Je suis tout à fait d'accord avec les positions exprimées par mes collègues Mariani, Baumel et Myard. Je trouve votre rapport très nourri, mais je n'y vois aucun examen rétrospectif de la politique de la France depuis le début de la crise ukrainienne. Il aurait fallu faire un travail d'introspection sur ce que nous n'avons pas fait. En réalité, au début, nous ne nous sommes préoccupés ni de la Russie, ni de l'Ukraine. Pendant la révolution de Maïdan, aucun ministre français ne s'est rendu en Ukraine, alors que les Européens l'ont fait. Le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius est arrivé tout à la fin, pour la signature de l'accord.
Je trouve aussi que ce rapport devrait être plus critique sur la Politique de voisinage de l'Union européenne. Il y a un véritable divorce entre la nouvelle Europe, très atlantiste, et l'ancienne. Et nous nous alignons sur les positions de cette nouvelle Europe en mettant en place des mesures de réassurance, une défense anti-missile et en prévoyant le retour de forces stationnées sur le territoire des États baltes et orientaux. Comme s'il n'y avait pas d'autres priorités que de rejouer la guerre froide en Europe !
Enfin, il est regrettable que les conclusions de ce rapport ressemblent à un communiqué de presse du Quai d'Orsay. Elles reprennent l‘éternelle incantation sur l'application des accords de Minsk. Vous esquissez parfois une position, par exemple sur l'octroi des visas aux Ukrainiens ou sur l'aide financière européenne, mais alors vous ne tranchez pas. Il faut être beaucoup plus incisif. Il faut appuyer l'idée que la France veut réévaluer les sanctions en fonction d'un calendrier de sortie de crise. La condition de l'application des accords de Minsk nous condamne à un renouvellement automatique des sanctions tous les six mois sans aucune porte de sortie. Nous devrions plutôt prévoir des mesures de confiance à mettre en oeuvre de trois mois en trois mois en séquence avec une levée progressive des sanctions. Il est temps que la France se réinvestisse dans le règlement diplomatique de la crise ukrainienne et ce, au-delà du « format Normandie ». Nous ne devons pas nous contenter de suivre les Américains. Eux-mêmes ne s'embarrassent pas toujours de nous, comme l'avait crûment exprimé la diplomate américaine Victoria Nuland avec son inoubliable « Fuck the European union » !