Mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine

Réunion du 26 mars 2015 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bénévole
  • civique
  • croix-rouge

La réunion

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L'audition débute à onze heures quinze.

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Monsieur Jean-Jacques Eledjam, vous êtes président de la Croix-Rouge française depuis bientôt deux ans, après une décennie d'engagement bénévole en son sein. Vous êtes aussi professeur des universités et praticien hospitalier en anesthésie-réanimation et médecine d'urgence, au CHRU de Montpellier. Au sein de la Croix-Rouge, vous accordez une place particulière aux jeunes et leur offrez la possibilité de s'engager plusieurs mois en France, dans le cadre du service civique, ou à l'étranger grâce au service volontaire européen. Nous serions très intéressés d'entendre votre témoignage au regard de votre engagement personnel, ainsi que vos recommandations pour favoriser et valoriser l'engagement des jeunes mais aussi des actifs.

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Jean-Jacques Eledjam, président de la Croix-Rouge française

La Croix-Rouge française est très heureuse de participer à cette mission de réflexion tant elle entend, en tant qu'acteur majeur de la vie associative, prendre toute sa place dans le renforcement des dispositifs d'engagement citoyen et d'appartenance républicaine. Ouverte à tous, la Croix-Rouge française repose sur les principes fondamentaux d'impartialité, de neutralité, d'indépendance, d'humanité, d'universalité, d'unité et de volontariat. Elle est diverse, et son engagement a de multiples visages. Elle emploie 55 000 bénévoles, 18 000 salariés et près de 300 jeunes en service civique. Pour nous, l'engagement est une valeur essentielle, car il contribue à la construction de l'individu et à l'épanouissement de chacun au service de la cohésion de notre société. C'est pourquoi notre association offre partout, à des milliers de bénévoles, volontaires, étudiants et salariés, l'opportunité de vivre des valeurs fédératrices, d'agir ensemble au service des plus vulnérables et d'oeuvrer pour le lien social, la tolérance et le vivre-ensemble. C'est une véritable école de la citoyenneté que la Croix-Rouge française entend promouvoir. Dans cet esprit, elle a développé dès 2009 sa mission éducative, complémentaire de sa mission d'enseignement public ; à ce titre, elle a obtenu un agrément d'association éducative et signé des conventions-cadres.

Les programmes que nous déployons constituent notre offre éducative et sont centrés sur nos principaux domaines d'expertise et notre ambition citoyenne : la sensibilisation aux valeurs et au droit international humanitaire, l'apprentissage des premiers secours, l'éducation à la santé – en particulier l'éducation nutritionnelle et la prévention des addictions –, la promotion de l'engagement solidaire et l'accompagnement des initiatives solidaires portées par les enfants et les jeunes. Si ces programmes sont en place, la Croix-Rouge française entend promouvoir l'engagement sous toutes ses formes et dans tous les milieux et développe un « projet jeunesse » intégré visant à répondre à l'envie d'agir des jeunes. Nous devons évidemment nous adapter pour mieux accueillir et intégrer tous les types de personnes qui s'engagent auprès de notre association, qu'il s'agisse de bénévoles de projet ou d'un jour, de réguliers ou de volontaires. Nous devons aussi continuer à promouvoir largement l'engagement auprès du grand public, notamment auprès des jeunes. Parmi toutes ces formes d'engagement, on constate depuis 2010 une montée en puissance du volontariat au niveau national. Et dans le cadre du service civique, la Croix-Rouge française accueille près de 300 volontaires par an.

À la question de savoir comment conforter le modèle français de sécurité civile, qui nous a été soumise, je répondrai en quatre points.

En premier lieu, je dirai que savoir porter secours au quotidien est la base d'une éducation citoyenne inclusive pour tous les individus, à tous les âges. Il est intéressant de relever que, à la différence des pays scandinaves où c'est un élément d'éducation civique, en France, le fait de porter secours aux citoyens n'est pas inscrit dans les gènes.

