fiscalité écologique, en 2015, a représenté 62 milliards d’euros de recettes fiscales, soit près de 3 % du PIB. Cela reste évidemment insuffisant, d’autant que les modalités et les critères fiscaux de l’addition par laquelle se montant global est calculé sont contestables, des carottes bio étant ajoutés à des choux qui ne le sont pas…
Sourires.
…et que nous parvenons généralement à nous mettre d’accord sur ce sujet.
Voilà donc deux motifs de satisfaction partiels.
Dans le détail, nous avons encore rencontré des résistances gouvernementales, par exemple, à l’automne dernier, lors du débat relatif à la réforme de la dotation globale de financement, la DGF, concernant les moyens d’inciter nos collectivités territoriales, en priorité, à la sobriété énergétique. Nous pensons en effet que la fiscalité écologique la plus urgente et en réalité la plus élémentaire ne doit pas être punitive mais incitative et source d’économies d’énergie. C’est encore plus vrai concernant les ménages, sous peine d’aggraver les inégalités, sans impact réel sur l’écosystème.
Dans un contexte extraordinairement favorable à la dépense, il est indéniable que vous avez su engager une bonne maîtrise les dépenses publiques. C’est d’autant plus méritoire que notre pays est entré, ces derniers mois, dans une crise terroriste majeure, dont la gestion est somme toute exemplaire. Nous sommes ainsi sortis de l’ère précédente, consécutive à 2008, durant laquelle la vanne des dépenses était de plus en plus ouverte, à la faveur principale des établissements bancaires et sans contrepartie, au fur et à mesure que la France subissait la crise économique. Cette politique infligeait une double peine aux finances publiques et aux contribuables ; elle a été heureusement remplacée par une gestion que l’on peut éventuellement qualifier de sociale-démocrate.
En 2014, les dépenses du budget général suivaient déjà une baisse nette de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2013. En 2015, la réduction des dépenses – comprenant la charge de la dette et les pensions – s’élève encore à 1,4 milliard d’euros par rapport à 2014, ce dont nous nous félicitons. En conséquence, le déficit budgétaire se réduit tendanciellement, ce qui nous arrange tout autant que Bruxelles.
La Cour des comptes a toutefois mis en lumière quelques artifices comptables, comme des annulations et des reports de crédits, ou encore des économies de constatation.
Pour dépasser le débat franco-français du périmètre d’analyse comptable du déficit auquel participe la Cour, notamment en évoquant les programmes d’investissements d’avenir, je rappelle que notre assemblée a adopté, le 8 juin 2015, une proposition de résolution européenne demandant la prise en compte de l’effort financier considérable et constant consenti par la France depuis 2012 en faveur des opérations de maintien de la paix sous mandat de l’ONU, au bénéfice de l’ensemble de nos partenaires européens.
À l’automne dernier, lors du débat budgétaire, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes m’avait assuré que la Commission européenne devait avancer sur ce sujet. Les voeux exprimés par notre résolution parlementaire ayant été relayés auprès du commissaire européen Pierre Moscovici, celui-ci a convenu, début juin, qu’un véritable problème de mutualisation se posait mais que ces questions seraient plus facile à traiter le jour où une véritable défense européenne existerait. Autant dire que ce projet est repoussé à des calendes lointaines, à défaut d’être grecques…
La gestion des dépenses est donc sérieuse – voire douloureuse, pour ce qui concerne nos collectivités territoriales. Peut-on en conclure que les sociaux-démocrates français s’alignent sur la droite ultralibérale, comme l’avancent certains de nos partenaires de la majorité de 2012 ? La réduction des dépenses de nos collectivités aurait dû s’accompagner d’une réforme structurelle de la DGF, ce qui l’aurait rendue plus juste et plus acceptable, mais cette réforme a été reportée par ceux-là mêmes qui contestaient le rabot uniforme – c’est un comble.
Il est tentant de conclure que cette gestion sérieuse de la dépense est une politique d’austérité, mais ce serait faire un raccourci trop rapide. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance n’a certes pas été renégocié dès 2012, mais a-t-il été réellement appliqué à la lettre près – ou plutôt à la virgule près – depuis lors, particulièrement à la France ? Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2012 ne sont-ils pas parvenus, tout en réduisant les déficits, à ralentir le rythme imposé par ce traité sans subir de sanction ? La fonction publique a-t-elle vraiment été saignée ? N’a-t-on pas, à l’inverse, mis fin à la RGPP et, pour ne prendre qu’un exemple, revalorisé les salaires des fonctionnaires de catégorie C ? N’a-t-on pas renforcé de manière ciblée et progressiste les effectifs de l’éducation nationale, de la justice et, dans le contexte de lutte contre le terrorisme, de la police ? N’a-t-on pas revalorisé les minima sociaux dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, en ciblant les familles monoparentales, donc les femmes et les enfants ? Les montants sont-ils suffisants ? C’est un autre débat, dans lequel le Parlement, malheureusement, demeure constitutionnellement impuissant. Mais a-t-on assisté, comme sous le précédent quinquennat, à une nouvelle grande braderie discrète des biens immobiliers de l’État ? Après, il est vrai, quelques batailles d’hémicycle, n’a-t-on pas préservé, malgré le contexte, l’aide publique au développement ? N’avons-nous pas adopté, après avoir engagé le débat en 2013, le principe de son financement par une taxation des transactions financières infra-journalières ? Le positionnement de la France vis-à-vis de ses partenaires européens en la matière est-il si clairement libéral ? Je crois que la réponse à ces questions s’impose d’elle-même.
Certes, après des années d’une gestion que l’on peut qualifier à la fois de dispendieuse et de conservatrice, au sens le moins noble du terme, les attentes étaient si vertigineuses que la chute a été brutale pour les plus militants des Français. Nous voulions des réformes structurelles, une remise à plat immédiate de notre fiscalité et une participation honorable des banques au redressement des comptes publics. Toutefois, afin d’assurer la continuité de l’État, il a d’abord fallu travailler à ralentir le rythme effréné du creusement de tous les déficits – y compris celui, abyssal, de la Sécurité sociale –, afin de conserver notre crédibilité internationale et notre souveraineté. De ce point de vue, la réussite du Gouvernement est indéniable.
Il y a eu, bien sûr, certaines erreurs initiales, au premier rang desquelles la poursuite de la croissance des prélèvements obligatoires entamée sous le précédent quinquennat, avec le gel du barème de l’impôt sur le revenu et la suppression de la demi-part des veuves. Ces erreurs ont été ouvertement reconnues par le Président de la République et les mesures en faveur du pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes se chiffrent, depuis juillet 2014, en milliards d’euros. Une politique de la demande, appuyée sur ceux qui consomment, voit enfin le jour. Il faut ajouter à cela le plafonnement des niches fiscales, le rapatriement des exilés fiscaux et la création d’une tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu : peut-on réellement parler d’un alignement avec les ultralibéraux européens ?
Les négociations à propos du prélèvement à la source vont débuter, sans renoncement par rapport au programme initial. Il faudra, bien entendu, réformer notre système de niches fiscales – bien que l’année 2015 ait montré qu’il est possible de les contenir en volume –, mais chacun ici reste attaché à telle ou telle. Ce n’est donc pas une réforme qui s’impose en France, mais une révolution, pour laquelle il faudra bien du courage politique.
Les milliards d’euros consacrés au pacte de responsabilité et de solidarité sont constamment comparés aux milliards d’euros octroyés aux ménages. Ces montants sont-ils vraiment comparables ? Bien sûr, nous regrettons vivement que les amendements que nous avons soumis à la représentation nationale, loi de finance après loi de finance, afin de conditionner le CICE, n’aient pas été adoptés, car ils auraient permis de renforcer le contrôle de l’utilisation du CICE par les entreprises du CAC 40, qui préfèrent en distribuer le produit à leurs actionnaires, sans impact sur l’emploi. Nous regrettons aussi que les dispositifs relatifs aux entreprises ne soient pas ciblés sur celles qui sont soumises à la concurrence internationale. Enfin, nous ne cautionnons toujours pas les règlements européens invoqués par le Gouvernement pour justifier les demandes de retrait de nos amendements visant à relever le plafond d’imposition à taux réduit des PME et des micro-entreprises.
L’excellent rapport de notre rapporteure général donne les chiffres suivants : en additionnant l’impôt sur les sociétés, la cotisation foncière des entreprises, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et les prélèvements sociaux, le montant global des prélèvements sur les entreprises atteint 91 milliards d’euros : 37 milliards acquittés par les grandes entreprises ; 27 milliards par les entreprises de taille intermédiaire, les ETI ; 19 milliards par les petites et moyennes entreprises, les PME ; 8 milliards par les micro-entreprises. Le rapport entre la fiscalité et la valeur ajoutée hors taxe varie donc de 7 % à 12 % selon les catégories, depuis les micro-entreprises jusqu’aux grandes entreprises.
