La réunion

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L'audition débute à dix-sept heures quarante-cinq.

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Nous allons procéder à l'audition de M. Luc Oursel, président du directoire d'AREVA, qui arrive tout juste d'une conférence de presse organisée dans un ministère voisin. Je rappelle que si les ministres sont au moins aussi importants que les commissions d'enquête, ces dernières, qui réunissent des représentants du peuple, ne doivent pas être moins considérées.

Reste que votre entreprise et quelques autres qui travaillent avec vous, monsieur Oursel, ont appris une bonne nouvelle aujourd'hui concernant les énergies renouvelables ; soyez-en félicité, à la fois pour vous et pour la France. Je me suis engagé, auprès de mes collègues, à terminer cette audition à dix-huit heures trente, ce qui, compte tenu du retard avec lequel nous commençons, nous obligera, dans l'hypothèse où vous n'aurez pu répondre à toutes les questions des députés ici présents, à programmer une nouvelle audition la semaine prochaine, d'autant que notre règlement nous oblige à remettre notre rapport dans quelques semaines. Or l'on ne saurait se passer de l'audition du patron d'une entreprise parmi les plus importantes de la filière nucléaire – vous êtes pour nous un interlocuteur de poids. Votre entreprise a à coeur de maîtriser la totalité de la filière – l'acquisition et le retraitement du minerai, l'ingénierie de la mise en oeuvre des centrales… – ; et c'est bien l'ensemble de la chaîne qui intéresse cette commission.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Luc Oursel prête serment.)

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Je vous adresse également mes félicitations pour avoir remporté l'appel d'offres auquel M. Brottes a fait allusion, succès qui montre que la diversification de votre entreprise est positive. Et à en juger par la nature de cette diversification, je ne peux que m'en réjouir.

Je souhaite, presque au terme des travaux de cette commission d'enquête, que nous fassions le point sur la construction d'installations futures et sur l'aval du cycle.

Ma première question porte sur le projet finlandais. On lit dans la presse que le chantier pourrait être arrêté ou, tout au moins, qu'en l'attente d'arbitrages, on ne sait pas trop où l'on en est. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point dans la mesure où ce projet a un impact assez lourd sur les finances de votre entreprise, même s'il a été largement provisionné – autour de 4 milliards d'euros si je ne m'abuse ?

En ce qui concerne les réacteurs et leur construction, le groupe AREVA est impliqué dans les projets EPR et ATMEA. Le président Proglio nous a confirmé l'implication conjointe d'AREVA et d'EDF dans un projet de réacteur de 1 000 mégawatts (MW). Quel est votre sentiment sur les avantages et les inconvénients de ces différents projets, sur leurs coûts respectifs ? Et pourquoi mener en parallèle autant de projets différents ?

Pour ce qui est de l'aval du cycle, j'aimerais savoir où en est la contractualisation entre EDF et AREVA ? Voilà plus d'un an qu'il n'y a plus vraiment de contrats en activité… En outre, nous ne disposons pas, à ma connaissance, des évaluations des conséquences de la catastrophe de Fukushima réalisées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). EDF va investir environ 10 milliards d'euros pour sécuriser ses installations. Qu'en est-il pour les installations d'AREVA – en particulier à La Hague – à la fois en termes de sûreté et en termes de sécurité – je pense aux piscines ?

Dans son rapport annuel, le président de l'ASN a particulièrement insisté sur les dérives – c'est le mot employé – de calendrier, les échéances ayant été reportées concernant la reprise de déchets anciens produits par la première usine UP2-400 à la Hague. Les bâtiments dans lesquels ces déchets sont entreposés vieillissent et ne répondent plus aux normes actuelles de sûreté. Il s'agit notamment des boues entreposées dans les silos STE2, des déchets des silos HAO et 130 ainsi que des solutions de produits de fission entreposées dans l'unité SPF2. Selon l'ASN, le report de la reprise de ces déchets anciens remet en cause les échéances fixées par la loi du 28 juin 2006. Un certain nombre d'engagements ne semblent donc pas avoir été tenus. Pouvez-vous nous éclairer sur les délais dans lesquels AREVA compte les tenir et ce qu'il en coûtera ?

