La réunion

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L'audition débute à neuf heures cinq.

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Chers collègues, je vous informe que j'ai demandé au président de l'Assemblée s'il était possible de prolonger notre commission d'enquête. Mon courrier reste à ce jour sans réponse, ce qui n'augure pas d'une issue positive : nous devrons certainement mener à bien nos travaux dans les six mois qui nous sont impartis par le règlement.

La commission d'enquête s'intéresse aujourd'hui aux réacteurs de quatrième génération et au MOX, un combustible recyclé qui participe de l'économie circulaire chère au rapporteur, et dont nous avons pu observer l'élaboration lors de notre visite des sites de La Hague et de Marcoule.

Nous recevons à nouveau M. Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF, pour qu'il nous éclaire sur l'intérêt économique et stratégique que trouve l'entreprise dans la filière MOX, alors que d'autres opérateurs du nucléaire n'ont pas fait ce choix. Pour l'élaboration du MOX, EDF fait appel à AREVA, qui travaille aussi pour d'autres acteurs de la production d'énergie nucléaire.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Sylvain Granger prête serment.)

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Le combustible nucléaire prend la forme d'un assemblage de tubes dans lequel sont insérées des pastilles d'uranium. Après avoir produit de l'énergie pendant quatre à cinq ans, il est déchargé du réacteur. Dans le combustible usé, l'uranium enrichi initial contenu dans les pastilles a été remplacé par une matière composée de 4 % de déchets de haute activité constituant les cendres de la combustion nucléaire, de 1 % de plutonium produit pendant la combustion, et de 95 % d'uranium résiduel, comparable à de l'uranium non enrichi. Les parties métalliques contenant la matière nucléaire, qui ont été exposées à la radioactivité, constituent des déchets de moyenne activité à vie longue.

EDF fait traiter ces combustibles usés par AREVA sur le site de La Hague. Ce traitement permet de séparer les déchets ultimes des matières recyclables – l'uranium et le plutonium.

Les déchets ultimes sont conditionnés selon des procédés qui permettent de prévenir le risque de dispersion sur une très longue durée, comme la vitrification. Une fois conditionnés, ils sont placés dans des entreposages de subsurface dont la durée de fonctionnement peut atteindre cent ans.

Le plutonium est recyclé via la fabrication du combustible MOX. Alors qu'un combustible standard contient de l'uranium enrichi, le MOX est constitué d'un mélange de plutonium, à raison de 8,5 %, et d'uranium appauvri. Aujourd'hui, vingt-quatre réacteurs sont autorisés à charger ce type de combustible à hauteur de 30 % du combustible total, le reste étant constitué de combustible standard à l'uranium naturel enrichi.

L'uranium récupéré à l'issue du traitement, appelé uranium de retraitement, est comparable à de l'uranium naturel du point de vue énergétique. Il peut donc être recyclé en substitut de l'uranium naturel à condition d'être de nouveau enrichi. EDF ajuste le volume de recyclage en fonction de ses anticipations en matière d'approvisionnement en uranium naturel.

Le système industriel de traitement-recyclage qui fonctionne aujourd'hui a été mis en service, pour l'essentiel, au cours des années 90. Les volumes de combustible usé traités chaque année ont été progressivement adaptés aux capacités de recyclage afin de ne pas extraire de plutonium qui ne soit pas recyclé dans un délai court. Les volumes de traitement sont passés de 850 tonnes par an pour vingt réacteurs chargés en MOX en 2010 à 1 000 tonnes pour vingt-quatre réacteurs pouvant recycler du plutonium aujourd'hui.

Pour EDF, le traitement-recyclage du combustible usé est avant tout un mode de gestion des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, qui permet d'en diviser le volume par dix, d'adapter le conditionnement à leur durée de vie et de garantir un entreposage sûr dans un espace limité. Le recyclage permet également de réduire les besoins du parc nucléaire en uranium naturel. Il contribue ainsi à la sécurité de notre approvisionnement.

Les combustibles MOX usés ne sont pas recyclés dans les réacteurs actuels ou dans ceux de troisième génération : fonctionnant selon une technologie à spectre thermique, ces réacteurs ne sont pas adaptés au recyclage du plutonium contenu dans le MOX usé. En revanche, la réserve de plutonium qu'ils contiennent pourrait être exploitée par les réacteurs de quatrième génération qui fonctionnent selon des principes physiques différents – ce sont des réacteurs à spectre rapide. Dans ce cas, le traitement du combustible MOX permettrait de mobiliser rapidement le plutonium nécessaire pour amorcer la combustion de l'uranium appauvri et ainsi de pratiquement se libérer de toute contrainte liée aux ressources en matières premières pour la production d'électricité.

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À ce stade, il est nécessaire que vous précisiez vos propos : selon vous, l'EPR n'aurait pas vocation à utiliser le MOX, alors que nous avons eu des informations contraires.

La quatrième génération s'inscrit dans une logique de réduction des déchets, grâce au recyclage, et de fin de dépendance énergétique, grâce au recyclage presque infini de l'uranium – ce qui pourrait ne pas plaire aux tenants de la sortie du nucléaire. Ai-je bien compris ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Il convient de distinguer le MOX neuf et le MOX usé. Dans un premier recyclage, le plutonium issu du combustible standard usé est utilisé dans la fabrication du combustible MOX auquel les réacteurs actuels sont tout à fait adaptés. L'EPR a même été conçu pour pouvoir effectuer ce recyclage de manière plus importante.

En revanche, tant l'EPR que les réacteurs actuels ne sont pas adaptés à un deuxième recyclage, celui du plutonium issu des combustibles MOX usés. En raison des principes physiques qui régissent ces réacteurs, le recyclage permanent ne présente pas d'intérêt industriel ou énergétique. En revanche, pour les réacteurs à spectre rapide, le recyclage à répétition est pertinent. Ces derniers ont la capacité d'utiliser le plutonium pour amorcer la combustion de l'uranium appauvri. L'intérêt des réacteurs de quatrième génération réside dans cette utilisation des ressources en matières premières.

La teneur en éléments combustibles de l'uranium naturel est de 1 % ; on utilise donc seulement 1 % de la matière qui est extraite des mines. Le reste, l'uranium dit appauvri, peut être utilisé en partie, mais, in fine, il restera des quantités importantes d'uranium très appauvri qui ne peut pas être utilisé dans les réacteurs actuels. En revanche, il pourrait faire office de combustible dans les réacteurs à spectre rapide, le plutonium servant d'allumette pour amorcer la combustion.

L'intérêt de conserver les combustibles MOX usés est de pouvoir mobiliser rapidement le plutonium dont on aurait besoin pour cette opération. Les quantités d'uranium appauvri qui pourraient alors être consommées dans ces réacteurs sont si importantes que cela reviendrait presque à s'affranchir des contraintes liées aux ressources énergétiques et à utiliser la totalité de l'uranium extrait des mines.

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En résumé, et en essayant de ne pas trop caricaturer, le MOX « saison 1 », qui permet de diminuer les déchets et de sécuriser les approvisionnements, est accessible à tous ; le MOX « saison 2 » pourrait être utilisé par des réacteurs conçus différemment et n'a pas vocation à rejoindre les centres de stockage profond à brève échéance.

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Pouvez-vous confirmer qu'il n'est pas prévu de charger en MOX le réacteur EPR de Flamanville ? Qu'en est-il pour ceux d'Olkiluoto en Finlande et de Taishan en Chine ?

Selon Bernard Laponche, le MOX est un million de fois plus radioactif que l'uranium, son taux de radioactivité et sa température rendent sa manipulation plus compliquée et, en cas d'accident, sa présence dans le réacteur et les piscines aggrave les conséquences possibles. M. Laponche considère que le recours au MOX permet de réduire de 15 % seulement la quantité de plutonium produite initialement. Que pensez-vous de cette appréciation des contraintes liées à l'utilisation du MOX ?

Lors de votre précédente audition, je vous avais interrogé sur les coûts respectifs du combustible standard et du MOX. Vous aviez répondu qu'ils étaient équivalents. Or, dans le courrier que vous m'avez adressé pour préciser votre réponse, vous indiquez que le coût par kilo de combustible est presque identique, mais que, pour un même service énergétique, le MOX coûterait cinq fois plus cher. Je vous demande donc de clarifier votre réponse. Quelle est, selon vous, la filière combustible la plus intéressante en termes de coût ?

Aux dires de certains, le stockage direct du combustible usé serait moins coûteux que le retraitement et le MOX. Qu'en pensez-vous ?

Vous avez été peu disert sur la quatrième génération, ce qui semblerait corroborer les rumeurs sur les réserves d'EDF à ce sujet. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Selon l'ASN et l'IRSN, la quatrième génération n'aurait de sens que si elle permettait à la fois de réutiliser le combustible et d'améliorer significativement la sûreté par rapport à la troisième génération. Cela implique de réussir un saut technologique et un saut en matière de sûreté tout en restant compétitif. Si les solutions technologiques sont trouvées, Jacques Repussard, le directeur général de l'IRSN, envisage un déploiement de la quatrième génération vers la fin du siècle. Êtes-vous fixé sur ce même horizon de temps, qui paraît assez éloigné ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

S'agissant du MOX et de l'EPR, nous essayons de progresser par étape, et d'abord de démarrer des EPR. Dans un premier temps, nous avons demandé des autorisations pour l'utilisation de combustible à l'uranium enrichi, avec l'idée de les obtenir ensuite pour le MOX. Comme je l'ai dit, l'EPR est le premier réacteur conçu pour charger du MOX et les options de sûreté ont intégré cette contrainte. Quant aux Chinois, s'ils envisagent de construire une installation de retraitement à grande échelle, c'est bien parce qu'ils ont l'intention d'utiliser du MOX.

Pour charger en MOX un réacteur qui n'a pas été conçu initialement pour cette utilisation, il est nécessaire d'en modifier un certain nombre de paramétrages et d'éléments matériels, par exemple en ajoutant des grappes de commande. Il faut également déterminer le pourcentage de MOX qui peut être introduit dans le réacteur de sorte que le combustible d'ensemble soit sûr, acceptable et adapté. Ces contraintes expliquent que tous les réacteurs ne sont pas autorisés à charger du MOX. Pour obtenir les autorisations, il nous a fallu constituer un dossier de sûreté démontrant que toutes les conditions posées par la loi en matière de sûreté nucléaire étaient remplies.

S'agissant du coût du MOX, le courrier auquel vous avez fait référence est peut-être rédigé de manière maladroite. Il indique que le prix des services de fabrication du combustible MOX est significativement supérieur au prix des services de fabrication du combustible UOX rendant un service énergétique comparable. Or, lors de la précédente audition, j'avais indiqué que le coût du combustible à l'uranium enrichi ne se résume pas au coût de fabrication. Alors que le combustible MOX permet d'utiliser directement du plutonium sans devoir l'acheter, le convertir ou l'enrichir, dans le cas du combustible à l'uranium enrichi, il faut acheter l'uranium naturel, le convertir et l'enrichir. La somme des coûts – approvisionnement, conversion, enrichissement et fabrication – pour l'uranium enrichi est équivalente au coût de fabrication du MOX, qui est la seule composante du coût final. Même si le coût de fabrication du MOX est supérieur, les coûts complets des deux combustibles sont comparables.

Quant à la comparaison économique des deux filières de gestion des déchets, l'une par traitement, l'autre par stockage direct, elle doit tenir compte du fait que le stockage direct n'intervient en réalité qu'après conditionnement du combustible. La Suède est probablement le pays le plus avancé dans cette voie, mais le procédé technologique n'est pas encore arrivé à maturité. Les combustibles conditionnés sans traitement sont dix fois plus volumineux et leur stockage est donc plus coûteux.

De nombreuses études internationales comparent de manière un peu théorique les différentes options. Elles montrent que le conditionnement représente 40 à 50 % du coût complet du stockage direct, le stockage en lui-même coûtant deux fois plus cher pour le combustible que pour les colis conditionnés après traitement. Pour ces derniers, les économies réalisées sur le stockage compensent le coût du traitement. Il ressort donc de ces études une équivalence entre le coût du traitement et celui du stockage direct, étant entendu que des incertitudes importantes subsistent, la première concernant le stockage, que personne n'a encore exploité à ce jour, qu'il s'agisse de combustible usé ou de colis.

Il convient de considérer avec prudence l'argument de l'économie du stockage : il ne faudrait pas donner en quelque sorte une prime à celui qui n'a rien fait. Pendant que certains, comme la France, s'activent à chercher des solutions, d'autres font le choix de l'entreposage en attendant que les premiers trouvent. Dans ces conditions, cela coûte nécessairement plus cher de faire quelque chose que de ne rien faire. C'est pourquoi il est important de replacer l'économie du stockage dans la logique industrielle dans laquelle les différents pays se sont engagés.

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La logique française repose sur le pari de l'avènement d'une quatrième génération. Sans elle, le volume important de plutonium produit posera d'énormes problèmes de stockage.

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

La réponse est non.

Sans quatrième génération, tous les combustibles seront traités, sauf le MOX qui ne peut pas être recyclé dans les réacteurs actuels ou de troisième génération.

Dans l'inventaire national des matières et déchets radioactifs publié par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), sont présentés deux scénarios très contrastés : le premier envisage la poursuite de la production nucléaire avec un parc fonctionnant pendant cinquante ans et le traitement de l'ensemble des combustibles, MOX compris – implicitement, ce scénario prend donc en compte la quatrième génération ; le second scénario prend pour hypothèse l'arrêt du nucléaire après quarante ans de fonctionnement du parc et l'arrêt anticipé du traitement en 2019 pour éviter un stock de plutonium séparé sur étagère, considérant qu'il n'y aucune raison de séparer du plutonium si les perspectives de recyclage disparaissent.

Dans le premier scénario, les déchets ultimes représentent 80 000 mètres cubes – 10 000 mètres cubes de déchets de haute activité sous forme de colis vitrifiés et 70 000 mètres cubes de déchets de moyenne activité à vie longue, constitués des parties métalliques notamment. Dans l'autre scénario, sont récupérés 3 500 colis de déchets vitrifiés, plus 50 000 assemblages de combustibles UOX qui n'ont pas été traités et 6 000 combustibles MOX, le tout représentant environ 90 000 mètres cubes, auxquels il faut ajouter 60 000 mètres cubes de déchets de moyenne activité à vie longue. Au final, le volume total des déchets atteint 80 000 mètres cubes dans le premier scénario et 150 000 dans le second ; mais la comparaison la plus pertinente, selon moi, concerne les déchets de haute activité, qui concentrent l'essentiel de la radioactivité : 10 000 mètres cubes pour une durée de fonctionnement du parc de cinquante ans et la mise en service de générateurs de quatrième génération, contre 90 000 mètres cubes pour un parc arrêté à quarante ans. Quel que soit le scénario, le nombre de combustibles MOX après quarante ans de fonctionnement est très restreint : 6 000 assemblages, donc 3 000 tonnes, sachant que 1 200 tonnes de combustible sont utilisées chaque année. Sans traitement, les déchets combustibles seraient donc plus importants.

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Qu'en est-il de l'impact économique ? Vous avez bien démontré que les déchets sont plus importants dans un cas que dans l'autre, mais vous ne prenez pas en compte le processus de retraitement, le transport, et autres. Quel est le scénario le plus économique ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

D'un point de vue théorique, si vous n'avez pas encore fait de choix entre traitement puis stockage, d'une part, et stockage direct après conditionnement du combustible, d'autre part, les deux solutions, indépendamment des incertitudes techniques, sont équivalentes.

D'un point de vue pratique et industriel, j'insiste, la France a fait un choix : les investissements ont été faits, les installations de traitement existent et sont récentes. Dès lors qu'une politique industrielle a été décidée, en changer est extrêmement coûteux : non seulement on détruit de la valeur en ne laissant pas aux investissements le temps d'être rentabilisés, mais il faut en consentir de nouveaux. En outre, la solution du stockage direct est plus complexe à mettre en oeuvre en raison de déchets plus volumineux et en plus grand nombre.

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Notre question était sans doute théorique puisque, d'après vous, la filière de traitement existante est déjà en partie amortie. Mais nous sommes obligés de faire de la théorie pour comparer les options. Vous n'avez pas répondu sur les dangers du MOX mis en avant par M. Laponche.

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Il faut distinguer le danger et le risque. En effet, le niveau de radioactivité du MOX est supérieur à celui des combustibles à l'uranium naturel enrichi. Est-on capable de gérer un combustible un peu plus radioactif ?

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Un peu plus ou un million de fois plus radioactif ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Je n'ai pas les ordres de grandeur, mais peu importe ; ce qui compte, c'est le résultat pratique. Aujourd'hui, des réacteurs sont autorisés à charger du MOX, et des gens manipulent ce combustible tous les jours. Les précautions que nous prenons ne sont pas celles prévues pour l'uranium naturel enrichi ; les modes de gestion sont plus contraignants.

Du point de vue de la sûreté, nous avons obtenu les autorisations car nous avons démontré notre capacité à gérer les risques et à mettre en place des dispositions adaptées. Du point de vue économique, ces adaptations ont un coût, mais celui-ci est intégré dans le coût total que j'évoquais précédemment, qui permet de conclure à une économie à peu près comparable.

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Sur quels critères les réacteurs pouvant charger du MOX ont-ils été choisis ?

Comment le pourcentage de 30 %, correspondant à la proportion de MOX dans le combustible utilisé, a-t-il été déterminé ? Cette part est-elle ajustée dans chaque réacteur ?

S'agissant des réacteurs de quatrième génération, combien de temps pourrions-nous fonctionner grâce au recyclage du stock de combustible usé ? Pensez-vous que ces réacteurs verront le jour à la fin du siècle, comme le pensent l'IRSN et l'ASN ? Où en sont les recherches ?

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Quels sont les réacteurs pour lesquels vous avez dernièrement obtenu une autorisation ? De nouvelles demandes ont-elles été déposées ?

La catastrophe de Fukushima a-t-elle eu pour conséquence d'ajouter des contraintes supplémentaires pour la constitution des dossiers de demande d'autorisation ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Puisque les réacteurs actuels n'ont pas été conçus pour fonctionner au MOX, nous devons étudier les adaptations technologiques nécessaires, leur faisabilité – par exemple, y a-t-il la place de rajouter les grappes de commande nécessaires ? – et leur coût. Ensuite, nous constituons un dossier de sûreté afin de vérifier que les marges de sûreté sont suffisantes.

Les réacteurs pouvant être chargés en MOX sont ceux du parc 900 mégawatts, à l'exception des six premiers, soit vingt-huit réacteurs. Aujourd'hui, vingt-quatre d'entre eux ont obtenu l'autorisation. Nous avons choisi de réserver les quatre autres réacteurs, ceux de Cruas, pour recycler l'uranium de retraitement qui représente, je le rappelle, 95 % du combustible usé.

La part de 30 % de MOX dans le combustible total correspond à un compromis qui permet de limiter les adaptations matérielles nécessaires et de disposer de marges de sûreté suffisantes. Les études sur l'EPR envisagent une proportion entre 50 et 100 %.

Les derniers réacteurs autorisés à charger du MOX sont ceux de Blayais 3 et 4, et précédemment ceux de Gravelines 5 et 6. Depuis 2010, nous sommes passés de vingt à vingt-quatre réacteurs autorisés.

L'intérêt principal de la quatrième génération pour un énergéticien réside dans sa capacité à repousser les limites en termes de ressources en matières premières. Même si les contraintes sont moins fortes pour la production d'électricité d'origine nucléaire que pour d'autres types de production énergétique, les ressources sont néanmoins épuisables. En outre, elles sont loin d'être utilisées dans leur intégralité puisque, sur une tonne d'uranium extrait, 1 % seulement est brûlé dans un réacteur actuel. L'enjeu est de faire quelque chose des 99 % d'uranium restant.

Théoriquement, la quatrième génération peut utiliser l'uranium appauvri, à condition que la combustion soit amorcée par du plutonium. Cette capacité théorique a été démontrée puisque des réacteurs à spectre rapide ont fonctionné en France. La question est donc de savoir quand nous aurons envie de nous affranchir des limites imposées par les ressources en matières premières.

Pour la production d'électricité d'origine nucléaire, les ressources sont importantes et il n'y a pas d'urgence à se doter de réacteurs de quatrième génération avant 2050. Néanmoins, il faut pouvoir les développer dans le marché global de la production d'énergie sur lequel ils seront en compétition avec des réacteurs de troisième génération et de nombreuses autres sources de production d'électricité. Ils seront donc soumis à une double exigence de rentabilité et de sûreté garantissant un niveau au moins équivalent à celui des réacteurs de la génération précédente. Compte tenu de l'importance des travaux de recherche et d'ingénierie restant à mener pour satisfaire l'ensemble des exigences, fixer un horizon à 2050 semble plutôt salutaire car, avant de pouvoir envisager un déploiement industriel, il faudra passer par les prototypes et les expérimentations.

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S'agissant de Superphénix, l'ASN et l'IRSN considèrent que certains problèmes de sûreté n'avaient pas été résolus. On ne peut donc pas dire que l'expérience a été un grand succès. M. Accoyer a pour habitude de faire endosser aux écologistes la responsabilité, que j'assume, de la fermeture de Superphénix. Qu'on me permette tout de même de rappeler que, dès 1994, sous le gouvernement Balladur, l'installation a été déclassée en laboratoire de recherche, ce qui tend à indiquer que ni sa capacité à produire de l'électricité ni sa sûreté n'ont été démontrées. Je n'en tire pas de conclusion, mais il me semble hasardeux de tirer de cet exemple des assurances pour la quatrième génération.

Sur quelles hypothèses fondez-vous votre calcul sur les coûts respectifs du retraitement et du stockage direct ? Vous appuyez-vous uniquement sur l'exemple suédois ou également sur les évaluations de l'ANDRA relatives au projet Cigéo ? Dans ce cas, prenez-vous en compte le devis à 15 milliards d'euros ou celui à 36 milliards ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Je n'ai pas dit que toutes les démonstrations de sûreté avaient été faites, notamment avec Superphénix, pour la quatrième génération. J'ai fait référence à l'expérience Phénix qui, me semble-t-il, a été un véritable succès. Sur Superphénix, l'appréciation peut être contrastée : il y a eu des difficultés techniques qui ne doivent pas être sous-estimées, mais d'autres paramètres s'y sont ajoutés, vous l'avez rappelé. Mon propos tendait à souligner que la capacité à réaliser la combustion dans les réacteurs à spectre rapide était démontrée. Évidemment, il ne suffit pas de reproduire ce qui a déjà été fait pour obtenir les réacteurs de quatrième génération. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué qu'il restait beaucoup de travail pour respecter les nombreux critères. Nous apprenons beaucoup des expériences antérieures, des difficultés et des échecs. Dès lors que l'horizon est lointain, nous avons le temps d'approfondir l'ensemble des leçons tirées de cette expérience industrielle.

S'agissant des coûts, j'ai cité des études publiques, qui ne sont pas celles d'EDF mais de l'OCDE, des Suédois ou encore des Américains, et qui sont majoritairement centrées sur le stockage direct. Les études comparatives ont été principalement réalisées en France, en Belgique et en Allemagne.

Les études sur le stockage direct, qui portent sur des projets aux caractéristiques technologiques différentes – la Suède envisage un stockage dans du granit, la Belgique et la France dans de l'argile, les États-Unis, dans une roche volcanique –, aboutissent aux mêmes ordres de grandeur. À périmètre comparable dans la mesure du possible, les évaluations des coûts de stockage offrent des résultats homogènes avec les 15 milliards retenus par les pouvoirs publics français en 2005.

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Si le chiffre est de 36 milliards, le calcul n'est plus le même ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Évidemment, le calcul n'est plus le même non plus si le chiffre est de 70 milliards ou de 1 milliard.

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Je me permets simplement de citer les chiffres de la Cour des comptes.

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Comme je l'ai rappelé la semaine dernière, le chiffre de 36 milliards correspond à un chiffrage intermédiaire de l'ANDRA. L'Agence a elle-même précisé, me semble-t-il, que ce chiffre n'avait pas de signification particulière. Aujourd'hui, cent pistes d'optimisation ont été identifiées. En travaillant sur 20 % de ces pistes, on peut déjà espérer des économies de plusieurs milliards d'euros ; en travaillant sérieusement sur l'ensemble des pistes, nous avons bon espoir de revenir au chiffre officiel de 15 milliards d'euros qui s'impose à EDF.

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Même si ce sujet n'est pas le coeur de notre commission d'enquête, je souhaiterais que nous nous arrêtions un instant sur la question de la prolifération, qui est inhérente à la filière nucléaire.

Les visites que nous avons effectuées nous ont permis de constater que les sites sur lesquels le MOX est traité sont sous très haute surveillance permanente. Nous avons appris que certains opérateurs, italiens notamment, font retraiter leur combustible usé afin de le revendre ensuite à d'autres. EDF recycle-t-elle pour sa seule consommation ? Se voit-elle, un jour, en revendeur de combustible retraité ?

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Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible » d'EDF

Notre politique industrielle a pour objet de ne rendre disponible du plutonium par traitement du combustible usé que dès lors que nous sommes capables de le recycler à court terme dans nos réacteurs.

L'audition s'achève à dix heures cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du jeudi 10 avril 2014 à 9 heures

Présents. - M. Damien Abad, M. Bernard Accoyer, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Baumel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Frédérique Massat, M. Patrice Prat, M. Michel Sordi, Mme Clotilde Valter

Excusés. - Mme Sylvie Pichot, M. Franck Reynier, M. Stéphane Travert