Or, dans la pratique, les taux de marge des micro-entreprises et des PME sont plus faibles que ceux des ETI et des grandes entreprises. Ces différences sont notamment dues à la différence des modes de production, plus ou moins capitalistiques. Les micro-entreprises et PME, par exemple, utilisant proportionnellement moins de capital, elles ont moins de capital à rémunérer à partir de la valeur ajoutée qu’elles parviennent à dégager. L’impôt sur les sociétés, retranché du CICE et du crédit d’impôt recherche, reste donc économiquement « distorsif », terme employé par le Gouvernement lui-même dans le projet de loi de finances pour l’année 2014.
Cela dit, le CICE a permis à de nombreuses entreprises, pas uniquement parmi les plus grandes, de se maintenir à flot. Le pacte commence à porter ses fruits, la reprise est là. Certains acteurs économiques ne jouent pourtant toujours pas le jeu, notamment les banques, qui, quoique préservées, sont toujours rétives à financer les entreprises comme les particuliers. Encore une fois, nous regrettons que notre action n’ait pas été plus décisive à ce sujet.
Avec le Brexit, l’Union européenne est en pleine mutation. L’occasion est historique pour les sociaux-démocrates : nous avons une carte à jouer pour l’emporter idéologiquement. Gageons que nous gagnerons cette bataille, à l’image de celle de ces comptes pour l’année 2015.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement des comptes de l’année 2015 est un exercice budgétaire convenu. Mais notre réflexion ne saurait s’affranchir de la réalité du pays : à la fin de l’année passée, le nombre de chômeurs, toutes catégories confondues, a atteint le chiffre colossal de plus de 6 millions de nos concitoyens. La fracture territoriale n’a cessé de grandir, des pans entiers de notre sphère public sont en souffrance – je pense d’abord au monde hospitalier. Surtout, alors que nous sommes un grand pays, il n’y a pas de ressort collectif, de destinée commune que nos compatriotes pourraient identifier et à laquelle ils pourraient adhérer.
Cette absence d’élan, cette impasse collective causent beaucoup de ressentiment, de divisions, voire de haine. Ces sentiments gangrènent notre continent. Face à un monde de la finance qui, du Luxembourg à Panama, continue de faire bombance, tandis que les couches moyennes et modestes sont obligées de compter chaque euro, la faiblesse des réponses ne fait qu’aggraver le ressentiment. C’est le choix délibéré des gouvernements des pays de l’Union européenne de donner la priorité à la finance sur le développement qui nous éclate à la figure.
Tout montre donc que le chemin emprunté, celui de l’Europe des marchands et des marchandises, des multinationales et des traders, non seulement conduit à un échec mais s’avère dangereux. L’actualité brûlante – notamment la décision nette prise par le peuple britannique de quitter l’Union européenne – l’illustre bien. Depuis une bonne vingtaine d’années, l’intégration européenne s’est réalisée très précisément sur la question budgétaire, en lien avec la monnaie unique et l’Union économique et monétaire. Elle s’est particulièrement renforcée depuis la crise financière de 2008, avec de nombreux accords, notamment le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012, que la France n’a pas renégocié, contrairement à ce qui avait été promis.
C’est ainsi que les États ont progressivement consenti à endosser un véritable corset budgétaire, qui limite de fait leur souveraineté puisque les pouvoirs de contrôle et de sanction sont délégués à un organe non élu, la Commission européenne. Démocratiquement peu légitime, la Commission est devenue la « mère-la-rigueur » de l’Europe, une Europe devenue celle de l’austérité et de la contrainte budgétaire, une Europe de la sanction en cas de manquement aux sacro-saintes indicateurs de déficits et de dette publique. L’Europe, aujourd’hui, punit plutôt qu’elle ne protège.
Compte tenu du déficit de 3,6 % de la France pour l’année 2015, l’Union européenne s’est résolue à suspendre la procédure engagée contre notre pays pour déficit excessif. Cependant, puisque notre déficit reste supérieur à 3 %, Bruxelles, par une recommandation du Conseil européen du 14 juillet 2015, exige que la France inscrive, dans son programme national de réforme, des mesures aussi rétrogrades que celles de la loi travail.
C’est dans ce contexte général que je souhaite replacer les trois principaux enjeux de ce texte, sur lesquels je m’arrêterai plus précisément.
Le premier concerne le CICE. J’ai toujours affirmé que certains secteurs, exposés à la mondialisation, devaient être soutenus, tandis que d’autres – je pense à la grande distribution, au secteur bancaire et assuranciel, à l’hospitalisation privée – ne doivent pas en bénéficier, car c’est un gâchis de fonds publics inadmissible. Je me souviens d’ailleurs d’un joli éditorial, publié sur le blog de M. Christian Eckert, alors rapporteur général du budget, démontrant la nécessité de rendre le CICE plus sélectif, en l’assortissant de conditions. Il avait raison ; c’est ce que nous devrions faire.
Le choix exclusif de la politique de l’offre, réaffirmé par le Président de la République, n’a pas eu d’effet tangible sur l’emploi, le chômage ayant encore progressé en mai. En annonçant, coup sur coup, une diminution de la fiscalité des artisans, une baisse d’impôt sur les sociétés pour les PME et surtout une nouvelle augmentation du CICE, qui passerait de 6 à 7 % de la masse salariale correspondant aux salaires inférieurs à 2,5 SMIC, c’est le dernier étage de la fusée de la politique de l’offre qui sera largué. Cela porterait l’impact budgétaire du CICE à 25 milliards d’euros par an en rythme de croisière, soit 1,2 point de PIB. C’est ainsi que la dépense fiscale a explosé depuis trois ans, cela a déjà été dit.
Alors que l’impôt sur les sociétés rapportait environ 50 milliards d’euros au début du quinquennat, il ne rapportera plus que 25 milliards d’euros à son terme. La majorité aura donc divisé par deux l’impôt sur les sociétés, emboîtant le pas aux Britanniques, qui ont aussi annoncé une baisse massive de la fiscalité des entreprises. La concurrence fiscale joue donc à plein en Europe, au détriment des peuples.
Outre son inefficacité notoire et son coût abyssal pour les finances publiques, le CICE est particulièrement problématique puisqu’il crée ce que l’on appelle une trappe à bas salaires : en multipliant les allégements fiscaux et sociaux sur les bas salaires, on incite les employeurs à maintenir le salaire de leurs employés à un bas niveau, afin de bénéficier de ces avantages particuliers ; on renchérit ainsi toute augmentation de salaire, ce qui constitue un grave problème eu égard à la réalité des salaires dans notre pays – le SMIC mensuel net est de 1 135 euros, soit à peine 200 euros de plus que le seuil de pauvreté.
Rappelons à nos concitoyens comment sont financés le CICE et l’ensemble des allégements fiscaux et sociaux accordés sans contrepartie aux entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Ils reposent, d’une part, sur un transfert d’impôts vers les ménages, comme le montre l’évolution récente de la structure des recettes de l’État, Mme la rapporteure générale l’a rappelé avec raison dans son introduction. Réduit à peau de chagrin à cause du CICE, l’impôt sur les sociétés constitue désormais moins de 10 % des produits fiscaux de l’État. Cette diminution est compensée par la fiscalité indirecte, d’abord la TVA, le prélèvement le plus injuste car le plus régressif. D’autre part, ces mesures en faveur des entreprises sont financées par des coupes dans les budgets de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales – nous retrouvons là les fameux 50 milliards d’euros d’économies.
J’en viens à mon deuxième point : le sort des collectivités territoriales et, au-delà, des territoires eux-mêmes, suite aux décisions de baisses de dotations. La diminution de 3,7 milliards d’euros en 2015, faisant suite à la baisse de 1,5 milliard de dotations aux collectivités locales en 2014, a eu des conséquences très néfastes. La Cour des comptes, en parlant d’un recul de l’investissement public local « sans précédent depuis plus de trente ans », ne fait que corroborer les analyses que nous avons mises en exergue dans le cadre de la commission d’enquête sur les conséquences de la baisse des dotations au bloc communal.
En 2015, la baisse des investissements excède 4 milliards d’euros. C’est cette récession imposée aux collectivités locales qui a permis de tenir le déficit public car les collectivités ont diminué leurs emprunts. Voilà la réalité des comptes publics 2015. Cette baisse de dotations est une erreur politique et économique car elle pèse sur l’emploi, avec des dizaines de milliers de postes supprimés dans le bâtiment et les travaux publics, mais aussi sur le maintien du patrimoine collectif, sur les services apportés aux populations, et d’autant plus lorsque les territoires sont plus fragiles – j’en sais quelque chose, car l’hétérogénéité est une réalité.
