Mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine

Réunion du 26 février 2015 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CSF
  • quartier
  • éducatif

La réunion

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L'audition débute à onze heures quinze.

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Madame Martin, vous êtes la présidente de la Confédération syndicale des familles (CSF) : votre audition nous permettra d'aborder le rôle important joué à la fois par les familles et les groupes d'accompagnement éducatifs et scolaires dans l'éducation.

Je vous laisse la parole pour un propos liminaire, qui sera suivi des questions posées par les membres de la mission.

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Marie-Françoise Martin, présidente de la Confédération syndicale des familles

La Confédération syndicale des familles est une organisation composée de soixante-dix unions départementales, de soixante services d'aide à domicile et de vingt-cinq associations de familles monoparentales ; elle a pour objectif de permettre aux familles, quelles que soient leur situation économique et sociale, leur culture ou leur origine, de devenir actrices de leur propre vie. Elle est principalement implantée dans les quartiers populaires.

La CSF est un mouvement familial national qui agit dans tous les domaines de la vie quotidienne des familles. Celle-ci n'est pas coupée en tranches – l'éducation, le logement ou la consommation – car les problèmes sont imbriqués les uns dans les autres. Ainsi, des conditions de logement non décentes ne permettront pas à un jeune de disposer des conditions de travail adéquates pour faire ses devoirs. Nous avons prévu différentes portes d'entrée : l'éducation, l'accès à la culture ou aux loisirs, les litiges liés à la consommation ou les soucis de logement. Je me pencherai plus volontiers ce matin sur l'action de la CSF en matière d'éducation populaire, laquelle vise à permettre aux familles d'être actrices de l'éducation de leurs enfants.

Nous considérons tout d'abord que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.

Éduquer doit permettre à l'enfant de développer ses potentialités, tant sur le plan individuel que sur le plan de la vie en collectivité. Éduquer, c'est également donner des repères, permettre de découvrir, transmettre des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être et des valeurs. Éduquer, c'est donc permettre à nos enfants de devenir des hommes en ayant accès à cette culture humaine qui nous porte et qui leur permettra, à leur tour, d'être des adultes capables d'assumer leur vie sur le plan individuel comme sur le plan collectif.

La CSF attache donc toute son importance à la réalité familiale, ou plutôt aux réalités familiales : elles ne sont pas uniques et dépendent des différentes situations familiales comme des conditions économiques et sociales.

C'est dans cet espace physique et symbolique protégé que l'enfant conduit ses premiers apprentissages. Il est important pour la CSF d'accompagner les adultes dans leur métier de parents. Ces derniers, en effet, ne sont plus les seuls éducateurs de leurs enfants qui peuvent connaître très tôt la crèche, l'assistante maternelle, l'espace parents-enfants, la halte-garderie, la ludothèque et la bibliothèque, puis l'école maternelle et l'école primaire. Il est important que les parents maîtrisent ces premières interactions avec le monde extérieur. L'école, la crèche ou toute autre forme de socialisation appartiennent à notre système de vie proprement collective, hors du cercle familial. C'est pourquoi nous souhaitons favoriser les interférences entre tous les milieux où peut évoluer l'enfant : c'est en ce sens que nous parlons de coéducation et promouvons des lieux de parentalité où les parents sont accueillis avec leurs jeunes enfants, dans des locaux où les uns et les autres ont la possibilité d'échanger, avec d'autres parents ou des éducateurs de la petite enfance, sur des thèmes variés se rapportant aussi bien à la vie familiale, à l'éducation ou aux expériences de chacun – d'autant que celles-ci sont toujours très différentes d'un parent à l'autre, d'un mode de vie à l'autre, voire d'une culture à l'autre ou d'un bain linguistique à l'autre. C'est dans ces lieux que les parents, à travers l'échange et la rencontre, construisent collectivement des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être : ils en ressortent avec des atouts supplémentaires. Dans ces espaces, ils ne sont pas jugés comme bons ou mauvais parents ou comme parents à risques. Chacun y partage ses erreurs et ses réussites. Chacun est reconnu pour ce qu'il est, ce qui répond à l'aspiration légitime de toute personne : exister dans le regard de l'autre.

