Intervention de Maryse Arditi

Réunion du 22 juin 2016 à 16h30
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Maryse Arditi, membre du réseau énergie de l'association France nature environnement, FNE :

Il n'y a toujours pas de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), si bien qu'EDF ne peut pas élaborer son plan stratégique puisque celui-ci doit être conforme à la PPE ; cela est d'autant plus inquiétant qu'il s'agit du sujet fondamental de la loi. La PPE doit comporter l'évolution de la consommation pour mettre en lumière l'effort en matière d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie, avant de détailler la répartition entre les énergies renouvelables (ENR), les énergies fossiles et le nucléaire.

La tournure des événements nous inquiète car le démarrage de la transition repose sur l'efficacité énergétique et le bâtiment. Les députés et les sénateurs ont beaucoup travaillé sur cette partie du texte qu'ils avaient grandement améliorée, mais les décrets « détricotent » la loi et remettent en cause les objectifs fixés. Ainsi, le premier décret a dressé la liste de toutes les causes permettant de ne pas embarquer la performance énergétique ! Parmi ces raisons figuraient la complexité, le coût, la qualité de la pierre, le classement patrimonial ou la conservation d'une oeuvre architecturale à la discrétion de son auteur. Devant les protestations, certains éléments du texte réglementaire ont été modifiés, mais, plutôt que de fixer les niveaux et la nature de l'embarquement de la performance énergétique, le premier décret énumère tous les cas où on ne le fera pas !

FNE et le CLER ont déposé deux plaintes contre le Gouvernement français qui n'a pas correctement transposé la directive sur l'efficacité énergétique – en considérant notamment que les bâtiments d'avant 1948 n'avaient pas à être rénovés – et qui avait orienté les fiches relatives aux certificats d'économie d'énergie (CEE). Ces fiches présentaient en effet des économies qui n'existaient pas.

Les vendeurs d'énergie et certains acteurs du bâtiment, qui affirment qu'ils ne savent pas agir dans le domaine des économies d'énergie et qu'il faut donc les abandonner, freinent les évolutions dans ce secteur, pourtant crucial pour la transition énergétique.

La France avait choisi la voie de l'ensemble intégré à la place des toitures des bâtiments individuels. Ceux qui habitent dans une toiture en bon état ne vont pas la démonter pour installer du photovoltaïque, si bien que ce dernier serait absent de tout l'existant ! Certains ont tout de même essayé, et les dégâts des eaux ont constitué près de 30 % de l'ensemble des dommages, car les personnes qui posent le photovoltaïque ne sont pas des couvreurs. Il faut donc absolument que le photovoltaïque puisse être posé sur les toitures.

Dans les appels d'offre au sol, on ne traite que ceux représentant au moins 500 kilowatts. Les petites communes rurales disposant d'espace ont pourtant recours à ces derniers et peuvent ainsi couvrir moins d'un hectare avec un appel d'offre à 250 kilowatts associant les habitants de la localité. Ces appels disparaissent, car le prix d'achat du photovoltaïque au sol est bas puisqu'il est pensé pour les centrales de 300 hectares ; or, pour un hectare, ce prix n'est plus soutenable. Il est dommage que ces projets publics, qui permettent aux citoyens de s'approprier le photovoltaïque, n'existent plus. Il conviendrait d'agir dans ce domaine pour retrouver des appels d'offre compris entre 100 et 500 kilowatts.

EDF a affirmé il y a quinze jours que les démantèlements de centrales nucléaires en cours – ces opérations ayant pu commencer il y a 20 ou 25 ans – allaient désormais être conduits sous air et non plus sous eau, ce qui constitue un changement radical. Pourtant, la loi dispose que si un changement substantiel intervient dans un processus de démantèlement, un nouvel arrêté doit être pris afin de préciser les nouvelles conditions. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) n'a pas encore approuvé cette modification technique et n'a pas l'intention de le faire, mais l'idée a tout de même émergé.

Au lieu de démanteler en dix, quinze ou vingt ans, le processus prendra cinquante, soixante ou soixante-dix ans, EDF n'ayant pas les ressources pour démanteler ses centrales, comme vient de le pointer la Commission européenne. La loi dispose pourtant qu'il faut agir le plus rapidement possible, mais EDF se décharge de son obligation.

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