Nous avons auditionné ce matin des représentants de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Nous avons certes évoqué le projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), mais la gestion globale des déchets nucléaires va avoir un impact sur le prix du kilowattheure (kWh) ; or nous ne saurions léguer aux générations futures un coût trop important en la matière.

Je souhaite enfin avoir votre sentiment sur les questions de démantèlement, surtout en termes de marchés publics. Est-ce qu'AREVA se positionne ? Le marché potentiel dans le monde est en effet considérable concernant non seulement les réacteurs mais aussi de nombreuses autres installations. Quel ordre de grandeur pourrait atteindre pour votre entreprise, selon vous, une activité économique de démantèlement ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Je vous présente mes excuses pour mon retard dû à une conférence de presse consacrée à une annonce importante pour l'entreprise, vous l'avez évoqué. Je me tiens bien entendu à la disposition de l'Assemblée pour une nouvelle audition.

Le projet finlandais ne rencontre aucun problème technique, comme l'illustre la réussite récente du test de confinement de l'enceinte ou la validation par l'Autorité de sûreté finlandaise du système de contrôle-commande. Il y a en revanche un problème contractuel : alors que nous nous approchons de la phase des essais au terme desquels l'installation doit fonctionner, il faut que le client prenne toutes ses responsabilités en termes de ressources, d'engagement de planning pour nous permettre de bien comprendre jusqu'où ira le projet. Ces difficultés, ajoutées à une méthode de travail inefficace du client, ont créé des problèmes qui ont justifié de notre part le lancement d'un arbitrage. La provision qui figure d'ores et déjà dans les comptes d'AREVA est de 3,9 milliards d'euros et la demande de compensation que nous avons déposée, et qui ira hélas en s'accroissant, est déjà de 2,7 milliards d'euros. Les premières décisions de l'arbitrage seront rendues au premier trimestre 2015. Le chantier n'est pas arrêté pour autant – contrairement à ce qu'a parfois pu avancer la presse.

Nous avons décidé de nous concentrer sur toutes les priorités du projet afin de respecter le calendrier et, face, parfois, à des changements d'opinion du client, de reporter un certain nombre d'opérations pour être certains de les réaliser, quand nous les réaliserons, une bonne fois pour toutes. Cette décision s'est traduite par une diminution des effectifs de construction sur le site mais pas par un arrêt du projet, et elle n'a pas d'impact, aujourd'hui, sur le calendrier.

Il se trouve que, dans le même temps, l'Autorité de sûreté finlandaise confirme que l'EPR est la technologie la plus sûre et la plus adaptée pour répondre aux besoins, et que nous sommes appelés par le même client à participer à un appel d'offres pour la construction d'une éventuelle future centrale sur le même site…

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Quand la mise en service pour le projet finlandais aura-t-elle lieu ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Nous avons décidé officiellement, lors de la présentation des résultats de 2013, de ne plus indiquer de calendrier tant que nous n'aurons pas d'engagements clairs de la part du client sur un certain nombre de contributions qu'il doit apporter ou de responsabilités qu'il doit prendre pour les étapes à venir. C'est une façon de lui faire comprendre, en particulier dans cette phase d'essai, que c'est lui qui exploite la centrale alors que nous nous occupons, nous, de l'assistance. Or, si nous n'avons pas d'indications claires sur les ressources qu'il va engager sur la durée des essais, sur la formation…, il nous est très difficile de nous prononcer sur un calendrier.

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Une chose est le démarrage de la centrale, une autre est la livraison. Pouvez-vous donc nous en dire plus sur le délai de livraison ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

La fin de la construction peut être estimée à la fin 2016.

J'en viens aux réacteurs. Nous avons souhaité disposer d'une gamme de réacteurs. L'EPR a été conçu pour aborder une certaine tranche du marché. Sa forte taille, sa forte puissance était liée au souci d'économies d'échelle, à la rareté des sites, à l'intérêt pour un certain nombre d'économies qui ont des besoins énergétiques croissant très rapidement. Toutefois, du fait, dans certains pays, de l'évolution de la consommation d'électricité ou de la taille des entreprises électriques et de leurs moyens de financement, il nous est apparu, dès 2007, qu'il fallait compléter cette gamme par un réacteur de taille moyenne de 1 000 MW.

