Avis sur les crédits de la mission Action Extérieure de l'Etat du projet de loi de finances pour 2016
La séance est ouverte à dix-neuf heures quinze.
À l'issue de l'audition, en commission élargie, de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, le lundi 26 octobre 2015, la commission des affaires étrangères examine pour avis les crédits de la mission Action Extérieure de l'État du projet de loi de finances pour 2016.
Nous allons maintenant examiner les amendements déposés sur la mission « Action extérieure de l'État ». Tout d'abord, les amendements 11 et 9 peuvent être mis en discussion commune car ils ont tous les deux pour objet d'augmenter les crédits de la subvention à l'AEFE du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » en prélevant le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ».
Je passe la parole à Pouria Amirshahi pour présenter l'amendement AE11.
Cet amendement s'inscrit dans le prolongement des interventions précédentes sur l'importance du réseau, pour notre pays, pour notre coopération car sur 330 000 élèves scolarisés par ce réseau, 200 000 ne sont pas français. Il s'agit donc d'un enjeu stratégique majeur pour la diffusion de la culture française dans le monde d'accueillir ces jeunes et de tenir compte des augmentations du coût qui ont été évoquées.
Je suis bien conscient des contraintes budgétaires et j'ai bien entendu les réponses du ministre, que je prends comme des encouragements, puisqu'il nous rejoint sur le constat. Le présent amendement entend précisément donner un coup de pouce au ministre en augmentant par transfert les subventions de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) de 15 104 000 euros afin de revenir au niveau de 2014.
J'ajoute que dans beaucoup de pays il ne s'agit pas de venir en aide à des familles aisées. De plus en plus d'expatriés français subissent une augmentation du coût de la scolarité et si une part revient aux familles, une autre au concours des États qui accueillent les écoles françaises, une troisième revient à l'État français par l'attribution d'une subvention pour charges publiques. C'est cette part qui diminue. J'ajoute que la diminution était de 2 % l'année dernière, 3,4 % cette année et qu'en 2017, on arriverait à une baisse de 4 %. Avec mes collègues cosignataires et sans doute d'autres, vous comprendrez que je sois enclin à demander une modification de cette ligne budgétaire.
J'interviens dans la droite ligne de ce que j'ai défendu précédemment et j'aurais peu de choses à ajouter à ce qui vient d'être dit par mon collègue Amirshahi car nous partageons le même constat. Ce constat est simple : 9 millions d'euros de moins en 2014, 8,2 millions de moins en 2015, 14,6 millions en 2016. Depuis trois ans, les budgets de l'AEFE sont en baisse. Qu'il s'agisse des enseignants, des crédits d'investissement, des crédits de scolarité, il y a forcément un impact, même si les établissements peuvent dans une certaine mesure s'adapter. La première année, on trouve des économies, la deuxième plus difficilement et la troisième on n'y parvient plus. Cela finit par entraîner des conséquences, qu'on ne raconte pas le contraire.
L'éducation nationale est une priorité pour ce Gouvernement. Faisons en sorte qu'il s'agisse d'une priorité pour les Français en France comme pour les Français à l'étranger, qu'ils n'aient pas le sentiment d'être traités différemment.
Enfin, je l'ai peut-être dit avec passion, mais je vous assure que l'on ne sait pas quoi répondre aux parents qui sont obligés d'enlever leurs enfants de l'école française à cause du coût de la quotité de frais d'inscription restant à leur charge. Cela créé parfois des situations dramatiques pour les familles.
Je comprends bien les préoccupations de mes collègues et il serait effectivement agréable de pouvoir augmenter une ligne du budget du programme 185, mais je suis défavorable à ces amendements pour trois raisons.
Tout d'abord, la diminution des subventions à l'AEFE est inférieure à la norme de 4 % fixée pour les opérateurs qui s'applique à un opérateur du programme 185 : Campus France. Encore une fois, modérer la diminution de la subvention prévue pour l'AEFE, c'est aggraver à enveloppe constante celles prévues pour le réseau ou d'autres opérateurs, comme Campus France donc et l'Institut français, en grande difficulté.
Ensuite, le ministre a évoqué la qualité de la direction actuelle qui conduit des réformes structurelles qui devraient aboutir à une amélioration du système actuel et qui permettent de faire face aux diminutions
Enfin, j'insiste à nouveau – Yves Durand l'a fait également – sur le fait qu'on peut s'étonner que les nombreuses créations d'emplois du ministère de l'Éducation nationale ne bénéficient pas du tout au réseau de l'enseignement français à l'étranger. Pourtant, un tiers des élèves du réseau à l'étranger sont des Français qui devraient bénéficier de cette priorité. J'ajoute que si on appliquait cette priorité au réseau à hauteur d'un tiers, cela permettrait de recruter 600 enseignants de plus, ce qui serai peu de choses pour l'Éducation nationale mais un apport énorme pour l'AEFE. Cela aiderait incontestablement l'AEFE à conduire les redéploiements d'effectifs.
