Les amendements de Pierre-Yves Le Borgn' pour ce dossier
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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, il nous revient ce matin de débattre de la proposition de résolution portée par Pierre Lellouche au nom du groupe UMP, invitant le Gouvernement à renégocier les conditions de saisine et les compétences de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est un sujet majeur du fait...
Il est écrit, à la page 10 de l’exposé des motifs de votre proposition, que vous vous opposez à ce que « certains juges s’arrogent la possibilité d’octroyer des droits en bafouant des dispositions démocratiques établies et en détournant les principes du droit en faveur du terrorisme contre l’impératif de sécurité nationale des États ».
Elle fait procès à la Cour et à ses juges de faire le choix des terroristes contre le droit ! Je trouve une telle expression aussi hallucinante que consternante : hallucinante parce que la lecture objective de la jurisprudence y apporte le plus absolu des démentis ; consternante parce que la Cour ne devrait jamais être sujet de démagogie.
Je n’ai pas envie d’engager le débat sur ce terrain, monsieur Lellouche, d’abord parce que je n’en ai pas le goût.
Ensuite je juge la question soulevée bien trop cruciale pour céder à mon tour à la facilité des phrases tonitruantes ou péremptoires.
La Cour européenne des droits de l’homme vaut bien mieux que cela, cet hémicycle aussi d’ailleurs. Je vous répondrai donc sur le fond, vous parlant d’une institution que je connais, d’une jurisprudence que j’ai étudiée, comme d’autres.
La Cour existe depuis 1949. Sa mission est de garantir le respect par les États membres du Conseil de l’Europe, aujourd’hui au nombre de quarante-sept, de leurs engagements au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Les juges à la Cour, ces femmes et ces hommes à qui vous faites ici procès de tant de turpitudes, sont proposés ...
Le système de la Convention européenne des droits de l’Homme est un mécanisme subsidiaire, comme l’a rappelé Jean-Yves Le Bouillonnec : c’est le juge national qui assure en premier lieu le respect de la Convention. Dans notre pays, la Convention est appliquée par toutes les juridictions.
Pour assurer le respect des droits qu’elle consacre, les États membres jouissent d’une marge d’appréciation, reconnue par la Cour. C’est en vertu de cette doctrine que la Cour a estimé l’an passé, dans l’arrêt S.A.S, que la France n’avait violé aucune disposition de la Convention en légiférant contre le port du voile intégral dans l’espace publ...
Me permettrez-vous de rappeler quelques exemples marquants des progrès de l’État de droit dans notre pays consécutifs à des arrêts de la Cour ? Je pense notamment à l’encadrement par la loi des écoutes téléphoniques suite à l’arrêt Kruslin, à la possibilité de poursuivre et punir l’esclavage domestique grâce à l’arrêt Siliadin, à la consécrati...
….sans mentionner bien sûr qu’un tel projet ne relève pas d’un amendement à la marge, mais d’une remise à plat de l’ensemble des dispositions sur les voies de recours. Sans doute est-ce d’ailleurs pour mieux condamner le recours individuel que vous fantasmez sur une prochaine asphyxie de la Cour,…
…citant des chiffres fantaisistes pour accréditer l’idée d’un flot ininterrompu de recours individuels, chiffres que dément la réalité : ce ne sont pas 150 000 arrêts qui sont prononcés, Monsieur Lellouche,…
…mais 65 000, grâce à la mise en oeuvre de la section de filtrage et de la formation en juge unique.
J’en viens maintenant aux commentaires caricaturalement à charge des arrêts cités dans votre exposé des motifs, en commençant par la jurisprudence de la Cour relative à la gestation pour autrui : la Cour a consacré le droit de tous les enfants à leur filiation, en vertu des dispositions internationales sur les droits de l’enfant. Elle n’a pas c...
Pour ce qui est de la création de syndicats dans l’armée, la Cour a jugé que les militaires devaient pouvoir bénéficier du droit d’association. Elle a laissé à la France une large marge d’appréciation concernant les restrictions à apporter à l’exercice de cette liberté.
S’agissant de la fraude fiscale et de la criminalité financière et du principe non bis in idem, la Cour a sanctionné la possibilité d’être condamné deux fois pour les mêmes faits par deux autorités différentes, comme d’ailleurs le Conseil constitutionnel l’a fait le 18 mars dernier pour le cumul des sanctions en matière financière.
Elle n’a aucunement remis en cause la sévérité des sanctions à infliger aux délinquants financiers et fiscaux. Concernant la piraterie, la Cour a rappelé que la garantie de présentation à un juge dans les premières heures suivant une arrestation est un droit inaliénable, quels que soient les faits reprochés aux personnes concernées.
Quant au terrorisme, depuis l’arrêt Soering de 1989 – cette jurisprudence n’est donc pas nouvelle –, la Cour s’oppose à ce qu’une personne, quels que soient ses agissements, soit soumise à la torture, à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Elle ne s’est pas opposée à l’expulsion des terroristes dès lors que les garanties étaient apportées par l’État de renvoi que de tels traitements ne seraient pas appliqués.
Mes chers collègues, appeler les États membres du Conseil de l’Europe, comme le fait la proposition de résolution, à réviser la composition et les compétences de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi qu’à limiter les recours individuels revient, ces révisions n’intervenant qu’à l’unanimité, à dénoncer la Convention et de ce fait à anno...