Monsieur le ministre, vous avez dit que la dette était le résultat des déficits. Personne ne le conteste, puisqu'il y a des déficits structurels et conjoncturels depuis 1974. Mais il serait bon que vous nous disiez ce que vous pensez de la constitution de la dette. Une partie de la dette nous paraît relever de ce que l'on appelle la dette illégitime. J'ai eu l'occasion de travailler l'an dernier sur ce sujet, et à certains moments, il y a eu un effet boule de neige. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, car les taux sont extrêmement bas. Mais de la dette a ainsi été créée sans que cela n'apporte rien au budget ou se traduise par de l'investissement.
Au cours de cette mission, nous avons eu de nombreuses informations sur la gestion de la dette, et je pense que nous allons conclure que la dette est extrêmement bien gérée, notamment par l'Agence France Trésor. En revanche, nous avons de grandes difficultés pour connaître les détenteurs de la dette. Il ne s'agit pas seulement de l'identité des personnes, mais de savoir ce que les titres deviennent, si ces obligations sont possédées par des sociétés impliquées dans les scandales Luxleaks ou Panama papers. L'État français devrait savoir ce que deviennent ses titres de dette, et s'ils n'alimentent pas des paradis fiscaux.
Au sein de la commission des finances, l'hypothèse d'une remontée des taux est souvent évoquée de manière catastrophiste. Or si les taux remontaient, cela n'affecterait que la nouvelle dette et le renouvellement de l'ancienne, donc 8 % du stock de dette : les 78 milliards du déficit, plus les 100 ou 110 milliards de renouvellement de la dette. Il serait bon de connaître précisément le coût d'une remontée d'un point des taux d'intérêt. Il faut dédramatiser ce sujet.
Nous nous interrogeons aussi sur le rythme du renouvellement. Nous avons assisté à une adjudication de bons à court terme. L'offre était quatre fois supérieure aux besoins. Ne pourrait-on renouveler une part plus importante de notre dette ? L'AFT nous a expliqué qu'il ne fallait pas mettre en péril le marché et la crédibilité de la France, mais ne serait-il pas opportun d'accélérer le renouvellement du stock de dette pour profiter des taux bas ? Nous ferions baisser plus encore le taux moyen de la dette.
Nous connaissons les taux servis sur le marché primaire, que ce soit à court, moyen ou long terme ; ils sont très bas. Mais dans le cadre du quantitative easing, la BCE rachète sur le marché secondaire. À quels taux rachète-t-elle ? Ceux qui achètent sur le marché primaire ne gagnent-ils pas, même à des taux négatifs, en revendant à la BCE ? La BCE rachète à peu près 50 % des titres de dette chaque mois, nous voudrions donc avoir cette information.
Enfin, il y a un an, j'avais proposé une résolution européenne sur les dettes souveraines, notamment au vu du problème de la dette grecque. La nécessité d'une conférence européenne sur les dettes souveraines était apparue. Pourra-t-on rembourser toutes les dettes, et ne faut-il pas prévoir un mécanisme européen ? Ne faut-il pas créer une dette européenne, un circuit du Trésor européen ?
La question des dettes souveraines est aujourd'hui lancinante, car elles pèsent sur les États, sur les politiques publiques menées, et au cours de l'histoire, nous avons connu des moments où certaines dettes publiques ont été effacées.