C’est donc une mauvaise spirale qui est en cours, à cause de la politique macroéconomique poursuivie en Europe, clairement déflationniste, même après les inflexions récentes de la Banque centrale européenne, la BCE. En témoigne le niveau de l’inflation, nul en 2015, favorisé aussi par la baisse du cours du pétrole. Malheureusement, cette évolution des prix au niveau de la mer a des conséquences très nettes sur le montant de la dette publique, l’inflation étant un instrument potentiellement efficace pour gérer le stock de dette, puisque, de fait, il réduit sa valeur réelle.
J’en viens donc au troisième point sur lequel je veux insister : avec une dette de 2 100 milliards d’euros, qui sert d’abord et avant tout à justifier les restrictions et l’austérité, avec une dette qui constitue un instrument de domination de la pensée, les tenants de l’ordolibéralisme tiennent l’argument massue pour écarter toute solution alternative.
Au fond, la soutenabilité de la dette – qui a atteint 96 % du PIB fin 2015 – dépend avant tout du différentiel entre taux de croissance et taux d’intérêt réel. Or, depuis 1999, cet écart est négatif de manière continue, ce qui signifie que le poids de la dette par rapport au PIB s’accroît automatiquement. C’est ce que l’on appelle « l’effet boule de neige », contre lequel nous pourrions nous prévenir, mes chers collègues, en réfléchissant à un mécanisme qui instituerait un lien direct entre remboursement de la dette et niveau de la croissance.
Nous aurons l’occasion d’en parler mercredi, en commission des finances, puisque j’aurai l’honneur de vous présenter le rapport que j’ai rédigé avec mes collègues Buisine et Gorges dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle sur la transparence et la gestion la dette publique. Nous y avons formulé une série de propositions qui devraient nous permettre, collectivement, de renforcer notre souveraineté sur ce sujet essentiel.
Et que penser du programme mené en 2015 par l’Agence France Trésor, qui a émis des titres sur des souches anciennes, porteurs de coupons élevés, à l’adresse d’investisseurs acceptant en contrepartie de les acquérir à un prix dépassant leur valeur nominale ? Cela a généré des primes d’émission et, de fait, réduit l’augmentation du taux d’endettement, mais sans commune mesure avec le déficit. « Ce moindre endettement en 2015, temporaire, sera progressivement effacé par un surcroît d’endettement dans les années à venir », souligne la Cour des comptes ; il s’agit donc d’une sorte d’artifice comptable, comme il en a déjà existé, nous le savons.
Monsieur le secrétaire d’État, les comptes 2015 sont empreints de l’erreur originelle des contraintes de l’ordo-libéralsime et de cette politique exclusive de l’offre, si néfaste durant ce quinquennat. Un autre chemin aurait dû être emprunté : celui d’une nouvelle architecture fiscale, en agissant vraiment contre l’évasion et la fraude fiscales, ce véritable vol du bien commun, en adoptant une vraie politique de réduction des inégalités, par un relèvement du pouvoir d’achat des couches moyennes ou modestes, des salariés comme des retraités. Ce qui ressortira de ces années 2012-2017, c’est l’histoire d’un rendez-vous manqué, qui ferait bien de rendre modestes celles et ceux qui, à droite de l’hémicycle, promettent encore plus de sang et plus de larmes à nos concitoyens, afin de préserver les petits privilèges d’une caste de financiers. Pourtant, la France est un grand pays, l’Europe une belle idée, et c’est dans la lutte contre les inégalités, pour une nouvelle croissance basée sur la transition écologique, dans le cadre d’une sécurité d’emploi et de formation, que nous retrouverons les valeurs qui nous sont chères, celles d’une République exemplaire. Il n’est jamais trop tard pour s’unir autour de ces objectifs de progrès.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le présent projet de loi de règlement est le dernier que nous aurons à examiner durant cette législature. Une nouvelle fois, parce que le résultat est meilleur qu’attendu, parce que les engagements pris devant nos partenaires européens, devant le Parlement et surtout devant les Français sont tenus, il atteste de la qualité et de la crédibilité de la gestion conduite par le Gouvernement et la majorité depuis 2012.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui ont été énoncés, notamment, par M. le secrétaire d’État et par Mme la rapporteure générale. Mais je me permets d’appeler les députés de l’opposition, si ce n’est à l’humilité, au moins à une forme de retenue devant les enjeux budgétaires, car les contempteurs d’aujourd’hui ont été, sous la précédente législature, les champions toutes catégories de l’aggravation de la dette publique et de l’écart entre des prévisions trop optimistes et des résultats oscillant souvent entre le très décevant et le calamiteux.
Invitant nos collègues de droite à une relative sobriété dans leurs réquisitoires, dictés par la mécanique partisane plutôt que par la lecture des chiffres, je ne veux pas pour autant, par souci d’équilibre, verser dans la gloriole. Si nos engagements budgétaires sont tenus, c’est au prix, Valérie Rabault l’a rappelé, d’efforts demandés aux Français au début du quinquennat, mais dont nous pouvons aujourd’hui montrer qu’ils n’ont pas été vains, à tel point que le mouvement de réduction du volume des prélèvements obligatoires a pu s’amorcer. C’est au prix, aussi, de choix politiques assumés et de l’engagement de l’ensemble des administrations publiques ainsi que de leurs agents, auxquels nous pouvons rendre hommage car ils assument leur mission tout en concourant à la maîtrise de la dépense publique. Pas de gloriole donc, car la route est encore longue jusqu’à l’équilibre budgétaire, mais une satisfaction tout de même : alors que la reprise économique s’affermit, l’action de la gauche aux responsabilités permettra, l’an prochain, de faire passer le déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut.
Pas de gloriole, dis-je, mais un enseignement que nous pourrions à mon sens tous partager : si l’exigence devra continuer à guider les choix budgétaires du pays, s’il conviendra évidemment de poursuivre les politiques visant à accroître la performance publique et à maîtriser les dépenses, il est possible de concilier gestion rigoureuse et priorités politiques à l’emploi, à l’éducation, à la sécurité, à la justice, à la correction des inégalités ; il est possible, sans à nouveau rouvrir les vannes du déficit, de moderniser notre modèle social pour lui permettre de se projeter dans l’avenir au service des Françaises et des Français, et de tenir la promesse d’une République qui émancipe, soutient et protège.
Bref, ce projet de loi de règlement, dans la lignée des actes budgétaires déjà posés par notre majorité, apporte la démonstration que la France n’a pas besoin, loin s’en faut, de la cure austéritaire et libérale que la droite s’impatiente de pouvoir lui administrer. Tout au contraire, elle a la capacité de maintenir une haute ambition pour ses services publics et, plus largement, pour cette belle idée qu’est le progrès. Cette démonstration est une partie du legs de notre mandature et, tout en étant conscients des efforts restant à accomplir, nous pouvons, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues de la majorité, en être collectivement fiers.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à s’exprimer sur le projet de loi de règlement du budget et l’approbation des comptes de l’exercice 2015, qui sera d’ailleurs le dernier du genre de cette législature.
À première vue, votre projet de loi de règlement affiche de bons résultats, monsieur le secrétaire d’État : dans son introduction, votre texte confirme le fameux « ça va mieux » du Président de la République. Malheureusement pour notre pays, lorsque l’on creuse un peu, rien ne va mieux ; ces bons résultats ne sont qu’une apparence, un trompe-l’oeil.
Ainsi, le déficit de l’État s’améliore de 15,1 milliards d’euros par rapport à l’année 2014 et de 3,9 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiales, mais la réalité est tout autre : en ajoutant les dépenses exceptionnelles, notamment le deuxième programme d’investissements d’avenir et le versement au Mécanisme européen de stabilité, l’amélioration est seulement de 300 millions par rapport à l’année précédente. Cette diminution constitution certes une amélioration, mais loin de ce que vous annoncez et de ce que vous aviez prévu, et plus éloignée encore de ce que votre gouvernement aurait pu réaliser.
