Intervention de Paul Giacobbi

Réunion du 29 juin 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi, président :

Avec la Crimée, nous sommes au coeur d'une très vieille affaire. Cela fait très longtemps que la Russie veut aller vers les mers chaudes, la Méditerranée et l'Orient, pour des raisons qui tiennent à la religion et à l'histoire. Les tensions sur les lieux saints sont en grande partie entre les chrétiens d'Orient et les autres. Rappelons aussi qu'il y a eu une guerre de trois ans extrêmement sanglante à propos de la Crimée, entre la Russie d'une part, et toute une coalition, comprenant notamment la France, le Royaume-Uni et l'Empire ottoman, ce qui n'est pas neutre. Le Royaume de Piémont-Sardaigne en a très habilement profité pour se pousser sur la scène à très peu de frais. La Crimée, annexée au XVIIIème siècle, est très largement russe depuis cette époque, même s'il existe une population tatare minoritaire. Son intégration administrative à l'Ukraine en 1954 est tout à fait circonstancielle – passons sur le détail des soirées de beuverie de Nikita Khrouchtchev. Cette intégration s'est faite sur la base d'une double autonomie, administrative et linguistique, et même, à certains égards, militaire, avec un statut encore plus particulier pour Sébastopol. Il est donc très compliqué d'affirmer que la Crimée n'a rien de russe ou qu'elle a été brutalement annexée.

Un referendum a eu lieu. On peut tout contester, mais il ne fait de doute pour personne que, même s'il s'était déroulé dans des conditions absolument idéales et parfaites, il aurait donné à l'évidence une majorité en faveur du rattachement à la Russie. Sans revenir sur ce qui s'est passé pendant la guerre, car ce serait verser dans l'horreur, l'Ukraine elle-même n'est pas un modèle en général, et en particulier sur le statut de la langue russe par rapport à l'ukrainien.

Nous avons des intérêts nationaux et, jusqu'à la preuve du contraire, nous avons besoin de la Russie, notamment en Syrie. Je ne suis pas certain de savoir où nous en serions dans ce pays si nous n'y avions pas la Russie comme alliée sur le plan militaire. C'est une réalité incontestable.

Ensuite, je voudrais faire une comparaison avec la Chine. Il y a sûrement beaucoup de critiques à adresser à la Russie, en particulier sur le plan des droits de l'homme et de la moralité publique, mais on reste très loin de la réalité chinoise. Il n'y a pas la moindre trace de démocratie dans ce dernier pays, la corruption est largement plus développée et il y a aussi l'agressivité de la Chine, notamment en mer de Chine méridionale. Et ne parlons pas des guerres intérieures au Xinjiang et au Tibet, dont personne ne dit jamais rien.

Je voudrais donc demander à nos collègues pourquoi ils n'ont pas davantage nuancé ce qu'ils écrivent de la Crimée, dont plus personne ne parle car on a pris acte. Vous écrivez ceci : « l'annexion unilatérale de la Crimée constitue une violation très grave, sans précédent en Europe depuis 1945, des règles de base du droit international ». Mais il ne s'est quand même pas rien passé dans l'ex-Yougoslavie et je ne suis pas sûr que tout cela soit juridiquement exact. Les règles de base du droit international, qui permettent la sécession, exigent simplement que cela ne se fasse pas contre la volonté des peuples. Il faudrait a minima expliciter votre position – mais vous l'avez peut-être fait ailleurs dans le rapport.

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