Intervention de Lorelei Limousin

Réunion du 22 juin 2016 à 16h30
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Lorelei Limousin, responsable des politiques de transports et de fiscalité au Réseau action climat, RAC France :

L'une des avancées de la loi relative à la transition énergétique réside dans l'objectif fixé en matière de contribution carbone, introduite en 2014 dans la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques. On a souligné cette avancée que l'on a portée dans le DNTE et auprès des parlementaires. La cible, de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030, correspond à une valeur tutélaire, établie par des experts en 2009. Il conviendrait d'accélérer cette trajectoire, car le prix du pétrole a fortement diminué et la consommation de carburant fossile dans les transports reste stable voire augmente. En 2016, la contribution carbone s'élève à 22 euros et doit atteindre 30 euros en 2017, 39 euros en 2018 et 47,5 euros en 2019 avant d'atteindre 56 euros en 2020.

Les moyens déployés contre la précarité énergétique avec des mesures d'urgence comme le chèque énergie nous tiennent à coeur pour que la transition énergétique permette d'accroître la justice sociale. Dans cette optique, le montant de 125 euros nous paraît également très insuffisant. Relever la composante carbone au niveau attendu en 2017 en 2016 et à celui de 2018 en 2017 permettrait de dégager des ressources avec une incidence modeste pour la plupart des ménages pour lesquels le coût est compensé par la baisse du prix du baril de pétrole.

Je déplore que les transports soient le parent pauvre de cette loi, alors que les signaux sur la pollution de l'air et les émissions de GES s'avèrent alarmants. Ainsi, 48 000 décès découlent de la pollution de l'air chaque année, et les transports contribuent beaucoup à cette situation : l'une des causes principales de 9 % de la mortalité en France ne peut pas être négligée. Les transports représentent les premiers émetteurs de GES, les émissions de ce secteur ayant augmenté entre 1990 et aujourd'hui ; actuellement, on constate une stagnation voire une baisse très légère, mais la baisse du prix du pétrole interdit l'inversion de tendance nette de la consommation d'énergies fossiles et des émissions de GES. Cette situation s'avère incohérente par rapport aux objectifs fixés par cette loi. Au mois de mai dernier, la pénurie de carburant a révélé notre dépendance au pétrole et au mode de transport routier, ce qui exige d'agir pour multiplier les solutions alternatives à la mobilité.

La loi du 17 août 2015 comporte quelques mesures comme les plans de mobilité obligatoire dans les entreprises à partir de 2018 qu'il va falloir préparer et pour la mise en oeuvre desquels nous nous montrerons vigilants. L'un des rares décrets déjà publiés dans le domaine des transports concerne l'indemnité kilométrique vélo. Le RAC et les associations de cyclistes comme la Fédération française des usagers de la bicyclette ont fortement soutenu cette mesure, car l'expérimentation menée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a montré toute son efficacité. Dans un échantillon d'entreprises, l'expérimentation a fait état d'une hausse de 50 % de la part modale du vélo, et un an après l'augmentation avait dépassé 125 % ! La généralisation de cette disposition nous permettrait d'avancer vers l'objectif fixé par la stratégie nationale bas carbone et par la stratégie nationale de mobilité propre de tripler la part modale du vélo. Actuellement plafonnée, la défiscalisation liée à l'indemnité kilométrique vélo, facultative, ne peut dépasser deux cents euros pour les employés, alors que les abonnements aux transports en commun sont remboursés à hauteur de 50 % et que l'usage de la voiture est encouragé du fait du barème fiscal automobile, qui coûte environ 2 milliards d'euros par an à l'État.

L'article 40 de la loi prévoit une stratégie de mobilité propre, qui devrait être publiée d'ici à la fin de l'année 2016 et dont on espère qu'elle ne sera pas focalisée sur la voiture électrique et les carburants alternatifs, mais comportera bien des mesures et des projets pour les solutions de mobilité partagée, comme le covoiturage, l'autopartage, les transports collectifs ou de mobilité active.

Le financement pose problème pour les transports collectifs, notamment depuis l'abandon de la taxe poids lourds, qui aura marqué la politique des transports des quatre dernières années. Le manque de financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) s'élève à 600 millions d'euros en 2016 – problème auquel la fiscalité écologique pourrait apporter des réponses. Depuis les lois découlant du Grenelle de l'environnement, il y a des engagements à tenir en matière de transports collectifs avec des appels à projet nationaux ; trois appels ont déjà été lancés pour des transports collectifs en site propre (TCSP), et l'on espère qu'un quatrième sera lancé avant la fin du quinquennat.

On propose qu'un premier appel à projet national soit lancé pour les mobilités actives – vélo, marche à pied et les intermodalités avec les transports en commun et le covoiturage –, afin d'inciter les collectivités territoriales à développer des projets ambitieux et novateurs, car peu de villes françaises s'avèrent exemplaires. Des subventions dégagées par l'État, sur le modèle des appels à projet TCSP, pourraient créer de l'émulation entre les collectivités, sachant que les citoyens montrent leur engouement pour ce type de mobilité.

La stratégie des mobilités propres commande de réduire de 29 % les GES d'ici à 2028, date de la fin du troisième budget carbone, ce qui nécessite une meilleure efficacité des véhicules, qu'ils soient légers, poids lourds ou autobus. Ces objectifs seront atteints si les normes européennes sont ambitieuses, mais pour l'instant on en reste à 95 grammes de dioxyde de carbone (CO2) par kilomètre jusqu'en 2020 pour les voitures particulières, et qu'il n'existe pas de réglementation contraignante pour les poids lourds. La Commission européenne doit faire connaître ses ambitions et ses propositions en juillet pour réduire les émissions de GES du secteur des transports. Il nous paraît évident que l'hypothèse de la loi de la transition énergétique de fixer une moyenne de deux litres aux cent kilomètres pour les voitures et une réduction de 1 % par an pour les poids lourds neufs ne pourra pas être mise en oeuvre si des normes européennes ne sont pas élaborées dès 2025.

Les deux tiers des dépenses publiques nationales dans le domaine des transports vont au mode routier, et il faut montrer plus de cohérence : le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes absorberait plus de 200 millions d'euros d'investissement public, alors qu'il y aurait bien mieux à faire pour développer les transports collectifs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion