Intervention de Baptiste Legay

Réunion du 10 mai 2016 à 14h00
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Baptiste Legay, chef de la sous-direction déchets et économie circulaire à la Direction générale de la prévention des risques, DGPR, ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer :

En ce qui concerne les gobelets, la démarche est sensiblement la même que pour les sacs plastiques. Une directive européenne imposait aux États membres de limiter l'utilisation des sacs plastiques. Malgré cette injonction, il a fallu six mois d'échanges avec la Commission pour que notre décret soit approuvé par les autorités européennes. Pour les gobelets, nous avons quelques mois de décalage. Le statu quo se terminera fin mai. Nous attendons de connaître la réponse de la Commission à propos de cette mesure qui semble de bon sens, mais qui n'est pas explicitement prévue par le droit européen.

Pour élargir le débat, on peut aussi mentionner que le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité prévoit des mesures sur les microbilles en plastique et sur les cotons-tiges, dont on sait qu'ils sont générateurs de déchets marins qu'on retrouve sur les plages et dans les continents de plastique.

Sur tous ces sujets, le législateur demande des interdictions. Comme, pour ce type de démarche, la France est pionnière et a un temps d'avance sur le droit de la mise sur le marché des produits au niveau européen, ces procédures prennent du temps.

Madame la Rapporteure, vous avez posé une question sur le décret collecte. Il n'est pas spécifiquement prévu par la loi relative à la transition énergétique, mais nous l'avons rénové à l'occasion des décrets parus fin 2015 et début 2016. Il induit un assouplissement des fréquences de collecte puisqu'il demande aux collectivités de ne prévoir une collecte hebdomadaire que si elles ont plus de 2 000 habitants et non plus 500, comme c'était le cas auparavant. À notre sens, cette disposition accompagne bien les mesures prévues dans la loi relative à la transition énergétique, en particulier la mesure du tri à la source des biodéchets, car, plus les collectivités vont dans le sens d'un tri à la source des biodéchets, plus les ordures ménagères résiduelles restantes sont saines et peu fermentescibles, et moindre est la nécessité d'une collecte régulière. Cette idée, sur laquelle nous avons travaillé avec les représentants des collectivités territoriales, accompagne le mouvement en donnant un signal, en particulier aux collectivités qui pratiquent le tri à la source des biodéchets, sur la fréquence de leur collecte. Cela étant, quelles que soient les préconisations de la loi, et compte tenu de la responsabilité des collectivités en la matière, les élus locaux sont très sensibles aux questions de salubrité et de santé publique.

En ce qui concerne les bouteilles de gaz, dans la mesure où la loi relative à la transition énergétique a simplifié le dispositif législatif, un décret est nécessaire pour simplifier aussi le dispositif réglementaire. C'est l'un des deux décrets qui sont en ce moment au Conseil d'État. La séance étant prévue cette semaine, il ne tardera pas à paraître. Il va dans le sens d'une simplification, mais aussi d'une responsabilisation des metteurs sur le marché, dans le cadre du principe de REP, pour qu'aucune bouteille de gaz ne soit orpheline ou perdue dans la nature, pour que toutes puissent être réinjectées dans le circuit normal de consigne et de remplissage, ou mises proprement au rebut, afin d'éviter les accidents.

En ce qui concerne les déchets d'équipements électriques et électroniques et la contractualisation, la mesure qui figure dans la loi relative à la transition énergétique est, à nos yeux, très positive et très utile. Les trafics sont nombreux dans la filière des DEEE, car les déchets métalliques ont une grande valeur. Il y a des filières grises, avec, parfois, des exportations illégales, y compris vers les pays en développement. Il est nécessaire d'avoir une traçabilité et une intégration des opérateurs – qui, parfois, font partie d'une économie grise – dans une filière, par le biais d'une professionnalisation, afin qu'ils travaillent dans de bonnes conditions et qu'on puisse ainsi éviter les trafics.

Dans ce cadre, la contractualisation oblige toute personne qui collecte ou traite des DEEE à présenter un contrat qui la lie à un éco-organisme de la filière officielle. Ce dispositif contraint les personnes à rentrer dans une filière officielle, faute de quoi cela donne une indication à l'administration pour procéder à un contrôle. S'il n'y a pas de contrat, c'est qu'il y a un problème de légalité. La mesure est contraignante pour les opérateurs, mais est à la hauteur de l'enjeu. Les éco-organismes ont une vision complète de la filière, ce qui est positif. Le décret, qui est prévu en concertation avec les représentants des opérateurs, s'assure que cette contractualisation reste légère, essentiellement fondée sur la traçabilité, et qu'il n'y a pas de caractère invasif de l'éco-organisme dans les activités des opérateurs. Ce type de mesure participe à nos efforts pour lutter contre les sites illégaux.

