Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 5 juillet 2016 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur :

Je remercie Stéphane Travert, Gilda Hobert, Marcel Rogemont, Hervé Féron et Christophe Premat pour le soutien qu'ils apportent à cette proposition de loi, comme ils l'ont déjà fait en première lecture.

Christian Kert a remarqué que l'un de mes amendements à l'article 1er proposait de passer de l'« intime conviction professionnelle » à la « conviction professionnelle ». En première lecture, nous avons fondé le droit d'opposition sur l'« intime conviction professionnelle », croyant à tort faire plaisir à nos collègues sénateurs qui, en 2009, avaient introduit dans la loi une disposition similaire qui ne s'appliquait qu'aux journalistes de l'audiovisuel public. Nous pensions que les sénateurs seraient sensibles au fait que nous étions partis de leur travail pour étendre cette mesure. J'ai pu me rendre compte, en commission mixte paritaire, que j'avais sans doute été trop optimiste !

Libéré de la contrainte que nous imposait cette bonne manière faite au Sénat, il nous restait plusieurs possibilités. Alors que supprimer totalement l'« intime conviction professionnelle » aurait retiré tout fondement au droit d'opposition, la suppression de l'adjectif « intime », qui pouvait en effet entrer en contradiction avec le caractère « professionnel » de la conviction, permettait d'éviter de s'en tenir à la seule « conviction » qui aurait eu une dimension trop personnelle. Cette solution paraît d'autant plus équilibrée que nombre d'entre vous avaient souligné que l'« intime conviction » rappelait trop la matière pénale. Abandonnons donc l'intimité, et tenons-nous-en au professionnalisme ! Il ne doit y avoir aucune ambiguïté : une conviction personnelle, tout à fait respectable par ailleurs, ne doit pas servir de fondement à l'exercice du droit d'opposition. Ce dernier reposera en conséquence sur la « conviction professionnelle ».

En matière de chartes déontologiques des entreprises, nous proposons de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale. Le Sénat souhaitait laisser aux seules directions des entreprises le soin de rédiger ces documents. Depuis le 14 juin dernier, j'ai entendu plusieurs éditeurs de services de radio et de télévision, qui souhaitent rester seuls maîtres de la rédaction des chartes de déontologie. Elles entraînent pourtant des droits et des devoirs, ce qui nécessite qu'elles soient négociées et rédigées conjointement par les directions et les représentants des journalistes. Certes, le terme « négociation » peut faire penser au code du travail, mais le procédé reste le meilleur moyen de fluidifier les relations entre les parties concernées. Vous comprendrez donc que je sois amené à donner un avis défavorable au sous-amendement de Christian Kert et Franck Riester qui laisse de côté la négociation pour ne faire référence qu'à l'« adoption » d'une charte.

Marcel Rogemont évoque le cas de figure dans lequel les négociations échoueraient. Le texte que l'Assemblée a adopté en première lecture prévoit expressément que le droit d'opposition entrera en vigueur le 1er juillet 2017, ce qui traduit la volonté du législateur de mettre en place une date butoir pour l'adoption des chartes. Nous nous inscrivons ainsi dans un temps relativement court, qui devrait cependant permettre aux discussions d'aboutir. Si cela n'était pas le cas, le droit commun s'appliquerait.

J'en viens à l'une des dispositions essentielles de cette proposition de loi, adoptée par voie d'amendements en première lecture, relative à la protection du secret des sources des journalistes. Je remercie Christian Kert d'avoir rappelé en CMP que son groupe avait voté pour la solution retenue par l'Assemblée nationale – l'article 1er ter avait d'ailleurs été voté à l'unanimité. Dans mon rapport, je me suis permis de récuser une à une les assertions présentées sur ce sujet par le rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat.

Pour ne pas perturber la belle unanimité qui fut la nôtre en première lecture, j'ai souhaité réintroduire par voie d'amendement, comme le groupe Socialiste, écologiste et républicain qui en avait eu l'initiative, le texte que nous avions préalablement adopté. Tout au plus me suis-je permis quelques modifications rédactionnelles d'harmonisation, rendues nécessaires par l'adoption de quatre sous-amendements en séance publique à l'Assemblée. Nous aurons l'occasion, en examinant les articles, de revenir sur les autres dispositions, en particulier sur les fameux « comités relatifs à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme » qui ne sont ni des comités de déontologie ni des comités d'éthique.

Je conclus en préparant Marie-George Buffet à l'avis que j'émettrai sur son amendement relatif à l'indépendance des équipes rédactionnelles : pour les mêmes raisons qu'en première lecture, je ne pourrai pas y être favorable. Elle n'en sera pas surprise.

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