Du fait de votre politique, la France conserve un solde public de moins 3,6 points de PIB, beaucoup plus dégradé que la plupart de ceux de nos voisins de la zone euro et de l’Union européenne – je vous rappelle que les moyennes, dans ces deux ensembles de pays, sont respectivement de moins 2,1 points et de moins 2,4 points de PIB. Selon la Cour des comptes, seuls quatre autres pays de l’Union ont un solde primaire plus dégradé que le nôtre : la Grèce, L’Espagne, la Finlande et le Royaume-Uni. Conséquence de ce mauvais résultat, la dette du seul État continue sa progression : elle a augmenté de 48 milliards d’euros, pour atteindre un niveau record, inédit, de 1 576 milliards, sur un total de 2 100 milliards de dette de la France, toutes administrations et collectivités confondues.
Vous évoquez, monsieur le secrétaire d’État, la « stabilisation » de notre dette, j’ai retenu l’expression. Pourtant, sans les tripatouillages du Gouvernement…
…– veuillez m’excuser du terme, je n’en ai pas trouvé d’autres –, elle serait encore plus importante. En effet, l’État a abusé de primes d’émission records, maquillant ainsi l’augmentation réelle, qui aurait dû contenir 22,5 milliards d’euros supplémentaires. l’Agence France Trésor peut toujours se défendre de toute manipulation de chiffres, les faits sont là.
Qui plus est, ces chiffres ont été soulignés et dénoncés par la Cour des comptes, dont personne ne peut remettre en cause l’impartialité. Au lieu d’augmenter de 1,8 point de PIB, la dette a augmenté de seulement 0,8 point ; cependant, elle n’a pas disparu. Pour donner l’impression d’une maîtrise de la dette publique, le Gouvernement fait peser son poids sur les années ultérieures, et surtout sur le prochain Président de la République et la prochaine majorité.
La situation est identique au niveau des recettes. En apparence, elles sont proches des prévisions, et nous ne pouvons que nous en satisfaire. Toutefois, une nouvelle fois, la Cour des comptes contredit le Gouvernement : en réalité, ce bon résultat est dû à des recettes exceptionnelles, par exemple l’augmentation des recouvrements, du produit des contrôles fiscaux ou encore le versement d’EDF à hauteur de 1,4 milliard d’euros. De telles recettes sont, par définition, non pérennes, et nous ne pouvons que nous en inquiéter pour le budget 2016 et plus encore pour le budget 2017, que nous devrons examiner dès l’automne.
Concernant les exilés fiscaux, nous attendons toujours les chiffres de votre administration, monsieur le secrétaire d’État.
Enfin, l’État n’a pas tenu ses promesses en matière d’économies : seules 1,7 milliard d’euros d’économies ont été obtenues, à comparer avec la promesse de 7,3 milliards. De surcroît, ces économies ont été accomplies sur des fonds de roulement d’organismes bénéficiaires de taxes, ce qui les rend non reconductibles et donc non structurelles. Le chantier des économies structurelles doit pourtant être prioritaire dans l’action du Gouvernement et, à un an des prochaines élections présidentielles et législatives, nous ne pouvons que douter qu’il s’engage dans cette réforme essentielle.
Déficit artificiel, dette maquillée par une forte politique d’émission, recettes exceptionnelles et non pérennes, explosions de dépenses, économies inexistantes, et tout cela alors que le contexte économique mondial est plus favorable. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, que nous ne puissions pas accepter votre projet de loi de règlement.
À cela s’ajoutent des craintes fortes et des doutes sérieux quant aux dépenses nouvelles annoncées par un Président de la République déjà candidat. Il s’est ainsi engagé, pour cette seule année, à plus de 10 milliards d’euros de promesses électorales – mesures pour l’emploi, pour les jeunes, pour les professeurs, point d’indice des fonctionnaires. Les inquiétudes sont fortes pour le prochain budget. La France serait-elle capable, dans ces conditions, de résister à la survenance d’une crise économique mondiale comme celle de 2008 et 2009 ?
Votre gouvernement ne nous a pas convaincus de ses capacités à redresser notre économie, à créer de l’emploi, à maîtriser ses dettes ni à diminuer ses dépenses. Je constate que, au-delà de l’opposition, les Françaises et les Français portent le même jugement sur votre gestion.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, une fois n’est pas coutume, je tiens à féliciter le Gouvernement : si les dernières annonces du Président de la République laissent présager un triste retour aux promesses dispendieuses de la gauche, un certain sérieux budgétaire apparaît dans ce texte.
Évidemment, cela ne va pas sans quelques manipulations, mais les faits sont là : le déficit public est moins important que prévu et celui de l’État a légèrement baissé.
Malheureusement, ces félicitations ne peuvent être que de courte durée, ce que d’ailleurs a bien compris la commission des finances, dont la rapporteure générale essaye en vain de convaincre le lecteur de son rapport que la Cour des comptes se trompe sur toute la ligne.
Pourtant, la masse salariale de l’État augmentera de près de 1,6 % en 2016, pour le plus grand bonheur de mon honorable collègue Jean-Christophe Cambadélis, qui a trouvé un nom pour la série de cadeaux accorde aux accordés aux fonctionnaires par François Hollande : « Hé oh la gauche ! »
Il est certain que le budget de la France reste obéré par une série d’interdits que seule la classe politique se fixe et dont les effets directs ou indirects sont indubitables : contrôle du revenu de solidarité active et spécifiquement de la fraude sociale ; dépenses ahurissantes des collectivités territoriales ; racket fiscal des classes moyennes dites supérieures ; financement de l’immigration massive.
Pour la Cour des comptes, les prélèvements obligatoires représenteront, en 2019, 44,8 % du produit intérieur brut – et encore, ce taux est encore sous-évalué, puisque de nombreuses taxes et redevances en sont exclues. Pire, monsieur le secrétaire d’État, votre plan d’économies de 50 milliards d’euros recèle des remèdes introuvables, qui font douter votre ancien collègue, le président Didier Migaud. Il est à croire que décidément rien ne change et que, sociale-libérale ou marxiste, la gauche procrastine et ne s’inquiète pas du bien commun.
À la lecture de l’article 9, on en vient même à désespérer. Cette histoire de contentieux entre l’État et le fonds de dotation des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan donne la nausée : comment accepter qu’une école à qui l’on demande tant et tant d’efforts doive s’acharner face à la Cour des comptes, pour la fourniture de missions, dont chacun sait qu’elles ne concernent pas prioritairement l’utilisation des biens publics, mais surtout un formidable capital humain ?
Nous suggérons une série de recommandations de bon sens, dont voici quelques exemples : que les présidents de conseils généraux socialistes mettent fin aux semaines supplémentaires de congés payés ; que l’État rétablisse le jour de carence, dont une étude indépendante menée par Sofaxis vient de montrer l’effet néfaste sur l’absentéisme ; que l’État s’interroge sur la gestion du revenu de solidarité active, qui met les finances de soixante départements dans le rouge à la fin de l’année.
Le coeur du sujet demeure évidemment le rétablissement du droit au travail pour tous, contre le traitement social du chômage, c’est-à-dire du retour à une philosophie de l’autonomie des individus, contre celle de la domestication de la société civile en vue de sa gestion comme une politique publique.
En 2016, l’UNEDIC prévoit l’indemnisation de 2,5 millions de personnes sur un total de 6 millions de chômeurs, avec un déficit de 4,5 milliards d’euros. Cela montre bien que, dans notre pays, il existe un problème structurel dans l’approche du sujet.
Je veux m’adresser également à la droite. Les deux législatures précédentes n’ont pas été très satisfaisantes en matière budgétaire. La crise économique n’excuse pas tout : elle n’excuse pas le développement d’une politique de la ville trop souvent clientéliste ; elle n’excuse pas l’immigration massive ; elle n’excuse pas le creusement de la dette. Tous ceux qui se penchent sur les politiques publiques partagent les mêmes constats : seul nous sauvera le retour à l’ordre, à la gestion en bon père de famille et au bon sens, contre les idéologies. Face à la gauche unie, il est nécessaire que la droite se rassemble, pour que les quelques efforts portés par l’administration soient enfin soutenus par une vraie politique de rigueur.
La France peut s’en sortir si elle se préserve de la mondialisation sauvage, si elle rétablit le droit au travail pour tous, si elle stoppe l’immigration massive et si elle se débarrasse des avantages périmés. Soyons à la hauteur ! Il faut que nous en venions enfin à un esprit de responsabilité dans la gestion et que nous sortions des cadeaux communautaristes, qui excèdent et ruinent les Français.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, l’examen du projet de loi de règlement permet de mesurer les progrès enregistrés dans la gestion de nos finances publiques au cours de l’année 2015, ainsi que d’apprécier la portée des efforts qu’a consenti notre pays pour enrayer la dégradation de ses comptes.