C'est dans ce cadre que la CSF met en place, avec la participation des familles, des lieux d'accueil parents-enfants, animés par des professionnels de la petite enfance, et des espaces-jeux pour les enfants de zéro à trois ans : l'enfant est accueilli avec son parent ou son assistante maternelle dans ces lieux d'accueil et d'éveil, animés par une éducatrice de jeunes enfants. Je tiens également à mentionner des groupes de parole, permettant aux parents d'échanger et de partager des savoirs et des savoir-faire, et des « clubs parents » leur permettant de vivre en commun une activité de jeux, de lecture, de cuisine, de bricolage ou d'éveil à l'art. Ces temps permettent aux parents et aux enfants d'avoir un vécu commun et de faciliter ainsi la communication. Il est nécessaire de créer au sein de la famille une communication bienveillante.

Si des actions de soutien à la parentalité sont absolument nécessaires, elles ne sont pas suffisantes : la vie des familles comme celle de l'enfant n'est pas, je le répète, découpée en tranches. Les familles doivent avoir des conditions de vie décentes, lesquelles passent par un emploi et un logement décent, qui ne dépende pas des ressources mais des besoins de chacune d'entre elles. Elles doivent également avoir accès à la culture et aux loisirs. Plus les familles sont vulnérables, moins les parents s'autorisent à fréquenter les lieux de culture.

Trop de familles populaires, trop d'enfants connaissent l'échec et l'exclusion tant du monde du travail et de la vie sociale que de l'éducation nationale. La CSF, en vue de transformer des situations d'inégalités en situation de droit pour tous – qu'il s'agisse de l'accès au savoir, à la connaissance, à la culture ou à la vie citoyenne –, met en place des projets d'accompagnement éducatif et scolaire qui consistent non seulement à répondre à la situation d'urgence en aidant les enfants en difficulté scolaire à faire leurs devoirs, mais également à s'attaquer aux causes qui engendrent ces situations d'inégalité, en proposant des projets artistiques et culturels – par exemple, réaliser un journal ou une vidéo sur le quartier ou aller au spectacle ou au théâtre. Ainsi, aller au théâtre suppose que parents et enfants se soient retrouvés en amont pour prendre connaissance de la teneur de la pièce afin de mieux l'apprécier et d'en discuter entre eux.

Ces groupes d'accompagnement éducatif et scolaire cultivent chez les enfants des valeurs telles que la créativité, l'entraide, la solidarité ou le respect. Les parents sont associés à ces actions collectives. Ils sont informés et peuvent participer avec leurs enfants à des temps communs parents-enfants où les enfants et les adolescents présentent leurs projets, qui, une fois réalisés, sont exposés au cours d'une soirée festive et conviviale. Faire en sorte que les parents soient parties prenantes de l'éducation dans les lieux d'accompagnement éducatif et scolaire permet de démystifier l'école : ils en pousseront alors d'autant plus facilement les portes.

Grâce au principe de la coéducation, les regards se croisent et les expertises des uns et des autres se complètent.

L'idée de coéducation est également présente dans la mise en place des temps d'activités périscolaires, prévus par la loi sur la refondation de l'école, lorsqu'il s'agit de mettre autour de la table les élus, les enseignants, l'ensemble du personnel d'éducation et d'animation et les parents, pour penser les projets éducatifs territoriaux (PEDT), qui n'en sont encore, toutefois, qu'à leurs balbutiements. La manière dont ils sont réalisés vaut autant que le résultat. Il convient d'harmoniser les différents temps de l'enfant – familial, scolaire et périscolaire – qui ne doivent pas être pensés séparément. Les modes d'action, même s'ils sont spécifiques à chaque lieu fréquenté par les enfants, doivent rester en harmonie.

Des valeurs communes sont à cultiver par les uns et par les autres. Ainsi, comment cultiver le respect chez l'enfant ? Comment lui apprendre à maîtriser ses émotions ? De tels projets méritent d'avoir des stratégies communes visant à rendre l'enfant capable de mettre des mots sur ses maux. Combien d'actes de violences pourraient être évités si les enfants avaient les mots pour dire ce qu'ils ressentent ! Il convient donc de développer leurs capacités d'expression. Dans un collège, les professeurs se sont entendus pour afficher, chaque jour, à l'entrée du collège, un mot que chaque professeur devait utiliser dans ses cours. Les élèves, curieux de voir comment chaque professeur allait le placer, sont devenus plus attentifs au contenu du cours et ils se sont pris eux-mêmes au jeu dans la cour de récréation. À raison d'un mot par jour, les possibilités d'expression augmentent.

Penser que les parents, les enfants et les adolescents ont des potentialités non révélées est au coeur du principe de l'éducation populaire. Quand ces personnes s'engagent dans une action, elles développent des compétences notamment dans la prise de parole, la communication, la conduite d'une enquête, la recherche de solutions, l'imagination ou la créativité.

