Intervention de Virginie Duby-Muller

Réunion du 28 juin 2016 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller, corapporteure :

La seconde partie du rapport est consacrée aux priorités identifiées par la mission et aux différentes mesures sectorielles susceptibles d'être mises en oeuvre en vue de faire progresser les droits des Mahoraises et l'égalité entre les femmes et les hommes.

Ces priorités sont les suivantes : l'éducation et l'accès à l'emploi, d'une part, pour soutenir l'autonomie des femmes ; la santé et la lutte contre les violences faites aux femmes, d'autre part, pour garantir le respect de leurs droits les plus élémentaires.

S'agissant de la nécessité d'améliorer le système éducatif à Mayotte, nous avons pu constater, lors de notre déplacement sur l'île, qu'elle se heurtait à de nombreuses difficultés, même s'il faut souligner les importants progrès intervenus depuis plusieurs années dans ce domaine. Ainsi, entre 1973 et 2014, les effectifs scolarisés dans le premier et le second degrés ont été multipliés par trente, passant de 2 884 en 1973 à environ 87 500 élèves en 2014, alors que, dans le même temps, la population de l'île était multipliée par cinq.

Des moyens importants ont été consacrés au développement rapide des infrastructures scolaires : sur dix ans, le budget de l'État consacré à l'éducation nationale est passé de 107 à 377 millions d'euros, soit une hausse de 251 %.

Néanmoins, de gros retards demeurent par rapport à la métropole, notamment dans le domaine de l'accueil des enfants : ainsi, bien qu'ayant doublé en dix ans, le taux de scolarisation en maternelle s'élève à 63 %, contre 100 % en métropole, un système de rotation des classes ayant par ailleurs dû être mis en place. Les résultats aux examens nationaux, baccalauréat et brevet, restent également, malgré une progression sensible, très inférieurs à ceux de la métropole, du fait notamment d'une insuffisante maîtrise du français.

S'agissant plus particulièrement des jeunes filles, elles se heurtent à des difficultés liées à leur orientation et au poids des représentations sociales. Par ailleurs, les femmes, scolarisées plus tardivement, sont surreprésentées parmi les personnes ne maîtrisant pas les compétences de base à l'écrit en français, ce qui représente à l'évidence un handicap en termes d'insertion professionnelle.

Compte tenu de cette situation et à la lumière des différentes initiatives locales intéressantes menées depuis quelques années – je pense par exemple au programme « Marraines en action », auquel participe des femmes actives et qui s'adresse à des jeunes filles scolarisées, en formation ou en recherche d'emploi –, nous préconisons, outre le renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine, plusieurs mesures, au premier rang desquelles, le développement de la scolarisation en maternelle, afin que les enfants s'immergent le plus tôt possible dans un bain linguistique français. Il importe pour cela de maintenir les efforts engagés notamment en matière d'infrastructures afin de faire cesser les rotations.

Il faut également poursuivre et amplifier les actions engagées afin de mieux faire connaître les différents métiers, organiser pour cela des campagnes d'information régulières – parcours Avenir ou invitation de cheffes d'entreprises en milieu scolaire, entre autres – pour aider les jeunes filles à diversifier leurs choix d'orientation.

Le développement de l'éducation civique et l'apprentissage des valeurs de la République, parmi lesquelles le respect de l'autre et l'égalité, sont enfin essentiels.

En matière d'emploi ensuite, l'un des points positifs est que les Mahoraises sont davantage présentes sur le marché du travail et également très actives dans la création d'entreprises : Mayotte est ainsi le deuxième département français pour l'entreprenariat féminin. Mais elles sont plus souvent confrontées au chômage que les hommes, et leur taux d'emploi n'est que de 28 %, contre 46,5 % pour les hommes.

Poux lever les freins à l'emploi, il est d'abord nécessaire de développer les services, en matière notamment d'accueil du jeune enfant, de façon souple et diversifiée compte tenu des besoins des familles – assistantes maternelles, crèches municipales ou parentales, etc. –, afin de s'adapter aux besoins des familles. Nous formulons plusieurs pistes concrètes en ce sens, ainsi qu'en matière d'accueil des personnes en situation de handicap et des personnes âgées dépendantes.

Parallèlement, les actions de lutte contre l'illettrisme doivent être développées, ainsi que l'accès à la qualification et à la formation professionnelle continue. La question de la mobilité est aussi essentielle : il faut faciliter l'accès au permis de conduire et développer les transports en commun.

D'autres mesures pourraient également être envisagées en matière de logement social, ou encore pour soutenir le développement économique durable du territoire – nous pensons notamment à la valorisation du potentiel touristique ou au développement des infrastructures numériques.

Un mot enfin sur nos principales conclusions en matière de santé et de violences faites aux femmes, domaines dans lesquels nous avons pu constater un certain nombre d'initiatives locales particulièrement intéressantes.

Une enquête sur la santé des femmes est nécessaire, mais aussi la publication tous les cinq d'un « Baromètre santé Mayotte », comme celui que l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) réalise pour la métropole.

Des mesures s'imposent également pour développer l'attractivité du territoire en direction des professionnels de santé libéraux, trop peu nombreux sur l'île, mais aussi soutenir l'action du planning familial, encourager la création de centres de planification et renforcer les centres de protection maternelle et infantile (PMI), sachant qu'au niveau du département, nous avons pu observer que le fléchage et l'utilisation des fonds n'est pas toujours optimal…

Il convient par ailleurs d'améliorer l'information des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive, et en particulier leur accès à la contraception. Des associations comme REDECA, réseau de dépistage des cancers, et REPEMA, en matière de périnatalité, sont très dynamiques sur le terrain, mais il faut poursuivre les efforts pour développer des actions d'information et d'éducation à la santé bien adaptées aux spécificités locales. Dans ce sens, une médecin que nous avons rencontrée lors de notre visite du centre hospitalier de Mamoudzou a évoqué un projet de série télévisée locale en format sitcom, Limbala, évoquant entre autres la question des violences faites aux femmes et l'éducation à la santé, avec le soutien notamment de l'hôpital et de l'agence régionale de santé (ARS) et

En matière de violences faites aux femmes, nous devons également prévoir la déclinaison à Mayotte de l'enquête nationale VIRAGE, veiller à la mise en place d'une unité médico-judiciaire (UMJ) ainsi qu'au fonctionnement de la ligne téléphonique locale – 55-55 – et ouvrir pour les victimes des places d'hébergement d'urgence.

Il faut enfin que soient mises en oeuvre les dispositions de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et accompagner les personnes prostituées, intensifier la lutte contre les réseaux, encourager la mobilisation des associations autour de cette problématique, liée à la question de l'immigration clandestine depuis les Comores.

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