Ce constat est d’autant plus probant lorsqu’on prend en considération les impératifs et les contraintes découlant des fonctions régaliennes de l’État. L’engagement de nos moyens militaires dans des opérations extérieures, comme le renforcement de l’ensemble de nos capacités au titre de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme, ont pesé dans le budget de la nation. De ce point de vue, la trajectoire de nos comptes en 2015 constitue une performance.
Reconnaissant les améliorations des principaux indicateurs de cette gestion, la Cour des comptes a logiquement tenu à souligner la nécessité de contrôler cette situation, en poursuivant les efforts de maîtrise de la dépense. L’invitation n’a rien de choquant, à condition, comme l’a rappelé Mme Rabault, que les magistrats de la rue Cambon gardent le même instrument de mesure.
Cela dit, soyons clairs : une loi de règlement ne procède pas des sciences exactes. Nul ne connaît d’ailleurs de loi de règlement étalon, comme il existe un mètre étalon au pavillon de Breteuil, à Sèvres. Encore que : entre les deux guerres, à l’université de Coimbra, au Portugal, un professeur d’économie politique avait établi un tel instrument ; il s’agissait du docteur Salazar – on sait ce que le Portugal est devenu, sous sa gestion.
Aujourd’hui, certains éléments nouveaux apparaissent dans le débat international. Guntram Wolff, directeur de Bruegel, influent think tank – comme on dit maintenant – de Bruxelles, nous a récemment adressé, depuis le siège de son centre de recherches, une mise en garde méritant attention : il affirme que si tous les pays imitent l’Allemagne en matière de finances publiques, nous replongerons dans la déflation et la récession. Cela signifie tout simplement qu’il convient de se méfier des ardeurs simplificatrices dans le maniement de la politique budgétaire.
Ainsi, le quotidien Le Figaro de ce jour présente, dans un tableau comparatif très suggestif, les propositions des différents candidats à la primaire de droite. J’observe que notre collègue Mariton – il a quitté l’hémicycle –…
…y figure. Il a en effet connu, dans le passé, une méthode radicale pour diminuer le déficit du budget de l’État rapporté au PIB, méthode préconisée par M. de Villepin, qu’il soutenait fidèlement : il s’agissait de privatiser le réseau d’autoroutes. Vendre l’argenterie de famille permet en effet de vivre pendant quelque temps.
Ce ne sont pourtant pas des solutions durables. J’aurais aimé que M. Mariton entende mes propos, bien qu’il connaisse ma position sur ce sujet.
Revenons au projet de loi de règlement : ce qui le caractérise avant tout – cela été dit et répété –, c’est que, pour la première fois depuis 2000, la dépense publique a baissé en France, en même temps que les prélèvements obligatoires. C’est nouveau et ce n’est pas rien.
Sans plonger trop loin dans le passé, faut-il rappeler les observations très sévères de la Cour des comptes sur la surestimation évidente par le gouvernement Fillon de l’élasticité des prélèvements obligatoires ? La dépense publique était alors gagée sur des recettes fiscales peu réalistes et sur des prévisions de taux de croissance peu raisonnables. Bien sûr, on pourrait chercher, dans l’histoire de la Cinquième République, des lois de règlement plus favorables, encore que, sous les présidences de Gaulle, Pompidou ou Giscard d’Estaing, certaines années, les lois de règlement n’étaient pas tout à fait vertueuses – à cette époque, on pouvait en effet compter sur une forte inflation, sort de paravent qui masquait les comparaisons et l’appréciation exacte de l’état des finances.
L’heure est en tout cas à la prudence et à la mesure : de grands organismes internationaux nous font savoir que, s’il importe de maîtriser les dépenses publiques, les économies développées doivent aussi consentir certaines actions dans le domaine de l’investissement, en particulier des investissements d’infrastructures. La récente réunion des grands banquiers centraux à Sintra, près de Lisbonne, comme les dernières publications de la grande institution de Bâle, la Banque des règlements internationaux, confirment la tendance qui se fait jour, selon laquelle une politique budgétaire accommodante n’est pas à mettre systématiquement au rayon des hérésies, dès lors que l’on préserve les investissements, en particulier les investissements d’avenir.
La période qui s’annonce va, sur le plan politique, nous valoir nombre de déclarations, avec de grands effets d’annonce. Du côté de nos collègues de l’opposition – le président Carrez ne m’approuvera pas mais il sait, au fond, que j’ai raison –, ce sera un peu l’application de ce vieux proverbe bavarois : « Plaçons les principes suffisamment haut pour passer dessous sans se baisser. »
Rires. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, la sincérité des comptes publics est un objectif essentiel, qui assure à notre économie une crédibilité. Même si notre pays est le seul État de la zone euro à présenter des comptes certifiés, certaines zones d’ombre demeure : vous montrer positif ne suffit pas à engendrer de l’optimisme, monsieur le secrétaire d’État.
Le premier élément de votre constat, c’est la baisse ininterrompue du déficit public depuis le début de la législature : en 2015, il s’établit à 3,6 % du produit intérieur brut. Mais nous assistons finalement à une diminution modeste, très modeste de nos déficits publics, sous l’effet d’éléments non reproductibles, ce qui nous place toujours dans une position marginale.
En 2015, le solde public de la France – moins 3,6 % du PIB – reste plus dégradé que celui de la plupart des pays de la zone euro et ou de l’Union européenne, la moyenne s’y élevant respectivement à moins 2,1 % et à moins 2,4 % du PIB.
Quant à la dette publique française – 96,1 % du PIB –, elle reste en 2015 plus élevée que celle des pays de la zone euro et de l’Union européenne, ou elle s’établit respectivement à 90,7 % et à 85,2 % du PIB. Le poids de la dette a continué à augmenter, de 0,4 point de PIB, alors qu’il a diminué, en moyenne, de 1,3 point de PIB dans la zone euro et de 1,6 point de PIB dans l’Union européenne.
Globalement, la croissance s’accélère dans la zone euro. La France, plutôt en bas de cycle, commence à en sortir. Par rapport à 2011, année qui marque le début des politiques d’austérité en Europe, le PIB a augmenté de 11 % aux États-Unis, alors que, dans la zone euro, il n’a augmenté que de 2 %. En France, cette augmentation a été limitée à 4 %, contre 6 % en Allemagne et 11 % au Royaume-Uni.
Monsieur le secrétaire d’État, vous corrélez baisse du déficit public et baisse des impôts. En réalité, vous affectez les économies ainsi réalisées à la baisse des impôts, sans lien avec des réformes structurelles. La baisse d’impôts annoncée pour 2017, ciblant les classes moyennes, dans la limite de 2 milliards d’euros, est la dernière en date, sans commentaire de Bercy. Elle compliquera probablement l’équation du dernier projet de loi de finances de cette législature.
En 2016, des tensions sur les dépenses sont incontournables, en raison d’annonces non financées. Malgré des prévisions de recettes plausibles, le respect de l’objectif de dépenses semble d’ores et déjà compromis : la révision à la baisse de l’inflation devra être compensée par 3,8 milliards d’euros d’économies supplémentaires alors que, à ce jour, seulement 1,8 milliard d’euros d’économies de constatation sur la charge d’intérêts de l’État sont identifiés.
Les dépenses nouvelles décidées et annoncées représentent environ 6 milliards d’euros. Je n’en listerai que quelques-unes : le plan d’urgence pour l’emploi, 1,6 milliard d’euros ; le dépassement de la prime d’activité, 200 millions d’euros ; l’échec des négociations UNEDIC, 800 millions d’euros.
À la fin de l’année 2015, le déficit de l’État s’élevait encore à 70,5 milliards d’euros. Comme vous l’avez déclaré en commission, monsieur le secrétaire d’État, c’est « encore trop » et il reste du chemin avant le retour à l’équilibre budgétaire.
Si, en 2015, de nouvelles dépenses contextuelles sont apparues, notamment sécuritaires, les gains en pouvoir d’achat liés à la faible inflation ont été utilisés pour financer les dépenses nouvelles. S’agissant du poste logement, par exemple, est-il besoin de rappeler que l’objectif du Gouvernement était de construire 500 000 logements par an ? Nous en sommes loin, très loin ; il semble que la bataille ait davantage porté sur le logement social que sur le secteur privé.
L’inquiétude domine pour 2017, avec ce catalogue d’annonces de dépenses nouvelles, ni financées ni gagées par des économies pérennes, et qui font peser un risque très lourd sur les finances publiques, plus élevé que les années antérieures, et plus élevé encore pour les années ultérieures, ainsi qu’un risque politique pour vos successeurs. La Cour des comptes demeure critique et sceptique à propos de votre vision de la politique fiscale et de la diminution du déficit.