Le projet ATMEA est très avancé puisque le basic design est terminé, qu'il a reçu une première approbation par l'ASN. Son dessin de détail est avancé de l'ordre de 35 à 40 % ; il bénéficie de toute une série de retours d'expérience à la fois d'AREVA et de Mitsubishi, son partenaire japonais. Ce réacteur est engagé dans une négociation exclusive en Turquie pour la construction de quatre réacteurs.

En appel d'offres, suivant le client, nous pouvons par conséquent présenter l'EPR ou l'ATMEA. Ainsi devons-nous continuer à travailler : nos produits n'ont pas vocation à demeurer figés. C'est pourquoi l'EPR fait l'objet d'un travail d'optimisation permanent à court, moyen et long terme visant, à sûreté égale, à en améliorer la compétitivité. Nous réfléchissons avec EDF à la conception d'un nouveau réacteur 1 000 MW – franco-français, ainsi qu'Henri Proglio l'a évoqué devant vous –, impliquant des travaux à moyen et long terme dont certains justifient des travaux de recherche et développement. Nous n'avons pas établi de calendrier pour ce nouveau réacteur qui peut-être utilisera une bonne partie de ce qui a été développé pour ATMEA. Il s'agit donc de continuer à faire évoluer les types de réacteurs existants pour en améliorer la compétitivité, par paliers successifs.

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Partez-vous d'ATMEA, de l'EPR ou bien concevez-vous quelque chose de nouveau ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Nous ne partons pas d'un réacteur ou de l'autre en particulier mais nous prenons un certain nombre de fonctions critiques ou d'éléments substantiels du coût et nous cherchons à les améliorer. Par exemple : faut-il ou non une seconde enceinte de béton ? À quel niveau de puissance le récupérateur de corium est-il nécessaire ? L'agglomération des thèmes que nous aurons choisis aboutira à un réacteur 1 000 MW.

Vous m'avez demandé, monsieur le rapporteur, pourquoi nous avions autant de projets. C'est exagéré : comme nos concurrents, nous proposons deux types de réacteurs sur le marché. Des réflexions sont en cours sur de plus petits réacteurs, de quelques centaines de MW – c'est la responsabilité d'une entreprise comme AREVA, en lien avec EDF. Qu'ont de commun ces deux réacteurs ? La sûreté et la disponibilité – nous tâchons de réduire les périodes de maintenance. Quant aux différences, elles sont liées à la taille et à certaines améliorations. Le coût d'un ATMEA est moins élevé en valeur absolue qu'un EPR mais il est légèrement supérieur quand on le ramène au kW – les économies d'échelle ne sont évidemment pas les mêmes avec un réacteur 1 000 MW qu'avec un réacteur 1 600 MW. Reste que le coût de production complet d'un ATMEA reste tout à fait compétitif. Vous avez pu constater que ce produit répondait en Turquie à un besoin particulier du marché.

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Aujourd'hui à 5 ou 10 % de plus que celui produit par un EPR, ce qui est normal eu égard au rapport de puissance entre les deux réacteurs.

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Sur une durée de vie prévisionnelle du même ordre ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

La même, en effet, à savoir soixante ans. Une des grandes différences entre l'ATMEA et l'EPR, c'est que les composants comme les générateurs de vapeur sont dimensionnés dès le démarrage pour la durée de vie de soixante ans ; il n'est pas nécessaire de les changer au bout d'un certain temps comme c'est le cas pour les réacteurs actuels.

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À combien évaluez-vous le coût du kWh produit par l'EPR, à 5 à 10 % de moins qu'avec l'ATMEA donc ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Ce sujet fait l'objet de débats très sensibles compte tenu des conséquences commerciales au Royaume-Uni. Je suis prêt à vous répondre par écrit. Le coût du kWh est très dépendant des conditions de construction. Cette question est en effet très difficile car le coût d'un EPR, d'un réacteur nucléaire, comprend le coût de construction qui varie d'un pays à l'autre. Il n'y a donc pas un coût du kWh standard. Ensuite, j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une donnée très sensible sur le plan commercial dans tous les appels d'offres, elle est encore plus sensible compte tenu du débat qui s'est tenu à Bruxelles. Mais, j'y insiste, je pourrai répondre par écrit à votre commission.

En ce qui concerne l'aval du cycle, nous ne sommes pas encore parvenus à conclure les négociations entre EDF et AREVA pour l'usine de La Hague et la production de MOX. La production n'en a pas été interrompue pour autant : nous avons pris les dispositions temporaires qui s'imposent.

C'est une situation tout à fait normale – il s'agit tout de même d'un contrat de plusieurs milliards d'euros, entre deux entreprises qui défendent chacune leur intérêt. Nous sommes les seuls à pouvoir retraiter les déchets d'EDF ; pour nous, EDF est l'un des clients les plus importants de l'usine de La Hague. EDF a des attentes en matière de productivité ; nous devons défendre nos marges...

La contractualisation se déroule, pour la première fois, dans une grande transparence, puisque nous avons accepté la réalisation d'un audit, très détaillé, de nos coûts. Cela a permis de rétablir la confiance. Le contrat aura probablement une durée plus longue que les contrats précédents, pour éviter que les échéances ne soient trop rapprochées ; il est également probable que les volumes retraités seront légèrement supérieurs, et qu'en contrepartie EDF nous demandera un prix légèrement inférieur. Cela répond d'ailleurs, je crois, à l'une des préoccupations de votre commission, celle des coûts de retraitement.

Nous ne sommes en tout cas pas loin de la conclusion du contrat.

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Pour combien d'années sera établi le contrat ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Les négociations sont encore en cours, je ne peux donc pas vous répondre précisément.

S'agissant de la sûreté des infrastructures du groupe, notre plan stratégique, qui court jusqu'en 2016, prévoyait 2 milliards d'euros d'investissements pour la maintenance des différentes installations. Celles-ci ont toutes été revues après la catastrophe de Fukushima. Je souligne que nos installations ne comprennent pas de réacteurs ; elles sont aussi plus diffuses que celles des centrales nucléaires, comme vous avez pu le constater en vous rendant sur place. Les principales mesures prises concernent l'approvisionnement en eau et en électricité, ainsi que la mise en place de PC qui pourraient être gréés en cas de crise.

Nous estimons que les coûts supplémentaires devraient être compris entre 200 et 300 millions d'euros sur la période.

Nous menons également actuellement, et c'est tout à fait normal, des discussions avec les autorités afin de renforcer la sécurité de nos sites. Le devis dont nous disposons aujourd'hui est de l'ordre de 120 à 150 millions d'euros.

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Je comprends donc que la bunkerisation des piscines n'est pas envisagée.

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Non, car l'ASN ne la demande pas. La situation, vous le savez, n'est pas la même que pour un réacteur nucléaire. Dans nos installations, il suffit de garantir l'approvisionnement des piscines en eau et de garantir leur température.

S'agissant de la reprise des déchets anciens à La Hague, il est exact que nous n'avons pas tenu le calendrier que nous avions initialement proposé à l'ASN. La recherche et développement a en effet pris plus de temps que prévu, car nous voulions être absolument sûrs de la fiabilité des méthodes que nous allions employer. Nous prévoyons de proposer bientôt un nouveau calendrier à même de satisfaire aux exigences de l'ASN.

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Le coût n'est pas exorbitant – quelques dizaines de millions d'euros sans doute. Pour nous, le problème est bien la stabilisation de la méthode : nous voulons employer la bonne méthode, tout de suite, pour bien traiter ces déchets.

En matière de démantèlement, vous l'avez rappelé, nous menons des actions qui peuvent être très diverses. Nous démantelons nos propres installations, mais aussi des installations du CEA ; nous travaillons également aux États-Unis, en Allemagne, au Japon... Pour le groupe AREVA, cela représente un chiffre d'affaires d'environ 400 millions d'euros et 1 500 personnes y travaillent.

Notre ambition est de nous positionner pour les activités où nous avons les compétences les plus grandes, notamment la cartographie initiale des situations et l'établissement d'un planning de démantèlement et d'un budget fiables, ce qui implique en particulier un dialogue avec les autorités de sûreté. Il s'agit là d'éléments très importants pour les décisions de nos clients électriciens. Nous n'avons pas l'ambition de réaliser toutes les opérations : nous interviendrons uniquement là où nous avons une forte valeur ajoutée, c'est-à-dire notamment dans la gestion des zones les plus contaminées, et dans les interventions robotisées. Nous avons également la capacité de mettre en place des systèmes de radioprotection pour intervenir dans ces différentes zones.