C'est pourquoi je suis défavorable à ces amendements, mais favorable à ce que le ministre prenne langue avec sa collègue de l'Éducation nationale pour obtenir l'an prochain une participation accrue du ministère de l'Éducation nationale au financement de l'enseignement français à l'étranger.
On peut être sensible à l'argumentation de nos collègues, mais il convient de regarder la consommation effective des crédits. Il se trouve que certains crédits sur la ligne budgétaire consacrée à l'AEFE ne sont pas consommés. Peut-être faudrait-il commencer par regarder ce qu'il en est.
Je vous remercie de me donner la parole. Dans le même sens que les deux intervenants précédents, je souhaiterais restituer le contexte de ces amendements pour montrer qu'il s'agit d'une erreur stratégique que de diminuer la subvention. L'opérateur se déploie dans un contexte extrêmement concurrentiel d'offre éducative, parfois changeant. Cela explique que les lignes ne soient pas toujours consommées. Certaines opérations immobilières sont réalisables au moment où elles sont envisagées, puis cessent de l'être un peu plus tard en raison d'une évolution des prix, comme ce fut le cas récemment à Buenos Aires. C'est pour cette raison que certains crédits ne sont pas consommés.
La baisse des subventions de l'AEFE est un très mauvais choix stratégique car cela empêche l'Agence de participer à l'accroissement du réseau. Certaines ouvertures récentes d'établissements se sont faites sans participation financière de l'Agence. Par exemple le lycée français de Medellin, juste inauguré, n'a reçu aucune subvention, alors qu'il accueillera sur 10 ans environ 1.500 élèves. C'est un problème. En outre, cela affaiblit l'opérateur dans sa relation avec les fondations et les associations locales. Il s'agit d'établissements privés locaux qui soit ont reçu une homologation de la France, soit ont signé une convention avec l'agence.
Or, on assiste de plus en plus souvent à des « déconventionnements » ou des « déshomologations », c'est-à-dire à des ruptures de relations avec la France. Le lycée français de Mexico, principal établissement français à l'étranger, s'est ainsi déconventionné de fait avant la visite du président de la République. Des tentatives similaires ont eu lieu à Rio de Janeiro et à Montevideo.
Le réseau a du mal à se déployer. Lui couper les jambes en réduisant sa voilure budgétaire aujourd'hui n'est pas un bon choix stratégique.
Je partage évidemment les préoccupations qui ont été exprimées par les députés des Français de l'étranger. Nous savons l'importance de ce réseau des lycées français ; il est un vecteur majeur de notre influence et une vitrine de l'excellence française.
Toutefois, je partage l'avis des rapporteurs. La solution réside dans une plus grande implication de l'Éducation nationale qui a par ailleurs un budget bien plus élevé que le ministère des Affaires étrangères. Nous reconnaissons tous les immenses qualités de l'Agence mais nous sommes dans un contexte actuel de contrainte budgétaire. Je suis défavorable à ces amendements, bien qu'ils mettent l'accent sur un vrai sujet.
La commission rejette les amendements AE9 et AE11.
Cet amendement complète le précédent et concerne les bourses.
Je veux insister sur les chiffres.
En 2008, l'aide à la scolarité était de 67 millions d'euros. En 2012, elle était de 125 millions.
L'aide à la scolarité pour les Français de l'étranger a quasiment doublé sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Aujourd'hui, ceux qui n'ont pas les moyens n'ont pas de bourse.
La scolarité était quasiment gratuite. Vous avez décidé d'annuler cela.
Vous avez dit que la baisse de trente millions serait compensée par une augmentation des bourses, mais vous n'avez pas tenu vos engagements, sauf brièvement en 2015. En 2016, on est à 115 millions.
Ainsi, l'aide à la scolarité des expatriés a diminué de 10 % alors que le nombre des expatriés augmentait.
Vous avez attribué la hausse des coûts de la scolarité à l'ancien gouvernement, mais ce n'est pas vrai. Cette évolution est due à une évolution structurelle qui entraîne notamment une hausse des prix du foncier, et cela va continuer, comme vous le savez parfaitement.
Je demande simplement que l'on traite les expatriés de la même façon que les Français de métropole. Je vous le rappelle, Madame la Présidente, ce sont des enfants que l'on retire de l'école française.
La commission rejette l'amendement AE10.
Je mets maintenant les crédits aux voix
Suivant les conclusions des rapporteurs, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », tels qu'ils figurent à l'état B annexé à l'article 24 du projet de loi de finances pour 2016.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.