Certes, monsieur le secrétaire d’État, vous tentez de justifier ce portait négatif en mentionnant, je vous cite encore, « un élément exceptionnel en 2014 : le deuxième programme d’investissements d’avenir – PIA –, d’un montant de 12 milliards d’euros ».
Il n’en demeure pas moins que les faits sont têtus. La Cour juge très incertain le retour du déficit à 2,7 % du PIB en 2017 : elle ne croit donc pas à votre plaidoirie, mais anticipe le chiffre très élevé de 6,4 milliards d’euros de dépassement probable des dépenses cette année.
Il n’est pas normal que la Cour des comptes s’inquiète chaque année. Je réponds là aux propos de M. le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, selon lequel « c’est normal, la Cour des comptes est là pour s’inquiéter ». Non, la Cour des comptes est là pour émettre une opinion, son opinion à propos de la sincérité du budget, eu égard aux lois de finances initiale et rectificative.
Par conséquent, si votre optimisme semble de mise, il mérite d’être tempéré au regard des éléments structurels et conjoncturels.
Dans un instant, madame la présidente.
S’agissant du risque de dérapage des comptes, le pire est à venir. Monsieur le secrétaire d’État, vous laisserez à la prochaine majorité ce délicat héritage. Un signe démontre d’ailleurs la gêne qui agite le sommet de l’État : à ce jour, le détail des revues de dépenses pour l’ultime projet de loi de finances de ce quinquennat n’est toujours pas paru.
Bref, si le réalisme consiste à admettre que le président Hollande a sorti son chéquier, il nous revient de constater que nos comptes demeurent toujours aussi fragiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous examinons ce soir, comme il est de tradition à pareille époque de l’année, le projet de loi de règlement pour l’année 2015.
La semaine dernière, en commission des finances, nous avons auditionné le président de la Cour des comptes, Didier Migaud. Comme chaque année, il a jugé élevé le risque que l’objectif de déficit pour 2016 ne soit pas atteint. C’est le rôle de la Cour que d’alerter et de nous rappeler l’objectif que nous nous sommes nous-mêmes fixé.
Néanmoins, si nous nous attachons aux résultats de 2015, c’est-à-dire aux chiffres arrêtés et non contestables, aux chiffres certifiés, les engagements ont été tenus, et c’est là l’essentiel. Mieux même, les résultats de 2015, malgré le contexte d’insécurité, qui nous a contraints à revoir à la hausse nos dépenses de sécurité, sont meilleurs que prévu : le déficit s’élève en effet à 3,6 % du PIB, alors que la prévision était de 3,8 % – rappelons qu’il était de 5,1 % en 2011. De 5,1 % en 2011 à 3,6 % en 2015, cela représente une réduction de 1,5 point en quatre ans. Ce n’est pas assez pour certains, ceux-là même qui ont laissé filer le déficit sans jamais le maîtriser. Sachons reconnaître les bonnes nouvelles quand elles sont réellement là et créditer les Français des efforts qu’ils ont accomplis !
C’est en effet parce que les Français ont accompli des efforts durant la première moitié du quinquennat que les résultats sont là.
Il fallait commencer par redresser notre économie. Nous l’avons fait en mettant en place le pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE. En quatre ans, nous avons considérablement modernisé notre économie. Les marges des entreprises ont enfin été redressées. Le coût du travail est aujourd’hui inférieur dans notre industrie à ce qu’il est chez nos voisins allemands, que l’on aime tant citer en exemple, sans que cela ait eu des conséquences sur le pouvoir d’achat des salariés, puisque ce sont les allégements de charges qui ont été privilégiés.
La rapporteure générale, Valérie Rabault, nous a présenté, en commission des finances, un graphique très intéressant, mettant en relief la baisse des cotisations patronales permise par le CICE et le pacte de responsabilité. Ainsi, en 2007, les cotisations patronales représentaient 20 % du salaire brut pour une personne payée au SMIC, 20 % également en 2012 et, par suite de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité, 10 % en 2015. Et pourtant, comme l’a indiqué le président de notre commission, Gilles Carrez, « de nombreux employeurs continuent de penser que les niveaux sont exorbitants ».
Avant toute redistribution, il était impératif de rétablir la compétitivité et les comptes publics. Cette première étape ayant été franchie, il est maintenant possible de rendre aux Français, notamment aux plus modestes d’entre eux, une partie des gains de la croissance, qui est revenue. Nous avons d’ailleurs commencé à le faire, en baissant l’impôt sur le revenu des plus modestes, leur redonnant ainsi du pouvoir d’achat. Il faut aller plus loin et, sans plagier les échos de ce jour, ni opposer les catégories les unes aux autres, baisser l’impôt sur le revenu des classes moyennes, car les ménages ont participé plus fortement que les entreprises au redressement des comptes.
L’année 2015 marque la reprise effective de la croissance. Celle-ci reste certes fragile mais elle est là et, plutôt que d’envisager des mesures drastiques pour faire passer le déficit, à tout prix, sous la barre des 3 %, il me semble préférable de la consolider, afin de faire reculer enfin de manière durable le chômage, véritable fléau de nos sociétés modernes.
Je souhaite insister, mes chers collègues, sur le fait que la réduction du déficit ne doit pas s’effectuer à marche forcée ou être cadenassé par je ne sais quelle règle d’or, mais que son rythme doit être adapté aux réalités de notre pays. À terme, mener une des nombreuses politiques d’austérité proposées par les innombrables candidats à la primaire de droite risquerait de freiner la croissance, donc la création d’emplois – sans parler évidemment des risques que font peser les politiques d’austérité sur la cohésion européenne.
Adapter nos politiques aux réalités de notre pays, c’est aussi engager des dépenses nouvelles, je ne le nie pas. Mais qui peut soutenir qu’il ne fallait pas de plan de soutien à l’emploi, qu’il ne fallait pas d’aides exceptionnelles pour nos agriculteurs, qu’il ne fallait pas revenir sur la loi de programmation militaire, qu’il ne fallait pas créer davantage de postes de gendarmes et de policiers, ou encore que les créations de postes dans l’éducation nationale sont une dépense inutile ?
À ceux qui critiquent ces dépenses nouvelles pour l’éducation nationale, je répondrai que l’école est un investissement pour l’avenir avant d’être un coût.
Notre majorité est déterminée à poursuivre l’assainissement des comptes publics, tout en accompagnant la reprise de la croissance, et à parvenir enfin à réduire l’endettement public de la France, tout en garantissant le bon fonctionnement des services publics, du système de protection sociale, en particulier des régimes de retraites.
L’assainissement des comptes publics, c’est l’assainissement des comptes de l’État, de ceux de la sécurité sociale, mais aussi de ceux des collectivités locales. En tant que rapporteure des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », il me revient de souligner l’effort très important consenti par les collectivités, qui ont participé pour deux tiers à la réduction des déficits publics en 2015. Il me semblait important de le rappeler et de reconnaître leurs efforts.
Monsieur le secrétaire d’État, le projet de loi de règlement pour 2015 est conforme à la loi de finances initiale et aux votes que nous avions émis dans cet hémicycle. Aussi, j’invite l’ensemble de mes collègues à voter en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Lionel Tardy, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, puisqu’il s’agit désormais du leitmotiv d’un exécutif qui cherche à sortir la tête de l’eau, je suis sûr que ce projet de loi de règlement vous donnera envie de dire, monsieur le secrétaire d’État : « Ça va mieux. » Les éléments de langages sont bien rodés mais une lecture complète des observations de la Cour des comptes met à mal cette séance d’autosatisfaction, vous le savez.
Le déficit budgétaire s’améliore. Certains commencent donc à sauter de joie, en disant que les objectifs seront atteints. L’exposé des motifs l’affirme noir sur blanc : nous serons à 3 % du PIB en 2017. Comment se réjouir de cette prévision incertaine, alors que le déficit reste très élevé – 70,5 milliards d’euros – et qu’il ne s’améliore que légèrement, si l’on prend en compte les dépenses exceptionnelles, comme cela a déjà été dit ?
La dette, quant à elle – 1 576 milliards d’euros –, serait désormais « sous contrôle ». Ce qui vous permet d’affirmer cela, c’est que la dette croît de façon plus faible que les années précédentes, simplement parce que l’État a une politique d’émission avantageuse. Bref, avec 48 milliards d’euros de dette supplémentaires en 2015, nous allons toujours dans le mur, mais moins vite, et ce, grâce aux taux du marché. Nous n’avons décidément pas la même définition des mots « sous contrôle »…
Autre motif de satisfaction pour ceux qui se contentent de peu : les résultats sont proches des prévisions. La belle affaire !