Vous avez également évoqué, madame la Rapporteure, le décret sur les pièces détachées des véhicules hors d'usage, en rappelant que la loi prévoyait une application de cette mesure au 1er janvier 2016 et que nous étions en retard. C'est vrai, mais le sujet est complexe et a donné lieu à des discussions avec les représentants des professionnels. Le décret est au Conseil d'État et devrait paraître avant la fin mai.

En ce qui concerne le décret sur la presse, les débats ont été complexes et ont mobilisé les parlementaires. Suite à la parution de la loi, Mme Royal a confié une mission au député Serge Bardy et au sénateur Gérard Miquel, qui ont rendu leur rapport en février. Il comporte un certain nombre de propositions et de critères pour amener les publications de presse à s'améliorer en termes d'éco-conception de leurs produits, sachant que le respect de certains critères leur ouvre la possibilité de faire une contribution en nature plutôt qu'une contribution financière. Ce sujet est sensible. Il y a un enjeu d'équité pour les producteurs qui font une contribution financière quand ils mettent sur le marché des ramettes de papier ou des publications en papier hors presse. Dans le même temps, le rôle spécifique de la presse dans la démocratie a été mis en avant, dans le cadre de la loi. Le décret, qui se fonde sur les propositions du rapport de MM. Bardy et Miquel et dont nous souhaitons qu'il paraisse très prochainement, est en cours d'arbitrage interministériel.

Enfin, en ce qui concerne le décret sur le BTP et la reprise des déchets de matériaux par les distributeurs du BTP, vous souhaitez, madame la Rapporteure, connaître le nombre de sites concernés. Notre réflexion, en lien avec les professionnels, nous a amenés à sélectionner un périmètre et à le préciser par décret : 4 000 sites seraient concernés par l'obligation d'organiser une reprise, mais nous ne sommes pas certains que ce seront 4 000 points de reprise, car les professionnels ont beaucoup insisté sur la nécessité de pouvoir mutualiser ces points de reprise. Plusieurs magasins proches les uns des autres pourraient avoir un unique point de reprise offrant le même service, à moindre coût, à l'ensemble de leurs clients. Le nombre de mutualisations devrait être, au final, très inférieur à 4 000.

J'en viens aux éventuelles réticences des professionnels. Ceux-ci ont ressenti cette mesure comme une nouvelle réglementation qui s'imposait à eux. Dans toutes les filières REP ou « para-REP », ce type de dispositif induit une résistance de la part des professionnels, qui ne sont pas forcément convaincus. Nous avons entendu leurs besoins en termes de mutualisation et nous avons travaillé sur la question de la rentabilité de cette activité de reprise. Je rappelle que certains professionnels du secteur avaient spontanément mis en place, avant la loi, ce type de point de reprise parce qu'ils y voyaient un intérêt financier. Nous avons identifié une taille critique du site, à partir de laquelle l'activité de reprise peut être rentable. Nous avons réussi à convaincre le Conseil d'État qu'il convenait de prévoir à la fois un critère de surface minimale, comme le disait la loi, et un critère de chiffre d'affaires minimal. Le décret est paru. Seuls les distributeurs dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés et le chiffre d'affaires supérieur à 1 million d'euros devront mettre en place cette reprise.

En ce qui concerne les sanctions, les professionnels sont en train de travailler plus finement sur l'identification des sites « obligés » et sur les possibilités de mutualisation. Nous travaillons avec eux pour vérifier que les choses se passent aussi bien que possible. Les sanctions qui existent pour les filières REP lorsque des producteurs n'appliquent pas leurs obligations d'adhésion à un éco-organisme peuvent également s'appliquer aux distributeurs qui ne respecteraient pas cette obligation.

J'en arrive à votre question sur les filières REP et les cahiers des charges. La filière REP est une filière de responsabilisation des producteurs. Il est donc important de laisser aux metteurs sur le marché la liberté de s'organiser comme ils l'entendent et d'encourager leur créativité pour qu'ils recherchent une gestion des déchets à moindre coût. Dans le même temps, cette liberté entre en conflit avec la question de l'encadrement. Il y a une forte demande pour que « liberté » ne soit pas synonyme de « jungle » et qu'il puisse y avoir des règles et un encadrement des filières, notamment en termes de concurrence et de projets économiques et industriels. Ce sont des choses que nous avons à coeur, que le législateur avait à coeur lorsqu'il les a transcrites dans des articles de la loi relative à la transition énergétique, dont un sur la gouvernance des éco-organismes, qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Ce débat reste d'actualité.

J'évoquerai pour finir la fiscalité qui, selon moi, est le gros trou dans la raquette. Bien entendu, cette question ne pouvait pas être traitée dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique, mais, pour que cela marche, il faut résoudre le problème de la TGAP. Des propositions ont été faites dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, mais elles n'ont pas pu aboutir. Le sujet reste donc sur la table pour la prochaine loi de finances.

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