Intervention de Cyrille Cormier

Réunion du 22 juin 2016 à 16h30
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Cyrille Cormier, Politiques énergétiques en France à Greenpeace :

Les prémices de la loi, votée il y a un an, proviennent de l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011. Lors de la campagne présidentielle, les candidats devenus Président de la République, députés ou ministres avaient pris l'engagement de lutter activement contre les dérèglements climatiques en réduisant les gaz à effet de serre (GES) et de réduire la dépendance de notre pays envers le nucléaire.

Un débat national sur la transition énergétique (DNTE), certes critiqué pour son manque d'encadrement politique, qui a précédé la discussion parlementaire au cours de laquelle les députés et les sénateurs ont eu des discussions farouches, a été organisé. Certains députés ont veillé, lors de la commission mixte paritaire (CMP), au respect de l'engagement présidentiel de diminuer la part du nucléaire dans la production énergétique française.

En revanche, depuis la promulgation de la loi en août 2015, aucune décision politique n'est intervenue dans le domaine du nucléaire. L'État semble inerte lorsqu'il s'agit de passer à l'action pour réduire le poids du nucléaire.

Depuis cinq ans, la situation a évolué et ces événements confirment la nécessité de réduire la part du nucléaire. Les réacteurs vieillissent, puisque leur âge moyen d'utilisation atteint maintenant vingt-sept ans et que certains d'entre eux approchent de la limite initialement prévue de quarante ans.

Des entreprises comme EDF ou Areva ont vu leur santé financière se dégrader car leur activité économique ne garantit plus d'équilibre et que leur savoir-faire a été perdu. Greenpeace a publié une note la semaine dernière sur des suspicions de falsification des pièces forgées au Creusot, montre qu'il existe désormais une difficulté à produire des pièces de qualité. En outre, un incident a eu lieu à Paluel en avril dernier : un générateur de vapeur est tombé, ce qui condamne peut-être le deuxième réacteur. Le marché du réacteur nucléaire disparaît progressivement, même les Chinois ont abaissé leurs perspectives de développement de cette source d'énergie, et les ENR connaissent un grand essor, leur déploiement augmentant et leur prix diminuant.

Face à ces trois tendances, l'État se montre tétanisé, alors que son action s'avère indispensable pour structurer notre système et nos industries de l'énergie, et pour maîtriser et accompagner les Français dans la gestion de la facture énergétique. Dans les sphères étatiques, on entend deux discours : celui de la relance de l'industrie nucléaire – sans connaître les fondements d'une telle politique alors que le marché s'effondre – et celui du développement des ENR. On pense que l'on pourrait faire les deux en France, alors que l'on constate une décorrélation définitive entre la croissance économique et celle de la consommation énergétique. Il ne faut pas s'attendre à une hausse magique de la consommation d'électricité, si bien qu'il faut faire de la place aux ENR si on souhaite les développer. Cette politique induit la fermeture de réacteurs nucléaires, ce qui permettrait de tenir la promesse présidentielle de réduire progressivement la puissance nucléaire.

La loi fixe des objectifs que doit traduire la PPE ; cette dernière doit ainsi annoncer le nombre de réacteurs à fermer pour réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d'électricité. On connaît déjà le nombre de renouvelables qui seront installés d'ici à 2018, 2023 et 2030. Il importe que la PPE fixe une trajectoire de réduction du nombre de réacteurs, car, comme le bilan du Grenelle de l'environnement nous l'enseigne, l'absence d'objectifs de contraction du nucléaire entraîne l'absence de développement des ENR. Il n'y avait pas la place pour installer ces dernières, et on a tout fait pour ralentir leur essor, en augmentant notamment leur coût. Les réacteurs étant vieillissants – vingt-neuf d'entre eux connaîtront leur quatrième visite décennale au cours des dix prochaines années –, leur maintien en vie s'avère de plus en plus difficile et cette situation crée un contexte favorable pour que les ENR prennent leur place.

Vous avez voté une loi qui affiche des objectifs, allez-vous défendre une application stricte de cette législation et accompagnerez-vous l'État pour qu'il ne suive pas jusqu'à la fin du quinquennat sa tendance à la procrastination ? Le bilan actuel sur la loi de transition énergétique se révèle très faible et celui des cinq dernières années dans le domaine du nucléaire s'avère catastrophique. Il ne faudrait pas que ce quinquennat fasse apparaître un bilan énergétique vierge et que l'inaction de l'État remette en cause la signature des Accords de Paris. Beaucoup de grands discours ont été prononcés et la France a appelé les pays du monde à agir : il serait gênant qu'elle n'applique pas ce qu'elle recommande aux autres.

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