Intervention de Yves Goasdoue

Séance en hémicycle du 11 juillet 2016 à 21h30
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, députés et sénateurs se sont accordés pour améliorer les garanties d’indépendance des magistrats, ouvrir leur recrutement à des candidatures plus variées tout en renforçant leurs droits et obligations.

Il s’agit d’un texte assez technique, certes mais chaque mot a été pesé car il porte sur des valeurs essentielles – je suis d’accord avec M. Tourret sur ce point – : la séparation et l’équilibre des pouvoirs, l’indépendance, la transparence et l’impartialité des juges. Ce n’est pas un hasard si l’article 64 de la Constitution impose une loi organique pour toucher à ces matières.

Il s’agit d’abord d’assurer de meilleures garanties d’impartialité. Ce projet de loi organique donne au juge des libertés et de la détention un statut protecteur. Vous avez qualifié vous-même ce statut, monsieur le garde des sceaux, d’Habeas corpus. C’est un mouvement du fond qui se dessine dans beaucoup de domaines, spécialement en matière de justice des étrangers et pour toutes les mesures très intrusives. Ce nouveau statut doit être expérimenté afin de protéger le JLD dans ses décisions.

Ce projet de loi organique transforme le JLD en juge spécialisé – cela a été dit –, ce qui lui permet de disposer des garanties nécessaires à l’exercice de ses responsabilités et revalorise une fonction qui était jusqu’alors assez peu attractive, il faut bien le reconnaître. Vous l’avez dit, madame la rapporteure : ne pourront être nommés à ces fonctions qu’un magistrat du premier grade ou hors hiérarchie. C’est là un progrès que nous devons à la CMP.

Un service d’inspection unique sera créé au sein du ministère de la justice. L’indépendance des magistrats qui le composent sera renforcée : les chefs de cour et les procureurs généraux, qui n’étaient pas jusqu’ici soumis à évaluation, devront désormais répondre aux observations de ce service.

Concernant l’indépendance du parquet, la réforme constitutionnelle est en cours. Le projet de loi organique permettra que les procureurs généraux soient nommés par décret simple du Président de la République. On ne peut pas aller plus loin en l’état. La réforme constitutionnelle devrait institutionnaliser la pratique actuelle, qui fait de l’avis du CSM un avis conforme. C’est ce que nous avons voté, conformément à la demande de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH. Chacun comprend, dans le contexte d’adaptation du droit à la menace terroriste, que l’indépendance des magistrats du parquet devrait logiquement être inscrite dans le marbre de la Constitution.

Il s’agit ensuite de bâtir une justice moderne. Le projet de loi diversifie le panel des candidats à la magistrature tout en maintenant l’exigence de l’excellence des recrutements. L’accès des docteurs en droit, ainsi que d’autres catégories de juristes, à l’École nationale de la magistrature sera facilité. Je veux insister sur les progrès en matière de mobilité et de résidence des magistrats, qui permettront en particulier aux femmes d’accéder aux postes les plus éminents. Le dispositif de détachement ou de congé parental est amélioré pour faciliter le retour dans la juridiction de départ.

Ce projet de loi vise enfin à assurer une plus grande transparence de l’institution judiciaire. Il étend à la magistrature les obligations déclaratives d’intérêts et de patrimoine telles que définies par les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique : obligation de déclaration d’intérêts et de patrimoine pour les plus hauts magistrats de l’ordre judiciaire et les chefs de juridiction ; entretien déontologique pour tous les magistrats ; création d’un collège de déontologie. Ce mécanisme de prévention des conflits d’intérêts s’aligne ainsi sur celui qui est prévu pour les agents publics et les membres des juridictions administratives et financières. On assiste à la mise en place d’un droit commun de la transparence et de la prévention des conflits d’intérêts.

Il est donc tout naturel que ces dispositions soient étendues aux membres du Conseil constitutionnel. Je dois dire qu’envisager une telle solution nous a d’abord apparu sacrilège avant que les uns et les autres y viennent peu à peu. Nous avons amélioré le dispositif afin de le rapprocher le plus possible des pratiques de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Voilà ce que contient ce texte, mes chers collègues. Il est en cohérence avec les réformes qui l’ont précédé et s’inscrit dans le cadre de la justice du XXIe siècle tel que défini par le projet de loi que nous examinerons ensuite, qui doit permettre une justice plus lisible, plus accessible et plus efficace. Le groupe socialiste, écologiste et républicain le votera donc, bien entendu.

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