Intervention de Raphaël Claustre

Réunion du 22 juin 2016 à 16h30
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Raphaël Claustre, délégué général du Réseau pour la transition énergétique, CLER :

Les objectifs de la loi du 17 août 2015 sont ambitieux, mais il faut débloquer des moyens pour l'appliquer, ceux-ci n'étant pas simplement financiers car ils touchent également à la gouvernance. Comment organise-t-on notre société pour atteindre ces buts et pour que se développent des marchés, afin que les emplois promis et prévus se créent ?

Le texte sur les travaux embarqués s'avère intéressant aujourd'hui – ses premières versions étaient moins bonnes –, notamment parce qu'il explique que lorsque l'on fait des travaux de rénovation autres qu'énergétiques, il faut intégrer l'énergie ; en revanche, il s'appuie sur un texte obsolète, celui de la réglementation thermique sur l'existant. Ce défaut est en voie d'être revu, mais le problème subsiste actuellement.

Le décret concernant la décence du logement, que M. Bertrand Lapostolet a évoqué, se révèle strictement inopérant dans la version diffusée ; ce projet s'oppose totalement à l'intention du législateur. La loi prévoit qu'un critère de performance énergétique entrera dans l'évaluation de la décence d'un logement. Or le décret n'évoque que l'étanchéité des fenêtres, alors que la performance énergétique se mesure en kilowattheure par mètre carré et par an.

Sur le bâtiment, le texte parle de la création de plateforme et instille une confusion : en effet, les plateformes de rénovation énergétique sont extrêmement importantes, car elles donneront de l'information aux citoyens sur la rénovation énergétique, ce qui est indispensable pour agir. Il existe déjà des espaces info-énergie qui remplissent pour partie ces missions ; les plateformes sont censées aller plus loin, mais elles ne doivent pas déstabiliser l'existant, les espaces info-énergie fournissant une information de bonne qualité dans tout le territoire.

L'article 19 de la loi affirme à juste titre la nécessité de travailler sur la convergence des aides ; il existe beaucoup d'aides à la rénovation énergétique pour les particuliers, mais elles souffrent d'incohérence, et il s'avère difficile de se retrouver entre le crédit d'impôt, l'éco-prêt à taux zéro, les aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), les aides locales. Ce foisonnement se révèle également inefficace en termes de finances publiques. L'article 19 dispose qu'un rapport sera remis au Parlement au plus tard le 17 mars 2016, mais ce rapport n'a pas été remis. Je vous propose donc de demander rapidement à le recevoir, car le quinquennat se termine dans un an et il faut donc agir dans la loi de finances pour 2017, soit avant la fin de cette année. On sait que le crédit d'impôt énergétique conduit à des abus ; près d'un milliard d'euros d'argent public sont dépensés dans des changements de fenêtres, qui peuvent aider à l'efficacité l'énergétique mais qui en constituent l'instrument le plus faible. Comment utiliser au mieux cet argent public ? On parle depuis le début du DNTE de l'installation d'une Agence de financement de la transition énergétique, dans laquelle la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pourrait jouer un rôle important pour activer un fort effet de levier. Il faut aller vers des taux d'aide très élevés pour les ménages très modestes et très faibles, mais avec un fort effet de levier, tout en évitant les effets de seuil. On a perdu beaucoup de temps dans cette tâche. À l'occasion du deux-centième anniversaire de la CDC, le président de la République a affirmé sa volonté de faire de la Caisse la banque de la transition énergétique : il faut maintenant passer à l'action !

La loi renforce les CEE, mais le manque de transparence a posé de grands problèmes car on se demande toujours comment doit être fixé l'objectif et comment obliger EDF, Engie, Total et d'autres à faire connaître leur stock de CEE. En effet, on avait fixé un objectif assez faible et dès qu'il a été connu, ils ont pu faire valoir tous les CEE qu'ils avaient créés. Or, beaucoup de collectivités territoriales et d'associations comme la Fondation Abbé Pierre, mais aussi d'entreprises ont construit des programmes d'action et des plans d'affaires sur le niveau de CEE affiché ; ces programmes sont donc affaiblis et certains doivent être arrêtés. Pour résoudre ce problème, il convient de travailler la gouvernance du dispositif, actuellement confiée à l'Association Technique Energie Environnement (ATEE), elle-même pilotée par les obligés. Il y a lieu d'imposer l'exigence actuelle de 230 térawatts cumac par heure. On avait demandé que la cible soit fixée à environ 1 000 térawatts cumac par heure pour se conformer aux objectifs européens : on nous a traités d'irréalistes et de doux rêveurs, et, au final, on a choisi une cible bien plus basse, alors que les entreprises atteignent 1 000 térawatts cumac par heure – même si l'effondrement du marché a entraîné un mouvement de forte baisse.

Le dispositif du territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEP-CV) a créé une belle dynamique dans beaucoup d'endroits, mais il faut s'interroger sur la pérennité de ce mouvement. Des enveloppes d'aides fixes ont été distribuées et ont pu permettre à des projets de se déployer, mais il faut maintenant pérenniser le financement en évitant de distribuer des montants importants pendant peu de temps, en préférant des montants modestes inscrits dans des dotations liées à la compétence énergie et climat, et en s'interrogeant sur l'animation du dispositif.

Nous considérons la finance participative dans les ENR comme un moyen d'associer la population et de lui donner encore davantage envie de participer à la transition énergétique. Au titre de l'article 109, les collectivités peuvent investir en direct dans des sociétés de production d'ENR, et bon nombre d'entre elles disent attendre le décret pour agir. Or, l'administration a expliqué qu'il n'y aurait pas de décret car la loi était assez claire. Il faut que cette information parvienne aux collectivités pour rompre l'attentisme en matière de finance participative. L'article 111 concerne, lui, non pas les collectivités, mais les citoyens, il y a lieu de publier un décret expliquant comment les projets d'ENR participatifs seront exemptés, dans certains cas, du visa de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Bercy tente de minimiser ces dérogations, alors qu'il conviendrait de les étendre au maximum. On espère que le décret sera publié rapidement et qu'il sera compatible avec la version à venir de la réglementation européenne, Bercy souhaitant retenir l'actuelle. Nous préconisons que les chiffres soient inscrits dans des arrêtés, afin de pouvoir les modifier très rapidement.

Le cadre des ENR électriques est instable, et cette impossibilité de se projeter dans la durée empêche les investissements. Cette situation est ancienne, et on nous promet depuis le début du quinquennat qu'un système solide va être mis en place, mais le cadre s'avère plus instable que jamais, le tarif d'achat ayant été abrogé pour être remplacé par un complément de rémunération, mécanisme dont le texte n'a pas été publié, et par un appel d'offre, instrument soumis au pouvoir politique et donc en décalage temporel avec les besoins des acteurs des marchés.

L'article 105 de la loi évoque les délais de raccordement d'ERDF et des autres gestionnaires de distribution. Un problème majeur existe avec ERDF puisque cette entreprise de service public n'est contrôlée ni par l'État, ni par les collectivités territoriales ; elle fait ce qu'elle veut et cherche avant tout à faire remonter du dividende à sa maison mère – un demi-milliard d'euros pour le dernier chiffre connu. Ce n'est pas l'idée que je me fais du service public – vous non plus, j'imagine –, celui-ci devant remplir des missions définies par des élus. Les porteurs de projet affirment que le prix du raccordement pratiqué par ERDF s'apparente à une loterie.

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