La séance est ouverte à dix-neuf heures trente.
Après l'audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 21 octobre 2015 à 16 heures 15), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2016.
Article 24 : État B – Mission « Défense »
La commission examine l'amendement DN3 de M. François de Rugy.
Cet amendement propose de diminuer les crédits affectés à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire pour abonder la dotation annuelle consacrée aux opérations extérieures (OPEX). Je rappelle que la composante aéroportée ne représente que 15 % des missions de la dissuasion, qu'elle coûte environ 300 millions d'euros par an, et que cette somme est appelée à augmenter du fait du renouvellement des missiles ASMP-A. En effet, comme vous le savez, nous concevons des missiles dont la durée de vie est de 25 ans mais nous finançons leur remplacement dès leur mise en service.
J'attire également l'attention sur le fait que des voix de plus en plus nombreuses contestent le caractère indispensable de cette composante. Nous en avons eu la démonstration au cours du cycle d'auditions organisé en 2014, y compris de la part d'anciens responsables militaires. Par ailleurs l'actualité est venue nous rappeler que nos soldats déployés en opérations disposent de matériels souvent usés voire dégradés. Cela a été évoqué dans la discussion générale.
Cet amendement propose donc, dans un esprit pragmatique, de supprimer les crédits uniquement affectés à la composante aéroportée de la dissuasion – les crédits transversaux étant maintenus – pour abonder les crédits relatifs aux OPEX.
En 2014, notre commission a organisé un cycle d'auditions sur la dissuasion nucléaire au cours duquel nous avons entendu l'ensemble des acteurs. Le général Mercier, alors chef d'état-major de l'armée de l'air, avait assuré qu'un tel effet d'éviction d'existait pas. Il soutenait au contraire, et nous le rejoignons sur ce point, que les forces aériennes stratégiques « tirent vers le haut » les forces conventionnelles aussi bien pour le ravitaillement en vol, la planification des missions ou encore l'entraînement. Par ailleurs cette mission ne représente que 7 % de l'ensemble des crédits de la dissuasion. Je pense que cela fragiliserait nos armées de réduire les crédits affectés à la dissuasion et j'émets donc un avis défavorable à l'amendement.
Je me souviens parfaitement de l'audition du général Mercier. Je l'avais interpellé suite à ses propos et je ne me souviens pas qu'il ait avancé d'argument concret à l'appui de ceux-ci. Nous sommes en réalité dans l'ordre de la proclamation, mais cela est courant sur ce sujet.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement DN3. Elle examine ensuite l'amendement DN2 de M. François de Rugy.
Cet amendement propose de rompre avec le principe souvent évoqué de « sanctuarisation » des dépenses dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Il y a souvent débat autour de la crédibilité de cette dissuasion et des crédits qui y sont affectés. Mais la dissuasion doit être fondée sur un éventail de forces, et la crédibilité de la défense française doit aussi être fondée sur la crédibilité des forces conventionnelles.
Or ces forces conventionnelles souffrent d'un effet d'éviction et, parfois, d'un déclassement capacitaire. Elles nécessitent d'être entretenues, modernisées ou remplacées. Je rappelle que nos missiles M 51 transportent chacun une charge nucléaire équivalente à 35 fois la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima.
Autant dire qu'avec trois jeux de 16 missiles M 51 et 45 missiles ASMP-A, nous avons atteint le paroxysme de notre force de dissuasion nucléaire. Aussi le présent amendement propose-t-il de diviser par deux les crédits alloués aux études amont qui auraient vocation à permettre une énième modernisation de nos capacités de dissuasion. Ils seraient redéployés afin de satisfaire les besoins plus urgents de nos forces conventionnelles : financement de la politique immobilière afin de réaliser les travaux nécessaires aux troupes déployées notamment dans le cadre de l'opération Sentinelle, et pour accompagner les effectifs supplémentaires déployés dans les unités de la FOT.
Cet amendement propose de diviser par deux le budget des études amont nucléaires. Bien que je pense comme vous qu'il est nécessaire de donner à nos forces conventionnelles les moyens de remplir leurs missions, je ne peux souscrire à la réduction que vous proposez.
En effet, le niveau des crédits accordés aux études amont « nucléaire » dans le cadre du programme 144 suit les recommandations formulées dans le Livre blanc ainsi que les dispositions de la loi de programmation militaire, qui font de la dissuasion nucléaire un élément essentiel de la stratégie de défense nationale.
Or, une dissuasion forte est une dissuasion qui évolue et élève son niveau technologique afin de maintenir sa crédibilité. Il ne peut donc être question de réduire les crédits permettant cette évolution. J'émets donc un avis défavorable.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement DN2. Elle examine ensuite l'amendement DN1 de M. Yves Fromion.