Nous développons donc une forte spécialisation dans certains domaines précis, car nous ne pouvons pas prétendre, depuis la France ou depuis nos bases industrielles, démanteler une centrale entière : beaucoup d'opérations sont, si j'ose dire, des opérations de génie civil inversé. Il faut également être conscient que les compagnies d'électricité sont rarement pressées de procéder à ces opérations, et qu'elles songent d'abord à utiliser leur personnel. En Allemagne, par exemple, il est très clair que le démantèlement des centrales est une façon de régler les problèmes sociaux liés à l'arrêt de l'exploitation.

C'est un marché dont nous estimons qu'il va se développer, mais plutôt lentement : le chiffre d'affaires pourrait doubler en dix ans.

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Estimez-vous qu'il serait opportun de modifier les procédures de contrôle applicables aux démantèlements, qui sont aujourd'hui calquées sur celles qui sont applicables aux constructions ?

Vous paraît-il possible de réduire les délais de démantèlement ? Aujourd'hui, ils sont si longs qu'ils sont décourageants.

Enfin, les auditions auxquelles nous avons procédé ce matin permettent de conclure qu'en matière de déchets, grâce aux nouvelles méthodes utilisées à La Hague, il n'y a pas d'urgence absolue. Quel est votre sentiment ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Il est certain que la législation actuelle rend l'instruction extrêmement longue : toute simplification serait bienvenue.

Il serait peut-être judicieux, si l'on modifie les procédures de démantèlement, de se poser la question des ferrailles : dans certains pays, comme l'Allemagne ou la Suède, une partie des ferrailles sont décontaminées, dans des installations très spéciales, et peuvent être recyclées dans des conditions de sécurité tout à fait satisfaisantes. La loi française ne le permet pas aujourd'hui. Cette solution, déjà pratiquée ailleurs de façon très rigoureuse, permettrait de réduire les masses à stocker : si les ferrailles ne peuvent pas être réutilisées après décontamination, elles sont considérées comme des déchets et doivent être stockées de façon spécifique.

Raccourcir les délais de démantèlement est évidemment l'un de nos objectifs. Sur les installations d'AREVA, le rythme est plutôt raisonnable. D'une opération à l'autre, nous gagnons en productivité : une augmentation importante des activités de démantèlement au niveau mondial permettrait sans doute d'aller un peu plus vite, peut-être de 10 à 15 % plus vite.

S'agissant de Cigéo, je m'en tiendrai bien sûr aux aspects techniques. À notre sens, les phases d'ingénierie doivent être très bien menées : il faut donc prendre tout le temps nécessaire, notamment pour dialoguer avec l'autorité de sûreté et pour mettre au point toutes les méthodes d'optimisation des coûts. Nous ne sommes pas loin de penser que l'extension de la phase d'ingénierie permettrait de mieux maîtriser le coût et la réalisation de l'opération. S'il faut prendre deux à trois ans de plus, faisons-le : notre expérience montre qu'il est préférable d'avoir bien mis au point les méthodes avant de se lancer dans la construction.

Enfin, dans la phase d'ingénierie de détail dans laquelle nous entrons, et ultérieurement dans les phases de construction, nous souhaiterions que l'ANDRA, tout en conservant ses missions, associe plus largement les compétences nucléaires des différents utilisateurs de ce futur centre.

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Selon vous, d'un point de vue technique, attendre un peu ne poserait pas de problème de sûreté.

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

Les extensions de délais que j'évoquais me paraissent tout à fait maîtrisables.

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Est-il possible de conjuguer le développement de la filière MOX et l'objectif gouvernemental de réduction de la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025 ? Quelles seraient les conséquences d'une telle réduction sur le parc de réacteurs ? Certains seraient-ils fermés, et si oui, comment seraient choisis ces réacteurs ? Quelles seraient les conséquences en termes d'emplois ?

Vous pardonnerez au député du Creusot de vous demander également quelles seraient les conséquences, en termes d'emplois, de la construction d'un EPR, en France mais aussi à l'étranger.