L'éducation populaire est le contraire de l'assistanat, puisqu'elle vise à reconnaître et à développer dans chaque personne les potentialités qu'elle porte en elle. Trop de valeurs, de savoir-faire, de savoir-être sont étouffés par la culture dominante, la consommation, la compétitivité, l'individualisme, la loi de l'argent, le chômage ou l'exclusion. Par son action globale et son ancrage dans les milieux populaires, la CSF favorise l'émergence et la reconnaissance des cultures propres aux familles populaires.

Permettre l'expression des situations d'injustice est une première forme de résistance. Il convient ensuite de passer à l'analyse de ces situations et à une forme de conscientisation.

Or l'expression collective permet de dépasser une vision strictement individuelle des problèmes car chacun se rend compte très vite que les problèmes des uns sont également ceux des autres. Une démarche collective peut dont être porteuse de changements.

Cette démarche prend du temps, surtout quand le premier souci d'une famille est d'assurer sa subsistance jusqu'à la fin du mois et qu'elle doit surmonter en même temps les nombreuses autres difficultés auxquelles elle est exposée.

L'éducation populaire est une école permanente, qui permet à chacun d'apprendre tout au long de la vie, que ce soit dans l'action quotidienne ou lors de moments de formation. Elle repose sur des valeurs partagées et assumées, tout au long de son histoire, par la CSF.

Le respect des personnes et de la différence est la base nécessaire à l'écoute, à l'expression, à l'échange, à la tolérance et au refus de juger. La laïcité, quant à elle, est faite de tolérance, d'acceptation des différences et du respect de la liberté de pensée. Elle doit permettre à chacun de trouver sa place dans la société sans devoir s'isoler ou être à côté des autres. Les services, actions et animations de la CSF sont ouverts à tous dans le respect des différences religieuses ou culturelles, tant que celles-ci n'entrent pas en contradiction avec l'égalité des droits. La citoyenneté vise à permettre aux personnes d'être actrices de la vie de la cité et d'être consultées sur les décisions qui les concernent. En accompagnant les familles dans la résolution de leurs difficultés, la CSF leur permet d'assumer leurs différentes fonctions – parentale, éducative, économique et sociale –, de jouer leur rôle dans la société en étant parties prenantes plutôt qu'assistées ou clientes. Elle accompagne également les familles dans la prise de responsabilité.

Dans une telle démarche, qui vise à « faire avec les familles », plutôt qu'à leur place, la CSF développe par ce fait même l'autonomie. Tout au long de leur vie, les hommes et les femmes ont cette aspiration légitime : être autonomes, pouvoir choisir, avoir du pouvoir sur sa vie, ne pas être dépendants des services sociaux ou des médias.

La solidarité est également à la base de l'action collective. Les familles dans un quartier se côtoient au quotidien : elles entrent donc dans une logique d'entraide et de solidarité.

Une dernière valeur : l'expertise populaire.

Le regard des habitants est celui de l'utilisateur d'un logement ou d'un service. Croiser leur expertise – qui repose sur l'usage – avec l'expertise des élus et celle des techniciens permettra de développer une forme d'intelligence collective, qui ne pourra être que bénéfique aux familles. L'expertise populaire permet également l'exercice d'une forme de citoyenneté et de démocratie.

S'agissant plus précisément des jeunes et de l'éducation populaire, j'ai déjà évoqué les groupes d'accompagnement éducatif et scolaire.

Des espaces jeunes existent au sein de la CSF : les jeunes, accompagnés d'un animateur, y prennent en main leurs loisirs et établissent eux-mêmes leurs programmes de sortie ou de camp. À la différence de ce qui se passe avec les « activités de consommation » habituellement organisées par les collectivités locales, ce sont les intéressés eux-mêmes qui conduisent leurs projets de A à Z : grâce à internet, ils cherchent un lieu et regardent les prix des transports et celui des activités qu'ils veulent pratiquer. Si le coût en est trop élevé, ils décident alors de mener des actions d'autofinancement, par exemple en vendant des gâteaux ou des objets fabriqués par eux, en participant notamment à des marchés de Noël. En étant acteurs de leurs loisirs, les jeunes prennent conscience de la valeur des choses.

Des étudiants ou des retraités bénévoles participent à l'accompagnement éducatif et scolaire, notamment aux temps d'ouverture culturelle et artistique. Certains étudiants sont également rétribués en tant qu'animateurs, ce qui n'est pas sans poser la question du financement de leur rémunération. D'autres jeunes, après avoir suivi le cursus du BAFA, s'engagent dans l'animation auprès des enfants dans les centres de loisirs ou lors des colonies de vacances. Même s'ils sont un peu rémunérés dans le cadre d'un contrat d'engagement éducatif, leur engagement repose avant tout sur le volontariat. Ils y développent des compétences, certains y découvrant une voie professionnelle. Des jeunes qui ont derrière eux plusieurs années d'animation s'engagent à leur tour dans l'animation des stages BAFA. Ils y réalisent un vrai travail d'équipe autour de la pédagogie et de la formation.

Certains peuvent devenir salariés dans des associations grâce à des emplois aidés – je pense notamment aux emplois d'avenir que nous avons mis en place, non sans difficultés du reste. Si nos associations ne peuvent plus bénéficier d'emplois aidés, elles n'auront plus les moyens d'embaucher des animateurs salariés dont le soutien, en binôme, auprès des responsables et des adhérents de la CSF est indispensable.

Le service civique représente une autre source d'engagement. Dans mon département d'Ille-et-Vilaine, deux jeunes se sont vus confier par la CSF une mission de neuf mois visant à accompagner un groupe d'habitants dans la réalisation de courts-métrages sur un quartier de Rennes. Nous avons fait le choix de recruter deux personnes à la fois, parce qu'être deux est plus dynamisant et sécurisant dans les démarches relationnelles. La première avait un BTS en économie sociale et familiale et la seconde un master 1 en développement local. Elles souhaitaient faire une pause dans leurs études, qu'elles ont reprises à l'issue de leur période de service, qui constituera pour elles un atout supplémentaire lors d'un entretien d'embauche.

Elles ont pu en effet conduire un projet avec des habitants, les accompagner dans sa réalisation, rechercher des financements, faire des dossiers, échanger, apprendre à écouter différents points de vue et développer des compétences relationnelles. Dans ce cadre, l'association apporte aux jeunes et les jeunes apportent à l'association. En 2015, forte du succès de cette première expérience, la CSF d'Ille-et-Vilaine a de nouveau recruté deux jeunes dans le cadre du service civique pour mener à bien, avec une quinzaine de familles bretonnes, un projet d'université des familles.

Nous rencontrons toutefois des difficultés à recruter des animateurs en zone rurale, notamment pour ces temps courts que sont les activités périscolaires.

Outre l'action au quotidien, la CSF met en place des actions diverses d'envergure nationale valorisant la démarche d'éducation populaire. Ces temps festifs ou de convivialité donnent des familles des quartiers populaires une image autrement plus valorisante que celle que leur renvoient les médias ou plus généralement la société. Les représentations et les regards portés les uns sur les autres sont souvent au coeur des discussions entre membres de la CSF. C'est ainsi que sont nées des actions alliant l'expression des familles à l'expression culturelle, dans le cadre notamment du projet « Portraits de familles ».

Des familles ont cherché à faire connaître leur quotidien dans le cadre d'un projet artistique en collaboration avec un artiste du quartier ou de la ville. Elles se sont découvert des capacités insoupçonnées. Elles ont été capables de participer à une oeuvre d'art en prenant du recul pour mettre leur vie en scène. Elles ont donc été à la fois actrices et artistes. La démarche était intergénérationnelle puisque parents, enfants et adolescents y ont participé.

Quant à notre projet « Familles en connexion », il est parti du constat que les familles sont souvent démunies face au développement du numérique à l'école ou à la maison. Des temps de découverte sont organisés entre enfants, adolescents et parents autour de la place des écrans au quotidien au sein la famille, la relation entre les tout-petits et l'écran ou les jeux vidéo. Maîtriser le numérique permet de poser les bonnes questions sur son utilité.

Je terminerai par une autre action d'envergure nationale, dénommée « Dans mon Hall ». Les halls d'immeuble, les coursives ou les cours intérieures sont le théâtre de scènes de vie au quotidien. Ces lieux de passage ne sont pas que des lieux à problèmes : ils peuvent être aussi des espaces de convivialité ou de solidarité. Ils apparaissent ainsi comme d'excellents révélateurs de l'environnement social et économique des habitants d'un quartier. Ce projet cible donc les halls d'immeuble comme scène de théâtre. Avec l'aide de la société de production De l'Autre Côté du Périph' (DACP), des courts-métrages mettent en scène les familles des quartiers populaires dans leurs halls d'immeuble : elles y parlent de leur quotidien. En étant associées à l'ensemble du projet, ces familles se voient directement impliquées, à la fois dans les questions qu'elles peuvent se poser sur leur situation et dans la recherche de solutions.

Le besoin d'engagement associatif que la CSF perçoit correspond à des attentes réelles et légitimes. Je n'insisterai pas sur l'importance des conseils de quartiers ou des conseils citoyens, dont la composition doit refléter la diversité des habitants : certains peuvent avoir envie, à un moment donné et dans un cadre donné, d'apporter leur contribution à la vie de leur quartier aux côtés des représentants des associations. Il convient de tenir compte de l'histoire d'un quartier : or les associations sont des lieux de mémoire.

Intergénération, interculturalité, convivialité, proximité, mixité : telles sont les bases de notre action.

Notre association contribue à la cohésion sociale des quartiers – si la CSF n'existait pas, la situation y serait encore plus précaire. C'est pourquoi le statut de l'élu associatif doit être conforté et des compensations financières octroyées, à l'instar de ce qui est prévu pour les élus associatifs aux caisses d'allocations familiales : leurs employeurs sont dédommagés de leur absence. Les élus associatifs sont trop souvent contraints de prendre des jours de congé pour répondre aux obligations de leur tâche. Il faut également assouplir les conditions permettant aux associations de recourir aux emplois aidés, d'autant que les emplois que nous créons ne sont pas délocalisables.

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Les exemples que vous avez pris montrent que les familles ne se contentent pas de bénéficier de mesures de solidarité ; elles peuvent être actrices de la citoyenneté dans leurs quartiers.

L'obligation de l'engagement doit peser non pas sur les seules épaules des jeunes mais sur la société tout entière. Tous les témoignages que la mission recueille vont en ce sens.

Ne pensez-vous pas que le rôle de la famille est de pousser les jeunes à l'engagement citoyen, même après l'âge de la scolarité obligatoire ? Vous avez évoqué la difficulté à recruter des animateurs en zone rurale : ne devrait-on pas permettre à des familles d'accueillir des jeunes du service civique en mobilité d'engagement citoyen ? Ils pourraient être accueillis par des familles de zone rurale, même modestes, si des aménagements fiscaux ou une contribution des collectivités territoriales étaient prévus, notamment pour assurer l'intendance – je pense au coût des repas. Une telle démarche ne ferait que favoriser l'interculturalité et l'intergénérationnel, que vous avez évoqués.

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Henri Nallet, président de la Fondation Jean-Jaurès

Les projets éducatifs territoriaux (PEDT) ne pourraient-ils pas se transformer en conseils éducatifs territoriaux, qui réuniraient régulièrement les collectivités locales, les associations et les établissements scolaires pour assurer la transversalité de l'éducation ? Une telle démarche serait très utile dans les territoires ruraux.

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C'est vrai : les parents ne sont plus les seuls éducateurs de leurs enfants. D'autres institutions participent à leur éducation. Toutefois, rien ni personne ne peut remplacer le rôle éducatif essentiel des parents. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation de ces gamins qui ont pour seuls repères l'école – et encore, jusqu'à seize ans – ou les activités organisées par la mairie.

La démission des parents ne touche pas uniquement les milieux défavorisés, mais dans les quartiers difficiles, cette démission prend une dimension plus complexe, en raison des autres difficultés, d'ordre économique, social ou linguistique, auxquelles ces mêmes familles ont à faire face.

Quelles actions concrètes mène la CSF pour répondre à ce type de situation ?

Enfin, madame, je me permets d'observer en toute cordialité que les halls d'immeuble sont loin d'être uniquement des lieux de convivialité et de solidarité ! Je souhaiterais, comme vous, vivre dans un monde irénique ; malheureusement, dans la réalité, ils sont souvent source de bien des nuisances.

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Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique

Les stratégies que vous avez mises en oeuvre, notamment celle qui vise l'apprentissage quotidien d'un nouveau mot, sont-elles accessibles sur internet ? D'autres associations pourraient les imiter tout en vous faisant part de leurs propres expériences.

Par ailleurs, ne conviendrait-il pas d'aider les jeunes à réaliser leurs projets en les incitant à recourir aux possibilités offertes par le crowdfunding ou le don en ligne ? Les projets que vous avez décrits sont typiquement le genre d'actions qui, mises en ligne, mobilisent des dons. Les donateurs s'engageraient au profit de ces jeunes qui, de leur côté, feraient l'expérience du partage et de la solidarité.

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Marie-Françoise Martin, présidente de la Confédération syndicale des familles

Les jeunes qui s'engagent dans le service civique souhaitent faire des découvertes : les inciter à changer de région me semble donc une bonne idée. Toutefois, il ne faudrait pas que seuls ceux qui en ont les moyens financiers puissent assumer le surcoût d'un tel changement de région, notamment en termes de déplacement, la rémunération du service civique oscillant entre 500 et 600 euros seulement. Des mesures d'accompagnement seraient donc nécessaires.

Les projets éducatifs territoriaux mériteraient effectivement d'être approfondis : y associer les entreprises, y compris dans les territoires ruraux, permettrait notamment de faciliter les stages en classe de troisième dont la recherche, bien souvent, s'apparente à un véritable parcours du combattant pour les parents, d'autant que les collèges n'ont pas pour habitude de répertorier les entreprises du voisinage qui accueillent des stagiaires. Associer les entreprises aux PEDT permettrait également de lever les appréhensions réciproques entre le monde de l'éducation et celui de l'entreprise.

Nous mettons en place des groupes de parents à destination de ceux qui se posent des questions sur leur rôle ou qui hésitent à pousser la porte de l'école. Il est important pour les parents de connaître les rouages de l'éducation nationale, notamment pour lever leurs a priori sur l'école. Lorsque les parents ne connaissent pas la langue française, ce sont bien souvent leurs enfants qui deviennent leurs interprètes auprès de l'institution : les rôles entre parents et enfants sont alors inversés, ce qui est très déstabilisant. Chacun doit pouvoir rester à sa place. Ce n'est pas aux enfants à aider leurs parents à exercer leur fonction de parents.

Les groupes d'accompagnement éducatif et scolaire ne se limitent pas à l'aide aux devoirs mais sont également des lieux d'échange avec les parents visant à améliorer leurs relations avec l'institution scolaire.

Il est vrai que les halls d'immeuble ne sont pas uniquement des lieux de convivialité : une trop grande promiscuité n'est pas sans poser de réels problèmes. Toutefois, des habitants ont réussi à transformer leur hall d'entrée en y réalisant eux-mêmes une fresque avec l'aide d'artistes. Par respect pour l'oeuvre réalisée, le lieu a alors gagné en propreté. La CSF aide également des représentants de locataires à rédiger des chartes de bonne conduite au sein des immeubles afin de rappeler aux locataires que s'ils ont des droits, ils ont également des devoirs. Il faut toujours privilégier un regard positif : nos associations ont pour vocation de valoriser et de faire essaimer les expériences réussies.

Il est vrai que la CSF, par manque de temps ou par modestie, ne partage pas suffisamment les actions que mènent ses fédérations. Nous devons nous montrer plus offensifs en matière de communication – je pense notamment à la démarche, que j'ai évoquée, incitant des collégiens à mettre des mots sur les maux –, d'autant que de telles actions ne demandent qu'un peu de réflexion et de partage. Une telle démarche pourrait être partagée non seulement par les professeurs et leurs élèves, mais également par les parents : elle pourrait être évoquée dans le cadre, par exemple, d'un conseil de parents d'élèves.

La CSF se pose évidemment la question du financement des activités qu'elle organise en son sein : pourquoi ne pas recourir à la pratique du don en ligne ? Nous n'y avions pas encore pensé, mais l'idée mérite réflexion. Les jeunes doivent être parties prenantes de leurs loisirs : leur démarche pour parvenir à leurs fins vaut autant que le résultat obtenu. Ils doivent en tout cas prendre conscience de la valeur des choses. Le numérique est un outil au service de leur action, y compris s'ils viennent à s'engager dans une action à caractère plus humanitaire.

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Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique

Sachant que celui qui donne s'engage aussi.

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Madame la présidente, nous vous remercions pour votre témoignage et vos réponses.

L'audition s'achève à douze heures quinze.

Membres présents ou excusés

Mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine

Réunion du 26 février 2015 à 11 heures.

Présents. – M. Yves Blein, M. Jean-Luc Bleunven, Monsieur Xavier Breton, Mme Françoise Dumas, M. Michel Herbillon, M. Bernard Lesterlin, M. Dominique Potier.

Excusés. – M. Guillaume Bachelay, M. Jean-Jacques Candelier, M. Christophe Cavard, Mme Marianne Dubois, M. Lionnel Luca, M. Didier Quentin.