De mon expérience de directeur de SAMU, très lié avec les pompiers et très sensibilisé aux premiers secours, j'ai tiré la conviction que les 50 000 morts par an dues à des accidents cardiovasculaires étaient une anomalie s'expliquant par le fait que personne dans la rue n'est capable de faire un massage cardiaque pendant cinq minutes ni d'appeler un service compétent pour prendre en charge les victimes. Et si l'on recense aujourd'hui en France 20 000 accidents domestiques mortels par an, c'est parce qu'il n'existe aucune offre d'apprentissage des premiers secours. J'ai ainsi découvert, en allant présenter la Croix-Rouge et les premiers secours dans l'école de mon petit-fils de quinze ans, que ses camarades étaient totalement incapables d'apporter les premiers soins.

Les jeunes voient dans la Croix-Rouge française une organisation à visée internationale permettant de visiter des pays étrangers, et non pas une organisation qui porte secours au quotidien. L'association est pourtant engagée depuis plusieurs années dans la formation des jeunes. Nous savons que c'est avant tout aux pré-adolescents que nous devons adresser notre message, pour ensuite le conforter à l'adolescence, et que c'est probablement au-delà de cet âge que les jeunes prennent conscience de la nécessité d'aider les autres. J'ai moi-même recueilli des témoignages d'enfants qui, ayant suivi des cours de premiers secours au lycée, avaient pu sauver leur grand-père qui avait inhalé un corps étranger.

Le deuxième point à développer, c'est pouvoir agir face à une situation d'exception et de constituer une réserve citoyenne – c'est là un des projets de la Croix-Rouge française. La catastrophe qui nous occupe aujourd'hui dans les Alpes a nécessité de réunir très rapidement un nombre important de bénévoles pour apporter des secours, accueillir les familles et régler divers problèmes. Nous avons mobilisé cette réserve citoyenne qui existe sur le territoire français, la Croix-Rouge étant représentée dans toutes les régions à travers plus de mille unités locales. En vertu des accords de Genève, la Croix-Rouge est auxiliaire des services publics. À ce titre, elle doit se mettre à disposition chaque fois qu'elle est sollicitée, notamment dans les situations d'urgence. C'est pourquoi nous devons mener rapidement à bien la constitution de cette réserve citoyenne. Dans le cadre de l'épidémie d'Ebola en Guinée, la Croix-Rouge est présente sur le terrain autant avec ses médecins qu'avec sa réserve citoyenne. Pour la constituer, la Croix-Rouge doit à la fois s'appuyer sur les actions menées par les communes, mobiliser les moyens supplémentaires de l'État, communiquer largement auprès du grand public et assurer une véritable animation de réseau des réservistes sur le territoire.

Le troisième point consiste à encourager l'engagement bénévole dans le champ du secourisme en assurant la reconnaissance et la valorisation d'un bénévolat hors normes. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté l'amiral Alain Béreau parler de la distribution de médailles. Le fond du problème, pour la Croix-Rouge, n'est pas tant le manque de bénévoles que la volatilité du bénévolat. Les bénévoles ne restent dans l'association que s'ils ont la possibilité d'obtenir une forme de reconnaissance. Au-delà des médailles, il conviendrait donc d'envisager un bénévolat diplômant, et que la compétence acquise, en matière de secours aux personnes ou autre, puisse figurer sur le CV des bénévoles.

Cette valorisation du bénévolat est d'autant plus importante que les bénévoles participent à des actions, en particulier d'urgence et de secours, pour apprendre, pour participer à un effort collectif et pour accompagner les personnes en difficulté. Nos actions visent aujourd'hui davantage la précarité et les problèmes sociaux que l'urgence et le secourisme, et je suis surpris de voir que les maraudes et le SAMU social intéressent les jeunes. Dans l'action, ils éprouvent en quelque sorte la sensation de se préserver : tant qu'ils sont là, ils ne sont pas à la rue. Il importe donc que ces jeunes puissent être reconnus et que le jour où ils solliciteront un emploi, le temps qu'ils auront consacré à la vie associative soit pris en compte.

