M. Paul Molac attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le contenu de l'accord national interprofessionnel du 22 mars 2014 et plus précisément sur le différé d'indemnisation. Le syndicat des avocats de France (SAF) s'inquiète du contenu de cet accord relatif à l'indemnisation du chômage en ce qu'il annonce des régressions pour les droits des salariés privés d'emploi. Le SAF s'alarme plus particulièrement sur l'article 6 de cet accord relatif au différé d'indemnisation qui, hors licenciements pour motif économique, porte le différé d'indemnisation de 75 à 180 jours. Ce nouveau délai a vocation à s'appliquer à tous les salariés dès lors qu'ils perçoivent des indemnités de rupture au-delà du minimum légal. Or Pôle emploi fait notamment entrer dans le décompte des indemnités de rupture servant de base au calcul du différé, et ce de manière rétroactive, les dommages et intérêts (DI) perçus par les salariés lorsqu'ils contestent leur licenciement devant la juridiction prud'homale. Ainsi un salarié licencié qui obtiendra gain de cause dans le cadre d'une procédure prud'homale pourra se voir réclamer jusqu'à six mois de remboursement d'allocations chômage, sachant que ce maximum sera atteint dès l'obtention de 16 200 euros de DI. Le SAF craint que ce nouveau différé d'indemnisation Pôle emploi n'ait pour effet de dissuader les salariés de faire usage de leur droit, à savoir saisir le conseil des prud'hommes lorsqu'ils ont fait l'objet d'un licenciement injustifié. Pour le SAF, ce différé d'indemnisation génère une double atteinte aux droits des salariés : au droit d'accès au juge d'une part et au droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudicie d'autre part. Aussi il aimerait connaître les orientations du Gouvernement en la matière et savoir si la distinction entre indemnité versée par Pôle emploi et indemnisation octroyée par un juge pour réparer un préjudice peut être affirmée.
Dans sa décision, du 5 octobre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté d'agrément du 25 juin 2015 en tant qu'il agrée certaines dispositions de la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage jugées illégales. Le Conseil a notamment jugé illégales certaines modalités de calcul du différé spécifique d'indemnisation prévues au paragraphe 2 de l'article 21 du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage. Le Conseil d'Etat n'a pas remis en cause l'instauration du différé mais a annulé cette disposition au motif qu'elle portait atteinte au principe d'égalité et au principe de réparation intégrale du préjudice, pour les salariés des entreprises de moins de 11 salariés ou ayant une ancienneté inférieure à 2 ans dans l'entreprise. Aussi, les partenaires sociaux, qui sont en charge de la détermination des règles d'assurance chômage, ont décidé de négocier un avenant à la convention d'assurance chômage du 14 mai 2014 afin de tirer les conséquences de la décision du Conseil d'Etat. L'avenant du 18 décembre 2015 modifie les stipulations de la convention d'assurance chômage et de ses textes associés jugées illégales. Concernant le différé spécifique d'indemnisation, les partenaires sociaux ont décidé, dans un souci de simplification, d'exclure de l'assiette du différé les indemnités allouées par le juge dans le cadre d'une rupture d'un contrat de travail. Ainsi, la convention d'assurance chômage ne comporte aucune stipulation susceptible de porter atteinte aux droits des salariés à contester leur licenciement devant la juridiction prud'homale. L'avenant du 18 décembre 2015 a été agréé par arrêté du ministre en charge de l'emploi le 29 février 2016.
2 commentaires :
Le 17/06/2015 à 16:59, lcp2 a dit :
Bonjour,
Une question bien embarrassante à laquelle le ministère du travail évitera de répondre tant qu’il peut…
En effet actuellement, sous couvert d’une pseudo modernisation sociale dont seuls ses auteurs se félicitent, le commun des citoyens d’en bas ne peut que constater les iniquités croissantes qu’elle engendre …
L’ANI est bien révélateur de ce qui se trame en coulisse puisque dans les cas ici cités par Mr MOLAC les textes législatifs et réglementaires en vigueur du code du travail et du code civil n’ont pas été pris en compte…
Ainsi en l’état et c’est indéniable, il y a bien pour une catégorie de citoyens privation des droits d’accès à la justice et d’obtenir réparation intégrale d’un préjudice…
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Le 17/09/2015 à 22:10, EGALITAS a dit :
Le conseil d'ETAT a été saisi. L'audience avait lieu le 14/09/2015.
Le rapporteur public est allé dans le sens espéré par les associations de chômeurs, intermittents et le syndicat CGT, lors de l’examen du recours contre la dernière convention d’indemnisation du chômage.
extrait humanité:
"Lundi, le rapporteur public, Rémi Decout-Paolini, magistrat indépendant, a pris la parole devant le conseil pour rendre oralement son avis sur le dossier.
L’opinion de ce membre de la juridiction est suivi par le conseil dans une grande majorité de cas. Elle fut sans équivoque concernant le caractère injuste du « différé d’indemnisation » qui fait qu’un salarié qui se retrouve aujourd’hui au chômage ne percevra ses premières allocations que dans un délai de 180 jours. De même, le rapporteur public a rejoint les requérants sur le fait que lorsqu’un salarié licencié gagne aux prud’hommes contre son ex-employeur, Pôle emploi peut depuis l’été 2014 se permettre de soustraire le montant des dommages et intérêts perçus en cas de victoire, de ses montants de droits à l’allocation chômage ! « Cela peut dissuader les salariés de faire valoir leurs droits devant les prud’hommes et porte atteinte au principe de réparation », résume maître Thomas Lyon-Caen, avocat des requérants.
Le rapporteur public a conforté les associations et syndicats lorsqu’il a argué que préconiser l’abandon de cette partie de la convention déséquilibrerait l’ensemble du nouveau système d’indemnisation chômage. C’est donc, selon lui, tout le système conventionnel qui doit être remis à plat.
Verdict dans moins d’un mois
« La décision n’est pas concrètement encore rendue, elle ne le sera que d’ici quinze jours à trois semaines, mais le rapporteur a déjà prévu que si annulation il y avait, elle ne serait effective qu’au 1er mars 2016, pour ne pas créer le chaos »"
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