Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, la sincérité des comptes publics est un objectif essentiel, qui assure à notre économie une crédibilité. Même si notre pays est le seul État de la zone euro à présenter des comptes certifiés, certaines zones d’ombre demeure : vous montrer positif ne suffit pas à engendrer de l’optimisme, monsieur le secrétaire d’État.
Le premier élément de votre constat, c’est la baisse ininterrompue du déficit public depuis le début de la législature : en 2015, il s’établit à 3,6 % du produit intérieur brut. Mais nous assistons finalement à une diminution modeste, très modeste de nos déficits publics, sous l’effet d’éléments non reproductibles, ce qui nous place toujours dans une position marginale.
En 2015, le solde public de la France – moins 3,6 % du PIB – reste plus dégradé que celui de la plupart des pays de la zone euro et ou de l’Union européenne, la moyenne s’y élevant respectivement à moins 2,1 % et à moins 2,4 % du PIB.
Quant à la dette publique française – 96,1 % du PIB –, elle reste en 2015 plus élevée que celle des pays de la zone euro et de l’Union européenne, ou elle s’établit respectivement à 90,7 % et à 85,2 % du PIB. Le poids de la dette a continué à augmenter, de 0,4 point de PIB, alors qu’il a diminué, en moyenne, de 1,3 point de PIB dans la zone euro et de 1,6 point de PIB dans l’Union européenne.
Globalement, la croissance s’accélère dans la zone euro. La France, plutôt en bas de cycle, commence à en sortir. Par rapport à 2011, année qui marque le début des politiques d’austérité en Europe, le PIB a augmenté de 11 % aux États-Unis, alors que, dans la zone euro, il n’a augmenté que de 2 %. En France, cette augmentation a été limitée à 4 %, contre 6 % en Allemagne et 11 % au Royaume-Uni.
Monsieur le secrétaire d’État, vous corrélez baisse du déficit public et baisse des impôts. En réalité, vous affectez les économies ainsi réalisées à la baisse des impôts, sans lien avec des réformes structurelles. La baisse d’impôts annoncée pour 2017, ciblant les classes moyennes, dans la limite de 2 milliards d’euros, est la dernière en date, sans commentaire de Bercy. Elle compliquera probablement l’équation du dernier projet de loi de finances de cette législature.
En 2016, des tensions sur les dépenses sont incontournables, en raison d’annonces non financées. Malgré des prévisions de recettes plausibles, le respect de l’objectif de dépenses semble d’ores et déjà compromis : la révision à la baisse de l’inflation devra être compensée par 3,8 milliards d’euros d’économies supplémentaires alors que, à ce jour, seulement 1,8 milliard d’euros d’économies de constatation sur la charge d’intérêts de l’État sont identifiés.
Les dépenses nouvelles décidées et annoncées représentent environ 6 milliards d’euros. Je n’en listerai que quelques-unes : le plan d’urgence pour l’emploi, 1,6 milliard d’euros ; le dépassement de la prime d’activité, 200 millions d’euros ; l’échec des négociations UNEDIC, 800 millions d’euros.
À la fin de l’année 2015, le déficit de l’État s’élevait encore à 70,5 milliards d’euros. Comme vous l’avez déclaré en commission, monsieur le secrétaire d’État, c’est « encore trop » et il reste du chemin avant le retour à l’équilibre budgétaire.
Si, en 2015, de nouvelles dépenses contextuelles sont apparues, notamment sécuritaires, les gains en pouvoir d’achat liés à la faible inflation ont été utilisés pour financer les dépenses nouvelles. S’agissant du poste logement, par exemple, est-il besoin de rappeler que l’objectif du Gouvernement était de construire 500 000 logements par an ? Nous en sommes loin, très loin ; il semble que la bataille ait davantage porté sur le logement social que sur le secteur privé.
L’inquiétude domine pour 2017, avec ce catalogue d’annonces de dépenses nouvelles, ni financées ni gagées par des économies pérennes, et qui font peser un risque très lourd sur les finances publiques, plus élevé que les années antérieures, et plus élevé encore pour les années ultérieures, ainsi qu’un risque politique pour vos successeurs. La Cour des comptes demeure critique et sceptique à propos de votre vision de la politique fiscale et de la diminution du déficit.
Certes, monsieur le secrétaire d’État, vous tentez de justifier ce portait négatif en mentionnant, je vous cite encore, « un élément exceptionnel en 2014 : le deuxième programme d’investissements d’avenir – PIA –, d’un montant de 12 milliards d’euros ».
Il n’en demeure pas moins que les faits sont têtus. La Cour juge très incertain le retour du déficit à 2,7 % du PIB en 2017 : elle ne croit donc pas à votre plaidoirie, mais anticipe le chiffre très élevé de 6,4 milliards d’euros de dépassement probable des dépenses cette année.
Il n’est pas normal que la Cour des comptes s’inquiète chaque année. Je réponds là aux propos de M. le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, selon lequel « c’est normal, la Cour des comptes est là pour s’inquiéter ». Non, la Cour des comptes est là pour émettre une opinion, son opinion à propos de la sincérité du budget, eu égard aux lois de finances initiale et rectificative.
Par conséquent, si votre optimisme semble de mise, il mérite d’être tempéré au regard des éléments structurels et conjoncturels.