Je n'en voudrais à personne de voter contre mon amendement ! Il n'avait d'autre intérêt que de permettre d'avoir le débat sur la question du financement de l'opération Sentinelle. Les propositions de réaffectation de crédits ne sont évidemment pas opérantes ; je fais de « l'économie circulaire », ce qui n'apporte rien, mais on a les arguments qu'on peut avec les moyens que l'on a ! (Rires). Je souhaite que l'on évoque ce débat dans l'Hémicycle pour montrer que les parlementaires aident le ministre de la Défense dans sa lutte pour obtenir un financement interministériel des missions intérieures.
Nous allons donc remercier M. Fromion d'avoir déposé cet amendement visant à aider le ministre !
Tout le monde a compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Plusieurs intervenants ont souligné au cours de cette réunion les incertitudes qui pèsent sur le financement des surcoûts des missions intérieures en 2015 et à l'avenir. Pour ma part, je n'ai pas été rassuré par la réponse du ministre, qui utilise toujours un langage et un vocabulaire extrêmement précis. Or, vous aurez remarqué qu'il a parlé de « discussion interministérielle » et absolument pas de « financement interministériel ». L'amendement de notre collègue est donc particulièrement bienvenu et j'y émets un avis favorable.
Contre l'avis favorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement DN1. Elle examine ensuite l'amendement DN7 de Mme Isabelle Bruneau.
La subvention pour charges de service public prévue dans le PLF 2016 pour l'Office national d'études et de recherche aérospatiale (ONERA) est insuffisante. En effet, les 105 millions d'euros proposés ne permettront pas à l'ONERA de présenter un budget équilibré pour l'année à venir.
Cet amendement se propose d'augmenter de 15 millions d'euros la subvention allouée à l'ONERA afin d'assurer l'avenir de cet office, indispensable à la recherche aérospatiale militaire et civile. Il propose ainsi d'augmenter, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, de 15 millions d'euros la sous-action 07-04 « Gestion des moyens et subventions » de l'action « Prospective de défense » du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».
En conséquence, il propose de retirer en autorisations d'engagement et en crédits de paiement cette somme modeste des actions suivantes dont la conduite ne sera pas remise en question pour autant :
– 10 millions d'euros sur la sous-action 07-36 « Communiquer-CONTACT » de l'action « Commandement et maîtrise de l'information » du programme 146 « Équipement des forces » ;
– cinq millions d'euros sur la sous-action 11-90 « Investissements pour les opérations d'armement » de l'action « Préparation et conduite des opérations d'armement » du même programme.
Je souhaite expliquer pourquoi j'ai cosigné cet amendement. J'ai bien entendu la réponse donnée par le ministre de la Défense précisant qu'il attendait le plan stratégique de l'ONERA pour conclure une convention avec lui, ce qui permettrait d'abonder son budget. Je comprends tout à fait la nécessité d'une telle convention dès lors que le ministère de la Défense assure 50 % du budget de l'ONERA. L'amendement proposé permet justement à la convention de s'appliquer puisque le budget pour 2016 est en déficit. Or si les ressources ne sont pas au rendez-vous il y aura des choix à faire, y compris peut-être au niveau des personnels de l'ONERA – entre autres. Je soutiens donc cet amendement et le voterai.
Ayant longtemps été rapporteur du programme 144, je ne peux souscrire à cet amendement. Sur le fond, vous avez raison : l'ONERA ne dispose pas de ressources suffisantes. Mais enlever des crédits au programme « Équipement des forces » qui est déjà sous-doté n'est pas envisageable. La démarche au titre d'un amendement d'appel est intéressante, mais nous ne pouvons retirer une somme aussi considérable à nos forces armées qui ont besoin de tous les crédits possibles pour être équipées convenablement. Je saisis l'intérêt de l'amendement mais, aujourd'hui, l'équipement des forces est sacré.
La commission rejette l'amendement DN7.
Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ».
Après avoir entendu les conclusions du rapporteur pour avis s'en remettant à la sagesse de la commission, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Soutien et logistique interarmées » de la mission « Défense ».
Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption les crédits « Préparation et emploi des forces : Forces terrestres » de la mission « Défense ».
Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Préparation et emploi des forces : Marine » de la mission « Défense ».
Après avoir entendu les conclusions du rapporteur pour avis s'en remettant à la sagesse de la commission, celle-ci émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Préparation et emploi des forces : Air » de la mission « Défense ».
Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Équipement des forces – Dissuasion » de la mission « Défense ».
La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.