C’est un peu comme si Météo France se réjouissait d’avoir annoncé des averses. En réalité, la situation des comptes qui nous sont soumis est sans surprise : la loi de finances pour 2015, comme les précédentes et comme la suivante, ne portait pas de vision à long terme. Il n’est donc pas étonnant que son exécution soit décevante et que les bonnes nouvelles soient au mieux temporaires, au pire fragiles.
On retrouve ici les choix stratégiques à court terme faits depuis 2012.
D’abord, lorsque vous parlez de maîtrise des dépenses publiques, il faudrait préciser qu’il s’agit en fait d’une baisse de la hausse des dépenses. Les dépenses nettes du budget général ont en effet augmenté de 2,6 milliards d’euros par rapport à 2014, à périmètre constant. La Cour des comptes souligne qu’il s’agit d’une « maîtrise » – terme que j’utiliserai avec des guillemets – partielle et fragile. Et pour cause : les économies que vous avez pu réaliser sont loin des objectifs et ne sont pas structurelles ; elles ont été accomplies en ponctionnant certains opérateurs – sur le fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie, par exemple – et, bien sûr, les collectivités territoriales.
Pour ce qui est des crédits à destination des entreprises, dont j’ai été le rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques pour 2015, on observe, par rapport à la loi de règlement pour 2014, une baisse des autorisations d’engagement consommées de 65 millions d’euros. Cette baisse, si elle est conforme aux tendances budgétées que j’avais constatées alors, correspond surtout à celle des crédits alloués au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC. Ce qui était présenté comme la mise en place d’un nouveau régime d’aide, avec des modalités d’instruction aménagées, n’aura pas forcément permis de réduire les délais ; il s’agit surtout d’un assèchement en règle du FISAC, qui s’est poursuivi en 2016 et pénalisera les centres-bourgs dans les zones rurales, ainsi que les commerces de proximité.
Pendant ce temps, l’État a créé des emplois publics. Face à ce constat, nous sommes obligés de penser au budget 2017, qui s’annonce bien difficile à boucler, avec les cadeaux électoraux et les plans annoncés par le Président de la République depuis le début de l’année, dont la facture devrait dépasser 6 milliards d’euros. On y trouve aussi des cadeaux fiscaux : à un an de l’élection, le Président réalise que les classes moyennes ont subi un coup de massue fiscal et semble vouloir effacer ce qui est plus qu’un sentiment de ras-le-bol. Même chose pour les PME, avec un relèvement annoncé du CICE. À côté de cela, faute d’avoir su mener une réforme territoriale qui soit source d’économies, l’exécutif s’apprête à faire du bricolage, en instaurant une taxe surprise d’équipement régional, qui pèsera sur les entreprises et les ménages.
Ce projet de loi de règlement est aussi l’occasion de se rendre compte que la prétendue pause fiscale n’a jamais eu lieu. L’an dernier, il y a ainsi eu une création nette de quatre taxes. J’en profite pour demander à nouveau, monsieur le secrétaire d’État, que la représentation nationale soit destinataire du rapport de l’inspection générale des finances, publié en 2014, sur les taxes à faible rendement qu’il conviendrait de supprimer.
Pour conclure, j’invite les Français à lire autant que possible ce projet de loi de règlement, qui se réjouit d’une reprise que les entreprises et les ménages peinent à sentir, c’est le moins que l’on puisse dire. Entre le catalogue d’autosatisfaction que vous déroulez et la réalité vécue dans un pays qui dépense et taxe toujours plus que ses voisins européens, le fossé est immense.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux orateurs. Mais, auparavant, je veux vous remercier, madame la présidente, ainsi que vous, monsieur le président de la commission, d’avoir accepté de repousser de quelques heures la tenue de cette séance, car j’avais une contrainte de déplacement.
Nombre d’orateurs ont repris les mêmes propos. Ainsi, ceux sur un supposé « tripatouillage » – c’est le terme que vous avez employé, madame Dalloz, oubliant que tout ce qui est excessif est insignifiant. En matière de finances et d’emprunt, rien ne se perd et rien ne se crée.
Vu les taux d’intérêt tels qu’ils sont aujourd’hui, des taux à court terme extrêmement faibles, il peut effectivement être intéressant de souscrire un titre avec une prime d’émission, sur lequel on s’engage à payer des taux un peu plus élevés. Tous les actuaires, tous les ordinateurs, tous les financiers font le bilan, et, à l’Agence France Trésor, on n’est pas plus bête que la moyenne.
L’a-t-on fait plus que d’autres fois ou plus que d’autres ? Plus que d’autres fois, j’avoue ne pas avoir spécialement regardé, nous y reviendrons. Plus que d’autres, certainement pas, monsieur le président de la commission. L’Espagne a ainsi souscrit, pour 1 % de son PIB, des produits de ce type, assortis de primes d’émission ; d’autres pays ont eux aussi procédé à des opérations financières similaires. Il ne s’agit nullement de « tripatouillages » ; ces opérations sont parfaitement claires et explicites. Pour mémoire, à l’heure où nous parlons, les taux d’intérêt à dix ans, pour la France, sont compris entre 0,15 et 0,16 %, alors que nos prévisions sont bien supérieures.
Cela m’amène à une deuxième remarque d’ordre général. J’ai beaucoup entendu parler « d’économies de constatation », s’agissant de la charge de la dette, du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, des résultats de la lutte contre la fraude. Tout cela, vous laissez entendre, monsieur le président de la commission des finances, qu’il s’agit d’économies de constatation. J’ai envie de vous retourner l’argument : n’existe-t-il pas aussi des charges de constatation ? au cours d’un exercice budgétaire, n’arrive-t-il pas des événements auxquels vous êtes confrontés, auxquels vous devez réagir et qui engendrent une charge ? Il en est ainsi, bien sûr, des questions de sécurité – on les a longuement évoquées. Mais sont-ce les seules ? Christine Pires Beaune a fait allusion, avec raison, à la crise agricole. N’y a-t-il pas lieu, pour un gouvernement qui se trouve confronté à une crise agricole ayant des causes structurelles mais aussi conjoncturelles, de décider d’un certain nombre de mesures, comme des allégements de cotisation ? Au total, il y en a pour près de 600 ou 700 millions d’euros, au travers des différents plans de soutien à la filière agricole que nous avons engagés.
Il faut bien accepter, monsieur le président de la commission des finances, de prendre en compte, dans le courant d’un exercice ou dans la prévision budgétaire, des éléments liés au contexte, aux événements qui s’imposent à nous. C’est là toute la qualité – pardon de le dire avec quelque fierté – de la réserve de précaution que nous avons créée, et qui nous permet d’être réactifs dans de telles situations. Si nous avons été conduits, par exemple, à mettre en place un plan de 500 000 formations, une prime à l’embauche, des allégements de cotisations pour les agriculteurs ou des moyens supplémentaires pour l’armée – sans même parler des opérations extérieures –, c’est bien parce que nous exerçons une gestion réactive.
Je conviens que nous avons peut-être bénéficié d’éléments favorables, qui ne sont pas dus à notre seule action – sans doute y aurait-il beaucoup à dire à ce sujet – mais il faut aussi considérer les autres éléments qui s’imposent à nous. L’ensemble constitue un équilibre relativement simple à constater.
En troisième lieu, beaucoup nous ont reproché d’oublier le PIA dans nos comparaisons. L’opération est très simple : nous évaluons la réduction du déficit à 15 milliards, chiffre que vous prétendez inexact eu égard au PIA. Mais combien le PIA représente-t-il ?
En effet. Si l’on retranche 12 milliards à 15 milliards, il reste quand même 3 milliards. En d’autres termes, même si l’on extrait l’opération PIA et que l’on retraite la comptabilité, la baisse du déficit reste indéniable.
Au reste, je l’ai dit et redit : en contestant systématiquement la baisse des déficits, on dessert votre travail et le nôtre, c’est-à-dire notre oeuvre commune de gestionnaires de l’argent public. Nous avons demandé un certain nombre d’efforts, tant en matière de recettes – beaucoup l’ont dit, parfois de manière exagérée – que de dépenses, notamment par le biais des réductions de prestations ou du gel des salaires. Quand, après cela, une partie de la classe politique s’exclame que les déficits explosent, ce qui est faux, mettez-vous à la place des Français, et regardez leur réaction dans les urnes. À un moment de leur vie politique, chacun d’entre nous sera confronté à cette réalité.
On peut toujours contester les moyens et le rythme, ou gloser sur ce qui est structurel ou non.
Monsieur Mariton, vous avez parlé de la lutte contre la fraude fiscale. Quand un phénomène se répète pendant plusieurs années consécutives et porte sur des volumes similaires, il devient pratiquement structurel. Les produits enregistrés notamment par le STDR, le service de traitement des déclarations rectificatives, sont récurrents. Ils correspondant d’ailleurs – je le rappelle systématiquement – à la révélation d’une matière fiscale, qui entre dans l’assiette d’un certain nombre d’impôts, et lorsque ces impôts constituent des recettes qui n’ont rien de conjoncturel, que voulez-vous que nous fassions ? Vous voudriez presque que nous renoncions à les enregistrer en recettes, parce qu’il s’agirait, selon vous, d’un événement exceptionnel ! Mais non, nous inscrivons ces sommes dans la comptabilité, parce que cela relève du bon sens, que c’est tout à fait naturel.
Il va de soi que, avec un dixième de point de croissance supplémentaire, nous ne cédons pas au triomphalisme. A-t-on entendu qui que ce soit faire preuve de triomphalisme ? Nous disons seulement que notre prévision de croissance est de 1,5 %. Le triomphalisme eût peut-être consisté à réviser notre prévision à la hausse dans les documents budgétaires pour 2016 comme pour 2017.
Au passage, monsieur le président de la commission, je vous ai trouvé très angoissé pour 2017, beaucoup moins pour 2016. Puisque votre référence est la Cour des comptes – c’en est une, parmi d’autres –, reportons-nous à ce qu’elle dit sur l’exercice de 2016 : elle ne tire pas franchement de signal d’alarme – je rappelle que nous ne sommes qu’en juin –, elle considère que les objectifs fixés sont atteignables. Les lois de la sémantique veulent qu’on émette toujours des réserves, compte tenu des aléas potentiels. Reste que personne, ou en tout cas peu de personnes sérieuses et responsables ne montrent d’inquiétude quant à la possibilité de limiter le déficit public à 3,3 % du PIB en 2016. Pour 2017, nous aurons l’occasion d’en reparler jeudi.
J’en viens à quelques éléments factuels et ponctuels.
Madame Louwagie, le président de la commission vous confirmera qu’il a reçu vendredi les revues de dépenses.
La pile de documents est impressionnante. Je souhaite que vous en tiriez, que nous en tirions collectivement la substantifique moelle et que nous y puisions un certain nombre d’idées.
Valérie Rabault souhaite que les dispositions fiscales ne soient intégrées qu’aux lois de finances. Je l’en remercie, car je partage cet objectif à 200 %.
Beaucoup de membres de la commission des finances sont présents, ce soir, dans l’hémicycle, ce qui est normal ; je les engage effectivement à soutenir cet objectif auprès des autres députés, comme je le fais moi-même très régulièrement auprès des autres membres du Gouvernement, car il est aussi légitime que sain, du point de vue de la comptabilité.
J’éprouve à ce sujet les mêmes regrets que vous.
Voilà quelques remarques. J’en ferai d’autres jeudi, lorsque nous nous retrouverons pour le débat d’orientation des finances publiques pour 2017. Un certain nombre de points méritaient une réponse.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’article liminaire et les articles 1er, 2, 3, 4 et 5, successivement mis aux voix, sont adoptés.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 4 .
Cet amendement a pour objet de modifier le montant du solde reporté du compte de commerce « Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes ». Le montant du solde créditeur non reporté de 103,6 millions d’euros, initialement prévu, avait été calculé à partir du montant des dépenses porté en loi de finances pour l’année 2016. Le report d’un solde créditeur de 86,4 millions permettra de tenir compte des dernières projections de dépenses et recettes de ce compte pour les exercices 2017 et suivants.
La commission n’a pas examiné l’amendement mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable. D’habitude, le solde des comptes spéciaux est reporté d’année en année : par exemple, si l’on dégage 50 millions, cette somme est reportée et reste au solde du compte spécial. La Cour des comptes avait recommandé de limiter ce report, en vue de récupérer de l’argent pour remplir les caisses de l’État. C’est ce que le Gouvernement nous propose de faire, selon un calibrage que le secrétaire d’État vient de détailler.
L’amendement no 4 est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
Les articles 7 et 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.
J’ai du mal à comprendre ce qui ressemble à un conflit entre l’État et le comptable du le fonds de dotation des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Je cite, à ce sujet, un extrait de l’arrêt de la Cour des comptes : « Attendu que le rapporteur constate que l’activité de formation du fonds de dotation est réelle mais bénéficie entièrement de la mise à disposition gratuite de moyens publics ; qu’en l’absence d’une convention organisant les modalités financières et techniques de ces mises à disposition, le fonds de dotation est dépourvu de tout titre légal ; qu’en conséquence les recettes tirées de ces actions de formation doivent être regardées comme constituant des deniers publics ».
Je m’interroge. Nous sommes quelques-uns à savoir que, quand cette école propose des formations, elle investit du capital humain et strictement humain. J’aimerais avoir quelques indications sur ce contentieux entre l’État et les écoles de Coëtquidan. Je connais le dévouement et l’abnégation des cadres de ses anciens élèves.
Il existe aussi un contentieux sur le versement des subventions de la région Bretagne et de l’Union européenne destinées au développement d’un centre de recherche. Est-ce bien nécessaire ? Pourquoi ne pas avoir cherché une solution de conciliation avec le fonds de dotation ?
La commission n’a pas examiné cet amendement, que je comprends mal, monsieur Bompard, car il est contraire à la position que vous avez défendue oralement.
Résumons la situation : trois officiers ont été déclarés comptables de fait par la Cour des comptes, en raison d’activités de direction du fonds de dotation dénommé « Saint-Cyr Grande école ». Ce fonds a été créé en décembre 2010 sans l’accord du ministère de la défense, alors qu’il bénéficie de moyens humains, matériels et financiers. L’absence d’indépendance financière de ce fonds et le fait que des deniers publics aient été mobilisés par ses responsables sans autorisation préalable du Parlement ni du ministère ont suscité la qualification de gestion de fait, entre le 1erjanvier 2011 et le 31 décembre 2012, pour un montant de 1 412 377 euros.
L’article 9 tend à reconnaître, de manière rétroactive, le caractère d’utilité publique de la gestion de ce fonds. Par votre amendement, vous proposez de supprimer cette disposition, à laquelle je vous pensais favorable.
L’amendement no 3 est retiré.
L’article 9 est adopté.
L’article 10 est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 10.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 1 .
Déposé par notre collègue Monique Rabin, cet amendement vise à ce que le Parlement puisse disposer d’un document transversal évaluant les politiques menées pour favoriser le développement international de l’économie française et le commerce extérieur. Il serait effectivement intéressant de consolider l’ensemble des dispositifs et d’évaluer leur mode de fonctionnement ainsi que leur efficacité.
L’amendement no 1 est adopté.
C’est au nom de mon collègue Charles de Courson que je défends cet amendement, visant à renforcer les pouvoirs du Parlement.
Actuellement, les avis du Conseil d’État à propos des projets de loi sont transmis à la commission des finances, afin que ses membres puissent être éclairés quand ils les examinent. Toutefois, cette procédure ne s’applique pas aux décrets d’avance pris par le Gouvernement. Il s’agit certes d’actes réglementaires, mais ce sont les seuls textes de ce type pris après avis des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Afin d’améliorer l’information de la représentation nationale et de lui permettre de mieux remplir sa fonction de contrôle de l’action du Gouvernement, il est proposé, dans cet amendement, que les avis du Conseil d’État relatifs au décret d’avance soient communiqués aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, et publiés.
Nous avons eu une longue discussion sur le sujet en commission des finances. Le Conseil constitutionnel a récemment – le 3 mars et le 25 juin 2009 – rendu deux décisions indiquant que le législateur ne peut imposer au Gouvernement de communiquer les avis préalables sur les actes réglementaires qu’il va prendre. Or le décret d’avance est un acte réglementaire. Si le Gouvernement est libre – le secrétaire d’État donnera son avis à ce propos – de transmettre les avis du Conseil d’État sur les décrets d’avance, en aucun cas les parlementaires ne peuvent exiger leur transmission.
Je confirme évidemment l’analyse de la rapporteure générale : comme elle l’a indiqué, cet amendement serait frappé d’inconstitutionnalité. Dans la réalité, comme Michel Sapin, bien sûr, je suis à la disposition de votre commission. Je crois d’ailleurs, cette fois-ci, être venu vous présenter le décret d’avance – nous étions tombé d’accord pour que je le fasse car il était peut-être plus nourri, plus substantiel que d’autres… Quoi qu’il en soit, les pouvoirs spéciaux dont bénéficient le président de la commission des finances et la rapporteure générale leur permettent toujours de se saisir d’actes réglementaires.
Le Gouvernement est bien entendu défavorable à cet amendement.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly