Intervention de Michel Sapin

Réunion du 14 juin 2016 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Et que dirait-on au sein d'une telle conférence européenne ? Ce que nous disons entre nous au sein de l'Eurogroupe ou de l'Union européenne ! Nous devons avoir une gestion concertée de l'ensemble des dettes et faire en sorte que les choses se passent en moyenne dans des conditions proches sur l'ensemble de l'Europe. Quand des différences trop fortes apparaissent entre les pays, il faut que les choses s'améliorent pour celui qui est trop endetté, mais que celui qui a des capacités – l'Allemagne aujourd'hui – soit incité à plus consommer, car cela peut être bon pour la croissance européenne. La conférence européenne, elle se tient presque tous les jours, deux fois par mois pour ce qui me concerne. Nous discutons de l'harmonisation des politiques en Europe, ce n'est pas toujours simple parce qu'il existe encore des disparités bien trop fortes entre les pays.

C'est le coeur de la politique d'approfondissement de l'Union économique et monétaire : comment mener des politiques qui rapprochent les pays au lieu de créer une distance entre les compétitivités des différents pays telle que nous avons connu la crise de la zone Euro. Si les compétitivités divergent alors que nous avons une même monnaie, cela conduit à de grandes difficultés.

C'est d'ailleurs pour cela que si nous avons fait des efforts de sérieux budgétaire, nous n'avons jamais mené de politique d'austérité. Je sais qu'il existe un débat sur l'utilisation du terme d'austérité, mais d'un point de vue strict, nous n'avons jamais mené de politique d'austérité comme d'autres pays, qui ont diminué les salaires, les retraites, les allocations sociales. Nous avons connu de moindres augmentations, des maîtrises des hausses, mais ce n'est pas du tout de même nature.

Je ne souhaite donc pas à mon pays qu'il y ait une grande conférence sur la dette, parce que cela voudrait dire que le pays est en grande difficulté. Je préfère essayer de mener une politique qui permette d'éviter ces difficultés. Il y a toute une littérature de gens très sérieux sur ce sujet, vous savez que les économistes sont avec les juristes la race la plus répandue, puisqu'il suffit de faire du droit pour être juriste et de faire de l'économie pour être économiste. On ne devient pas archéologue comme cela, il faut des diplômes. Nous pouvons débattre de tous ces éléments politiques, mais sur cette question de la dette, je suis agnostique. Je cherche ce qu'il y a de plus efficace et de plus utile pour mon pays.

Je comprends la préoccupation d'identifier les détenteurs de la dette. Cela permettrait de surcroît de mener une politique qui nous oriente plus vers telle ou telle partie du monde, car nos équipes font une forme de prospection pour expliquer en quoi notre dette est sûre, liquide.

Mais les paradis fiscaux se sont créés pour des raisons très différentes. Ce n'est pas pour cacher l'origine des obligations dont on est propriétaire, mais pour cacher le fait que l'on a de l'argent ou domicilier ses fonds dans des endroits où ils seront peu imposés. Il n'y a pas de lien. Il y a sûrement des gens dont la fortune cachée au Panama derrière des sociétés écrans est en partie composée d'obligations d'État français, mais ce n'est pas la liquidité dans ce domaine qui alimente ce type de comportements, qu'il faut combattre par ailleurs. C'est la raison d'être de certaines dispositions prévues par la loi que je propose : plus de transparence, permettre de repérer les fraudeurs, supprimer les sociétés écran et toujours connaître leurs bénéficiaires effectifs pour identifier la personne qui est responsable fiscalement. Nous sommes en train de mener tout ce travail, qui n'est possible qu'au niveau international.

Pourquoi, lors des adjudications, ne vendons-nous pas plus, puisque la demande est quatre fois plus élevée que l'offre ? S'il y a effectivement quatre fois plus de demande, ce n'est pas au prix le plus bas. Nous faisons en sorte d'avoir la part nécessaire, au prix le plus faible ; si l'on prend plus, le prix sera plus cher. La gestion de la dette consiste à essayer de payer le moins cher possible pour ce dont nous avons besoin, pas en profiter parce que c'est moins cher.

Pour vous donner quelques chiffres, nous avons aujourd'hui 72 milliards de déficit et 125 milliards de dette renouvelée chaque année. Nous sommes donc presque à 200 milliards par an. La gestion de la dette, aujourd'hui, c'est la gestion de la dette du passé, ce ne sont pas les 70 milliards nouveaux qui sont nécessaires.

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