Quatrième point, enfin, le service civique devrait être conçu dans les missions de sécurité civile. C'est là un aspect que nous avons intégré dans nos perspectives, et je pourrai le développer dans le cadre de notre échange de questions-réponses, si vous le souhaitez.

Je terminerai mon exposé en soulignant que la Croix-Rouge française souhaite fondamentalement être associée à votre réflexion, car elle a des idées. Si l'éthique s'appuie sur des principes, la déontologie consiste à les appliquer. Et relève de cette déontologie notre capacité à faire en sorte que chacun trouve ce qu'il est venu chercher dans notre association, à savoir la reconnaissance.

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La Croix-Rouge a-t-elle une démarche particulière vis-à-vis des jeunes désireux de s'engager dans une action internationale ?

Il est parfois difficile pour les jeunes en fin d'études ou en début d'activité professionnelle de s'engager dans des missions de longue durée. Le recours à des contrats d'engagement pourrait-il, selon vous, résoudre ce problème ?

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Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès

En préparant cette audition, j'ai été frappé de constater, dans un sondage que vous avez fait réaliser par OpinionWay à la fin de l'année 2012, que plus de 80 % des jeunes sont prêts à s'engager pour améliorer la société mais qu'ils sont autant à considérer l'engagement dans le milieu associatif comme insuffisamment encouragé. Quels sont, d'après vous, les leviers pour encourager cet engagement ? Quel est le processus qui, au sein de la Croix-Rouge plus précisément, y conduit ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous parler du programme Red Touch que vous avez élaboré en partenariat avec Coca Cola ?

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J'en profite pour souligner que Coca Cola France était également très présent au vingtième anniversaire d'Unis-cité.

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Jean-Jacques Eledjam, président de la Croix-Rouge française

L'engagement international nous a tous fait rêver. Lorsque j'étais jeune interne des hôpitaux puis chef de clinique, je rêvais d'aller sauver le monde, comme Bernard Kouchner. Mais ce type d'engagement n'est pas aussi anodin qu'on veut bien le dire. Je vais donc vous décrire ce qu'est la Croix-Rouge internationale.

Le Comité international de la Croix-Rouge est une société privée, essentiellement suisse, et constitue le « coeur du réacteur » de la Croix-Rouge. Il gère les affaires internationales de la Croix-Rouge et est seul habilité à intervenir dans les pays en conflit. Parallèlement, la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge réunit 189 sociétés. En règle générale, c'est à la demande de ces sociétés soeurs que nous intervenons. La Croix-Rouge française, qui fait partie des cinq Croix-Rouges internationales les plus importantes, intervient actuellement dans 189 missions à travers le monde, et en particulier en Afrique de l'Ouest.

De nombreux jeunes souhaitent s'engager dans ces missions, mais il ne s'agit pas là de voyages d'agrément : ils doivent apporter leur compétence et leur expertise. J'ai réussi à trouver des solutions de financement pour permettre à de jeunes internes en médecine générale ou communautaire de s'engager dans des missions de six mois à un an en Afrique. Ils ont ainsi pu découvrir une médecine et des pathologies particulières que, fort heureusement, nous ne connaissons pas en France. De tels engagements sont très difficiles, et la Croix-Rouge française les valorise et essaie d'aider ces personnes, même si ce n'est pas simple.

Il ne faudrait pas que l'humanitaire devienne un business. Or c'est un peu le cas dans certains domaines, car on exige aujourd'hui des personnes qui souhaitent faire de l'humanitaire des compétences apprises ailleurs que dans les organisations non gouvernementales (ONG) ou des structures telles que la Croix-Rouge française. Cette considération nous impose de sélectionner les personnes que nous engageons dans des missions internationales.

Nous employons des bénévoles s'engageant sur des temps relativement longs, et pas seulement sur le plan international. Homme de terrain, je me déplace beaucoup dans le réseau de la Croix-Rouge, et je constate que de plus en plus de jeunes actifs participent à la vie de l'association et à sa gouvernance, dont la particularité est d'être associative. La Croix-Rouge est une entreprise importante : elle emploie 18 000 équivalents temps plein, verse 23 000 salaires, comprend 660 établissements et 21 instituts de formation accueillant 20 000 étudiants. Bien que ne faisant pas partie du CAC 40, elle n'a qu'un seul et unique patron en la personne de son président national. Mais sa gouvernance est associative ; elle s'appuie sur un bureau national, un conseil d'administration et un directeur général. Ce dernier assure la maîtrise d'ouvrage d'ensemble, tandis que les directeurs d'établissement assurent la maîtrise d'oeuvre.

Nous sommes actuellement en train de réviser nos statuts afin de pouvoir supprimer les limites d'âge d'entrée et de sortie de la Croix-Rouge. Celles-ci posent problème dans la mesure où les gens s'engagent de plus en plus tardivement dans le monde associatif. Ainsi ai-je pour ma part cessé mon activité professionnelle à Montpellier à l'âge de soixante-neuf ans. Or la limite d'âge pour l'exercice d'un mandat est aujourd'hui fixée à soixante-douze ans. Pour ce qui est des jeunes actifs qui souhaitent prendre des responsabilités au sein de la Croix-Rouge, les contraintes de leur vie de tous les jours les empêchent d'assumer davantage que des responsabilités dans des unités locales. Il est donc important de maintenir le caractère intergénérationnel de l'exercice de ces responsabilités, qui fonde le lien au sein de la société, et d'accompagner autant ceux qui ont servi la Croix-Rouge que ceux qui souhaitent la servir dans le cadre de leur engagement.

Je voudrais souligner la catégorie particulière des « bénévoles actifs » au sein des entreprises. C'est un système que j'ai découvert dans l'agro-alimentaire, qui permet à des salariés de prendre sur leur temps de congé ou sur leur compte épargne-temps un temps de bénévolat qu'ils exercent soit au sein même de leur entreprise, soit dans la société. Nous développons, nous aussi, ce type de pratique auprès des salariés de la Croix-Rouge. Enfin, des entreprises comme Orange, lorsqu'elles recomposent leur panel de salariés, offrent la possibilité aux personnes qu'elles mettent en préretraite de devenir des bénévoles dits « de compétences ». Ceux-ci rejoignent alors nos unités locales et y servent en fonction de leurs compétences. Bref, la Croix-Rouge promeut de multiples dispositifs tout à fait intéressants.

Vous vouliez savoir, monsieur Finchelstein, pourquoi les gens s'engagent à la Croix-Rouge et pas ailleurs, y compris lorsqu'ils sont diplômés de grandes écoles. Cela s'explique, d'une part, par l'attractivité de l'emblème de la Croix-Rouge, qui – je le rappelle – est la seule association autorisée à déposer une gerbe sur les Champs-Élysées. D'autre part, les jeunes s'y engagent, en particulier dans l'urgence et le secourisme, parce qu'ils souhaitent être dans l'action. C'est pourquoi la constitution d'une réserve citoyenne permettant d'assurer des services civiques pourrait les intéresser, à condition de ne l'assortir d'aucune sélection particulière et que tout le monde puisse y être accueilli.

D'ailleurs, si les résultats du sondage que vous avez cités paraissent paradoxaux, c'est parce que la question n'est pas tant de savoir comment amener les jeunes à s'engager à la Croix-Rouge que comment les y retenir. S'ils trouvent dans l'urgence et le secourisme un apprentissage et une opportunité d'engagement, ils attendent aussi de pouvoir les valoriser. C'est d'ailleurs là que réside la différence fondamentale entre les volontaires et les bénévoles. Un volontaire sapeur-pompier n'est pas un bénévole, il est rémunéré à l'action. C'est une forme de valorisation financière que la Croix-Rouge s'interdit d'instituer au profit de ses bénévoles. Par conséquent, pour conserver nos jeunes, il nous faut faire preuve d'inventivité, par exemple en leur offrant la possibilité de faire figurer leur engagement sur leur CV ou en leur consentant certaines priorités. Je ne suis pas sûr que les médailles que nous distribuons leur suffisent. Ce qu'ils veulent, c'est une forme de reconnaissance par la société. Ce problème de reconnaissance, on le retrouve d'ailleurs à l'autre bout de la chaîne, avec certains retraités qui prennent des responsabilités à la Croix-Rouge. Il ne faut pas qu'ils pensent y trouver un moyen de compenser une vie professionnelle ratée en accédant à des fonctions de management. Il est donc autant compliqué de gérer 60 000 bénévoles que de les garder. Il faut leur offrir quelque chose, et le service civique semble la solution.

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Jean-Christophe Combe, directeur de l'engagement et de la vie associative à la Croix-Rouge française

J'ajoute que le sondage précité a mis en évidence le décalage entre le désir d'engagement de la jeunesse et notre capacité à y répondre. Nous interrogeant sur les ressorts de l'engagement des jeunes, sur ce qu'ils en attendaient, nous avons compris qu'ils souhaitaient autant se mettre au service de la société, mener des actions concrètes et fructueuses qu'acquérir des compétences techniques et générales – savoir-être, management, expression, confiance en soi – qui leur soient utiles dans le cadre de leur parcours personnel et professionnel. Nous avons également compris qu'ils ne trouvaient pas toujours une réponse adaptée à leur demande au sein de nos associations, parce que la forme de bénévolat qui leur est proposée implique une formation conséquente, du temps et un engagement long qu'ils ne peuvent pas toujours accorder. Il importe de sortir de ce bénévolat classique en leur offrant des missions plus courtes et donnant lieu assez rapidement à des résultats concrets.

Parallèlement, nous avons conduit avec Coca Cola l'opération Red Touch, qui s'est matérialisée par la création d'une plateforme web dédiée aux jeunes porteurs d'un projet solidaire, que ce soit au sein de la Croix-Rouge ou en dehors de celle-ci. Ces jeunes s'y voient proposer une méthodologie, un financement, des idées, bref un encadrement et une prise en charge à même de les aider à réaliser concrètement leur projet. Ce travail est effectué en lien avec nos unités locales sur l'ensemble du territoire français ; une fois son projet mené à bien, le jeune peut en rester là ou poursuivre son engagement au sein de la Croix-Rouge. L'idée avec cette plateforme, c'est de lui apporter une réponse qu'il ne trouverait pas forcément dans le monde associatif et de faire le lien entre son souhait de s'engager et nos capacités à y répondre.

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Je suis frappé de constater, notamment à l'occasion des cérémonies de remise de médailles en mairie, combien toutes les générations sont représentées dans la typologie de vos bénévoles – jeunes, seniors mais aussi actifs. Qu'en est-il du point de vue de leur origine territoriale ?

L'objet de notre mission étant de déterminer comment développer le sentiment d'appartenance républicaine sur certains territoires, j'aurais souhaité savoir si les jeunes de banlieue sont nombreux à rejoindre les rangs de la Croix-Rouge ou s'il faudrait aller les chercher de façon plus volontariste. L'engagement est, en effet, un facteur d'intégration et de brassage et permet aussi aux jeunes de vivre une expérience unique en début de parcours.

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Jean-Jacques Eledjam, président de la Croix-Rouge française

C'est probablement dans ce domaine que la Croix-Rouge française du XXIe siècle s'exprimera le mieux. Finalement, l'essentiel de son action s'effectue au niveau de l'unité locale, en relation directe avec le terrain. C'est cette unité locale qui tente de régler les problèmes liés à la ruralité, à l'isolement des personnes. À cette fin, d'ailleurs, la Croix-Rouge a inventé des structures spécifiques, telles que « Croix-Rouge sur roues », des expériences de SAMU par lesquelles c'est l'hôpital qui est transporté auprès des patients et non l'inverse.

Aujourd'hui, la question se pose avec acuité de savoir comment la Croix-Rouge pourrait aller « coloniser » les banlieues sur le plan social. J'ai récemment rencontré à ce sujet les Scouts de France, qui sont très implantés dans les banlieues. J'ai également discuté avec des imams militaires lors d'une cérémonie interreligieuse organisée aux Invalides en hommage aux 150 ans de la Croix-Rouge, en présence de catholiques, de protestants, de musulmans et de juifs. J'en ai conclu que deux possibilités s'offrent à nous.

La première tient au respect de notre emblème, reconnu par le droit international humanitaire. Malheureusement, ce respect est en train de disparaître : autrefois respectée comme les pompiers et le SAMU, la Croix-Rouge aujourd'hui ne peut plus accéder à certains quartiers difficiles.

La deuxième façon de toucher les banlieues passerait par la promotion d'un engagement citoyen, la création de sentinelles citoyennes. Réparties par blocs, ces sentinelles seraient des relais pour les gestes de première urgence et les actions de solidarité. C'est là que l'engagement civique pourrait nous servir. Mais plutôt que l'engagement tel que l'exercent les 300 personnes aujourd'hui employées en service civique par la Croix-Rouge – un engagement pour une période définie, en parallèle de leurs études et indemnisé –, qui ne débouche pas sur une intégration positive, c'est à des habitants de ces quartiers qu'il faudrait donner cette stature de sentinelle civique. C'est ainsi que nous pourrions approcher ces populations, en menant un travail avec d'autres associations, en particulier les Scouts de France. L'idée n'est pas neuve puisqu'elle fut défendue par le professeur Marc Gentilini, prédécesseur de Jean-François Mattei à la présidence de la Croix-Rouge française. Déjà, nous n'avions pas réussi notre implantation dans les banlieues parce que notre emblème ne nous suffisait pas. Je suis resté en contact avec des imams pour réfléchir avec eux à la meilleure façon d'implanter la Croix-Rouge, qui a vocation à servir tout le monde, dans des secteurs confrontés à des problèmes communautaires. En tout cas, je crois que le service civique pourrait nous aider.

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Jean-Christophe Combe, directeur de l'engagement et de la vie associative à la Croix-Rouge française

Notre action en direction des jeunes des quartiers est pour nous un axe de travail fort puisque la Croix-Rouge est implantée absolument partout en France, y compris dans ces quartiers. Mais notre objectif n'est pas seulement de nous appuyer sur ces jeunes pour y pénétrer, il est aussi de les en faire sortir. Nous sommes, en effet, très regardants sur la mixité de nos bénévoles et de nos volontaires en service civique, qui s'enrichissent au contact de personnes d'origines géographiques et sociales différentes. J'ajoute que nous menons un travail important avec l'Agence du service civique afin d'assurer cette mixité, de faire sortir ces jeunes de leur quartier et d'y faire venir d'autres jeunes. Pour ce qui est de l'accessibilité géographique, sachez que nous présentons la spécificité d'être très implantés dans le monde rural où nous essayons d'effectuer le même type de travail.

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Jean-Jacques Eledjam, président de la Croix-Rouge française

Pour conclure sur une note d'espoir, je rappelle que notre association accueille 20 000 jeunes bénévoles, auxquels il convient d'ajouter ceux qui étudient dans nos écoles. Cela étant, il nous reste encore du chemin à parcourir, la première étape étant pour la Croix-Rouge de s'ouvrir aux autres associations constituées, afin de mutualiser les moyens et de gagner en performance. C'est ainsi que le lien que nous avons établi avec la Fédération des sapeurs-pompiers, même si cela ne plaît pas à tous les professionnels, va nous permettre d'assurer un maillage de compétences sur le terrain et d'agir conformément à la vocation première de la Croix-Rouge française : servir les autres.

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Merci, messieurs, pour votre disponibilité. Ainsi se termine cette matinée d'auditions.

L'audition s'achève à douze heures cinq.

Membres présents ou excusés

Mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine

Réunion du 26 Mars 2015 à 11 heures.

Présents. – M. Patrick Bloche, M. Xavier Breton, M. Yves Fromion, M. Eduardo Rihan-Cypel,

Excusés. – Mme Patricia Adam, M. Guillaume Bachelay, M. Claude Bartolone, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Bernard Lesterlin.