Intervention de Gilda Hobert

Réunion du 5 juillet 2016 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la détermination et de l'opiniâtreté dont vous faites preuve sur cette proposition de loi.

Au cours des années 1980 et 1990, des lois « anti-concentration » ont vu le jour afin d'empêcher les magnats de la presse de l'époque de conquérir l'ensemble des chaînes et des ondes qui captent, véhiculent et transmettent l'information. Aujourd'hui, force est de constater que ces lois ne suffisent plus. Les géants ne détiennent plus uniquement les chaînes, mais également les télécommunications et les réseaux. Bref, c'est une mainmise intégrale, à laquelle peuvent s'ajouter des pressions diverses que nous ne pouvons admettre.

Nous sommes donc de nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Il s'agit d'enrayer ces dérives, de les modérer, de donner une force et un signe aux journalistes, qui n'apprécient guère, à juste titre, d'être contraints, muselés ou instrumentalisés. Je tiens à rappeler que leur situation s'est considérablement aggravée : précarité, fragilité des rédactions... Nous devons aujourd'hui leur apporter une protection tangible, dont ils pourront se saisir afin de mener un travail d'investigation et de recherche, en toute liberté ; de piquer là où ça fait mal, en toute indépendance.

La CMP, qui s'est réunie au Sénat le 14 juin dernier, n'est pas parvenue à concilier les positions des deux chambres. En effet, de grandes divergences sont apparues sur les articles clés de la proposition de loi.

Comment comprendre la volonté du Sénat de supprimer la notion d'« intime conviction professionnelle » à l'article 1er ? Il s'agit d'une mesure essentielle qui donne vie et forme à toutes les autres. Une fois balayée la possibilité donnée aux journalistes de s'exprimer selon leur conviction, qu'adviendrait-il de cet article si important ? On peut entendre les critiques qui ont été émises à propos de cette notion : trop de place à la subjectivité, risque d'insécurité juridique... Aussi pourrait-on envisager de légères modifications – par exemple, le retrait du terme « intime », ainsi que vous le suggérez, monsieur le rapporteur –, mais ne privons pas cette disposition de son essence et de son objectif.

Toujours dans un souci de liberté des médias, je m'interroge sur la modification substantielle des comités d'indépendance prévus à l'article 7. Au-delà de la sémantique utilisée, je suis étonnée de l'élargissement de leurs prérogatives, notamment aux questions d'éthique. Là encore, cela contreviendrait au respect des convictions et de la conscience de chaque journaliste.

En ce qui concerne l'indépendance, je suis satisfaite, en revanche, que les articles 9, 9 bis, 10 et 10 bis aient été votés conformes par le Sénat. L'article 9 bis, en particulier, prévoit l'interdiction de la vente d'une chaîne de télévision dans un délai de cinq ans à compter de la délivrance de l'autorisation par le CSA. Les chaînes hertziennes ne devraient plus être prisonnières des logiques spéculatives qui régissent notre modèle économique. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.

Pour finir, l'évolution du texte en matière de protection du secret des sources me laisse très circonspecte. Notre assemblée était parvenue, par votre intermédiaire, monsieur le rapporteur, et avec l'appui du Gouvernement, à une certaine stabilité, à une certaine cohérence. Le texte initial instaurait de nouvelles protections pour ceux qui prennent des risques, dont nous n'imaginons pas la teneur, au profit de l'information, au service du bien public. Ces dispositions ne sauraient être vidées de leur substance. Je regrette que le Sénat ait supprimé les principales avancées en la matière. Je pense notamment au contrôle a priori et non plus a posteriori par le juge de la liberté et de la détention lors d'une demande d'atteinte au secret des sources. Je pense également à l'interdiction de condamner un journaliste pour la violation du secret professionnel. Bref, le Sénat est revenu à la loi de 2010. Nous ne pouvons nous en contenter, ainsi que nous le prouve le récent procès d'Antoine Deltour.

Certains amendements proposés pour cet examen en commission me semblent traduire la volonté d'avancer qui avait animé nos débats et qui vient d'être réaffirmée. Aussi le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste leur apportera-t-il son soutien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion