Intervention de Stéphane Travert

Réunion du 5 juillet 2016 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert :

Au nom de l'ensemble de mes collègues du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je tiens à saluer l'excellent travail mené par notre président Patrick Bloche sur cette proposition de loi relative à la liberté, à l'indépendance et au pluralisme des médias, dont il est l'auteur.

Ce texte vise plusieurs objectifs : renforcer la liberté, préserver l'indépendance des journalistes et la pluralité des médias. Notre commission est particulièrement bien placée pour savoir à quel point des menaces pèsent aujourd'hui sur ces grands principes, que nous voulons donc garantir par la loi. Il nous est proposé aujourd'hui d'examiner une nouvelle fois cette proposition de loi, qui vise à rappeler le rôle essentiel des journalistes au coeur du processus de fabrication de l'information et des programmes.

Par cette loi, nous voulons tout d'abord protéger les journalistes de toute pression, et, par là même, contribuer à restaurer la confiance qui doit exister entre le lecteur, le téléspectateur ou l'auditeur et les médias dits « classiques ». Cette loi est destinée non seulement aux journalistes, mais aussi à l'ensemble du secteur des médias. Elle tend à restaurer cette confiance perdue des Français dans leurs médias traditionnels et élève le CSA, autorité administrative indépendante, en gardien de ces principes.

La CMP qui s'est tenue le 14 juin dernier au Sénat n'a pu aboutir en raison de désaccords profonds entre nous.

L'article 1er de la proposition de loi étend à tous les journalistes, quel que soit le média dans lequel ils exercent, un droit d'opposition réservé aujourd'hui aux seuls journalistes de l'audiovisuel public en vertu de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986. L'article 1er a été vidé de son sens par la Haute Assemblée : suppression de la référence à l'« intime conviction professionnelle », négation du rôle des représentants des journalistes dans l'adoption des chartes déontologiques d'entreprise, suppression des sanctions adossées au droit d'opposition. Le groupe Socialiste, écologiste et républicain soutiendra, bien sûr, les amendements de notre rapporteur visant à réintroduire ces dispositions tout en supprimant l'adjectif « intime » afin de se prémunir de contentieux qui pourraient voir le jour au regard du caractère flou de ce terme.

Le groupe Socialiste, écologiste et républicain proposera un amendement visant à renforcer la dimension collective de ce droit d'opposition individuel en permettant la consultation du comité d'entreprise chaque année sur le respect de ce nouvel article 2 bis de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Permettez-moi de revenir également sur l'article 1er ter de la proposition de loi, relatif à la protection du secret des sources des journalistes. Alors que cet article a été adopté à l'unanimité par notre commission sur la base de la version adoptée par la Commission en 2013, les débats au Sénat l'ont particulièrement modifié. Ainsi, la commission des Lois du Sénat a exclu du régime de la protection du secret des sources les collaborateurs de rédaction. Elle a supprimé la notion d'« atteinte indirecte aux sources ». S'agissant des atteintes possibles au secret des sources, la commission des Lois du Sénat a proposé d'aménager une possibilité d'enquêter, qui pourrait porter atteinte aux sources, en cas d'impératif prépondérant d'intérêt public. Le groupe Socialiste, écologiste et républicain proposera donc un amendement tendant à rétablir la version votée en première lecture par notre commission.

L'article 2 de la proposition de loi définit le rôle joué par le CSA afin de garantir le triptyque que nous mettons au coeur de cette loi : honnêteté, indépendance et pluralisme de l'information et des programmes. Cet article étend la possibilité donnée au CSA d'émettre des recommandations en matière d'honnêteté et d'indépendance de l'information et des programmes. Il est regrettable que le Sénat ait supprimé toute référence au respect du droit d'opposition des journalistes dans l'appréciation que doit faire le CSA du critère d'indépendance, alors qu'une infraction à ce droit serait la preuve la plus criante de l'intrusion d'un intérêt particulier dans l'information. Le groupe Socialiste, écologiste et républicain soutiendra l'amendement de notre rapporteur visant à rétablir la rédaction de notre assemblée.

L'article 7 de la proposition de loi généralise le comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes. Si certaines sociétés ont d'ores et déjà instauré des comités en leur sein, la loi vient définir ce qui est entendu par « personnalité indépendante », tout en laissant ensuite à la société le loisir de définir la composition et les modalités de son fonctionnement dans la convention qui la lie au CSA. Le Sénat a, là encore, apporté des modifications importantes : il a modifié la dénomination du comité ; il a supprimé la possibilité pour le comité d'être consulté pour avis par toute personne ; il a abandonné les exigeantes règles d'indépendance des membres du comité. On voit bien ici que la majorité sénatoriale a souhaité limiter les marges de manoeuvre de ce comité tant dans son champ d'intervention que dans sa composition. Au nom de notre groupe, je me félicite de la proposition du rapporteur de réintroduire le dispositif adopté en première lecture, qui donnait pleine crédibilité à ces comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes.

Enfin, j'avais déposé au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain un amendement visant à suspendre les aides publiques aux entreprises de presse en cas de violation des obligations de transparence et du droit d'opposition des journalistes créé à l'article 1er de la proposition de loi. Les articles 5 et 6 de la loi du 1er août 1986 obligent les entreprises éditrices à publier, dans chacun de leurs numéros, les noms des personnes physiques ou morales détenant au moins 10 % de leur capital. La loi dite « Warsmann » de 2011 a étendu cette obligation aux services de presse en ligne. Or il est constaté quotidiennement que cette disposition est peu appliquée. Le Sénat, au stade de la commission, a supprimé cet article, au motif que les manquements aux obligations de transparence de l'actionnariat sont déjà sanctionnés, que les aides publiques sont d'ores et déjà conditionnées à un certain nombre d'obligations et que ledit article serait contre-productif. Nous pensons, bien au contraire, que les obligations de transparence sont aujourd'hui peu respectées et que la sanction pécuniaire aura un effet plus dissuasif.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues : le groupe Socialiste, écologiste et républicain votera en faveur de cette proposition de loi modifiée par les amendements qui visent à rétablir la version votée en première lecture par notre assemblée.

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