J’aimerais d’abord exprimer et transmettre, au nom des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, mes plus sincères condoléances à l’ensemble des familles touchées par l’odieuse tragédie niçoise du 14 juillet.
Aujourd’hui, c’est bien évidemment aux victimes, aux blessés et à leurs familles que nous pensons. Nous leur transmettons, bien entendu, l’expression de notre plus profonde solidarité face à cet acte d’une violence inouïe. Toute une ville, toute une région – ma région – tout un pays éprouvent une tristesse immense.
Malgré la rudesse des événements, malgré cette violence que l’on ne peut décrire, saluons les services de secours et de santé, une nouvelle fois exemplaires. Saluons les forces de l’ordre, qui ont agi avec courage et rapidité. Saluons les Niçois pour leur solidarité, cette entraide dont ils ont fait preuve face aux événements.
Difficile, dans ces conditions, d’aborder ce qui nous réunit aujourd’hui, à savoir l’examen, en dernière lecture, du règlement du budget et de l’approbation des comptes 2015. Je reprendrai de manière synthétique les deux interventions que nous avons déjà faites au cours de cet examen.
La réalité du pays est là : 6 millions de nos concitoyens sont au chômage, des territoires sont abandonnés. Pire, nous avons aujourd’hui bien du mal à identifier une cause commune, un ressort collectif auxquels pourraient adhérer nos compatriotes. Nous devons donc nous y atteler. Nous sommes dans une sorte d’impasse collective, qui alimente le rejet et la division.
Face à cela, les orientations budgétaires retenues ne nous semblent pas à la hauteur ; elles nous paraissent même de nature à aggraver ce ressentiment qui mine la cohésion sociale et le pacte républicain.
Le budget 2015 est marqué du sceau du bien mal nommé « pacte de responsabilité », ce pacte budgétaire qui vise à réduire inconditionnellement la fiscalité des entreprises, une réduction financée par le recul des services publics, de l’investissement local et de la sécurité sociale. Pourtant, cela fait des années que de tels cadeaux fiscaux sont accordés aux entreprises, avec des effets quasi invisibles sur l’emploi et l’investissement. Très clairement, la situation oblige à un changement de cap et réclame de l’imagination et de l’innovation.
Malgré cela, l’exécutif semble continuer dans cette voie sans issue après l’annonce de M. le Président de la République, qui veut renforcer le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – dont le coût total pour nos finances publiques passerait ainsi à 25 milliards d’euros par an, près de deux fois plus que le déficit de la Sécurité sociale, alors que le Gouvernement annonce un plan de réduction des dépenses dans les hôpitaux publics de 3 milliards d’euros.
Ce faisant, l’impôt sur les sociétés, qui rapportait à l’État près de 50 milliards d’euros annuels, aura été divisé par deux au cours de ce quinquennat. Cela pose bien des questions. D’une part, au lieu de lutter contre cette concurrence fiscale européenne, notre pays prend en quelque sorte sa juste part dans cette déplorable compétition qui ruine le continent et tire le bien commun vers le bas. D’autre part, prétendre vouloir lutter contre les déficits publics et la dette tout en accordant 25 milliards d’euros annuels aux entreprises, sans contrepartie et surtout sans résultat, nous semble tout à fait contradictoire.
Par ailleurs, la multiplication des allégements fiscaux et sociaux sur les bas salaires risque de créer une trappe à bas salaires, puisque l’on renchérit toute augmentation de salaire. Or, nous avons un véritable problème de salaires dans notre pays : rappelons que le SMIC mensuel est de 1 135 euros, soit à peine 100 euros de plus que le seuil de pauvreté !
Enfin, nous assistons à un phénomène de transfert de la fiscalité : les impôts reposent de plus en plus sur les ménages et de moins en moins sur les entreprises. Ainsi, la diminution de la fiscalité des entreprises est d’abord compensée par la fiscalité indirecte, la TVA – l’impôt le plus injuste car le plus régressif. Cela n’est plus supportable.
Fondamentalement, aujourd’hui, c’est d’un budget d’émancipation dont a besoin notre pays, non d’un budget de soumission. Il nous faut rompre très clairement avec cette politique de l’offre qui ne mène nulle part.
En s’attaquant véritablement à cette finance prédatrice ; en refusant l’asservissement à l’égard des sacro-saints indicateurs de déficit et de dette publics ; en revenant sur le CICE ; en privilégiant les aides directes, ciblées vers les secteurs exposés à la mondialisation, conditionnées aux embauches et à l’investissement ; en orientant l’action de la Banque centrale européenne vers la transition ; en encadrant les rémunérations dans les entreprises pour garantir le pacte social ; en faisant sauter le « verrou de Bercy » pour améliorer la lutte contre la fraude fiscale ; en faisant la lumière sur les pratiques d’optimisation fiscale des entreprises ; en dénonçant les règles budgétaires européennes, qui gravent dans le marbre l’austérité, cette « saugrenuité » économique, nous parviendrons peut-être à redonner de l’air et de l’espoir à notre société.
Il n’est jamais trop tard pour le faire. La rentrée budgétaire sera la dernière occasion de ce quinquennat pour aller dans ce sens. Nous nous y emploierons.