Pourtant ceux qui comme moi y ont participé en sont sortis avec le sentiment d’avoir assisté à un jeu de postures et de dupes plutôt qu’à un véritable travail d’élaboration d’un consensus.
Ce texte et celui qui viendra ensuite en discussion ont été étrangement mêlés – je remercie notre collègue Goasdoué de l’avoir rappelé – dans une sorte de jeu de bonneteau : en échange de mon silence sur les mauvaises manières du Gouvernement en ce qui concerne le projet de loi organique, je veux avoir le droit de faire valoir mon profond mécontentement sur le projet de loi ordinaire. J’y reviendrai tout à l’heure à propos du projet de loi ordinaire : peu de dispositions sont vraiment de bon aloi dans ce montage préparé par le Gouvernement avec la complicité malencontreuse de sa majorité et le résultat que l’on sait.
Pour nous, les choses sont claires : depuis le début nous sommes hostiles à ces deux textes. Non que leurs dispositions soient toutes dépourvues d’intérêt mais il s’agit de patchworks, d’un inventaire que je n’oserais qualifier d’à la Prévert car ce serait faire injure à notre ami poète. À côté d’éléments qui pourraient avoir du sens, il y a beaucoup de contresens, beaucoup de choses dangereuses et beaucoup de choses insignifiantes.
Nous nous opposerons donc à ce texte, comme nous l’avons fait lors de la précédente lecture et au sein de la commission mixte paritaire. Les quelques bonnes mesures disséminées dans ce projet de loi organique ne rendront pas la justice plus indépendante.
Arrêtons-nous sur trois sujets, qui suffiront à montrer à quel point tout ceci n’est que de l’affichage et est peu concluant.
Pouvez-vous très sincèrement affirmer devant nos concitoyens que l’article 3 apporte de véritables innovations concernant les missions de l’École nationale de la magistrature ? Vous savez très bien que ces dispositions n’apporteront aucune amélioration véritable.
Que dire par ailleurs de la suppression de la nomination des procureurs en conseil des ministres ? Il faut bien reconnaître qu’elle ne fera pas en elle-même gagner aux magistrats concernés une quelconque indépendance.
Quant à l’article 22, qui vise la consécration législative du principe de liberté syndicale, c’est vraiment le pompon, si vous me permettez cette expression ! La loi est ici instrumentalisée à des fins d’affichage au moyen d’une disposition aussi inutile qu’étonnante, puisque la valeur constitutionnelle, c’est-à-dire supra-législative, de ce principe est depuis longtemps reconnue par nos textes.
À toutes ces mesures en demi-teinte, il faut ajouter l’article 34 sexies, déjà évoqué par certains orateurs, qui ne fait rien de moins que restreindre – j’y insiste, car cette restriction est très dommageable – la faculté de soulever une question prioritaire de constitutionnalité. Vous devrez l’assumer devant les Français car s’il y a bien quelque chose d’important dans la révision constitutionnelle de 2008 – je le dis avec d’autant plus d’aise que je ne l’ai pas votée – c’est précisément la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité.