Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du 9 juillet 2013 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 9 juillet 2013

Présidence de M. Bruno Sido, Sénateur, Président

La séance est ouverte à 18 heures

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Je vous prie d'excuser notre collègue Jean-Yves Le Déaut, Premier vice-président, qui est retenu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale pour une intervention durant la discussion finale du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Avant de commencer cette séance, je tiens à rendre hommage à notre collègue Jean-Louis Lorrain, décédé le 27 juin dernier. Jean-Louis Lorrain fut sénateur du Haut-Rhin de 1995 à 2004, et l'était redevenu en mars 2010. Médecin de profession, Jean-Louis Lorrain fut un membre éminent de l'Office parlementaire d'octobre 2001 à octobre 2004. Il a réalisé des rapports qui ont fait date : sur l'incidence éventuelle de la téléphonie mobile sur la santé (2002) et sur les nanosciences et le progrès médical (2004). Au nom de l'Office, je souhaite exprimer à sa famille et à ses proches nos plus sincères condoléances.

– Demande d'organisation d'une audition publique sur la procréation médicalement assistée (PMA)

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Bruno Sido, président de l'OPECST

J'ai été saisi par notre collègue, Mme Virginie Klès d'une demande d'organisation d'audition publique sur la procréation médicalement assistée (PMA). Mme Anne-Yvonne Le Dain s'est également déclarée intéressée.

Je vous rappelle que nous avons entendu, le 21 juin dernier, le Professeur Jean-Claude Ameisen, président du comité consultatif national d'éthique (CCNE), sur l'organisation du débat national sur la PMA.

À l'occasion de cette audition, si l'alacrité intellectuelle du Président Ameisen nous a introduits à la complexité de ces problèmes, notre interlocuteur a jugé utile que l'Office puisse organiser une ou plusieurs auditions publiques, qui auraient pu se tenir parallèlement aux conférences de citoyens que le CCNE mettra en place, mais qui les précèderont probablement puisque le débat public a été reporté au premier trimestre 2014.

La demande de Mme Virginie Klès me paraît donc justifiée et intéressante.

(Approbation à l'unanimité des membres présents)

– Présentation de l'étude de faisabilité de MM. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président, et Marcel Deneux, sénateur, vice-président, concernant les performances énergétiques dans le secteur de la construction, en vue d'établir des informations objectives sur les développements à attendre de la filière du bâtiment en matière d'économies d'énergie

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Nous allons maintenant entendre les conclusions de l'étude de faisabilité de MM. Jean-Yves Le Déaut et Marcel Deneux sur les performances énergétiques dans le secteur de la construction, en vue d'établir des informations objectives sur les développements à attendre de la filière du bâtiment en matière d'économies d'énergie.

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Marcel Deneux, sénateur, vice-président de l'OPECST

La performance énergétique des bâtiments est au coeur de la transition énergétique. C'est en effet la consommation d'énergie primaire dans le bâtiment qui offre la marge d'économie possible la plus importante par rapport aux autres grands domaines de consommation que sont l'industrie et les transports.

En août 2009, la première loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement a jeté les bases législatives de la réglementation thermique 2012, dite RT2012, qui impose aux constructions nouvelles un plafond de consommation énergétique défini en énergie primaire : 50 kWh par mètre carré et par an.

En décembre 2009, l'Office, à travers une évaluation conduite par MM. Christian Bataille et Claude Birraux, a confirmé la pertinence de la fixation d'un plafond en énergie primaire, sous réserve de le compléter par un plafond d'émission de dioxyde de carbone [CO2], modulé dans des conditions identiques en fonction notamment des zones géographiques et de l'altitude.

Mais cette étude a aussi mis au jour les difficultés pour faire prendre en compte par la réglementation certaines solutions technologiques nouvelles, d'une part, en raison d'un mode d'évaluation des performances basé sur une méthode conventionnelle (le « moteur de calcul »), d'autre part, en raison de la lourdeur des procédures de certification.

Notre collègue, M. André Chassaigne, a rappelé, lors du débat à l'Assemblée nationale du 26 février 2013 sur les dispositifs d'efficacité énergétique et de maîtrise de la demande d'énergie dans le bâtiment, les difficultés d'homologation de certains composants innovants, dont les matériaux bio-sourcés. Puis il a transmis au Bureau de l'Assemblée nationale, en tant que président du Groupe des démocrates et républicains, une demande de saisine de l'Office.

Le 27 mai 2013, le Bureau de l'Assemblée nationale a saisi l'OPECST le 27 mai 2013 d'une demande d'évaluation des conditions de mise en oeuvre de la réglementation thermique, mettant l'accent sur l'importance des résultats effectifs en termes d'économies d'énergie. Dans la continuité des travaux engagés par MM. Christian Bataille et Claude Birraux en 2009, l'étude a pour objet d'établir des informations objectives sur les développements à attendre de la filière du bâtiment en matière d'économies d'énergie.

M. Jean-Yves Le Déaut et moi-même avons été désignés, le 29 mai dernier, par l'Office pour mener cette nouvelle étude. Mais, par anticipation, le président Bruno Sido et moi avions organisé le 4 avril 2013 une audition publique sur le thème : « Économies d'énergie dans le bâtiment : comment passer à la vitesse supérieure », ouverte par notre collègue André Chassaigne et conclue par Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'innovation et aux PME.

La présente étude de faisabilité s'attache à présenter ce que pourraient être les principales orientations de l'étude, la nature des investigations que nous comptons conduire, les modalités d'organisation de nos travaux. En conclusion, nous soumettrons à l'approbation de l'Office une formulation plus opérationnelle de l'objet de l'étude.

Conformément à ce que souligne la saisine du Bureau de l'Assemblée nationale, notre évaluation devra être axée sur l'obtention d'économies d'énergie effectives.

L'audition du 4 avril 2013 a mis en évidence l'existence d'une approche très monolithique de la performance énergétique en France, qui laisse à l'écart des acteurs qui semblent pourtant concourir d'une autre manière à cet objectif.

Cela apparaît à trois niveaux de prise en compte de l'effort d'économies d'énergie : les labels de construction, la mesure des économies réalisées, la certification des composants.

Ainsi, le paysage européen de l'économie d'énergie dans le bâtiment est dominé par deux labels, qui, depuis une quinzaine d'années, ont fait leur preuve sur plusieurs milliers de bâtiments : « Maison passive » d'origine allemande, et « Minergie » d'origine suisse. Ces labels sont d'un niveau au moins aussi exigeant que les normes françaises. Ainsi la labellisation « Maison passive » impose une étanchéité de l'enveloppe environ cinquante fois plus sévère que celle imposée par la RT2012.

Alors que plusieurs États européens (Finlande, Danemark) ont prévu de retenir le label « Maison passive » comme référence réglementaire après 2015, ce label ne bénéficie en France que de soutiens départementaux et régionaux.

Quant au label Minergie, il demeure toujours sans portée au regard de la réglementation française, ce qui n'est guère dans la logique d'une situation où l'on aurait au contraire intérêt à faire feu de tout bois.

Le deuxième gisement d'économies d'énergie mis à l'écart concerne la gestion active de l'énergie.

C'est une des trois approches propres à diminuer la consommation énergétique des bâtiments, à côté de l'isolation et de l'amélioration de la performance des équipements. La gestion active de l'énergie vise à ajuster la consommation énergétique aux besoins.

Cela consiste à généraliser l'utilisation des minuteries, pour déclencher les équipements juste au moment où l'on en a besoin. Ce pilotage fin peut abaisser la consommation globale de 40% selon les données recueillies dans le cadre du programme HOMES conduit par Schneider dans plusieurs pays européens. Le gain procuré en termes d'économie d'énergie est ainsi équivalent à celui que procure l'isolation.

La RT2012 ne prend pas en compte, au niveau conventionnel, les économies de la gestion active de l'énergie, au motif que ces économies sont dépendantes du profil d'utilisation du bâtiment, qui peut changer. C'est un point qui mérite, à tout le moins, investigation.

Enfin, le dernier enjeu de l'étude concerne la complexité des procédures de certification des composants du bâtiment, les isolants comme les équipements.

Ceux-ci font l'objet d'un contrôle pour des raisons évidentes de sécurité, à des fins de protection de la santé et de l'environnement. Le contrôle concerne aussi la performance en matière d'économie d'énergie, de manière à favoriser l'utilisation des composants les plus efficaces.

Cependant avec une durée de deux à trois années, les procédures imposées pour la certification des composants paraissent excessivement longues, ce qui pénalise les petites entreprises. De plus, ces procédures ne prendraient pas en compte, contrairement au principe de la libre circulation sur le marché intérieur, les certifications délivrées dans un autre État membre de l'Union européenne ; elles imposeraient detout vérifier à nouveau, en une démarche aussi lourde que la certification initiale.

Or, si les procédures sont, en théorie, harmonisées au niveau de l'Union européenne, c'est justement pour supprimer les entraves techniques aux échanges.

Le règlement 3052011 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction est entré pleinement en vigueur au 1er juillet 2013. Son but affiché (considérant 8) est de « simplifier et de préciser le cadre existant et d'accroître la transparence et l'efficacité des mesures en vigueur », ce qui donne à penser, a contrario, que la saisine de l'OPECST n'est pas sans fondement.

Comme ce nouveau règlement prévoit notamment des procédures simplifiées dans le cas des petites et moyennes entreprises, un des objets de l'étude sera d'évaluer ce nouveau cadre européen de procédure.

D'ores et déjà, les divers problèmes répertoriés permettent de définir les axes d'investigation de l'étude.

Il s'agit d'abord d'examiner de près le fonctionnement des instances en charge de la qualification des produits ; ensuite, de comparer les procédures françaises avec celles de nos voisins européens qui sont les plus mobilisés sur la performance énergétique des bâtiments ; enfin, d'évaluer les règles communautaires, anciennes et nouvellement entrées en vigueur, au regard du principe de libre circulation au sein du marché intérieur.

Il sera donc particulièrement instructif de suivre directement une opération de certification pour observer son déroulement, ses étapes, et identifier les tiers techniques qu'elle mobilise. Nous espérons obtenir toute la collaboration nécessaire de la part des responsables publiques gérant ce type de procédure.

L'Allemagne étant un pays connu pour son engagement dans les efforts en faveur de la performance énergétique des bâtiments, nous projetons d'aller Outre-Rhin pour étudier les solutions allemandes aux questions soulevées par l'étude :

- certaines entreprises allemandes se considèrent-elles comme victimes d'obstacles à l'innovation ?

- la législation européenne garantit-elle, en Allemagne, la libre circulation des produits innovants sur le marché intérieur ?

- le cadre réglementaire allemand permet-il de mieux réconcilier le calcul conventionnel et la mesure de la performance réelle ?

- la gestion active de l'énergie est-elle reconnue en Allemagne comme un instrument de la performance énergétique ?

- les labels de construction des associations militantes pour les maisons passives (Passivhaus, Minergie) bénéficient-ils d'un soutien public ?

Nous nous proposons d'aller conduire une enquête équivalente en Finlande.

M. Jean-Yves Le Déaut profitera en outre d'un déplacement en Suède, à l'occasion d'une conférence sur l'énergie, pour prendre des contacts avec des responsables suédois du secteur du bâtiment.

En ce qui concerne l'analyse de la portée pratique du règlement européen du 9 mars 2011 « établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction », nous nous proposons d'interroger les responsables de l'administration française à l'origine du décret du 27 décembre 2012 pris pour l'exécution de ce règlement. Nous devrons aussi rencontrer les rapporteurs du texte au Parlement européen, et les fonctionnaires compétents de la Commission, pour vérifier dans quelle mesure cette nouvelle réglementation s'inscrit bien dans la mise en oeuvre du principe de libre circulation sur le marché intérieur, en créant un cadre de fonctionnement allégé pour les petites entreprises innovantes.

Pour conduire nos travaux, nous comptons nous appuyer sur un comité resserré d'experts, et nous visons une remise de nos conclusions en mai 2014.

Ce comité d'experts comporte des ingénieurs ayant une connaissance pratique des procédures de certification des produits, et du rôle du moteur de calcul et une personnalité scientifique à même de prendre du recul par rapport aux enjeux réglementaires.

Quant au calendrier des travaux, les auditions et l'évaluation des procédures françaises commenceront à la fin du mois de septembre 2013. Une audition publique ciblée sur les conditions d'élaboration du moteur de calcul pourrait être organisée en janvier 2014. Le déplacement en Allemagne aurait lieu en novembre 2013, et celui prévu en Finlande en mars 2014.

En conclusion, nous vous proposons une formulation plus ciblée du titre de notre étude.

En effet, la mission confiée à l'OPECST par le Bureau de l'Assemblée nationale a pour objet « d'établir des informations objectives sur les développements à attendre de la filière du bâtiment en matière d'économies d'énergie ». Or, évoquer « les développements à attendre de la filière du bâtiment » constitue une manière de faire référence aux innovations. Et il s'agit d'établir à leur propos des « informations objectives », c'est-à-dire, en fait, d'évaluer leur performance réelle.

Cette mise en avant de l'objectivité renvoie au problème fondamental posé par le calcul conventionnel, qui, lorsqu'il détient le monopole de la description des performances au détriment d'une prise en compte du résultat mesuré in situ, constitue un obstacle potentiel aux innovations en matière d'économies d'énergie. Les analyses en ouverture de l'audition publique du 4 avril 2013 de notre collègue M. André Chassaigne, inspirateur de la saisine, sont sans ambiguïté à cet égard.

En conséquence, nous vous proposons d'intituler l'étude : « Les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment. »

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Cette proposition de nouvelle formulation met en lumière des blocages réglementaires. Est-ce véritablement le cas ? Je m'adresse plus particulièrement à M. Jean-Yves Le Déaut, qui vient tout juste de nous rejoindre après son intervention dans l'hémicycle.

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J'essaye en effet de pallier au mieux l'impossibilité physique de l'ubiquité ; jongler entre ma présence en séance publique et à cette réunion de l'Office illustre les conflits d'emploi du temps auxquels un parlementaire est couramment confronté.

Pour revenir à la question posée, les éléments d'information recueillis, notamment grâce à l'audition publique du 4 avril 2013, donnent effectivement l'impression de l'existence de certains freins à l'innovation. L'étude va permettre d'aller un peu plus loin dans l'analyse pour voir de quoi il retourne. Nous avons besoin d'auditionner toutes les parties prenantes.

Les enjeux économiques sont très réels dans le secteur des composants du bâtiment, car l'isolation à elle seule représente un marché de l'ordre de 200 milliards d'euros, et de nombreuses entreprises sont candidates pour y prendre leur part. Il est important que le dispositif réglementaire puisse rendre possible l'émergence de meilleures solutions techniques dans le respect des obligations fixées par la loi, et qu'il donne sa chance aux produits innovants. Le cadre réglementaire européen joue également un rôle dans les conditions de la certification, et il nous appartiendra aussi de l'évaluer, notamment sous l'angle du bon fonctionnement du marché intérieur.

En conclusion, cette étude porte sur un aspect stratégique de la réussite de la politique d'économies d'énergie.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

En évoquant la gestion active de l'énergie, vous avez cité l'exemple des minuteries, mais non des compteurs intelligents. Seront-ils inclus dans l'étude ?

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Marcel Deneux, sénateur, vice-président de l'OPECST

Sans aucun doute, car il s'agit d'appareils aidant à ajuster le niveau de la consommation d'énergie aux besoins.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Je sollicite l'avis des membres de l'OPECST, d'abord sur le nouvel intitulé proposé pour l'étude, que je trouve personnellement bien adapté, à savoir : Les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économie d'énergie dans le bâtiment, puis sur l'ensemble de l'étude de faisabilité

(Approbation des deux points à l'unanimité des membres présents)

– Audition du conseil scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Je tiens à transmettre les excuses de nos collègues absents aujourd'hui, en raison de l'examen de multiples textes en deuxième lecture dans le cadre de cette session extraordinaire, ainsi que de la tenue de congrès et colloques, fréquents en cette période.

En introduction, je voudrais aussi saluer le travail réalisé, au cours de sa longue carrière au sein de l'Office, par M. Philippe Dally, responsable du secrétariat de l'Office au Sénat. En tant que président de cet office, j'ai eu l'occasion de travailler en étroite collaboration avec lui durant ces deux dernières années, ce qui m'a permis d'apprécier ses qualités personnelles et professionnelles. Aussi, voudrais-je lui souhaiter une très bonne retraite, bien méritée.

Je remercie les membres du conseil scientifique, fortement renouvelé, avec douze membres nouveaux, d'être présents, comme ils le sont également chaque fois que nous faisons appel à eux dans le cadre de nos études ou de nos auditions publiques.

Je pense qu'il convient que chacun, autour de cette table, se présente et expose succinctement ses domaines d'activité.

Puis nous passerons à un débat portant sur les problématiques scientifiques émergentes et, le cas échéant, sur la question de la recherche scientifique et technologique française.

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Nous avons prévu d'organiser à l'automne 2013 une réunion avec le conseil scientifique, mais nous voulions vous rencontrer, à l'occasion de ce renouvellement, afin de remercier les anciens membres et échanger avec les nouveaux sur des questions telles que le rôle du conseil scientifique et les nouveaux thèmes de réflexion résultant des dernières évolutions des sciences et technologies.

Dans le cadre de ce renouvellement, nous avons notamment souhaité plus de parité, diversifier nos relations avec les organismes de recherche et les entreprises, multiplier nos contacts internationaux, élargir le champ des disciplines représentées, notamment aux sciences humaines et sociales qui apportent un éclairage essentiel sur un certain nombre de problèmes, tels que l'organisation du débat public et l'expertise scientifique. Le choix des nouveaux membres a évidemment été difficile. Tous n'ont pu venir. Cédric Villani qui ne pouvait être présent aujourd'hui mais participe souvent à nos travaux m'a demandé de l'excuser.

Je voudrais m'associer aux remerciements à Philippe Dally qui a porté, durant quatorze ans, le fonctionnement du secrétariat de l'Office au Sénat. J'ai notamment pu apprécier son professionnalisme à l'occasion d'un rapport sur les impacts de l'utilisation de la chlordécone, un insecticide dont la rémanence dans les sols peut atteindre plusieurs centaines d'années.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Je veux d'abord remercier les anciens membres du conseil scientifique, fortement renouvelé, pour le travail effectué et l'aide qu'ils nous ont apportée dans la conduite de nos rapports. Si ces derniers sont appréciés, c'est largement grâce à leur contribution.

Je propose maintenant de procéder à un tour de table pour donner à chacun l'occasion de se présenter et d'exposer succinctement ses domaines d'activité. Ensuite, nous passerons à un débat sur les questions scientifiques émergentes et les problèmes rencontrés par la recherche scientifique et le développement technologique en France.

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Dominique Meyer

Biologiste et médecin spécialisée dans les problèmes d'hémostase et de coagulation, je suis membre de l'Académie des sciences ainsi que du Conseil économique, social et environnemental. J'ai eu la joie d'être l'initiatrice des jumelages entre parlementaires de l'Office, membres de l'Académie des sciences et jeunes chercheurs. Dans ce cadre, j'ai eu l'occasion de travailler depuis huit ans avec M. Philippe Dally que je tiens également à saluer.

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Député de la Moselle, enseignant à la retraite, je suis actuellement chargé, dans le cadre de l'Office, d'un rapport sur l'hydrogène en tant que vecteur énergétique.

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Gérard Roucairol

Après en avoir été le vice-président, je suis devenu, au début de cette année, président de l'Académie des technologies. Sur le plan professionnel, j'ai été successivement professeur à l'université d'Orsay, puis à l'École normale supérieure, avant de diriger la recherche du groupe Bull durant vingt-cinq ans.

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Marcel Deneux, sénateur, vice-président de l'OPECST

À l'origine agriculteur dans la Somme, dont je suis aussi sénateur, j'ai publié en 2002 un rapport et un cd-rom de l'Office consacrés aux changements climatiques en 2025, 2050 et 2100 qui ont connu bien plus qu'un succès d'estime. Aujourd'hui, je m'occupe davantage de questions énergétiques, notamment dans les transports automobiles. L'étude qui vient de m'être confié par l'Office sur les obstacles réglementaires à l'innovation dans le bâtiment permettra d'élargir mon champ d'intervention.

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Hélène Bergès

Nouvelle entrante dans le conseil scientifique, je suis docteur en génétique et biologie moléculaire. Au sein de l'INRA, je dirige un laboratoire : le centre national de ressources en génomique végétale. Cette structure, unique en France, coordonne de nombreux projets internationaux.

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Jean-Pierre Gattuso

Également nouvel entrant au conseil scientifique, je suis directeur de recherche au CNRS. Je travaille dans un laboratoire de l'université Pierre et Marie Curie, à Villefranche-sur-Mer. Je m'intéresse aux changements climatiques et à leurs impacts sur les écosystèmes et organismes marins. Je suis co-auteur de plusieurs chapitres du rapport, en cours de rédaction, du groupe II du GIEC.

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Michel Petit

Membre sortant du conseil scientifique, je suis physicien de l'atmosphère, en retraite depuis un nombre respectable d'années. Dernièrement, j'ai surtout travaillé sur les questions de changements climatiques. Au sein de l'Office, j'ai été particulièrement actif dans le cadre du rapport de M. Marcel Deneux et d'une autre mission, dont M. Jean-Yves Le Déaut était le président.

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Marcel Deneux, sénateur, vice-président de l'OPECST

Je dois en grande partie aux conseils de M. Michel Petit le fait d'avoir constitué un comité d'experts de la meilleure qualité qui nous a permis de ne pas nous tromper.

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Edith Heard

Nouveau membre de votre conseil scientifique, d'origine britannique, je suis biologiste, généticienne de formation, directrice de l'unité de génétique et de biologie du développement à l'Institut Curie depuis quelques années et aussi professeur au Collège de France. L'épigénétique, discipline à la fois ancienne et nouvelle, touchant à la fois à la génétique, à la biologie du développement, à la génomique et au cancer, est mon domaine de prédilection.

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Je suis député de Moselle et membre de l'OPECST.

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Laurent Gouzènes

Docteur en robotique, j'ai travaillé dans la recherche informatique chez ST Microelectronics en tant que responsable des grands programmes ; maintenant, je suis dans une entreprise qui édite des logiciels temps-réel. J'ai déjà eu l'occasion de travailler à plusieurs reprises avec l'Office.

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Marcel Van De Voorde

Belge de nationalité, j'ai quitté la Belgique il y a trente ans pour travailler au CERN puis à la Direction générale de la Recherche et de l'Innovation de la Commission européenne ; j'ai écrit le programme Erasme de la main droite. J'ai aujourd'hui une fonction de conseil auprès du président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy.

Mes centres d'intérêt sont l'éducation universitaire, la recherche en Europe, et ces dernières semaines, le budget européen. Le budget de l'Horizon 2020 sera approuvé, je l'espère, dans une à deux semaines. Je m'occupe globalement du management de la recherche en Europe, en lien avec de nombreux instituts partout dans les États-membres.

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étienne Klein

Physicien, je suis directeur de recherche au CEA et responsable des grands projets (autrefois ceux du CERN). Je dirige un laboratoire de philosophie, qui étudie l'évolution de la relation sciences-société... J'étais déjà membre du conseil scientifique de l'OPECST et suis très heureux d'y voir figurer des représentants des sciences sociales.

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Olivier Oullier

Professeur de psychologie à l'université d'Aix-Marseille, mes recherches portent sur la façon dont les gens prennent des décisions et s'influencent mutuellement.

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Marie-Christine Lemardeley

Présidente de l'Université Sorbonne Nouvelle Paris III, je travaille dans une discipline purement littéraire. La Sorbonne est une très bonne université pour l'ouverture à la pluridisciplinarité.

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Roland Courteau, sénateur

Enseignant de métier, j'ai travaillé sur le risque de tsunami sur les côtes françaises et sur la pollution en Méditerranée, qui est une mer malade. Son état exige une réaction urgente, sinon, vers 2030-2040, le point de non-retour sera franchi. J'ai travaillé avec M. Philippe Dally sur l'avenir de l'aviation civile.

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Michel Cosnard

Je suis nouvel entrant au conseil scientifique, professeur à l'université de Nice en informatique ; à côté de cela, je préside l'INRIA ainsi que de l'alliance Allistene.

Je viens de terminer cette semaine une contribution d'Allistene pour le pôle de compétitivité numérique, qui vous sera transmise.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Nous allons avoir besoin de vos compétences pour une prochaine étude sur le risque numérique.

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Hervé Chneiweiss

Je suis actuellement directeur du laboratoire Neurosciences Paris-Seine (INSERM-CNRS-UPMC), rédacteur en chef de la revue MédecineSciences et président du comité d'éthique de l'INSERM. En tant que membre du conseil scientifique de l'OPECST, j'ai participé aux travaux sur la loi de bioéthique, les cellules souches, l'imagerie cérébrale et, très récemment, à ceux sur la médecine personnalisée.

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Pour renouveler le conseil scientifique de l'OPECST, nous nous sommes attachés à respecter de multiples critères. Je complèterai ce tour de table en citant les membres qui n'ont pu être présents.

Il s'agit de : Mme Hélène Bergès, directrice du Centre national de ressources en génomique végétale, INRA-CNRGV, qui a obtenu les Lauriers 2012 de l'INRA ; Mme Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle de l'Académie des sciences, ancienne présidente du CNRS, que chacun connaît ; M. Gérald Bronner, professeur de sociologie à l'Université Paris-Diderot, membre de l'Institut universitaire de France, qui est un nouveau membre du Conseil, comme Mme Bernadette Charleux, directrice du Laboratoire de chimie, catalyse, polymères et procédés, Lyon 1 - CNRS ; M. Jean-Marc Egly, membre de l'Académie des sciences, professeur à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, INSERM - CNRS - Université de Strasbourg, qui, lui, est déjà membre de notre conseil scientifique ; M. Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS, Laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Mer, nouveau membre ; Mme Claudie Haigneré, ancien ministre, membre de l'Académie des technologies, présidente d'Universcience, que chacun connaît ; M. Stéphane Mangin, professeur de physique, Université de Lorraine, Institut Jean Lamour – CNRS, membre de l'Institut universitaire de France, qui revient tout juste de l'Université de Californie, La Jolla ; Mme Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, CEA, dont les travaux sur le climat font autorité ; M. Jean-François Minster, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies, directeur scientifique du groupe Total, qui est un membre déjà ancien de ce Conseil ; M. Bruno Revellin-Falcoz, président honoraire délégué aux relations internationales de l'Académie des technologies ; M. Cédric Villani, médaillé Fields 2010, directeur de l'Institut Henri Poincaré, professeur à l'Université Claude Bernard - Lyon 1, qui est un nouveau membre, mais a déjà largement participé aux travaux de l'OPECST.

Comme vous le constatez, nous nous sommes attachés à rajeunir et à féminiser le conseil scientifique, tout en renforçant la variété des disciplines représentées et la diversité régionale de ses membres.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Chacun reconnaîtra les compétences des membres du conseil scientifique pour débattre des problématiques émergentes.

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Dominique Meyer

Quelles sont les études actuellement en cours à l'Office ?

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Il s'agit d'études sur « Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels », sur « La diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle », sur « Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques », sur « Les enjeux scientifiques, technologiques et éthiques de la médecine personnalisée », sur « L'hydrogène : vecteur de la transition énergétique ? », sur « Les freins réglementaires à l'innovation en matière de performances énergétiques dans le secteur de la construction », dont nous venons tout juste d'approuver l'étude de faisabilité, et sur « L'évaluation du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) ».

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Nous venons, en outre, d'autoriser l'organisation d'une audition publique sur la procréation médicalement assistée (PMA). Il est à rappeler que s'agissant des études, l'OPECST ne s'auto-saisit pas ; il peut être saisi par le Bureau ou une commission permanente de l'une ou l'autre assemblée.

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L'OPECST est également saisi en application de dispositions législatives prévues dans une douzaine de textes, dont la dernière en date résulte de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche adoptée définitivement cette après-midi. L'Office parlementaire sera dorénavant chargé d'évaluer tous les deux ans la stratégie nationale de recherche instituée par cette même loi. Les lois de bioéthique ont également toujours prévu leur évaluation par l'OPECST, au bout de cinq ans, dans la perspective de la préparation d'étapes législatives nouvelles.

Le conseil scientifique a un rôle essentiel de relais vers la communauté de recherche pour constituer les groupes de travail ou comités d'experts qui appuient les études. Bien sûr, les membres du conseil scientifique ont priorité pour participer eux-mêmes à ces groupes. C'est une des originalités des travaux de l'OPECST, en France et même à l'échelle de l'Europe, de produire ses rapports à travers un échange entre les meilleurs spécialistes d'un sujet et des parlementaires s'attachant à identifier les principaux enjeux politiques et sociaux dudit sujet.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

En effet, l'OPECST a pour rôle essentiel d'éclairer les enjeux des questions scientifiques qui font irruption de plus en plus souvent dans le champ politique. Pour remplir leur mission, les rapporteurs de l'Office ont eux-mêmes besoin d'être éclairés par des personnalités scientifiques de confiance ; le conseil scientifique sert de vivier pour choisir les experts qui vont accompagner les rapporteurs dans leur étude.

Les travaux de l'Office ne sont pas partisans, et le choix fréquent de duos de rapporteurs de tendances politiques différentes en est la meilleure illustration ; les rapports se donnent pour objectif d'être pertinents scientifiquement et politiquement dans l'identification des enjeux essentiels, et l'Office faillirait à ses missions s'il sortait de cette épure.

Les anciens membres du conseil scientifique connaissent l'importance de la fonction de conseil auprès des rapporteurs. Les nouveaux membres en feront à leur tour l'apprentissage, sachant qu'un des objectifs du renouvellement était justement de s'attacher des compétences nouvelles pour faire face aux prochaines saisines.

Notre collègue Mme Anne-Yvonne Le Dain peut-elle se présenter ?

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Quoique d'origine bretonne, je suis députée de l'Hérault, plus particulièrement d'une circonscription couvrant la moitié de Montpellier. Je suis aussi vice-présidente de la région Languedoc-Roussillon en charge de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Je suis ingénieur agronome, et docteur en sciences de la terre, ma thèse portant sur la modélisation pour l'étude de la tectonique, discipline encore assez nouvelle à l'époque de mon doctorat. J'occupais encore voici quelques mois, avant de devenir députée, la direction de l'évaluation des agents et des équipes au Centre international de recherche agronomique pour le développement (CIRAD), organisme tourné vers les questions posées par l'agriculture dans les pays du Sud. Auparavant, j'étais directrice d'un département dans ce même établissement, qui est un EPIC, ce qui m'amenait à gérer des questions de personnel, de budget et de patrimoine en plus des questions scientifiques. J'ai totalement abandonné mes activités au CIRAD depuis que je suis députée, car la tâche de représentant de la Nation, au service de tous sans esprit partisan, est très prenante et impose de plus une présence à Paris.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

M. Jean-Pierre Finance, même si vous êtes un ancien membre du conseil scientifique, pouvez-vous néanmoins participer au tour de table ?

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Jean-Pierre Finance

J'ai été professeur d'informatique, président d'université pendant quatorze ans, président de la Conférence des présidents d'université en 2007 et 2008. J'ai contribué au rapprochement des quatre universités de Lorraine maintenant fusionnées. Depuis un an et demi, je représente la Conférence des présidents d'université à Bruxelles, où je suis aussi présent au titre de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), en essayant de mettre en place une représentation commune. Je suis également correspondant de l'Association européenne des universités, qui regroupe 850 universités en Europe.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Je donne la parole à Mme Delphine Bataille, venue nous rejoindre entre temps.

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Delphine Bataille, sénatrice

Je suis sénatrice du Nord, élue lors du dernier renouvellement du Sénat, membre de la commission de l'économie, et des groupes d'études sur l'énergie, l'industrie et sur les communications électroniques.

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Marcel Van De Voorde

Pouvez-vous décrire les limites des missions de l'OPECST, en nous indiquant notamment si les sujets relatifs au débat science société, à l'organisation de la recherche et de l'innovation industrielle, à la création d'emplois, relèvent de la compétence de l'OPECST, ou si seuls des domaines très techniques peuvent être abordés par l'Office ? ?

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L'Office parlementaire a été créé en 1983 en vue d'éclairer les parlementaires sur l'incidence du développement des sciences et des techniques pour la société. Il a connu un temps la concurrence d'un office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, mais son champ de compétence s'est à nouveau élargi depuis la disparition de celui-ci. Une de ses fonctions principales est de jouer le rôle de passerelle entre le monde scientifique, public ou privé, et le Parlement ; son conseil scientifique l'assiste dans cette mission, notamment pour faire remonter des problématiques importantes, en particulier celles qui n'ont pas encore émergé au niveau politique ou réglementaire.

S'agissant des domaines d'étude, l'Office a développé une compétence dans les questions nucléaires, particulièrement sous les deux angles de la sûreté et de la gestion des déchets. Cette compétence s'est élargie à toutes les questions d'énergie, dont des études sur les énergies renouvelables, mais aussi sur l'efficacité et la sobriété énergétique. L'Office a aussi été sollicité, dès 1992, sur les questions de bioéthique, puis chargé de l'évaluation des lois successives dans ce domaine, ses études s'élargissant aux différents aspects du domaine : cellules souches, neurosciences, maladies monogéniques, aujourd'hui médecine personnalisée. Les crises ont apporté leur lot de demandes d'études, qui ont concerné les tunnels, les pesticides, la biodiversité, et qui amènent maintenant l'Office sur le terrain du risque numérique. Certaines questions industrielles duales, comme celle des drones, conduisent aussi l'OPECST à entrer en contact avec le domaine de la défense.

Au total, la palette des sujets possibles est large, et peut même concerner certains domaines transversaux comme « l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques », ou « la diffusion de la culture scientifique et technique ». Les sujets faisant polémique, comme les OGM, peuvent être abordés à travers des auditions ouvertes à la presse en vue de mobiliser une expertise publique, collective et contradictoire.

Un grand nombre de thèmes d'études sont donc possibles a priori, et c'est l'une des missions du conseil scientifique de nous faire remonter les questions encore peu visibles qui méritent intérêt, notamment si l'enjeu exige une réaction avant l'amorce d'un recul ou d'un déclin dans un domaine majeur.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

L'OPECST ne s'interdit aucun domaine d'étude pourvu qu'il touche à la science et à la technologie. On pourrait même éventuellement se lancer dans la science politique, mais on ne l'a pas encore fait. Notre champ d'activité est vaste, les sujets sont nombreux ; récemment, par exemple, j'ai travaillé à un rapport sur les enjeux et perspectives de la politique spatiale européenne.

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Marcel Van De Voorde

Existe-t-il, au sein du Parlement français, un autre organe que l'OPECST qui pourrait constituer une sorte de doublon ?

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Nous sommes le seul organisme interparlementaire commun à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il n'existe pas d'équivalent.

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Il faut rappeler la frontière avec les commissions de l'Assemblée et du Sénat, qui sont saisies lors de l'examen des projets et propositions de lois. Le travail de prospective de l'OPECST se situe bien en amont du travail législatif : il peut s'agir souvent d'un travail d'évaluation des textes ou des stratégies.

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Laurent Gouzènes

Juste une petite remarque pratique : l'OPECST pourrait-il nous envoyer régulièrement, une fois par mois par exemple, par courriel ses agendas prévisionnels de travail, d'auditions ?

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Bruno Sido, président de l'OPECST

C'est entendu. Sachez déjà que nous allons arrêter nos travaux dans une semaine, et les reprendrons début septembre.

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Quand le sujet traité vous intéresse, vous pouvez demander à faire partie du groupe de travail ou comité de pilotage, ou vous pouvez simplement participer à certaines des auditions publiques.

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Dominique Meyer

Des sujets très généraux comme les priorités stratégiques de la science et de la technologie en France, les problèmes liés à l'enseignement des sciences sont-ils susceptibles d'intéresser l'OPECST ?

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Jusqu'alors, mis à part le rapport de MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut sur « l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques », très intéressant, sur la recherche et les craintes qu'elle suscite, les sujets sont souvent plus précis que cela, mais aucune évolution n'est à exclure.

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Laurent Gouzènes

Pour abonder dans le sens de Mme Dominique Meyer, l'enseignement rencontre un problème. On assiste aujourd'hui à une explosion des savoirs et des connaissances. Des millions de chercheurs coexistent et, cela ne s'est jamais vu auparavant et pose un problème d'apprentissage, d'assimilation des connaissances, de définition des formations, de la frontière entre la recherche scientifique et technologique pour les entreprises. C'est un vrai sujet qui remet en cause le système d'enseignement : où va-t-on chercher les connaissances, comment les enseigne-t-on, comment les assimile-t-on, y compris tout au long de la vie ? L'interdisciplinarité bouscule encore plus l'enseignement. De plus, tous les pays ne sont pas égaux dans la production des connaissances ; les Français publient beaucoup en anglais, les Chinois en chinois, lorsqu'ils publient, et on manque d'accès à toute une masse de leurs publications. La réciprocité n'existe pas. Comment la France peut-elle rester à jour, comment peut-elle avoir accès à toutes ces connaissances ?

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La nouvelle loi votée aujourd'hui définitivement sur l'enseignement et la recherche, va précisément nous demander de répondre à cela, de réfléchir à la stratégie. Les questions de stratégie de recherche, d'interdisciplinarité, sont majeures et il n'est pas interdit d'envisager un rapport de l'Office sur ces problématiques. D'ailleurs, je voudrais vous demander les études qui vous paraîtraient essentielles aujourd'hui à mener dans le paysage scientifique et universitaire français et européen.

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Hervé Chneiweiss

Pour revenir sur les questions d'interface entre l'Office et nous, je regrette que les rapports de l'Office, qui sont détaillés et de bonne qualité, soient si peu médiatisés. On trouve facilement les auditions publiques sur Internet, sur les sites de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais il me paraît paradoxal que les deux composantes de la Chaîne parlementaire, Public Sénat et LCP-AN, n'en parlent pas, ne diffusent aucune émission scientifique. Le Bureau de l'OPECST ne pourrait-il pas se rapprocher d'elles pour les inciter à faire écho aux travaux de l'Office et à être un peu plus en prise avec les questions scientifiques ?

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Bruno Sido, président de l'OPECST

L'Office ne donne pas assez dans le sensationnel pour les intéresser suffisamment. Les média ont parlé de nous quand, par exemple, l'Office a organisé une grande audition publique à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima ou quand nous sommes allés faire des contrôles inopinés dans les centrales nucléaires françaises. Certains sujets intéressent peu la presse, mais il est certain que l'Office devrait mieux se faire connaître, car ses rapports sont dignes d'intérêt, y compris pour le grand public.

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Olivier Oullier

Je ne souhaiterais pas mésinterpréter vos propos. LCP est-elle censée faire du sensationnalisme ? Selon moi, la question soulevée par M. Hervé Chneiweiss portait sur l'intérêt des rapports de l'Office en général, et pas seulement sur celui des rapports traitant de sujets sensationnels. Car, si j'ai bien compris, le but est d'attirer le public sur des sujets auxquels il n'a pas l'habitude d'être confronté.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Je vous ai donné le point de vue de certains journalistes, qui recherchent l'audience et s'intéressent à l'audimat.

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Olivier Oullier

C'est également le cas de LCP. Je voudrais aborder de nouveau l'offre de production et de communication scientifiques en ligne – qui tend à se multiplier – et la nécessité de pouvoir sélectionner les sources.

Parallèlement se développe ce que les Anglo-Saxons appellent le Do it yourself ou fais-le toi-même. Il s'agit de personnes menant des recherches sur la génétique ou réalisant de la programmation à leur domicile, hors des laboratoires, ce qui, jusqu'à présent, était inédit et, ce, parallèlement à l'open access des journaux et des résultats de la recherche.

Cette question mériterait d'être discutée, en particulier celle de l'accès au savoir, pas uniquement en termes de réception du savoir en vue de la formation mais aussi de l'application autonome du savoir par des individus. Cette pratique se développe grâce à Internet et permet des avancées, selon le principe Hack your PhD ou détourne ton doctorat, qui apparaît aussi dans notre pays. Il s'agit là d'une question importante pour la science et la société, car toute une partie de la science se développe progressivement hors de tout contrôle, ce qui devrait intéresser une institution telle que l'OPECST.

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La communication est une donnée majeure dans la société actuelle, bien que, comme Bruno Sido l'a souligné, on ne communique que durant les crises. Il faudrait un plan de communication propre à l'OPECST. À partir du moment où c'est le conseil scientifique qui le suggère, il importerait que le Bureau de l'OPECST revoie les présidents de LCP et de Public Sénat afin, comme dans le passé, de leur demander de renforcer le contenu scientifique de leurs émissions.

Il existe, par ailleurs, les canaux internes de l'Assemblée nationale qui retransmettent en direct les travaux des commissions et ceux de l'OPECST. Le public peut y accéder grâce à Internet. Ce moyen est probablement insuffisamment connu mais il permet au public, lorsqu'une audition est ouverte à la presse – ce qui est la majorité des cas – de la visionner en direct et même en différé pendant quelques mois.

Quant à l'open access, il s'agit là d'un vrai sujet, dont le Parlement a discuté dans le cadre du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai été l'auteur d'un amendement qui aurait permis de parvenir à un équilibre entre les droits des éditeurs et la possibilité, pour les chercheurs, de publier eux-mêmes les travaux qu'ils ont parfois publiés chez des éditeurs.

En ce qui concerne les suggestions émises par M. Olivier Oullier, les questions qu'il a soulevées méritent effectivement d'être examinées par l'OPECST, dans le cadre de ses futurs travaux.

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Jean-Pierre Finance

L'open access aux publications est un sujet qui a donné lieu à de nombreuses réflexions et à des avancées, de nature à améliorer l'articulation entre les aspects législatifs et réglementaires, d'une part, et les aspects scientifiques, d'autre part.

Science Europe a mis en place un groupe de travail sur ces mêmes problèmes. Il m'apparaît qu'on n'est pas trop éloigné des problématiques qui construisent notre futur environnement scientifique.

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Gérard Roucairol

Je me félicite que le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche contienne une disposition – issue d'un amendement déposé par M. Jean-Yves Le Déaut – plaçant l'Académie des technologies sous la protection du Président de la République. Je suis fier et honoré de cette reconnaissance de la technologie, ce dont je tiens à remercier M. Jean-Yves Le Déaut.

S'agissant des travaux de l'Académie des technologies, elle mène des réflexions sur les types de recherche – tant universitaires qu'industrielles – qui produiront des changements sociaux importants et qu'il conviendrait de mener dans les années à venir.

Il en est ainsi du développement des systèmes sociaux innovants, dont l'intégration de divers composants est réalisée par les technologies de l'information et de la communication. Parmi ces systèmes, on peut citer : la télémédecine, les éco-quartiers, les éco-cités, la route intelligente, le véhicule du futur. Il s'agit d'un ensemble de systèmes qui comportent beaucoup de composants – notamment numériques – et différents capteurs. Ceux-ci permettent de prendre l'état d'un malade, de mesurer des encombrements de véhicules ou d'équilibrer l'énergie des cités produite localement ou nationalement. Ces milliards de capteurs sont connectés au Web et ramènent de nombreuses données qu'il faut entreposer, parce qu'elles permettront de prendre des décisions importantes. Ce qu'on a ainsi l'habitude de qualifier de « big data » requiert des puissances de traitement colossales.

Les structures que l'on met en place conditionnent l'évolution de la société. On ne résoudra pas le déficit de la sécurité sociale sans passer par la médecine préventive. On ne résoudra pas davantage la transition énergétique sans envisager les éco-cités et la question du transport public. On ne provoquera pas la relocalisation industrielle si on ne raisonne pas en termes de simulation numérique et de fabrication 3D.

Il est nécessaire d'avoir une vision globale.

Cela pose de multiples questions : quels sont les travaux de recherche à mettre en place ? Les structures existantes sont-elles adaptées ? Doit-on mettre en place des démonstrateurs ?

A-t-on les moyens, voire la volonté ? Existe-t-il un moyen d'évaluer correctement l'innovation ?

Si l'on ne se place pas d'un point de vue général, coexisteront, d'une part, des producteurs de technologies opérant au niveau le plus vaste possible et d'autre part, des intégrateurs répondant aux besoins ; cela signifie que les chaines de production de l'industrie vont éclater. Dans vingt ans, tout au plus, il n'existera plus d'industrie verticale. Il y aura des champions mondiaux qui seront chef de file en matière d'intégration horizontale.

Cela soulève des problèmes de sécurité numérique, puisque toutes les communications à mettre en place vont donner lieu à des exploitations potentiellement malfaisantes.

C'est un ensemble global qui va être développé, caractérisé par des similarités entre les différents systèmes. Ce seront les mêmes structures de base, mais avec des applications différentes. Comment se préparer à ces grandes évolutions ? Voilà la question fondamentale. C'est le futur de la recherche française qui est en jeu.

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Laurent Gouzènes

Il ne faut pas préparer seulement les laboratoires mais également les entreprises à ces changements, dans un cadre règlementaire précis.

Personnellement, j'avais abordé la question sous un autre angle : le problème du futur.

Aujourd'hui, et ce sera d'autant plus vrai à l'avenir, les objets communiquent de plus en plus (maison intelligente, capteur d'humidité dans les champs, compteur de personnes dans une foule…). Cela changera le monde lorsque l'on commencera à exploiter ces informations ; et cela a déjà débuté.

On va développer des modèles prédictifs grâce à des supercalculateurs. Ces systèmes seront capables de prévoir le futur à l'échelle de l'individu qui se déplace, ce qui pourra empêcher, par exemple, un embouteillage. De la même façon, on va pouvoir prédire le futur par rapport à l'urbanisation, le futur des villes, et décider où construire une route avant même que les habitants n'en aient besoin. Donc, existera un calcul à la fois à l'échelle macro et à l'échelle micro.

Une bonne illustration de ce phénomène est celle de la jeune fille enceinte qui, du seul fait de son comportement et malgré son silence, va révéler son état et permettre aux professionnels de lui proposer leurs services, par l'envoi de bons d'achat par exemple. Je fais là référence à un cas réel au cours duquel un père a appris la grossesse de sa fille.

On arrive ainsi à avoir une vision fine du comportement des personnes dans des domaines très variés (élections politiques, paris sportifs, etc.).

À partir du moment où on s'habituera à connaitre le futur, on se demandera comment on faisait avant. Le présent sera le passé de ce qu'on connait déjà.

Une question importante demeure : quelle sera la nature des emplois créés avec ce potentiel prédictif ?

On va assister à une interconnexion généralisée. Comment et à qui cela va-t-il profiter ? Quelle sera la législation applicable ? Ainsi, la connaissance des déplacements doit-elle être accessible ? Cela rejoint le débat autour du rôle des grandes entreprises comme Google, qui détiennent ces informations et qui peuvent les monnayer.

Le problème de la propriété des données devra être résolu.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Si on connait le futur, la vie ne sera plus très drôle.

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Hervé Chneiweiss

Quand on évoque ce futur merveilleux qui nous est promis, on omet deux détails.

Premièrement, rien n'est prouvé en matière d'économie résultant éventuellement des stratégies préventives en médecine. Dans un premier temps, a contrario de ce que l'on nous promet, cela entraînera beaucoup de dépenses supplémentaires et une énorme hausse de la consommation d'énergie ; d'où un mur énergétique à franchir.

Le second point, ce sont les capteurs posés sur un individu. Le grand problème aujourd'hui, c'est la « dépistologie ». On dispose de techniques de dépistage qu'on peut utiliser mais qui, en réalité, ne remplissent pas la mission thérapeutique de la médecine. C'est le cas typiquement du SIDA, mais aussi du scanner hélicoïdal, et de bien d'autres dépistages.

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Edith Heard

C'est vrai pour le cancer du sein pour lequel les investissements ne sont pas forcément appropriés.

