La CMP du 14 juin a révélé des divergences profondes entre députés et sénateurs. À l'article 1er, nos collègues de la Chambre haute ont notamment supprimé le droit d'opposition des journalistes à des actes qui se révéleraient contraires à leur « intime conviction professionnelle ». Ils ont invoqué l'insécurité juridique pour retirer cette notion, lui reprochant d'être trop floue en cas de contentieux. Toutefois, ils n'ont pas cherché à la remplacer par des termes plus précis. Ils n'ont donc fait que vider l'article de sa substance. On peut se demander ce que va devenir ce concept d'« intime conviction professionnelle » sur lequel se fonde le droit d'opposition des journalistes.
Les sénateurs ont également supprimé ou modifié plusieurs alinéas de l'article 1er ter afin de limiter la protection du secret des sources des journalistes. Or s'opposer à la protection du secret des sources sous prétexte du secret de l'instruction est inutile, puisque l'arrêt Bédat contre Suisse rendu le 29 mars 2016 par la Cour européenne des droits de l'homme énonce que la protection du secret des sources doit céder le pas devant la protection du secret de l'instruction. Nous nous attendons donc à ce que notre commission réintroduise le fait justificatif des délits d'atteinte à l'intimité de la vie privée, de recel du secret professionnel et de recel du secret de l'enquête ou de l'instruction, lorsque ces délits ont permis d'obtenir des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime dans une société démocratique. L'actualité très récente nous a en effet montré qu'il était urgent de protéger les lanceurs d'alerte.
Enfin, les sénateurs ont de nouveau montré leur réticence à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias en vidant complètement de sa substance l'article qui définit le rôle des comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes. Ils ont supprimé les garanties d'indépendance de leurs membres et prévu que ceux-ci seraient nommés par la direction sous le contrôle du CSA, qui pourra s'opposer à une nomination dans un délai de deux mois. L'intérêt de ces comités reposait sur leur accessibilité ; or le Sénat a retiré du texte la possibilité de leur saisine par tout un chacun. Pour finir, il a élargi les missions des comités d'indépendance au-delà de leurs prérogatives les plus importantes, ce qui vise uniquement à diluer leur action pour les alourdir et les rendre inutiles. Compte tenu des modifications apportées par les sénateurs, j'approuve la démarche de notre rapporteur, qui souhaite notamment rétablir la saisine pour tous. Il nous faut redonner à ces comités d'indépendance tout le sens qui leur était initialement dévolu.