Mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine

Réunion du 26 février 2015 à 12h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • humaine
  • militaire
  • polytechnique
  • stage

La réunion

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L'audition débute à douze heures quinze.

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Nous accueillons aujourd'hui M. Yves Demay, directeur général de l'École Polytechnique. Nous avons souhaité l'entendre parce que les polytechniciens de première année suivent obligatoirement, pour une période de six mois environ, un stage de « formation humaine » soit dans un environnement militaire, soit au sein d'un organisme civil comme la Fondation d'Auteuil ou ATD Quart-monde. Monsieur le directeur général, quel bilan en tirez-vous, tant pour votre école que pour vos élèves ? En quoi ce modèle est-il transposable à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur ? En vous entendant nous faire part de votre expérience, peut-être somme-nous en train d'entrer dans un deuxième temps de nos auditions, pendant lequel nous essaierons d'utiliser ce qui a déjà pu être réalisé et d'en tirer des enseignements.

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Yves Demay, directeur général de l'école Polytechnique

Je suis très honoré d'être le porte-parole de notre école pour témoigner devant vous et peut-être contribuer par notre expérience aux travaux de votre mission. Créée en 1794, Polytechnique est une école profondément républicaine, qui a su évoluer au fil du temps. Son métier est de produire et partager de la connaissance. C'est un centre de recherche au sein duquel travaillent 2 000 personnes, qui dispose de vingt laboratoires, dépose des brevets, publie des thèses et divers travaux. L'école forme plus de 3 000 étudiants par an, dont 500 en doctorat, 500 en master et 2 000 dans le cycle polytechnicien.

Elle présente un caractère fortement international. L'agence de classement Time Higher Education, anglo-saxonne et, partant, peu susceptible de complaisance à notre égard, nous classe au soixante et unième rang mondial ; mais dans un récent classement pour lequel elle a repris les deux cents premiers en les reclassant au vu du critère de l'international, nous figurons en cinquième position. 50 % de nos étudiants en doctorat et master et un peu plus de 20 % en cycle polytechnique sont étrangers ; nos enseignants viennent de tous les pays, et, pour ce qui est de nos élèves, pas moins d'une trentaine de nationalités sont représentées à l'école.

Nos élèves ont déjà deux à trois années d'études post-baccalauréat – le gaokao pour un Chinois ou le vestibular pour un Brésilien –, ils sont titulaires de licences, obtenues en France ou à l'étranger, ou sortent de classes préparatoires. Ils arrivent à Polytechnique au mois de septembre et la première chose qu'ils font est un stage de formation humaine. Deux tiers de ces stages sont effectués en milieu militaire, un tiers en milieu civil, selon le choix de l'étudiant.

Sur le plan pédagogique, nous attendons trois choses de ce stage.

Premièrement, une rupture : sans tomber dans la caricature du polytechnicien-bon élève qui a bien appris et bien réussi aux concours, il s'agit de les sortir du modèle scolaire, de leur zone de confort, et de les plonger dans un autre environnement. Lorsqu'ils en reviennent, ils ont gagné en maturité.

Deuxièmement, une ouverture : nous tenons à former des ingénieurs ouverts, engagés et entreprenants. Le stage est, pour eux, l'occasion d'être confrontés à des réalités qu'en général ils ne connaissent pas, parce qu'ils n'en ont pas eu l'occasion.

Troisièmement, un engagement : passer d'une situation où « j'ingère, j'écoute, j'apprends, je subis » à « j'agis ». Cela peut être habillé avec de grands mots comme « formation au leadership », mais, de façon plus terre à terre, ils sont mis en situation active, en situation de faire des choses et d'apporter aux autres. Un exemple m'a particulièrement marqué, la semaine dernière, lorsque j'étais à la maison des jeunes et de la culture de Ris-Orangis, où trois de nos élèves sont en stage. L'un d'eux était grand, mince et timide. Il faut l'imaginer en train de préparer un spectacle de théâtre avec des jeunes du service civique ; cela va l'ouvrir sur bien des choses, le transformer, l'aider à évoluer par cette dimension d'engagement concret dans une activité inhabituelle.

À côté du stage civil, le stage militaire apporte sa dimension d'engagement, d'appartenance républicaine. Il est effectué au sein de régiments du service militaire adapté outre-mer, pour former les jeunes, chez les pompiers, où ils sont au contact et au secours des personnes, en brigades territoriales de gendarmerie ou en commissariat de police. Là, ils découvrent les réalités sociales et humaines de la France.

Le stage civil est effectué en académie ou en partenariat avec une vingtaine d'associations. Chaque année, 3 500 jeunes bénéficient de l'action des élèves de l'École polytechnique. En académie, ce sont par exemple des postes de tutorat dans des zones d'éducation prioritaire (ZEP). Un de nos élèves a travaillé pour une association dans un quartier où il a aidé à la réalisation de dossiers administratifs, un autre dans une entreprise sociale de réinsertion où l'on réhabilite de vieux ordinateurs.

Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur les conditions qui doivent être réunies pour que cela fonctionne, la façon de travailler avec les associations et le retour d'expérience que nous en faisons par l'évaluation des stages. Je rencontre beaucoup d'élèves à leur retour – ce sera le cas au mois d'avril prochain – et je les interroge sur ce qu'ils ont appris, ce qu'ils en ont pensé. Globalement, les impressions sont excellentes ; ils apprécient, ils trouvent cela intéressant, ils ont été formés et transformés ; cela leur est de la plus grande utilité.

Il y a un intérêt pour l'école, pour nos élèves, mais aussi pour les associations et pour les jeunes rencontrés au cours de cette formation humaine : j'appelle cela un intérêt de rencontre et un intérêt d'exemplarité. Ce sont deux mondes un peu différents qui se rencontrent et qui, autour de quelque chose qu'ils font ensemble, se rendent assez vite compte que finalement, ces étrangers sont aussi des jeunes, au fond pas si différents. Cet effet « ils sont comme nous » fonctionne dans les deux sens : on s'aperçoit qu'il est possible d'avoir des centres d'intérêt communs à partager à l'occasion d'une action commune. La dimension d'exemplarité prend aussi sa place pour un certain nombre de jeunes qui n'ont pas eu forcément l'occasion de voir un polytechnicien, ce qui permet en quelque sorte de désacraliser et de démystifier l'objet et de rencontrer des gens qui sont plutôt en situation de réussite, tout en constatant qu'ils peuvent échanger et vivre ensemble.

Autre intérêt non négligeable, l'aspect réseau. Il existe, au sein de l'école, un pôle Diversité et réussite au sein duquel beaucoup de nos élèves s'engagent dans la durée, à travers les cordées de la réussite ou le tutorat. Sur la base du volontariat, ils poursuivent sur plusieurs années l'accompagnement de jeunes rencontrés au cours du stage de formation humaine. Les associations voient un grand intérêt à ce lien ainsi créé avec des gens qui, pour certains d'entre eux, occuperont des fonctions de responsabilité au sein de l'État ou d'entreprise, et qu'elles perçoivent comme un relais futur.

Au terme de quinze années de fonctionnement de ce système, nous en sommes très satisfaits et, si cela était à refaire, nous le referions sans hésiter. Il y a cependant des conditions à respecter : le stage, notamment, doit être inscrit dans le projet pédagogique de l'école, il ne peut être plaqué artificiellement. Par ailleurs, comme nous le disent les associations, la durée constitue un facteur important. Nos interlocuteurs parlent souvent d'une durée d'un an ; six mois, c'est acceptable, mais c'est vraiment un minimum pour que la découverte de l'autre ait véritablement lieu. On ne peut pas se contenter d'un mois – je découvre un quartier et je repars… La durée et indispensable, le contact doit être plus long et plus profond pour être véritablement porteur de sens et d'apport mutuel.

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Votre témoignage présente l'intérêt d'être fondé sur la réalité ; l'exercice présente des aspects positifs tant pour l'élève que pour le milieu dans lequel il évolue. J'ai bien remarqué qu'il ne s'agit pas d'un stage ex nihilo, mais d'une démarche pédagogique inscrite dans le projet de l'école. Nous avons là des pistes qui enrichissent les auditions précédentes. De fait, nous ne pouvons pas nous cantonner dans la généralité ou le devoir de philosophie : nous devons utiliser les témoignages que nous avons entendus et les confronter à la réalité si nous voulons être en mesure de présenter des propositions concrètes au Président de la République.

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Henri Nallet, président de la fondation Jean Jaurès

Je suis sensible, mon général, à l'aspect d'intégration qu'implique le stage, et il est effectivement fondamental que celui-ci soit partie du cursus universitaire. Cependant, vos élèves sont déjà dans une relation de service public ; s'ils sont à Polytechnique, c'est qu'ils ont choisi de servir l'intérêt général et l'on comprend bien que le stage correspond à cette volonté de servir. Il serait certes souhaitable que cette pratique soit étendue à toutes les grandes écoles, mais cela serait-il accepté – et acceptable – par celles d'entre elles qui forment des cadres et des managers du secteur privé ?

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Ce modèle de formation humaine que vous présentez, mon général, m'a véritablement passionné. Comme l'a dit le président Bartolone, il nous ouvre un certain nombre de pistes. Vous semble-t-il transposable à d'autres grandes écoles – sans vouloir citer à nouveau la célèbre école vétérinaire de Maisons-Alfort ? La question a-t-elle été évoquée par la Conférence des grandes écoles ?

Vous avez indiqué que beaucoup de vos élèves s'engagent durablement dans le cadre de projets citoyens. Pouvez-vous préciser quelle est la proportion de ceux qui poursuivent cet engagement tout au long de leur cursus ?

La répartition entre formation civile et formation militaire évolue-t-elle ou demeure-t-elle stable ?

Votre école a développé les massive open online courses (MOOC), qui connaissent un succès croissant : pourquoi cette idée et à qui s'adresse-t-elle ? Quelle est, à cet égard, la différence entre le MOOC de Polytechnique et ceux des business schools anglo-saxonnes, de Sciences-Po ou des universités ?

En tant que directeur d'une grande école – militaire, de surcroît –, quel regard portez-vous sur les nombreuses propositions de retour à un service obligatoire, civil ou militaire, qui se sont fait jour à la suite de l'effervescence intellectuelle qui a suivi les attentats du mois de janvier dernier ? L'idée est de retrouver ce brassage républicain des jeunes d'une même classe d'âge, de leur donner l'occasion d'être ensemble dans leur diversité intellectuelle et sociologique. Si le retour du service national obligatoire me paraît illusoire, quelles sont vos idées à ce sujet ?

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À travers l'exemple de l'École Polytechnique, certes prestigieuse, nous voyons des jeunes servir la nation. En France, une société, un système scolaire s'est construit où les jeunes se retrouvent enfermés dans des postures parallèles qui ne se croisent jamais. Le même cloisonnement existe entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Mais les inégalités se retrouvent aussi entre les territoires, qu'ils soient ultra-marins, ruraux, périurbains – probablement les plus compliqués à gérer – ou qu'il s'agisse de grandes métropoles. Avez-vous étudié cette question ? Comment l'enseignement supérieur, par sa richesse et sa diversité, y compris dans ses implantations géographiques, pourrait-il être acteur de ce brassage ? Jusqu'à présent, seul le service national obligatoire avait su rassembler les classes d'âge par-delà les différences d'origines sociales et géographiques, en permettant à un Breton de rencontrer un Martiniquais ou un Corse.

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Monsieur l'ingénieur général, je suis content de vous retrouver après nos travaux menés avec les Compagnons du devoir et le service militaire adapté. Vous dirigez une école depuis longtemps exemplaire en ce qui concerne l'engagement citoyen de ses élèves.

Lorsque la République offre à ses enfants l'accès à l'école, de la maternelle à l'université, elle est en droit d'attendre des contreparties. À Polytechnique, on est déjà militaire, comme à l'ENA on est élève fonctionnaire. Mais quelles sont les contreparties au pantouflage pour les élèves qui sortent de Polytechnique ? Vous avez donné l'exemple par votre carrière puisque vous n'avez pas pantouflé et vous avez choisi de servir à la Direction générale de l'armement. Ne pourrait-on pas conditionner l'accès à certains concours de la fonction publique, voire à certaines professions réglementées, à un engagement citoyen de longue durée – au moins six mois ? Vous avez l'expérience de gens qui ont reçu de l'État et, en contrepartie, se sont engagés et restituent à la collectivité ; mais cela ne se passe pas partout ainsi.

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Si le lien avec la République constitue bien l'objet de cette mission, l'une de nos préoccupations est aussi ce phénomène de la reproduction des élites. Il y a quelques années, votre institution avait déclaré vouloir « déparisianer » son recrutement. Cela marquait-il le souhait de faire évoluer le profil de vos élèves ?

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Yves Demay, directeur général de l'école Polytechnique

Les nouvelles technologies, à travers les MOOC – ou FLOT, formation en ligne ouverte à tous – permettent une diffusion en ligne des connaissances, de bonne qualité. Polytechnique s'y est engagée en raison de sa renommée car il convient qu'une université de premier rang soit visible : il faut se faire connaître, le faire savoir et partager. Il y a aussi des raisons touchant à la formation interne : c'est un exercice pédagogique très utile pour nos enseignants. C'est aussi un moyen de contribuer au rayonnement de la France et de la langue française, particulièrement en direction de l'Afrique. C'est également un moyen d'apprendre des méthodes pédagogiques nouvelles, y compris à usage interne : les étudiants profitent mieux du cours dispensé en amphithéâtre s'ils ont pu s'y préparer en travaillant sur un cours numérisé. Cela étant, je persiste à penser que la dimension humaine reste incontournable et que l'enseignement en ligne ne pourra jamais s'y substituer.

La répartition civile ou militaire des stages de formation humaine est stable ; cela n'est pas voulu, c'est un fait constaté. Le choix appartient aux élèves, qui se décident librement après avoir lu les descriptifs de stages et – surtout – rencontré ceux de la promotion précédente qui leur font part de leur expérience. Nous sommes assez contents de cette stabilité, qui témoigne de la satisfaction de nos élèves à l'issue de leur stage, qu'ils aient opté pour le civil ou le militaire. Malheureusement, ils ne sont que 15 à 20 % à poursuivre leurs actions au-delà du stage ; il faut dire que le temps leur manque cruellement à l'école, où l'offre d'activités, de formation et de conférences est particulièrement riche.

Nous sommes sensibles à la question de l'ouverture sociale et territoriale, pour laquelle nous faisons ce que nous pouvons. Le principe de notre recrutement est le concours républicain, avec ses qualités et ses défauts, et, jusqu'à présent, nous sommes refusés à toute pratique de discrimination positive. Néanmoins, nous ne restons pas les bras ballants car nous aimerions refléter plus fidèlement la société, avoir davantage de filles et d'étudiants issus de tous les milieux. Nous avons cherché à savoir si le concours constituait un biais social ; la réponse n'est pas évidente. Ni l'anglais ni les épreuves orales ne paraissent discriminants. En revanche, le plus grand écart entre les candidats, selon qu'ils sont boursiers ou non, est constaté lors des épreuves écrites de mathématiques, pourtant anonymes et non biaisées.

La répartition territoriale est pour nous une vraie question. 60 % de nos lauréats sont issus de classes préparatoires de région parisienne, principalement Paris et Versailles. Cela signifie que certains jeunes moins favorisés n'ont pas pu assumer le surcoût que représente la poursuite de la scolarité dans une classe préparatoire parisienne. Si nous ne pouvons que nous féliciter de l'excellence de leur préparation, cela ne signifie pas que nous ne faisons rien pour nos régions. De façon très concrète, depuis mon arrivée, nos élèves vont dans les lycées de province pour expliquer que « 100 % des gagnants ont tenté leur chance » et qu'il ne faut pas censurer son envie de passer le concours de l'École polytechnique. Cela passe aussi par des choses toutes simples : j'ai découvert que les élèves étaient convoqués le vendredi pour les épreuves orales du lundi ; venir à Palaiseau est facile depuis Paris, mais c'est moins évident lorsqu'on habite en province. La convocation a donc été avancée au mercredi, ce qui leur laisse un petit peu plus de temps pour se préparer. Enfin, nous avons mis des logements à la disposition de ceux qui sont admis aux oraux. Nous avons également « revisité » la liste des examinateurs en les faisant tourner afin d'éviter que certaines habitudes parisiennes ne s'établissent au bénéfice des grosses classes préparatoires de la capitale ; nous veillons bien entendu à ce qu'ils n'aient aucun lien avec les classes préparatoires afin de garantir le plus possible leur neutralité.

Nous restons attentifs à ce que le stage de formation humaine revête une dimension nationale complète, avec une répartition dans cinq académies, plus l'outre-mer avec le SMA. Cette dimension de brassage, de connaissance et d'échange demeure fondamentale.

Je ne crois pas que l'ensemble des élèves de l'X se vouent au service public, comme l'a dit M. Nallet ; seuls 15 % le font. Certes, les autres sont tenus de « rembourser la pantoufle » ; c'est un sujet qui nous tient à coeur et pour lequel l'école se bat depuis des années. J'ai découvert les méandres administratifs et juridiques qui rendent complexe l'obtention d'un accord entre trois ministères qui ont chacun leur point de vue. Ce que nous proposons vaut beaucoup mieux que ce qui existe aujourd'hui ; reste à franchir l'étape du Conseil d'État, qui conteste encore quelques points. Lorsqu'ils entrent à l'école, très peu d'élèves choisissent le service public. En revanche, nous tâchons de leur inculquer le sens de l'intérêt général et de l'engagement pour un projet collectif ; nous le faisons à travers le stage de formation humaine, mais aussi au cours des trois années qui suivent.

Le système peut-il être généralisé ? Cela est-il légitime ? J'ai conscience de m'aventurer sur des terrains un peu dangereux en sortant de mon rôle de témoin pour exprimer ma simple conviction personnelle. À mes yeux, cette démarche est légitime parce qu'en France, pour l'essentiel – et particulièrement pour les écoles d'ingénieurs –, la formation supérieure est gratuite. Cela constitue un avantage considérable et il est logique d'attendre des jeunes concernés une contrepartie de ce que la société fait pour eux. Je pense aussi que cette période de stage leur est profitable et qu'en plus de cette contrepartie naturelle, ils en tirent un bénéfice personnel pour leur propre formation par l'expérience ainsi acquise. Bien sûr, cela doit faire partie d'un projet pédagogique dont les différents acteurs de l'enseignement supérieur doivent s'emparer. Nous sommes disponibles pour expliquer notre démarche et les conclusions que nous en tirons. Récemment, nous sommes allés porter témoignage à l'École supérieure des sciences économiques et commerciales, qui s'interroge sur sa première année et s'est montrée intéressée.

Je pense qu'il existe un potentiel de généralisation ; j'ignore s'il est considérable car plusieurs conditions doivent être remplies, la première étant d'être lié à un partenaire. Dans les académies, par exemple, demeurent beaucoup de capacités d'accueil de jeunes provenant de l'enseignement supérieur au sein des collèges et des lycées pour le tutorat. Pour que cela fonctionne, il faut que l'envie soit présente : si l'équipe pédagogique n'est pas motivée, rien ne peut se faire. De leur côté, les partenaires doivent être prêts à accueillir nos jeunes, car ceux-ci n'ont pas particulièrement d'expérience et ne sont pas préparés. L'association, le collège ou le lycée doivent leur assigner un tuteur qui leur donne des clés, qui les aide à comprendre. Nous ne voulons pas laisser nos jeunes seuls. Pour le reste, nous avons relativement peu d'exigences : sur le plan matériel, nous exigeons seulement que nos élèves soient hébergés et nourris. L'essentiel est de pouvoir compter sur un tissu associatif suffisant en nombre, en qualité et en désir de participer. Nous n'avons aucune difficulté à trouver des partenaires : nous recevons plus de demandes que nous pouvons fournir de stagiaires.

Je suis convaincu de l'intérêt du dispositif pour les étudiants, la société et la pédagogie des établissements d'enseignement supérieur. Un potentiel de généralisation existe auquel nous sommes prêts à associer notre expérience ; j'ignore cependant si l'on peut songer à une systématisation. C'est en tout cas une belle façon de rétablir le brassage, de franchir les barrières par la rencontre : c'est important pour qui se préoccupe, comme vous le faites, de l'engagement et de l'appartenance républicaine. Et surtout – j'insiste sur ce point – cela fonctionne dans les deux sens : pour les étudiants promis à un avenir privilégié, c'est l'occasion de connaître des aspects de la France auxquels ils n'ont pas été confrontés ; pour les autres jeunes, cela montre que les « élites » ne sont pas des extraterrestres coupés de toute réalité, avec lesquels il n'est rien possible de faire. Ces échanges mutuels me paraissent constituer une très bonne chose pour la cohésion nationale.

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Monsieur l'ingénieur général, nous vous remercions de ce témoignage qui devrait nous être très utile pour la suite de nos travaux.

L'audition s'achève à treize heures.

Membres présents ou excusés

Mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine

Réunion du 26 février 2015 à 12 heures.

Présents. – M. Yves Blein, M. Jean-Luc Bleunven, Monsieur Xavier Breton, Mme Françoise Dumas, M. Michel Herbillon, M. Bernard Lesterlin, M. Dominique Potier.

Excusés. – M. Guillaume Bachelay, M. Jean-Jacques Candelier, M. Christophe Cavard, Mme Marianne Dubois, M. Lionnel Luca, M. Didier Quentin.