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Olivier Ouiller

Comment va-t-on utiliser, lors des campagnes électorales, les 3 000 mesures que l'on peut avoir par individu, pour faire de la prédiction ou pour éviter le futur qu'on nous prédit ? La manière dont les données sont diffusées va entraîner des changements individuels et collectifs, tant dans le domaine médical que non médical.

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Gérard Roucairol

La baisse de la consommation énergétique liée à l'informatique est à la fois moins rapide qu'on ne le prévoyait et relativement faible. S'apercevoir que quelqu'un est tombé chez lui et déclencher les secours n'est pas très compliqué. Si l'on attend de la télémédecine des éléments de progrès, il faut s'intéresser au fonctionnement. Il n'y a pas forcement à investir beaucoup. Il faut trouver des solutions et non pas dire simplement : ça ne marche pas.

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étienne Klein

Disposer de capteurs permettant d'avoir des données nouvelles pour le futur ne permet pas de prédire le futur. Il n'existera jamais une maîtrise complète du futur. Sur l'enseignement, la transmission des connaissances, il est certes possible de produire des connaissances dans un garage, mais seulement dans certains domaines. Il y a un écart entre les connaissances permettant d'être opérationnel dans la recherche et le niveau de connaissances qu'on peut transmettre par l'enseignement : par moment, la distance est très importante, ce qui entraîne un découragement abyssal chez certains étudiants dès qu'ils sont confrontés à la recherche au laboratoire. C'est un vrai sujet.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

C'est un thème intéressant.

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Michel Cosnard

Je proposerai une autre thématique : la disparition des interfaces, des interactions entre le monde humain, le monde physique et le monde numérique. On peut l'aborder par les réseaux de capteurs, par la protection de la vie privée, mais aussi par la robotique, par les drones : quel est le lien entre les dispositifs numériques indépendants et leur capacité à développer une certaine forme d'intelligence par l'apprentissage ? Par ailleurs, quelles activités scientifiques peut-on conduire sur l'utilisation des drones sur le plan militaire ?

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Il y a actuellement une multiplication, une accumulation des informations, ce qui pose la question de la capacité à faire le tri, de l'aptitude à apprendre à faire des choix, à gouverner le monde, à l'appréhender. Or les scientifiques sont hyperspécialisés.

Aujourd'hui, l'hyperspécialisation de la communauté universitaire et scientifique conduit à une difficulté à comprendre la complexité organisationnelle et donc socio-politique du monde. Comment alimenter, tout au long de la vie, l'aptitude et l'appétence à vouloir diriger, diriger puis cesser de diriger ? C'est difficile : j'ai vu trop de scientifiques prendre des responsabilités puis lâcher prise, ou au contraire se les approprier tellement qu'il n'y avait plus de place pour les autres.

C'est un problème culturel qui n'est pas français mais mondial, car à l'étape actuelle de l'histoire de la science et des technologies, ceux qui ont le langage du global prennent le pouvoir et ceux qui ont le langage de la spécificité n'osent plus le prendre, ou bien le prennent trop et trop fort.

Il conviendrait donc que l'Office s'interroge sur la manière dont les personnes qui sont dans le métier de la production et la transmission de savoirs peuvent, au fil d'une vie, acquérir les outils de ceux qui dirigent et décident.

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Olivier Oullier

Il existe un problème français relatif aux formations exécutives tout au long de la carrière. J'enseigne dans des MBA « exécutif » en France et à l'étranger. Or, en France, je n'ai jamais vu, parmi les étudiants, un directeur de laboratoire ou un scientifique. À l'étranger, j'enseigne à des patrons de sociétés privées venant d'administrations publiques ou du monde de la recherche, pour pouvoir ensuite prendre les rênes d'un laboratoire. Il est vrai qu'il s'agit d'une expérience personnelle non représentative, mais en France, les responsabilités sont allouées dans les laboratoires de recherche sans qu'il y ait d'évaluation des capacités à être un chef d'équipe, un dirigeant, un gestionnaire, etc. Je pense qu'il faudrait mener une réflexion pour savoir comment permettre aux gens de faire une pause afin de se former dans un domaine qui n'est pas leur spécialisation initiale.

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Ce qui a été dit est riche, et je crois qu'il y a des idées de sujets d'études pour l'Office que vous pourriez essayer de formaliser. Le premier sujet est celui de l'accès aux données de la recherche et la transmission de ces données. Dans le passé, les données transmises étaient évaluées par des pairs, ou des « référés ». Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Et à côté de données certaines, provenant de grands laboratoires, il va y avoir de plus en plus de données incertaines. Or, celui qui transmettra des données incertaines en les médiatisant bien aura plus de chances de se faire entendre que celui qui transmettra des données évaluées sans savoir les vendre.

Par ailleurs, je crois que les systèmes sont de plus en plus complexes. Par exemple, en matière de données génétiques, on va pouvoir vendre des produits qui n'en sont pas, comme des génomes qui ne donneront pas beaucoup d'informations, contrairement à ce que croira l'acheteur. De même, pour la télémédecine, il y a du bon et du moins bon. Comment allons-nous essayer de contrôler cette évolution ? M. Laurent Gouzenes nous disait qu'en notre qualité de parlementaires, nous devons dire le droit. C'est ce que nous essayons de faire. Mais aujourd'hui, le droit n'est plus national. Personne ne peut empêcher l'un de nos ressortissants d'aller dans un autre pays pour accomplir quelque chose d'interdit chez nous. Donc le droit ne résoudra pas tout, d'autant que l'on a développé des technologies sans en mesurer tout l'impact. Or, comment mesurer l'impact de l'application de la science par le biais d'une technologie ?

C'est sur tous ces sujets que nous devrons réfléchir d'une manière collective, et nous sommes preneurs de toutes vos idées.

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Laurent Gouzènes

Une petite parenthèse concernant la législation sur les données personnelles : en Pologne, les données personnelles doivent toujours être stockées sur des ordinateurs dans le pays même, ce qui n'est pas le cas ailleurs en Europe, et, de plus, existe l'obligation d'implanter des centres de services informatiques dans le pays même, ce qui crée davantage de valeur ajoutée.

Le dernier point que je voulais aborder est celui de la biodiversité avec le problème des référencements des variétés. L'Union européenne met en place une législation, qui sera effective en 2016, selon laquelle toutes les variétés devront être enregistrées avec paiement de droits, sauf pour les micro-entreprises qui en seront dispensées. Dans ces conditions, quelle diversité réelle disposera-t-on dans cinq ans, dans dix ans suite à cette législation ? Pour les entreprises intermédiaires, les démarches à effectuer seront chères, et toutes sortes de variétés vont disparaître du marché. Il y aura d'un côté des micro-niches, et de l'autre côté de gros semenciers de type Monsanto, qui vont assurer 99 % de la production : il n'y aura plus de variété génétique.

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Bruno Sido, président de l'OPECST

Pour clore notre réunion, je voudrais vous remercier pour la richesse de toutes ces interventions qui donnent des pistes de travail pour l'Office.

La séance est levée à 20 heures