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Cela n'emportera sans doute pas l'adhésion de notre rapporteur, mais le président d'EDF nous a indiqué hier qu'atteindre 50 % de nucléaire en 2025 n'impliquait pas de fermer des réacteurs, en raison de l'augmentation de la consommation.

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Quel est le nombre d'emplois – dans votre groupe comme chez les sous-traitants – qui dépendent de l'activité d'AREVA dans le domaine nucléaire ?

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Luc Oursel, président du directoire d'AREVA

On parle de 50 % en 2025, mais 50 % de quoi ? C'est la première question à se poser. On peut effectivement estimer – et c'est une vision que je ne suis pas loin de partager – que les consommations d'électricité pourraient augmenter, grâce au redémarrage de la croissance économique, grâce à des politiques ambitieuses d'utilisation de l'électricité dans le bilan énergétique. Plus largement, les raisons d'attendre une croissance de la consommation sont infiniment nombreuses : technologies de l'information, vieillissement de la population, développement du transport urbain, des voitures électriques, de la cité intelligente... À l'évidence, les objectifs changent selon la façon dont on anticipe l'avenir.

AREVA n'est pas un électricien, mais je me permets à titre personnel de penser qu'il serait judicieux d'imaginer une politique énergétique qui développerait le rôle de l'électricité dans notre économie, parce que c'est compétitif, parce que cela ne produit pas de CO2, parce que c'est une énergie facile à réguler...

Quant aux conséquences pour AREVA, ce sont les réacteurs les plus anciens, ceux de 900 mégawatts, qui utilisent aujourd'hui du MOX. Chaque fermeture de l'un de ces vingt réacteurs fait donc diminuer d'à peu près 5 % l'utilisation de MOX. Cela entraîne une diminution de l'activité à Marcoule et à La Hague – à moins que vous ne décidiez, ce qui est un choix politique, de remplacer ces vieux réacteurs par de nouveaux réacteurs capables d'utiliser du MOX. C'est le cas de l'EPR : dans leur conception actuelle, le MOX peut constituer jusqu'à 50 % d'un chargement.

Si l'on ne recrée pas de débouchés pour le MOX, les conséquences sont donc importantes.

Je comprends donc le soutien apporté à cette technologie MOX, sur laquelle votre commission s'est déjà penchée. C'est l'un des éléments que la politique énergétique doit prendre en considération : comment maintenir cet outil industriel qui emploie près de 6 000 personnes ?

AREVA, c'est aujourd'hui 45 000 emplois dont 30 000 en France, très majoritairement dans le domaine du nucléaire. Les énergies renouvelables ne représentent encore pour nous que quelques milliers d'emplois, ce nombre étant appelé à augmenter.

Nous estimons que la construction d'un EPR en France permettrait de créer 8 300 emplois pendant la période de construction. Pour la construction d'un EPR à l'étranger, il faut diviser ce nombre par trois, en particulier parce que les clients attendent toujours des embauches locales, et aussi parce qu'il existe parfois, comme en Chine, des compétences locales. Il faut souligner qu'une construction à l'export a des effets mécaniques sur plusieurs dizaines de PME françaises, qui sont qualifiées, reconnues, et qui participent avec nous à ces différents projets.

Quant au Creusot, enfin, la charge dépend des nouvelles constructions, en France et à l'étranger, mais aussi du programme mené par EDF de remplacement des générateurs de vapeur de 1 300 mégawatts ; ce programme a débuté mais nous sommes en train de négocier les tranches ultérieures. Les effectifs du site du Creusot sont maintenant à peu près stabilisés. Nous rencontrons actuellement, vous le savez, des difficultés dans l'interprétation de textes réglementaires : cela se traduit par de fortes discontinuités dans la production, ce qui – sauf le respect que j'ai pour l'ASN – ne va pas dans le sens de la qualité. Une bonne production industrielle est continue, avec des contrôles de qualité bien sûr.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du mercredi 7 mai 2014 à 17 h 30

Présents. - M. Bernard Accoyer, M. Philippe Baumel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, M. Patrice Prat, M. Michel Sordi

Excusé. - M. Stéphane Travert