Intervention de Arnaud Gossement

Réunion du 10 mai 2016 à 14h00
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Arnaud Gossement, membre de l'Institut de l'économie circulaire et de la Fabrique écologique :

Vous avez défini dans la loi des objectifs généraux qui, parfois, n'en sont pas moins tellement précis qu'ils mettent les juges dans l'embarras. Je citerai l'exemple d'un contentieux en cours qui concerne les installations de tri mécano-biologique. Le législateur a défini, à l'article 87, un objectif que l'on pourrait traduire ainsi : les nouvelles installations ne sont pas pertinentes et doivent donc être évitées. Nombre d'opérateurs se tournent donc désormais vers les juristes pour savoir si l'on peut autoriser la création de nouvelles installations, bien que ce ne soit pas la priorité du Gouvernement ni de l'État, ou si elles sont interdites. Dans un jugement du 15 décembre 2015, qui fait l'objet d'un appel, le tribunal administratif de Pau a précisé que cet objectif était pour lui directement applicable et contraignant, et il a annulé une autorisation d'exploiter une nouvelle installation de tri mécano-biologique. Votre rapport sera donc lu attentivement par les différents opérateurs afin de savoir précisément ce que le Parlement a voulu dire à l'article 87.

Nous nous réjouissons de la définition qui a été retenue pour l'économie circulaire, dont il manque peut-être néanmoins un modèle plus opérationnel.

J'ai le sentiment que la discussion sur l'amendement sur la capitalisation des éco-organismes, défendu par le sénateur Miquel, ne porte pas seulement sur une question technique, mais sur une question politique, au sens le plus noble du terme. Elle n'a pas été tranchée, puisque la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, mais elle rebondit aujourd'hui au niveau décrétal : seul le Parlement, me semble-t-il, peut clore le débat. Qu'est-ce qu'un éco-organisme ? Va-t-on vers la concentration ? Vers la concurrence ? Qui va créer des éco-organismes ? Avec quels moyens ?

Donnons un exemple concret de l'urgence que revêt la question. Deux juges ont estimé en début d'année que les contrats passés par les éco-organismes avec des collectivités territoriales étaient de droit public, ce qui est lourd de conséquences pour leur activité. Aujourd'hui, nombre d'entre eux s'interrogent sur la nature juridique de ces contrats, non seulement ceux qu'ils passent avec les collectivités territoriales dans le cadre de la collecte et du traitement des déchets ménagers, mais tous ceux qu'ils signent, y compris avec des détenteurs publics pour des déchets professionnels. Là aussi, l'interprétation que donnera votre rapport est attendue. Qu'est-ce qu'un éco-organisme ? Est-ce le bras armé de l'administration, comme certains producteurs en ont parfois le sentiment ? On parle encore d'écotaxe à propos de la contribution aux éco-organismes. Est-ce, au contraire, la possibilité pour les producteurs d'organiser librement la collecte et le traitement de certains flux de déchets ?

Nous aurions besoin que le Parlement apporte des précisions sur leur statut, leur création et les conditions de leur activité, d'autant que nous sommes en pleine phase de renouvellement des agréments pour certaines filières, notamment celle des emballages.

En ce qui concerne la contractualisation, pour la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques, les éco-organismes sont appelés à passer des contrats avec les opérateurs de gestion au sens large, pour tous les déchets ménagers ou professionnels. Ainsi se pose la question des conditions de rédaction de ces contrats.

Vous avez aussi, madame la Rapporteure, posé la question des contrats en cascade. Peut-on contracter avec le contractant d'un éco-organisme ? A priori, la réponse est oui. En ce qui concerne les conditions et, surtout, les conséquences de cette contractualisation, les éco-organismes auront, avec ces contrats, un pouvoir d'information, sinon de contrôle, sur les flux de déchets, mais, en contrepartie, ils devront peut-être endosser une responsabilité nouvelle : tous n'en ont peut-être pas pris conscience. L'administration est appelée à apporter des précisions sur les points qui relèvent du domaine réglementaire, mais nous examinerons attentivement les développements qui, dans votre rapport, permettront éventuellement de clarifier les conditions dans lesquelles les opérateurs contractent avec les éco-organismes.

La note de La Fabrique écologique a souligné que la publication des décrets était en retard par rapport à ce qui était annoncé, soit par la ministre, soit par l'intermédiaire du site officiel Légifrance. Il ne s'agit pas de remettre en cause le travail de l'administration, mais de s'interroger sur les raisons qui font que les décrets concernant certaines mesures structurantes, comme la programmation pluriannuelle de l'énergie – qui, certes, ne relève pas du titre IV –, n'ont toujours pas été pris, alors que le ministère les promettait pour fin 2015.

Le travail a été plus important en matière de déchets et d'économie circulaire, grâce, notamment, au grand décret-balai du 10 mars 2016. Toutefois, ce décret peut faire l'objet de quelques observations. Ainsi, le règlement concernant la filière des déchets du BTP était très attendu : il a fait l'objet de nombreux débats et, donc, de compromis, mais il est juridiquement fort complexe et l'on peut se demander s'il pourra être appliqué. En effet, eu égard au nombre de dispositions législatives qu'il faudra respecter, et même si l'affichage de l'adresse est obligatoire, il sera difficile de trouver le lieu de reprise, situé dans un rayon maximal de dix kilomètres de l'unité de distribution. Il conviendrait d'apporter des clarifications sur la portée de l'article 93, afin de fluidifier la gestion des déchets du BTP par certains distributeurs.

Enfin, La Fabrique écologique tient beaucoup au fabuleux levier de développement que constituerait l'introduction de l'économie circulaire dans la commande publique. A priori, modifiant une précédente loi sur la consommation, le texte n'appelait pas nécessairement un décret d'application. Il semble toutefois, d'après l'échéancier d'application de l'article 76, que le schéma de promotion des achats publics responsables doive être complété, pour être opérationnel, par une disposition réglementaire, qui était envisagée pour le mois de janvier 2016. Faut-il vraiment passer par la voie réglementaire ?

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